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06/07/2022 | FRANCE | N°20-18046

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2022, 20-18046


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 804 F-D

Pourvoi n° D 20-18.046

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

L'établissement public foncier d'I

le-de-France (EPFIF), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-18.046 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 804 F-D

Pourvoi n° D 20-18.046

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

L'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-18.046 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à M. [H] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2020), M. [G], engagé le 6 janvier 2010 par l'EPIC Foncier d'Île-de-France, en qualité de technicien systèmes réseaux, exerçait, en dernier lieu, son activité dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique.

2. Convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre du 13 février 2018, il a été licencié pour faute grave le 16 mars 2018.

3. Contestant la validité de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul, d'ordonner la réintégration du salarié dans son emploi, de le condamner à verser au salarié une indemnité d'éviction correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir à compter de son éviction jusqu'à la date de sa réintégration et une somme à titre de rappels de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, alors « qu'en considérant d'une part que M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement par lettre datée du 13 février 2018, d'autre part que son licenciement aurait été initié le 13 février 2017, soit quelques jours après la préconisation du médecin du travail l'autorisant à reprendre le travail dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, préconisation datée du 6 février 2017, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

6. Pour dire le licenciement nul, ordonner la réintégration du salarié dans son emploi, condamner l'employeur à verser au salarié une indemnité d'éviction correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir à compter de son éviction jusqu'à la date de sa réintégration et une somme à titre de rappels de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, l'arrêt retient tout à la fois que le salarié a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 13 février 2018 et que le licenciement a été initié le 13 février 2017, quelques jours après la préconisation du médecin du travail d'une reprise dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, préconisation datée du 6 février 2017.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel qui s'est contredite a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour l'établissement public foncier d'Ile-de-France

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir jugé que le licenciement prononcé était nul, ordonné la réintégration de M. [G] dans son emploi, condamné l'Epic Foncier d'Ile de France à verser à M. [G] une indemnité d'éviction correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir à compter de son éviction jusqu'à la date de sa réintégration et une somme de 3 695, 74 euros bruts à titre de rappels de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents ;

