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11/12/2020 | FRANCE | N°17/14561

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 11 décembre 2020, 17/14561


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2020



N° 2020/308



Rôle N° RG 17/14561 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA7RX







SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT



C/



[R] [J]













Copie exécutoire délivrée le :



11 DECEMBRE 2020



à :



Me Fabien GUERINI de la SELARL CONSULTIS AVOCATS, avocat au barreau de TOULON



Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





+ 1 copie pôle emploi













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DIGNE-LES-BAINS en date du 04 Juillet 2017 enregistré au répertoire gé...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2020

N° 2020/308

Rôle N° RG 17/14561 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA7RX

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

C/

[R] [J]

Copie exécutoire délivrée le :

11 DECEMBRE 2020

à :

Me Fabien GUERINI de la SELARL CONSULTIS AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

+ 1 copie pôle emploi

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DIGNE-LES-BAINS en date du 04 Juillet 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00003.

APPELANTE

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, demeurant [Adresse 2] / FRANCE

représentée par Me Fabien GUERINI de la SELARL CONSULTIS AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Madame [R] [J], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Laurent VILLEGAS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Laëtitia CUBAUD-MAHUT, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2020,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [R] [J] a été embauchée en qualité de chargée d'accueil commercial le 20 juillet 2010 par la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC).

Son contrat de travail prévoyait une clause de mobilité sur les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

Madame [R] [J] a exercé les fonctions de conseiller commercial à compter du 1er janvier 2012, puis de conseiller clientèle.

Elle était affectée à l'agence de [Localité 3].

À compter du 30 septembre 2013, Madame [R] [J] a bénéficié d'un congé maternité, puis d'un congé parental de 6 mois, intégrant le congé d'allaitement supplémentaire de 45 jours.

Sa reprise de travail était prévue à la date du 5 septembre 2014.

Par courrier du 16 juillet 2014, la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT a informé Madame [J] qu'elle était mutée en qualité de conseillère commerciale au sein de l'agence de [Localité 4] à effet du 1er septembre 2014, avec une augmentation de sa rémunération annuelle brute portée à 24 500 euros.

Par courrier du 25 août 2014, Madame [R] [J] a contesté sa mutation. Elle ne s'est pas présentée à son poste à [Localité 4] le 5 septembre 2014. Elle a été en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 22 octobre 2014.

Par courrier recommandé du 1er décembre 2014, Madame [R] [J] a confirmé son refus de rejoindre son affectation au sein de l'agence de [Localité 4] et a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Madame [R] [J] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de sa prise d'acte de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une demande en paiement d'indemnités de rupture.

Par jugement de départage du 23 mai 2017, le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains a dit que la prise d'acte du 1er décembre 2014 devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à régler à Madame [R] [J] :

-2947,68 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement,

-3684,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-368,46 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

-11 053,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner d'office le remboursement de tout ou partie des indemnités de chômage, a ordonné à la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT de remettre à Madame [R] [J] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail, a rejeté la demande d'astreinte afférente à la remise de ces documents, a rappelé l'exécution provisoire du jugement en application des articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail et ce dans la limite maximale de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires, a rejeté le surplus des demandes et a condamné la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT aux entiers dépens de l'instance.

