LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 883 F-D
Pourvois n°
B 21-11.838
V 21-19.376 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022
I - Mme [V] [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-11.838,
II - l'association Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-19.376,
contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre sociale), dans le litige les opposant et les opposant également :
1°/ au syndicat CGT de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 3]
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 4],
La demanderesse au pourvoi n° B 21-11.838 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° V 21-19.376 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [D], de Me Goldman, avocat de l'association Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme et de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, après débats en l'audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois B 21-11.838 et V 21-19.376 sont joints.
Désistements partiels
2. Il est donné acte à Mme [D] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'association la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (la Licra) et le syndicat CGT de la CPAM des Bouches-du-Rhône (le syndicat CGT).
3. Il est donné acte à la Licra du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [D] et contre le syndicat CGT.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 2020), Mme [D], employée par la CPAM des Bouches-du-Rhône depuis le 2 février 1976, y exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante d'accueil.
5. Le 3 mai 2012, s'estimant victime de discrimination et de harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes indemnitaires en réparation du préjudice subi.
6. Licenciée pour faute grave le 20 mars 2014, la salariée a formé des demandes nouvelles au titre de la nullité de la rupture de son contrat de travail.
7. La Licra, par une correspondance du 21 octobre 2014, et le syndicat CGT sont intervenus à l'instance.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° B 21-11.838, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de nullité de son licenciement et de condamnation de ce dernier au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul ainsi que de remise de documents sociaux rectifiés alors, « que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant que ''Mme [D] n'étaye pas sa demande de harcèlement moral'' sans examiner l'intégralité des faits offerts en preuve par la salariée et retenus comme établis par le juge départiteur, dont il résultait que la porte de son poste de travail était en permanence fermée de l'extérieur par ses collègues, la contraignant à demander qu'on lui ouvre pour aller aux toilettes ou déjeuner, que lui avait été infligé en 2007 d'un avertissement injustifié en raison d'une absence pour maladie régulièrement signalée, que sinistrée à l'occasion des inondations d'Arles en 2003, elle s'était vu refuser une journée de congé, accordée à ses collègues, pour procéder aux formalités administratives de prise en charge, qu'elle avait été menacée de voir sa responsabilité engagée en cas de manque dans l'enveloppe des tickets restaurant, qu'elle avait été radiée des plannings du service à compter de 2008, qu'à l'occasion d'un retard provoqué par une panne de voiture, elle s'était entendu dire par sa supérieure hiérarchique ''qu'elle n'avait qu'à se déplacer en chameau comme dans son pays'', sous l'hilarité générale, qu'à la suite d'une altercation avec ses collègues, elle avait été victime le 15 décembre 2013 d'un malaise sur le lieu de travail, pris en charge au titre de la législation des risques professionnels, que les éléments médicaux produits attestaient, de 2006 à 2013, d'une dégradation de son état de santé psychique et psychosomatique en raison de ses conditions de travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé, ensemble de l'article L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1152-1 et l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
10. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
11. Pour rejeter la demande de la salariée au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que les faits dont se plaint la salariée peuvent être regroupés sous deux rubriques : l'accident du travail du 26 janvier 2007 et un événement survenu le 27 mars 2014.
12. En se déterminant ainsi, alors que, d'une part, la salariée soutenait qu'elle avait été menacée de voir sa responsabilité engagée en cas de manque dans l'enveloppe des tickets restaurant et qu'elle avait été radiée des plannings du service à compter de 2008 et que, d'autre part, elle invoquait une altération de son état de santé en produisant des éléments médicaux, la cour d'appel, qui n'a pas examiné dans leur ensemble tous les éléments produits par la salariée, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le moyen du pourvoi n° B 21-18.838, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
13. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en retenant, pour juger que ''Mme [D] n'étaye pas sa demande de harcèlement moral'', que ''sur l'accident du travail du 26 janvier 2007, la cour a fait litière de la responsabilité du directeur, M. [C], et les justes motifs de son arrêt du 2 mars 2018, passé en force de chose jugée, s'imposent à tous'' quand les motifs de cette décision rendue dans une autre instance, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'avaient pas l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1355 du code civil :
14. Selon ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
15. Pour rejeter la demande de la salariée au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient qu'il est interdit à l'intéressée d'invoquer l'accident du travail dont elle a été victime le 26 janvier 2007 dès lors que, par un arrêt définitif du 2 mars 2018, dont les motifs exempts d'ambiguïté s'imposent à tous, elle a été déboutée de sa demande tendant à ce que le caractère inexcusable de la faute de l'employeur soit retenu.
16. En statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif d'un jugement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen du pourvoi n° V 21-19.376
Enoncé du moyen
17. La Licra fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action, alors « qu'aucun accord du salarié n'est nécessaire à l'intervention volontaire d'une association de lutte contre les discriminations à l'action engagée par celui-ci à l'encontre de son employeur ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme était intervenante volontaire à l'action engagée par Mme [D] contre son employeur, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas à justifier d'un accord de la salariée, a néanmoins déclaré son ''action'' irrecevable en l'absence d'un tel accord, a violé l'article L. 1134-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
18. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il fait valoir que le moyen serait d'une part contraire à la thèse soutenue devant la cour d'appel et d'autre part nouveau et mélangé de fait et de droit.
19. Cependant, il résulte des énonciations de l'arrêt, de la procédure et des conclusions de la Licra devant la cour d'appel que celle-ci est intervenue volontairement aux côtés de la salariée, en vertu de son droit propre résultant du premier alinéa de l'article L. 1134-3 du code du travail, à l'action engagée par la salariée qui a seule saisi la juridiction prud'homale.