aux motifs que « Sur le motif du licenciement : En application des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule. La lettre de licenciement du 16 mars 2018, qui circonscrit le litige, est rédigée dans les termes suivants : « Monsieur, Suite à notre entretien préalable à sanction disciplinaire qui s'est tenu le 12 mars 2018, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants. Le 13 février 2018, un huissier assisté d'un expert de justice en informatique, ont constaté que, par une manipulation technique volontaire, vous vous étiez inséré à l'insu de tous dans le groupe de messagerie « [Courriel 3] », réservé aux représentants du personnel de la Délégation Unique du Personnel. Vous receviez ainsi directement dans le dossier DUP de votre boîte aux lettres électronique professionnelle l'ensemble de leurs échanges internes et de leurs correspondances avec la direction et avec des salariés de l'Etablissement, réalisés au moyen de cette adresse groupée. Cette conduite met sérieusement en cause la façon dont vous usez des droits que nous vous avons accordés sur notre système informatique pour l'exercice de vos fonctions de Technicien systèmes et réseaux et est en outre susceptible de poursuites pénales, notamment s'il s'avère que des données ou documents de l'Etablissement et/ou de ses agents ont fait ou font l'objet d'une diffusion extérieure. Lors de notre entretien préalable à sanction disciplinaire du 12 mars 2018, mené en présence de Monsieur [X] [W], Directeur des ressources humaines et de Monsieur [N] [M], salarié de l'Etablissement, vous avez non seulement reconnu « l'appropriation du compte de messagerie de la DUP » mais avez de plus admis avoir consulté ponctuellement le contenu des comptes de messagerie et des répertoires informatiques d'agents de l'EPFIF, et ce en l'absence de toute demande ou autorisation d'intervention de leur part. Par ce comportement, vous avez délibérément ignoré les usages attachés à votre fonction de Technicien systèmes et réseaux, ainsi que les règles inscrites dans la Charte de sécurité informatique de l'EPFIF, notamment dans ses articles 3-1, 3-2-2, 3-3-1, et 3-3-2, reproduits ci-après : (...) En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. » M. [G] fait valoir qu'il a été licencié en raison de son état de santé. Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé ou de son handicap. L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Comme éléments de fait de nature à laisser supposer une discrimination directe ou indirecte en raison de son état de santé, M. [G] expose que : - il bénéficiait du statut de travailleur handicapé, ce dont il est justifié par la communication de la lettre de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées en date du 27 novembre 2014 qui indique que « La qualité de travailleur handicapé est reconnue du 01/01/2015 au 31/12/2019 » à M. [G], - il exerçait son activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique et produit à cet égard une liste d'arrêts de travail établie par l'organisme d'assurance maladie dont il relève indiquant qu'il a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique du 30 janvier 2017 au 6 mars 2018 et un avis du médecin du travail daté du 6 février 2017 l'autorisant à reprendre le travail dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, - son licenciement initié dès le 13 février 2017, soit quelques jours après cette préconisation du médecin du travail d'une reprise dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Ce faisant, M. [G] présente des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en lien avec le motif prohibé de son état de santé. L'EPIC Foncier d'Ile-de-France, qui conteste toute discrimination, précise que le licenciement était motivé non par l'état de santé de M. [G] mais par une faute grave. L'EPIC Foncier d'Ile-de-France reproche à M. [G], de s'être introduit, par une manipulation technique volontaire, à l'insu de tous, dans le groupe de messagerie réservé aux membres de la délégation unique du personnel. Pour établir ces faits, la société verse aux débats le procès-verbal dressé le 13 février 2018 par Me [S] [L], huissier de justice. Celui-ci indique avoir, par une connexion à distance sur le serveur de messagerie, sélectionné le compte de messagerie de la délégation unique du personnel, et constaté alors que « M. [G] apparaît en tant qu'administrateur ». Il en ressort qu'une opération permettant à M. [G] d'avoir accès aux courriers électroniques destinés aux membres de la délégation unique du personnel avait été réalisée à la date du 13 février 2018. Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats que la société ATS Systems disposait de droits d'accès au système informatique de l'EPIC Foncier d'Ile-de-France identiques à ceux de M. [G], que par suite, M. [G] n'était pas la seule personne à être en capacité de réaliser l'opération litigieuse. En outre, la cour constate que l'EPIC Foncier d'Ile-de-France ne démontre pas que l'opération a été réalisée à une date à laquelle M. [G] avait la possibilité d'accéder au système informatique de l'entreprise. Il n'apporte pas non plus la preuve qu'elle a été réalisée depuis le poste de travail de M. [G] et auquel lui seul avait accès. Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas démontré que les faits reprochés à M. [G] lui sont imputables, nonobstant le fait qu'il n'a pas contesté formellement en être l'auteur lors de l'entretien préalable ce qui ne vaut pas reconnaissance explicite du caractère fondé du grief allégué. Au regard de ces constats, l'EPIC Foncier d'Ile-de-France échoue à établir que sa décision de licencier M. [G] repose sur un élément objectif étranger à toute discrimination en lien avec son état de santé. En conséquence, le licenciement de Monsieur [G] est nul » ;

alors 1°/ qu'en considérant d'une part que M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement par lettre datée du 13 février 2018, d'autre part que son licenciement aurait été initié le 13 février 2017, soit quelques jours après la préconisation du médecin du travail l'autorisant à reprendre le travail dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, préconisation datée du 6 février 2017, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

alors 2°/ qu' il n'est pas permis au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en considérant que le licenciement de M. [G] aurait été initié le 13 février 2017, soit quelques jours après la préconisation du médecin du travail d'une reprise dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, quand la lettre de convocation de M. [G] à un entretien préalable à un licenciement est datée du 13 février 2018, la cour d'appel a dénaturé cette lettre de convocation, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

alors 3°/ que lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en retenant, pour considérer que M. [G] aurait présenté des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en lien avec le motif prohibé de son état de santé, qu'il faisait valoir qu'il bénéficiait du statut de travailleur handicapé depuis le 27 novembre 2014 et bénéficiait d'un mi-temps thérapeutique depuis le 30 janvier 2017, que le médecin du travail l'avait autorisé à reprendre le travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique le 6 février 2017, quand M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement par courrier du 13 février 2018, soit un an après la préconisation du médecin du travail en faveur d'un mi-temps thérapeutique, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

alors 4°/ que s'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié ; qu'en se contentant d'examiner l'imputabilité, à M. [G], de l'opération qui lui a permis d'avoir accès aux messageries litigieuses de représentants du personnel, après avoir constaté que la lettre de licenciement faisait également état de ce que M. [G] avait « admis avoir consulté ponctuellement le contenu des comptes de messagerie et des répertoires informatiques d'agents de l'EPFIF et ce en l'absence de toute demande ou autorisation d'intervention de leur part », sans examiner ce grief de méconnaissance par M. [G] du secret des correspondances et des principes gouvernant la représentation du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-18046
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2022, pourvoi n°20-18046


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18046
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