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12/07/2022 | FRANCE | N°21-11712;21-11713;21-11714

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2022, 21-11712 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 864 F-D

Pourvois n°
Q 21-11.712
R 21-11.713
S 21-11.714 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022
r>La société Kisio Services et Consulting, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Effia Syn...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 864 F-D

Pourvois n°
Q 21-11.712
R 21-11.713
S 21-11.714 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

La société Kisio Services et Consulting, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Effia Synergies a formé les pourvois n° Q 21-11.712, R 21-11.713 et S 21-11.714 contre trois arrêts rendus le 11 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans les litiges l'opposant à la société Transdev Méditerranée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], et respectivement :

1°/ à Mme [H] [G], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à Mme [X] [L], domiciliée [Adresse 2],

3°/ à Mme [M] [B], épouse [R], domiciliée [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Kisio Services et Consulting, de la SCP Fabiani, Luc Thaler et Pinatel, avocat de la société Transdev Méditerranée, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 21-11.712, R 21-11.713 et S 21-11.714 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 11 décembre 2020), Mmes [G], [B] et [L] (les salariées) ont été engagées les 23 octobre 1991, 25 mars 2003 et 18 août 2008 par les sociétés Interlignes, Atugrpa et Keolis, contrats de travail repris par la société Interlignes le 1er octobre 2010.

3. Le 1er février 2012 la société Effia synergie, devenue Kisio Services et Consulting, a été déclarée attributaire du marché relatif à la gestion de la billetterie départementale, hors gares routières d'Aix-en-Provence et de Marseille. Elle a signé avec les salariées des contrats de travail en qualité de chargées de relation client confirmées, sans reprise d'ancienneté.

4. Le 31 mars 2016 la société Kisio Services et Consulting, ayant perdu le marché de la billetterie départementale au bénéfice de la société Transdev Méditerranée, a considéré que les contrats de travail de neuf salariés devaient être repris par cette dernière, laquelle a contesté le transfert de plein droit des contrats de travail.

5. Les salariées ont saisi la juridiction prud'homale pour voir dire si les contrats de travail avaient été, ou non, transférés et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier, vexatoire et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Kisio Services et Consulting fait grief aux arrêts de dire que le contrat de travail des salariées n'a pas été transféré à la société Transdev Méditerranée, de mettre hors de cause cette société, de dire que la rupture du contrat de travail des salariées s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer à chaque salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et des dommages-intérêts pour licenciement brusque, alors :

« 1° / que l'article L. 1224-1 du code du travail s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son activité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'emporte un tel transfert la reprise directe ou indirecte, par le nouveau titulaire d'un marché de prestation de services, des moyens d'exploitation significatifs et nécessaires à la poursuite de ce marché ; qu'en l'espèce, il est constant que pour l'exécution du marché de gestion de la billetterie départementale ‘'Cartreize'‘ et de trois agences commerciales de vente de titres de transport du réseau ‘'Cartreize'‘, le département fournissait au délégataire les locaux et le matériel de ces trois agences, les titres de transport (tickets, cartes magnétiques, etc.), les terminaux de vente de ces titres, les terminaux de paiement par carte bancaire et l'ensemble des documents d'information à destination de la clientèle, ainsi que l'usage du nom commercial ‘'Cartreize'‘ ; qu'il est également constant que la société Transdev Méditerranée, qui s'est vue attribuer ce marché de gestion de la billetterie et les trois agences commerciales, a repris quatre des huit salariés que la société Kisio Services et Consulting, précédent titulaire du marché, avait affectés à l'exécution de ce marché ; qu'en s'abstenant en conséquence de rechercher si la reprise, par la société Transdev Méditerranée, de l'activité de gestion de la billetterie départementale et de trois agences commerciales qui s'adressait à la même clientèle d'usagers du réseau ‘'Cartreize'‘, dans les mêmes locaux, avec des moyens matériels mis à disposition par le département et s'accompagnant de la reprise de la moitié du personnel qui y était affecté, ne caractérisait pas la reprise d'éléments d'exploitation significatifs et nécessaires à la poursuite de l'activité emportant transfert d'une entité économique autonome conservant son identité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ que constitue une entité économique autonome l'ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre ; que l'ensemble organisé de moyens et personnes affectés à l'exécution d'un marché au sein d'une entreprise constitue une entité économique autonome, peu important qu'il ne constitue pas un service distinct dans l'organigramme de l'entreprise ou qu'il soit placé sous l'autorité d'un responsable commun à plusieurs marchés ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le marché de la billetterie départementale ne constitue pas une entité économique autonome, qu'elle ne constitue pas une activité distincte et spécifique au sein de la société Kisio Services et Consulting en raison de son intégration fonctionnelle dans un service plus global dénommé ‘'Billetterie Méditerranée'‘ à l'intérieur duquel le personnel est réparti par type d'activité plutôt que par marché et qu'elle ne possède pas d'autonomie de gestion, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à écarter l'existence d'une entité économique autonome, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3°/ que constitue une entité économique autonome l'ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre ; que l'existence d'une entité économique autonome n'impose pas que l'ensemble du personnel soit affecté exclusivement à l'activité en cause ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Transdev Méditerranée a proposé un nouveau contrat à cinq des huit salariés affectés par la société Kisio Services et Consulting au marché de gestion de la billetterie départementale et de trois agences commerciales et a effectivement repris quatre d'entre eux et que plusieurs des salariés auxquels elle n'a proposé aucun contrat étaient pourtant affectés exclusivement au sein de l'une des agences commerciales dont l'exploitation était concédée par le département ; qu'en relevant encore, pour écarter la reprise d'une entité économique autonome, qu'une partie du personnel de la société Kisio Services et Consulting et notamment le responsable de production travaillait sur plusieurs marchés, cependant que le partage du temps de travail de certains salariés entre plusieurs marchés n'était pas de nature à exclure l'existence d'une entité économique autonome, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a d'abord constaté que le marché de billetterie départementale était intégré fonctionnellement, au sein de la société sortante, dans un service plus global dénommé "Billetterie Méditerranée", à l'intérieur duquel le personnel était réparti par type d'activité (vente, relation clientèle et billetterie) plutôt que par marché, en sorte qu'il ne comportait pas de finalité économique propre.

