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07/07/2022 | FRANCE | N°21-10611

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 juillet 2022, 21-10611


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2022

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 827 F-D

Pourvoi n° T 21-10.611

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022

Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2022

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 827 F-D

Pourvoi n° T 21-10.611

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022

Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-10.611 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Yvelines, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de Mme [O], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société [5], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [6], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 janvier 2020), Mme [O] (la victime), salariée de la société [5], entreprise de travail temporaire, et mise à disposition de la société [6] (l'entreprise utilisatrice), a été victime d'un accident du travail le 8 juin 2015.

2. Elle a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés temporaires victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2 du code du travail ; qu'en cause d'appel, la victime faisait valoir qu'engagée comme intérimaire sur un poste de « préparation-conduite de véhicules », elle pouvait être amenée à tenir le poste de conductrice de véhicule qui figure sur la liste des postes prévue à l'article L. 4154-1 du code du travail, que la préparation des véhicules appelait en elle-même une formation renforcée aux gestes et postures, ces tâches de préparation ayant été par ailleurs considérées comme présentant un risque spécifique résultant de la possibilité d'un enclenchement fortuit de la vitesse d'un véhicule automatique dont le moteur était en marche sur la chaîne, ce qui avait donné lieu, d'après le rapport de l'inspecteur du travail, à une modification du document unique d'évaluation des risques suite à son accident du travail ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la présomption de faute inexcusable de l'employeur, que les tâches occupées par la victime n'étaient pas définies par le contrat de travail et le rapport de l'inspection du travail comme l'exposant à un risque particulier pour la santé ou la sécurité, sans rechercher si les conditions réelles dans lesquelles la salariée intérimaire avait occupé son poste ne l'exposaient pas à un tel risque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4154-2 et L. 4154-2 (lire L. 4154-3) du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 4154-3 du code du travail que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, est présumée établie pour les salariés temporaires, victimes d'un accident du travail, alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'ont pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité prévue par l'article L. 4154-2 du code du travail.

5. L'arrêt relève que la victime, titulaire d'un contrat de mission mentionnant son affectation sur un poste de « préparation de véhicules-conduite de véhicules », était effectivement occupée, au moment de l'accident, à la préparation de véhicules. Il constate que le poste est mentionné sur le contrat de travail comme ne figurant pas sur la liste de l'article L. 4154-2 du code du travail, et qu'il ressort du rapport de l'inspection du travail que la mission de préparation de véhicule consistait à mettre en route la radio, faire le nettoyage intérieur, chercher le livret dans le coffre de la voiture pour le mettre dans la boîte à gants, installer les accessoires, insérer la carte SD dans l'autoradio et coller la vignette d'assurance. Il précise que si ce poste pouvait inclure une conduite de véhicule, il n'était pas entièrement dédié à la conduite, sur parc, avec possibilité de chargement de barge ou de fer. Il ajoute que l'inspection du travail n'a pas identifié le poste occupé par la victime comme devant être inscrit sur la liste prévue à l'article L. 4154-2. Il retient que les tâches confiées à la victime ne révélaient pas de risque particulier.

6. De ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu déduire que la victime n'était pas affectée au jour de l'accident à un poste de travail identifié comme présentant des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de la présomption de faute inexcusable prévue par l'article L. 4154-3 du code du travail.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La victime fait le même grief à l'arrêt, alors « que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que selon le rapport de l'inspection du travail, la société utilisatrice n'avait pas pris en compte le risque de mise en marche d'un véhicule équipé d'une boîte automatique sur la chaîne de préparation et qu'à la suite de l'accident de la victime, celle-ci a interdit la mise en marche des moteurs des véhicules présents sur cette chaîne, mis à jour le document unique de déclaration des risques et affiché des consignes en ce sens ; qu'en retenant cependant, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, que cet accident, auquel la société n'avait jamais été confronté auparavant, était imprévisible, de sorte qu'il n'était pas établi que la société utilisatrice aurait dû avoir conscience du danger auquel la salariée avait été exposée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

10. L'arrêt relève que l'accident s'est produit alors que la victime était sur la chaîne de préparation, à l'arrière d'un véhicule automobile, penchée vers le coffre, et que le véhicule suivant, moteur en marche, frein desserré, doté d'une boîte automatique, a avancé subitement et l'a percutée. Il constate qu'à la suite de l'accident, la société a interdit la mise en marche des moteurs sur la chaîne de préparation, a mis à jour le document unique de sécurité et a affiché des consignes en ce sens. Il retient que la cause de l'accident n'est pas déterminée avec certitude dès lors que le risque d'enclenchement fortuit d'une vitesse dû aux vibrations du tapis roulant ou à un geste malencontreux d'un salarié sur un véhicule équipé d'une boîte automatique n'avait pas été démontré techniquement. Il en déduit qu'un tel accident, qui ne s'était jamais produit, était imprévisible, peu important la modification ultérieure des règles de sécurité ou l'absence de système d'arrêt d'urgence de la chaîne qui n'aurait pas permis d'empêcher l'avancée du véhicule.

11. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a pu déduire que l'entreprise utilisatrice ne pouvait avoir conscience du danger résultant pour le salarié de l'avancée intempestive d'un véhicule sur la chaîne de préparation, de sorte qu'elle n'avait pas commis de faute inexcusable.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour Mme [O]

Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes ;

1°) ALORS QUE la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés temporaires victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2 du code du travail ; qu'en cause d'appel, Mme [O] faisait valoir (conclusions, p. 5 et 6), qu'engagée comme intérimaire sur un poste de « préparation-conduite de véhicules », elle pouvait être amenée à tenir le poste de conductrice de véhicule qui figure sur la liste des postes prévue à l'article L. 4154-1 du code du travail, que la préparation des véhicules appelait en elle-même une formation renforcée aux gestes et postures, ces tâches de préparation ayant été par ailleurs considérées comme présentant un risque spécifique résultant de la possibilité d'un enclenchement fortuit de la vitesse d'un véhicule automatique dont le moteur était en marche sur la chaîne, ce qui avait donné lieu, d'après le rapport de l'inspecteur du travail, à une modification du document unique d'évaluation des risques suite à son accident du travail ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la présomption de faute inexcusable de l'employeur, que les tâches occupées par Mme [O] n'étaient pas définies par le contrat de travail et le rapport de l'inspection du travail comme l'exposant à un risque particulier pour la santé ou la sécurité, sans rechercher si les conditions réelles dans lesquelles la salariée intérimaire avait occupé son poste ne l'exposaient pas à un tel risque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4154-2 et L. 4154-2 du code du travail ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que selon le rapport de l'inspection du travail, la société [6] n'avait pas pris en compte le risque de mise en marche d'un véhicule équipé d'une boîte automatique sur la chaîne de préparation et qu'à la suite de l'accident de Mme [O], celle-ci a interdit la mise en marche des moteurs des véhicules présents sur cette chaîne, mis à jour le document unique de déclaration des risques et affiché des consignes en ce sens ; qu'en retenant cependant, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, que cet accident, auquel la société n'avait jamais été confronté auparavant, était imprévisible, de sorte qu'il n'était pas établi que la société [6] aurait dû avoir conscience du danger auquel la salariée avait été exposée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-10611
Date de la décision : 07/07/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 jui. 2022, pourvoi n°21-10611


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Marc Lévis, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.10611
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