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06/07/2022 | FRANCE | N°21-12204

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2022, 21-12204


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 885 F-D

Pourvoi n° Z 21-12.204

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

M. [J] [I], domicilié [Adresse 2], a formé

le pourvoi n° Z 21-12.204 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 885 F-D

Pourvoi n° Z 21-12.204

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

M. [J] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-12.204 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à l'association ISC Paris, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], de la SCP Alain Bénabent, avocat de l'association ISC Paris, après débats en l'audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier , greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2020), M. [I] a été engagé le 28 octobre 2003 par un contrat à durée indéterminée en qualité de professeur vacataire, puis de professeur permanent, par l'association Institut supérieur de commerce Paris. Le 29 avril 2016, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

2. Estimant ce licenciement nul comme résultant d'un harcèlement moral et sollicitant le paiement de diverses indemnités, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices physique et moral subis pendant l'exécution du contrat de travail, alors « que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au titre du harcèlement moral qu'il dénonçait, le salarié faisait notamment état de ce qu'il avait été déchargé de la responsabilité d'un laboratoire de recherches, de ce que son bureau lui avait été retiré en sorte qu'il avait été contraint de travailler chez lui et que les tickets restaurant lui avaient été supprimés ; qu'en écartant le harcèlement moral après avoir constaté que ces faits laissaient présumer son existence, cependant qu'il lui appartenait de dire si l'employeur établissait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1152-1 et l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

4. Aux termes du premier texte visé, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

5. Il résulte du second de ces textes que lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

6. Pour rejeter la demande, l'arrêt, après avoir constaté que le traitement défavorable subi depuis plusieurs années en matière salariale et au regard de ses responsabilités contractuelles et les vexations subies en février et mars 2016 invoqués par le salarié faisaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, retient que l'employeur justifie par des éléments objectifs le versement de la prime en 2015, qu'il n'avait pas l'obligation d'accueillir la demande de travail à temps plein et que le refus du colloque a été expliqué de façon claire, que le changement de tutorat a été fait à la demande de l'étudiant ayant relaté dans une lettre détaillée les difficultés rencontrées avec le salarié, qu'une enquête interne, qui a été communiquée à la délégation unique du personnel, a été réalisée par le directeur général adjoint, sans conclure à l'existence d'un harcèlement moral, et que son supérieur hiérarchique relatait dans une lettre les difficultés rencontrées avec le salarié sur le non-respect des règles et procédures internes ainsi que sur la remise en cause par celui-ci de ses qualités de manager.

7. En statuant ainsi, sans examiner si les autres éléments invoqués par le salarié, et notamment la décharge de la responsabilité d'un laboratoire de recherches, le retrait de son bureau et la suppression des tickets restaurants, qu'elle avait retenus comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre de la nullité du licenciement et tendant à ordonner sa réintégration, et au paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts, alors « qu'est nul le licenciement du salarié licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir dénoncé de tels agissements, peu important que la lettre de licenciement énonce des griefs supplémentaires que le juge doit s'abstenir d'examiner ; qu'en retenant que la lettre de licenciement énonce d'autres griefs indépendants du harcèlement moral dénoncé pour écarter la nullité du licenciement dont elle a par ailleurs constaté qu'il était également fondé ''sur les accusations de harcèlement moral de la part du salarié et ses conséquences sur les collègues concernées'', la cour d'appel a violé l'article L. 1152-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail :

9. Selon le premier texte visé, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

10. Aux termes du second texte visé, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

11. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

12. Pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement et des demandes qui en sont la conséquence, l'arrêt retient que le licenciement n'est pas intervenu pour la dénonciation d'un harcèlement moral mais en raison du non-respect des règles de fonctionnement interne et des difficultés relationnelles du salarié avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques confinant à l'insubordination.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement rappelait les accusations de harcèlement moral de la part du salarié et ses conséquences sur les collègues concernés, et que, sauf mauvaise foi, le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié emporte à lui seul la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'association ISC Paris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association ISC Paris et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [I]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [I] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices physique et moral subis pendant l'exécution du contrat de travail.

1° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au titre du harcèlement moral qu'il dénonçait, le salarié faisait notamment état de ce qu'il avait été déchargé de la responsabilité d'un laboratoire de recherches, de ce que son bureau lui avait été retiré en sorte qu'il avait été contraint de travailler chez lui et que les tickets restaurant lui avaient été supprimés ; qu'en écartant le harcèlement moral après avoir constaté que ces faits laissaient présumer son existence, cependant qu'il lui appartenait de dire si l'employeur établissait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail.

2° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au nombre des éléments qu'elle a retenus comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a relevé que le salaire n'avait plus été augmenté depuis juillet 2010, excepté une augmentation collective en 2011 de 21 euros brut ; qu'en retenant cependant pour écarter le harcèlement, par motifs adoptés, que concernant sa rémunération, le salarié n'était « pas victime de discrimination et traité tant en terme de rémunération que d'évolution de carrière de la même façon que ses collègues » sans aucunement préciser les pièces sur lesquelles elle entendait fonder de telles assertions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

3° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au nombre des éléments qu'elle a retenus comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a relevé que le salarié s'est vu interdire de se rendre à un colloque organisé à Montréal pour des motifs qu'il estime illégitimes ; qu'en se bornant ensuite à retenir, par motifs propres, que cette interdiction est expliquée de façon claire et, par motifs adoptés, que ses raisons ont fait l'objet d'explications motivées, la cour d'appel qui n'a pas précisé les justifications avancées par l'employeur et qui n'a a fortiori pas davantage recherché si ces éléments justificatifs étaient matériellement établis ni ce en quoi ils justifiaient objectivement le refus de laisser le salarié participer au colloque prévu à Montréal, a violé l'article L. 1154-1 du code du travail.

4° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au nombre des éléments qu'elle a retenus comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a encore relevé que son employeur avait refusé au salarié le versement des primes dues en cas de publication d'articles, notamment en mai 2015 ; qu'en se bornant ensuite à relever que l'employeur démontre que la prime a été versée en 2015 sans rechercher s'il avait rempli le salarié de ses droits à prime de publication au titre des autres périodes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail.

5° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au nombre des éléments qu'elle a retenus comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a encore relevé que les demandes du salarié pour bénéficier d'un travail à temps plein ont été rejetées ; qu'en se bornant ensuite à relever que l'employeur n'avait pas l'obligation d'accueillir la demande de travail à temps plein, cependant qu'il lui appartenait de dire si ce refus était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, ce qui ne pouvait résulter du seul fait qu'il n'avait pas l'obligation d'accéder à la demande du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

6° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel a retenus comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral de nombreux éléments établis par le salarié ; qu'en retenant néanmoins pour exclure le harcèlement qu'une enquête interne a été réalisée sans conclure à l'existence d'un harcèlement moral et qu'un salarié atteste des difficultés rencontrées avec M. [I] sur le non-respect des règles et procédures internes ainsi que sur la remise en cause par celui-ci de ses qualités de manager, quand aucune de ces considérations n'est de nature à justifier objectivement les faits retenus comme permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ni a fortiori de nature à exclure le harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

7° ALORS encore QU'au soutien de sa demande indemnitaire liée à l'exécution du contrat de travail, le salarié faisait état de la violation de l'obligation de sécurité par l'employeur qui, informé de sa souffrance au travail, n'avait pas mis en oeuvre les mesures propres à y mettre un terme ; qu'il faisait notamment valoir à cet égard que si l'employeur avait mis en oeuvre une enquête interne menée par la seule direction, il s'était abstenu d'y associer le CHSCT et le médecin du travail ; qu'en se bornant à dire que les griefs énoncés par le salarié avaient fait l'objet d'un examen attention à l'occasion d'une enquête interne ayant conclu à l'absence de harcèlement moral, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel du salarié tiré du défaut d'association du CHSCT et du médecin du travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

8° ALORS en tout cas QUE méconnait l'obligation de sécurité l'employeur qui ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels ; qu'en écartant la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de sécurité sans vérifier que celui-ci justifiait avoir pris les mesures de prévention nécessaires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 4121-1 à L. 4121-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la directive n° 89/391 du 12 juin 1989.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [I] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes au titre de la nullité du licenciement et tendant à voir ordonner sa réintégration, et au paiement de rappels de salaire et de dommages et intérêts.

1° ALORS QU'interdiction est faite aux juges de dénaturer les éléments de la cause ; que la lettre notifiant le licenciement reprochait expressément au salarié d'avoir dénoncé des faits qu'il qualifiait de harcèlement moral ; qu'en affirmant que « le licenciement n'est pas intervenu pour la dénonciation d'un harcèlement moral », la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en méconnaissance du principe selon lequel obligation est faite aux juges de ne pas dénaturer les éléments de la cause.

2° ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en disant, d'un côté, que « le licenciement n'est pas intervenu pour la dénonciation d'un harcèlement moral » et, de l'autre que « la lettre de licenciement (pièce n° 6) rappelle les accusations de harcèlement moral de la part du salarié », la cour d'appel, a statué par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

3° ALORS QU'est nul le licenciement du salarié licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir dénoncé de tels agissements, peu important que la lettre de licenciement énonce des griefs supplémentaires que le juge doit s'abstenir d'examiner ; qu'en retenant que la lettre de licenciement énonce d'autres griefs indépendants du harcèlement moral dénoncé pour écarter la nullité du licenciement dont elle a par ailleurs constaté qu'il était également fondé « sur les accusations de harcèlement moral de la part du salarié et ses conséquences sur les collègues concernées », la cour d'appel a violé l'article L. 1152-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
, subsidiaire au deuxième

M. [I] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1° ALORS QUE pour dire le licenciement fondé, la cour d'appel a relevé que « l'employeur précise que le salarié ne respectait pas les délais impartis pour la remise des rapports de stage, le format des documents demandés et le délai de leur remise (pièces n° 3 et 4), remettait en cause les critères de qualification AACSB et procédait à la rétention d'informations nécessaires au classement des intervenants, des mails adressés à des destinataires non concernés par les messages (pièce n° 6), à l'envoi des mails en omettant le destinataire principalement concerné (pièce n° 7 à 9), qu'il reproche également au salarié le non-respect des procédures d'archivage (pièce n° 10), le non-respect des procédures de mise en place en terme de parution d'articles (pièce n° 11 à 13), l'absence aux réunions de pôle/séminaire de recherche depuis septembre 2015 (pièce n° 14), le retard lors de la réunion du 22 mars 2016 sans que le malaise allégué de sa femme ne soit vérifiable et la signature des articles ou des interventions sous une qualité inappropriée ou à mauvais escient » ; qu'en jugeant le licenciement fondé au regard des seules assertions de l'employeur dont elle n'a pas recherché si elles étaient matériellement établies ni, dans l'affirmative, constitutives d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail.

2° ALORS QUE la faute du salarié doit être appréciée in concreto, au regard des circonstances dans lesquelles elle a été commise ; que pour dire le licenciement fondé, la cour d'appel a retenu que « les difficultés relationnelles sont établies par les divers mails produits (pièces n° 17 à 25) où un ton irrespectueux est employé » (arrêt, p. 4, § 4) ; qu'en se déterminant ainsi sans tenir aucun compte du contexte de surcharge de travail et d'épuisement professionnel dans lequel se trouvait le salarié et dont il faisait état dans ses écritures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-12204
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2022, pourvoi n°21-12204


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.12204
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