8. Elle a ensuite relevé que cette activité ne possédait pas d'autonomie de gestion, ni d'affectation d'un personnel dédié puisque, une partie de celui-ci travaillait sur plusieurs marchés et ce, sous l'autorité hiérarchique d'un responsable de production compétent pour le suivi de tous les marchés confiés à la société sortante.

9. Elle a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le marché attribué à la société Transdev Méditerranée ne constituait pas une entité économique autonome au sein de l'entreprise sortante, et a exactement retenu que les contrats de travail des salariées affectées à cette activité n'avaient pu lui être transmis de plein droit.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Kisio Services et Consulting aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kisio Services et Consulting et la condamne à payer à la société Transdev Méditerranée la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen commun produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Kisio Services et Consulting, demanderesse au pourvoi n° Q 21-11.712, R 21-11.713 et S 21-11.714

La société Kisio Services et Consulting fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que le contrat de travail des salariées n'a pas été transféré à la société Transdev Méditerranée, d'AVOIR mis hors de cause la société Transdev Méditerranée, d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail des salariés s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Kisio Services et Consulting à payer à chaque salariée des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et des dommages et intérêts pour licenciement brusque ;

1. ALORS QUE l'article L. 1224-1 du code du travail s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son activité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'emporte un tel transfert la reprise directe ou indirecte, par le nouveau titulaire d'un marché de prestation de services, des moyens d'exploitation significatifs et nécessaires à la poursuite de ce marché ; qu'en l'espèce, il est constant que pour l'exécution du marché de gestion de la billetterie départementale « Cartreize » et de trois agences commerciales de vente de titres de transport du réseau « Cartreize », le département fournissait au délégataire les locaux et le matériel de ces trois agences, les titres de transport (tickets, cartes magnétiques, etc.), les terminaux de vente de ces titres, les terminaux de paiement par carte bancaire et l'ensemble des documents d'information à destination de la clientèle, ainsi que l'usage du nom commercial « Cartreize » ; qu'il est également constant que la société Transdev Méditerranée, qui s'est vue attribuer ce marché de gestion de la billetterie et les trois agences commerciales, a repris quatre des huit salariés que la société Kisio Services et Consulting, précédent titulaire du marché, avait affectés à l'exécution de ce marché ; qu'en s'abstenant en conséquence de rechercher si la reprise, par la société Transdev Méditerranée, de l'activité de gestion de la billetterie départementale et de trois agences commerciales qui s'adressait à la même clientèle d'usagers du réseau « Cartreize », dans les mêmes locaux, avec des moyens matériels mis à disposition par le département et s'accompagnant de la reprise de la moitié du personnel qui y était affecté, ne caractérisait pas la reprise d'éléments d'exploitation significatifs et nécessaires à la poursuite de l'activité emportant transfert d'une entité économique autonome conservant son identité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE constitue une entité économique autonome l'ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre ; que l'ensemble organisé de moyens et personnes affectés à l'exécution d'un marché au sein d'une entreprise constitue une entité économique autonome, peu important qu'il ne constitue pas un service distinct dans l'organigramme de l'entreprise ou qu'il soit placé sous l'autorité d'un responsable commun à plusieurs marchés ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le marché de la billetterie départementale ne constitue pas une entité économique autonome, qu'elle ne constitue pas une activité distincte et spécifique au sein de la société Kisio Services et Consulting en raison de son intégration fonctionnelle dans un service plus global dénommé « Billetterie Méditerranée » à l'intérieur duquel le personnel est réparti par type d'activité plutôt que par marché et qu'elle ne possède pas d'autonomie de gestion, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à écarter l'existence d'une entité économique autonome, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE constitue une entité économique autonome l'ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre ; que l'existence d'une entité économique autonome n'impose pas que l'ensemble du personnel soit affecté exclusivement à l'activité en cause ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Transdev Méditerranée a proposé un nouveau contrat à cinq des huit salariés affectés par la société Kisio Services et Consulting au marché de gestion de la billetterie départementale et de trois agences commerciales et a effectivement repris quatre d'entre eux et que plusieurs des salariés auxquels elle n'a proposé aucun contrat étaient pourtant affectés exclusivement au sein de l'une des agences commerciales dont l'exploitation était concédée par le département ; qu'en relevant encore, pour écarter la reprise d'une entité économique autonome, qu'une partie du personnel de la société Kisio Services et Consulting et notamment le responsable de production travaillait sur plusieurs marchés, cependant que le partage du temps de travail de certains salariés entre plusieurs marchés n'était pas de nature à exclure l'existence d'une entité économique autonome, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-11712;21-11713;21-11714
Date de la décision : 12/07/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2022, pourvoi n°21-11712;21-11713;21-11714


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.11712
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