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06/07/2022 | FRANCE | N°21-12242

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2022, 21-12242


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 822 F-D

Pourvoi n° R 21-12.242

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

M. [V] [Z], domicilié [

Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-12.242 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 822 F-D

Pourvoi n° R 21-12.242

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

M. [V] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-12.242 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société Dekra Industrial, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Norisko, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Dekra Industrial, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 14 décembre 2020), M. [Z] a été engagé le 7 février 2008 par la société Norisko, aux droits de laquelle vient la société Dekra Industrial, en qualité de directeur des relations sociales. Le contrat de travail prévoyait le paiement d'une prime sur objectifs individuels pouvant atteindre 10 % de la rémunération annuelle.

2. Le 1er septembre 2017, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 17 675,90 euros bruts outre les intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2017 au titre du rappel de salaire correspondant à la prime contractuelle sur objectifs, alors « que le salarié ne peut être privé d'un élément de rémunération versé en contrepartie de son activité auquel il peut prétendre au prorata de son temps de présence ; qu'en écartant la demande de l'exposant au titre de l'année 2017 aux motifs qu'une prime dite d'objectifs ne peut être versée prorata temporis que si une disposition contractuelle ou conventionnelle le prévoit ou qu'un usage est prouvé au sein de l'entreprise, quand elle avait relevé que ladite prime constituait ‘‘la partie variable de la rémunération'' versée au salarié en contrepartie de son activité, fixée ‘‘à 70 % au regard de la performance individuelle, celle-ci étant évaluée avec un indicateur financier, un indicateur qualitatif et un indicateur managérial'', de sorte qu'elle s'acquérait au prorata du temps de présence de la salariée dans l'entreprise au cours de l'exercice, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

6. Il en résulte que si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement.

7. Pour dire que le salarié ne peut prétendre au paiement d'une partie de la prime d'objectifs contractuellement prévus pour l'année 2017, l'arrêt retient que, sur le principe, le droit au paiement prorata temporis d'une indemnité dite d'objectifs d'un membre du personnel ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve, et qu'en l'occurrence, le salarié ne rapporte pas cette preuve.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la prime constituait une partie variable de la rémunération du salarié versée en contrepartie de son activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à 17 675,90 euros bruts, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2017, la somme que la société Dekra Industrial est condamnée à payer à M. [Z] au titre du rappel de salaire correspondant à la prime contractuelle sur objectifs, l'arrêt rendu le 14 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne la société Dekra Industrial aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dekra Industrial et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. [Z]

Premier moyen de cassation

Monsieur [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande visant à dire et juger que les manquements graves de la société Dekra Industrial justifient la prise d'acte par Monsieur [Z] de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, à requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à condamner en conséquence la société Dekra Insdustrial à diverses sommes ;

Alors que le défaut de paiement d'une partie des salaires est un manquement suffisamment grave justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié dès lors qu'il est constaté que celui-ci a contesté les manquements de son employeur et que ce dernier n'a pas régularisé la situation avant la prise d'acte; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le non-paiement injustifié de tout ou partie de la part variable de la rémunération depuis 2013 du salarié est établie, condamnant l'employeur à ce titre à une somme de 17 675,90 euros bruts outre les intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2017 au titre du rappel de salaire correspondant à la prime contractuelle sur objectifs ; que le salarié avait contesté plusieurs fois ces manquements répétés de l'employeur qui a refusé de régulariser la situation qui a perduré jusqu'à la prise d'acte (v. arrêt pp. 6 et 7), l'employeur persistant en outre à ne pas fixer d'objectifs annuels au salarié, rendant ainsi impossible l'application du contrat de travail en ce qui concerne la détermination de la part variable de la rémunération (v. arrêt 7 al. 3 et 4 ) ; qu'en considérant néanmoins que « il ne s'agit pas d'un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail, ceci ne l'ayant pas empêché pendant 4 ans, de sorte qu'il conviendra de considérer que la prise d'acte de la rupture de son contrat travail par M. [Z] doit produire les effets d'une démission » (arrêt p. 10, avant dernier alinéa), la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1 et L. 1231-1 du code du travail.

Deuxième moyen de cassation

Monsieur [Z] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir limité la condamnation de la société Dekra Industrial à payer à M. [Z] la somme de 17 675,90 euros bruts outre les intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2017 au titre du rappel de salaire correspondant à la prime contractuelle sur objectifs ;

Alors que le salarié ne peut être privé d'un élément de rémunération versé en contrepartie de son activité auquel il peut prétendre au prorata de son temps de présence ; qu'en écartant la demande de l'exposant au titre de l'année 2017 aux motifs qu'une prime dite d'objectifs ne peut être versée prorata temporis que si une disposition contractuelle ou conventionnelle le prévoit ou qu'un usage est prouvé au sein de l'entreprise, quand elle avait relevé que ladite prime constituait « la partie variable de la rémunération » versée au salarié en contrepartie de son activité, fixée « à 70 % au regard de la performance individuelle, celle-ci étant évaluée avec un indicateur financier, un indicateur qualitatif et un indicateur managérial » (arrêt p. 6 avant dernier alinéa), de sorte qu'elle s'acquérait au prorata du temps de présence de la salariée dans l'entreprise au cours de l'exercice, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil (dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).

Troisième moyen de cassation

Monsieur [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre du harcèlement moral et des conséquences induites, et en conséquence de ses demandes visant à dire et juger que les manquements graves de la société Dekra Industrial justifient la prise d'acte par Monsieur [Z] de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, à requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à condamner en conséquence la société Dekra Insdustrial à diverses sommes, outre condamnation aux frais irrépétibles par les premiers juges ;

Alors que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que depuis 2014, l'employeur a refusé de façon quasi-systématique de fixer au salarié les objectifs permettant de verser la part de rémunération variable et refusé de verser cette rémunération (v. arrêt p. 6) ; qu'en ne prenant pas en compte cet élément, dont elle avait constaté la véracité et quand elle constatait que les « pièces médicales démontrent l'existence d'une souffrance au travail qui a conduit à une dégradation de l'état de santé du salarié », la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-12242
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 14 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2022, pourvoi n°21-12242


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.12242
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