20. Le moyen, qui n'est donc pas contraire à ce qui a été soutenu devant les juge du fond et qui n'est pas nouveau, est donc recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article L. 1134-3, 1er alinéa, du code du travail :
21. Selon ce texte, les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations ou oeuvrant dans le domaine du handicap peuvent exercer en justice toutes actions résultant de l'application des dispositions relatives au principe de non-discrimination.
22. Pour infirmer le jugement déboutant la Licra de sa demande indemnitaire et déclarer son action irrecevable, l'arrêt constate que l'association ne produit pas l'accord de la salariée.
23. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la Licra était intervenue volontairement à l'instance préalablement engagée par la salariée à laquelle l'association ne se substituait pas et que celle-ci sollicitait réparation de son préjudice moral de sorte que la recevabilité de son action n'était pas subordonnée à l'accord de la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il déboute Mme [D] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de nullité de son licenciement et de condamnation de ce dernier au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul ainsi que de remise de documents sociaux rectifiés, d'autre part, il déclare irrecevable l'action de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la CPAM des Bouches-du-Rhône aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la CPAM des Bouches-du-Rhône à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour Mme [D], demanderesse au pourvoi n° B 21-11.838
Mme [V] [D] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de nullité de son licenciement et de condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul ainsi que de remise de documents sociaux rectifiés ;
1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant que « Mme [D] n'étaye pas sa demande de harcèlement moral » sans examiner l'intégralité des faits offerts en preuve par la salariée et retenus comme établis par le juge départiteur, dont il résultait que la porte de son poste de travail était en permanence fermée de l'extérieur par ses collègues, la contraignant à demander qu'on lui ouvre pour aller aux toilettes ou déjeuner, que lui avait été infligé en 2007 d'un avertissement injustifié en raison d'une absence pour maladie régulièrement signalée, que sinistrée à l'occasion des inondations d'Arles en 2003, elle s'était vu refuser une journée de congé, accordée à ses collègues, pour procéder aux formalités administratives de prise en charge, qu'elle avait été menacée de voir sa responsabilité engagée en cas de manque dans l'enveloppe des tickets restaurant, qu'elle avait été radiée des plannings du service à compter de 2008, qu'à l'occasion d'un retard provoqué par une panne de voiture, elle s'était entendu dire par sa supérieure hiérarchique « qu'elle n'avait qu'à se déplacer en chameau comme dans son pays », sous l'hilarité générale, qu'à la suite d'une altercation avec ses collègues, elle avait été victime le 15 décembre 2013 d'un malaise sur le lieu de travail, pris en charge au titre de la législation des risques professionnels, que les éléments médicaux produits attestaient, de 2006 à 2013, d'une dégradation de son état de santé psychique et psychosomatique en raison de ses conditions de travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé, ensemble de l'article L.1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant, pour conclure que « Mme [D] n'étaye pas sa demande de harcèlement moral » que « sur l'accident du travail du 26 janvier 2007, la cour a fait litière de la responsabilité du directeur, M. [C], et les justes motifs de son arrêt du 2 mars 2018, passé en force de chose jugée, s'imposent à tous » (arrêt p.10 alinéa 4) et que, s'agissant d' « un fait précis, survenu en 2007, lorsque à l'issue d'une réunion syndicale, une « cadre » a dit à Mme [D] : « 'tu m'emmerdes tu reviens toujours sur le passé, file de là ! »... ces propos s'inscrivent dans un contexte ne relevant pas de l'exécution du contrat de travail » ; enfin que le surplus des faits offerts en preuve représentait « quelques épisodes résiduels, par définition inintéressants », quand il lui appartenait d'examiner dans leur ensemble les faits établis par la salariée afin de déterminer si sa demande était étayée, puis de vérifier si l'employeur démontrait que ces agissements étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3°) ALORS subsidiairement QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en retenant, pour juger que « Mme [D] n'étaye pas sa demande de harcèlement moral », que « sur l'accident du travail du 26 janvier 2007, la cour a fait litière de la responsabilité du directeur, M. [C], et les justes motifs de son arrêt du 2 mars 2018, passé en force de chose jugée, s'imposent à tous » quand les motifs de cette décision rendue dans une autre instance, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'avaient pas l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ;
4°) ALORS subsidiairement aussi QUE l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité, notamment en matière de harcèlement moral, doit répondre des agissements des personnes qui exercent dans l'entreprise une autorité de fait ou de droit sur les salariés ; qu'en retenant, pour conclure que « Mme [D] n'étaye pas sa demande de harcèlement moral », que s'agissant d' « un fait précis, survenu en 2007, lorsque à l'issue d'une réunion syndicale, une « cadre » a dit à Mme [D] : « 'tu m'emmerdes tu reviens toujours sur le passé, file de là ! »... ces propos s'inscrivent dans un contexte ne relevant pas de l'exécution du contrat de travail » quand ces propos, publiquement tenus dans l'enceinte de l'entreprise par une personne exerçant une autorité sur la salariée, étaient de nature à porter atteinte à sa dignité et à dégrader ses conditions de travail et, partant, à étayer sa demande tendant à voir juger qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé derechef les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.
Moyen produit par Me Goldman, avocat aux Conseils, pour l'association Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, demanderesse au pourvoi n° V 21-19.376
La Licra fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée irrecevable en son action ;
ALORS QU'aucun accord du salarié n'est nécessaire à l'intervention volontaire d'une association de lutte contre les discriminations à l'action engagée par celui-ci à l'encontre de son employeur ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que la Licra était intervenante volontaire à l'action engagée par Mme [D] contre son employeur, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas à justifier d'un accord de la salariée, a néanmoins déclaré son « action » irrecevable en l'absence d'un tel accord, a violé l'article L. 1134-3 du code du travail