Ayant relevé appel, la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT conclut, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 octobre 2017, au vu des pièces du dossier, de la jurisprudence, de l'article L.1225-55 du code du travail et de l'article 700 du code de procédure civile, à ce qu'il soit jugé que la SMC n'a commis aucun manquement ni aucune faute en réintégrant Madame [J] sur un poste sur [Localité 4] similaire à son poste antérieur sur Digne, au terme de son congé parental, à ce qu'il soit jugé que les faits évoqués par Madame [J] ne sont pas constitutifs de fautes d'une gravité suffisante pour rendre totalement impossible la poursuite du contrat de travail, en conséquence, à la réformation du jugement entrepris, à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de Madame [J] doit produire les effets d'une démission, au débouté de Madame [J] de l'intégralité de ses demandes salariales et indemnitaires, à la condamnation de Madame [J] à verser à son ancien employeur la somme de 3684,60 euros au titre du préavis non exécuté et à la condamnation de Madame [J] à prendre en charge les frais irréductibles supportés par la SMC à hauteur de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [R] [J] conclut, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2017, au visa des articles L.1222-1 et L.1225-55 du code du travail et des pièces versées aux débats, à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains en date du 4 juillet 2017 en ce qu'il a dit et jugé que la prise d'acte du 1er décembre 2014 devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la réformation du jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains en date du 4 juillet 2017 concernant les sommes allouées à Madame [J] en réparation de l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, à la condamnation de l'employeur au paiement des sommes suivantes :

-22 107,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

-3684,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-368,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

-2947,68 euros à titre d'indemnité de licenciement,

à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains en date du 4 juillet 2017 en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à ce qu'il soit jugé que la demande de l'employeur tendant à la condamnation de la salariée au paiement d'une indemnité en raison de l'inexécution de son préavis doit se voir opposer une fin de non-recevoir issue de la prescription et en tout état de cause est sans objet à défaut de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en démission, à la condamnation enfin de l'employeur à la remise d'un certificat de travail, d'un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et au paiement de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2019.

L'affaire, initialement fixée pour y être jugée à l'audience collégiale du 5 décembre 2019 à 14 heures, a été renvoyée à la demande des conseils des parties à l'audience du 6 février 2020 à 14 heures, puis à l'audience du 12 octobre 2020 à 9 heures en raison de mouvements de grève des avocats.

SUR CE :

Sur la rupture du contrat de travail :

La SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, qui critique le jugement de départage qui a considéré que la société SMC ne produisait aucun document contractuel démontrant que Monsieur [P] aurait occupé, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, l'ancien poste de travail dévolu à Madame [J], au retour de celle-ci de son congé parental d'éducation début septembre 2014, fait valoir qu'elle verse en cause d'appel le contrat de travail de Monsieur [P] embauché en CDI à temps complet le 15 février 2010 et les divers éléments justifiant de son affectation au sein de l'agence de Digne en remplacement de Madame [J] à compter du 1er octobre 2013 pour des raisons objectives et sérieuses, pour pouvoir en effet s'occuper de son enfant malade.

La société SMC soutient que le poste précédemment dévolu à Madame [J] sur l'agence de Digne n'était plus disponible lorsque le congé parental de cette dernière a pris fin en septembre 2014, que Madame [J] n'avait aucun droit prioritaire sur Monsieur [P] pour retrouver son poste à Digne, ni aucun droit acquis et absolu à reprendre "son" poste à Digne, que contrairement à ce qui est prétendu par la salariée, le poste de conseiller de clientèle qui lui a été offert au sein de l'agence de [Localité 4] n'était pas qu'un poste de chargée d'accueil, que tous les conseillers de clientèle ne bénéficient pas d'un bureau individuel, sans que cela ne leur enlève rien à leur capacité de travail, étant précisé que le conseiller de clientèle a aussi en charge l'accueil de la clientèle, tout comme un chargé d'accueil, que la SMC a proposé à la salariée un poste en tous points similaire à celui qu'elle occupait auparavant, sans aucune modification de son contrat de travail, si ce n'est une augmentation de salaire, que la SMC n'a pas pris en considération l'état de grossesse de la salariée pour lui proposer une mutation d'emploi, comme soutenu par Madame [J], alors que la proposition de mutation d'emploi a été faite par écrit du 16 juillet 2014, soit après l'accouchement de la salariée, que Madame [J] fait référence aux accords salariaux prévoyant une prise en charge des frais de déplacement dans certaines conditions en cas de mise en 'uvre de la clause de mobilité, alors que la SMC n'a pas mis en 'uvre la clause de mobilité de Madame [J] mais lui a proposé, à son retour de congé parental, un poste identique à celui qu'elle occupait précédemment à [Localité 3], qu'au surplus, cette mutation n'imposait aucune contrainte supplémentaire de transport (67 km par jour de [Localité 6] à [Localité 4] au lieu de 53 km par jour précédemment), qu'enfin, l'accord de mobilité invoqué par Madame [J] ne lui était pas applicable puisqu'il prévoit une indemnisation supplémentaire et des indemnités kilométriques lorsque le collaborateur fait plus de 40 km pour se rendre sur son lieu de travail (soit 80 km aller-retour), que Madame [J] ne peut invoquer un quelconque manquement de l'employeur, qu'il convient de réformer le jugement et de dire que la prise d'acte de Madame [J] n'était pas justifiée et qu'elle doit produire les effets d'une démission.

Madame [R] [J] fait valoir, à titre principal, qu'elle était prioritaire à être maintenue dans son précédent emploi, à titre subsidiaire, que la clause de mobilité ne pouvait être mise en 'uvre à l'issue du congé maternité qu'en cas de preuve de l'impossibilité pour l'employeur de maintenir la salariée à son poste, que la SMC n'a pas justifié devant le premier juge que Monsieur [P] était employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et affecté au sein de l'agence de Digne à la date du retour de Madame [J], que la société SMC produit pour la première fois devant la cour d'appel des pièces 37 à 42, soit près de trois ans après la saisine du conseil de prud'hommes, que quand bien même les documents produits très tardivement par l'employeur seraient de nature à convaincre qu'effectivement, Madame [J] a été remplacée sur son poste au sein de l'agence de Digne, Monsieur [P] devait certainement être soumis, comme Madame [J], à une clause de mobilité, comme cela ressort de son contrat de travail du 8 février 2010, que Monsieur [P] pouvait parfaitement intégrer l'agence de [Localité 4] dès le 1er octobre 2013 au poste qui a été proposé à Madame [J], qu'il n'y avait strictement aucune raison d'affecter Madame [J] à [Localité 4] et de maintenir ce salarié remplaçant à Digne-les-Bains, qu'en effet, Madame [J] était juridiquement prioritaire sur ce poste, protégée par l'article L.1225-55 du code du travail selon lequel, à son retour de congé parental, elle devait par priorité retrouver son emploi, qu'enfin, cette mutation a été notifiée à Madame [J] à une date relativement proche de son caractère effectif initial (16 juillet : date d'envoi - 1er septembre), en pleine période estivale, alors que la SMC connaissait sa situation familiale et ce, alors que l'employeur avait déjà courant 2013 l'intention ferme et définitive d'affecter Madame [J] à [Localité 4] (courriel du 21 août 2013 produit par l'employeur), qu'il est donc particulièrement choquant que l'employeur ait attendu une année entière pour notifier son intention à sa salariée, que dans ces conditions, l'employeur a violé l'article L.1225-55 du code du travail et a mis en 'uvre de mauvaise foi la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail de la salariée.

Madame [J] soutient également que le poste de [Localité 4] n'est pas un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente au sens de l'article L.1225-55 du code du travail, que cette affectation au sein de l'agence de [Localité 4] avait pour effet immédiat d'entraîner des trajets quotidiens plus importants (87,8 km par jour au lieu de 53 km), qu'en outre, cette mutation l'obligeait à faire garder sa fille une journée de plus, que les frais induits par les trajets et la réorganisation familiale étaient importants, de sorte que la rémunération diminuait nécessairement, puisqu'amputée de frais supplémentaires pour les besoins du travail, qu'en outre, en cas de mutation, les accords salariaux prévoient une prime de 1500 euros outre une indemnité kilométrique à partir du 41ème kilomètre, ce dont la SMC a fait totalement abstraction dans son courrier du 16 juillet 2014, que Madame [J] ne disposait pas d'un bureau dédié en qualité de conseiller commercial à l'agence de [Localité 4] et qu'elle aurait dû travailler en permanence au guichet, qu'ainsi l'affectation proposée entrait en contradiction avec la mission stipulée au contrat de travail et entraînait une dégradation de ses conditions de travail, que l'employeur a donc exécuté de mauvaise foi le contrat de travail et a violé l'article L.1225-55 du code du travail et que ces manquements graves justifient la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée aux torts de l'employeur.

***************

Selon les dispositions de l'article L.1225-25 du code du travail, à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Il en est de même à l'issue du congé parental d'éducation en vertu des dispositions de l'article L.1225-55 du même code.

Il résulte de ces textes que la réintégration de la salariée doit se faire en priorité dans le précédent emploi.

La SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT reconnait avoir accepté la demande de mutation de Monsieur [P], employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, et l'avoir affecté sur l'ancien poste de conseiller de clientèle occupé par Madame [J] au sein de l'agence de Digne.

Il ressort du mail adressé par le service des ressources humaines le 21 août 2013 à [Y] [D] (pièce 28 versée par SMC) que la décision d'affectation de Monsieur [G] [P] "en qualité de CC à Digne en remplacement de [R] [J] (en maternité et qui reprendra un poste de CC 50 à son retour à [Localité 4]) à compter du 1er octobre 2013" a été prise à tout le moins le 21 août 2013.

Il convient d'observer que cette décision de la SMC a été prise alors que la salariée, ayant informé son employeur le 22 mai 2013 de son état de grossesse et du début de son congé maternité le 30 septembre 2013 (télécopie adressée le 22 mai 2013 à la SMC - pièce 38 versée par la salariée), était en arrêt de travail pour maladie depuis le 31 juillet 2013 (maladie du 31 juillet au 10 août 2013, congés payés du 13 août au 3 septembre 2013, maladie du 4 septembre au 15 septembre 2013, repos pathologique du 16 septembre au 29 septembre 2013 et congé maternité à compter du 30 septembre 2013 selon "justificatif de l'absentéisme de Mme [R] [J]" établi par la SMC).

Madame [R] [J] indiquait d'ailleurs à la société SMC, par courrier du 20 juin 2014 ayant pour objet la "fin de congé parental" avec reprise annoncée pour le 5 septembre 2014 : «avant mon départ en congé maternité j'ai appris par des collègues que j'avais été remplacée car quelqu'un était muté sur mon poste ; ce que vous m'avez confirmé en août 2013 par téléphone alors que j'étais en arrêt maladie ; que je ne retrouverai pas mon poste sur Digne à mon retour de congé maternité ; Vous avez sous-entendu que ma nouvelle affectation serait [Localité 4] est-ce toujours le cas '' ».

La SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT reconnaissait dans son courrier du 28 août 2014 que la mutation de Madame [J] sur [Localité 4] avait été annoncée à cette dernière dès le mois d'août 2013 ("Sur le délai de prévenance, il convient de noter que le courrier en date du 16 juillet pour une reprise le 1er septembre ne fait que confirmer une information portée à votre connaissance dès le mois d'août 2013, soit plus d'un an avant votre reprise, par votre Spécialiste RH [F] [S]").

Il résulte de ces éléments que la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT avait organisé, avant le terme de la protection légale dont bénéficiait Madame [J], le remplacement définitif de cette dernière sur son poste de conseiller clientèle sur l'agence de Digne et la mutation de la salariée sur l'agence de [Localité 4].

Elle avait ainsi mis en 'uvre des mesures aboutissant à l'indisponibilité du poste de Madame [J] lors de son retour de congé parental, privant d'effet l'obligation qui lui incombait de réintégrer en priorité la salariée dans son ancien poste en vertu de l'article L.1225-55 du code du travail.

C'est donc en toute mauvaise foi que la société SMC, en disposant librement du poste occupé par Madame [J] en congé maternité puis en congé parental d'éducation, a prétendu ne pouvoir réintégrer cette dernière que dans un emploi similaire.

Contrairement à ce que la société prétend, Madame [J] était prioritaire pour réintégrer son poste, qui n'était pas devenu indisponible au seul motif qu'il était occupé par un autre salarié.

De surcroît, alors que la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT prétend qu'elle ne pouvait muter Monsieur [P], qui avait sollicité son affectation dans la région de Digne pour pouvoir s'occuper de son enfant malade, pour le "confort" de Madame [J], verse la fiche individuelle de ce salarié dont il résulte qu'il a pourtant obtenu une nouvelle affectation sur [Localité 5] le 9 juin 2015.

En conséquence, la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT a délibérément violé ses obligations légales relatives à la protection de la maternité et du congé parental d'éducation en ne réintégrant pas la salariée en priorité dans son précédent emploi.

Ces manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte de Madame [J] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les sommes allouées au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés sur préavis, calculés sur la base d'un salaire mensuel brut de 1842,30 euros, ne sont pas discutées dans leur montant. Le jugement est donc confirmé du chef de ces condamnations, sauf à préciser que le montant de l'indemnité légale de licenciement est net et non brut.

Madame [R] [J] produit des avis de situation du Pôle emploi justifiant du refus de cet organisme de prendre en charge la salariée au motif qu'elle avait démissionné de son emploi, puis de l'ouverture de droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 21 octobre 2015 (14 jours indemnisés à raison de 33,12 euros brut par jour sur la période du 21 octobre 2015 au 30 novembre 2015), un certificat de travail de l'HOTEL DE PLEIN AIR HIPPOCAMPE l'ayant employée en qualité d'agent d'entretien du 18 mai 2015 au 15 juin 2015, un certificat de travail de la Banque Populaire des Alpes attestant de son embauche en qualité d'attaché commercial au titre d'un contrat à durée déterminée du 18 juin 2015 au 1er octobre 2015 et des arrêtés du Département des Alpes de Haute Provence prévoyant son engagement en qualité d'adjoint administratif à compter du 9 novembre 2015 jusqu'au 31 janvier 2016, ainsi que des prescriptions médicamenteuses établies par un médecin psychiatre les 10 septembre, 24 septembre et 13 octobre 2014.

En considération des éléments versés sur son préjudice, de l'ancienneté de la salariée de 4 ans dans l'entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Madame [R] [J] la somme brute de 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande reconventionnelle de la SMC :

Alors il a été jugé que la prise d'acte de Madame [J] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de débouter la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT de sa demande de condamnation de la salariée au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis en raison de sa démission.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise par la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT d'une attestation Pôle emploi rectifiée, en conformité avec le jugement, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise d'un certificat de travail rectifié, la décision de la Cour de céans ne modifiant pas les dates et qualification de l'emploi de la salariée, ni la remise d'un reçu pour solde de tout compte rectifié, le présent arrêt valant inventaire des sommes versées à la salariée à l'occasion de la rupture de son contrat de travail.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Il convient d'ordonner d'office, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur fautif au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limité de six mois d'indemnités.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Reçoit les appels en la forme,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte du 1er décembre 2014 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à régler à Madame [R] [J] 2947,68 euros d'indemnité légale de licenciement, sauf à préciser que ce montant est net, 3684,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 368,46 euros de congés payés sur préavis et 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT de ses demandes reconventionnelles et en ce qu'il a ordonné la délivrance par la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT de l'attestation Pôle emploi rectifiée,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points réformés,

Condamne la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Madame [R] [J] 14 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage, en vertu de l'article L.1235-4 du code du travail,

Condamne la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT aux dépens et à payer à Madame [R] [J] 2000 euros supplémentaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette tout autre prétention,

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe de la Cour au Pôle emploi PACA.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 17/14561
Date de la décision : 11/12/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°17/14561 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-11;17.14561 ?
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