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29/06/2022 | FRANCE | N°21-15684

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 juin 2022, 21-15684


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 792 F-D

Pourvoi n° H 21-15.684

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022

Mme [O] [S], domiciliée [Adresse 1], a formé l

e pourvoi n° H 21-15.684 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Ardite...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 792 F-D

Pourvoi n° H 21-15.684

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022

Mme [O] [S], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-15.684 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Arditeya-Vieil Assantza, association, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association Arditeya-Vieil Assantza, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Agostini, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 février 2021), Mme [S] a été engagée le 16 janvier 2006 en qualité de cadre administratif par l'association Vieil Assantza, devenue en 2011 l'association Ardiyeta-Vieil Assantza (l'association), qui gère un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes situé à Combo-les-bains. A compter du 14 décembre 2010, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie.

2. Le 11 juillet 2011, à la suite d'une seule visite médicale de reprise au visa d'un danger immédiat, la salariée a été déclarée inapte à tout emploi dans l'entreprise. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 16 août 2011.

3. Soutenant avoir été victime de harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 19 mai 2016, de demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes. L'employeur a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables comme prescrites, alors « qu'en application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail et de l'article 2224 du code civil que le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés, dont le dernier acte peut être un licenciement ; qu'il s'ensuit que le délai de prescription de cinq ans de l'action court à compter du moment où leur auteur présumé n'est plus en mesure de commettre de tels agissements c'est-à-dire, en cas de licenciement, au moment où le salarié a été licencié, peu important que le contrat ait été suspendu précédemment ; qu'en déclarant irrecevables comme prescrites les demandes en nullité du licenciement et en paiement de dommages et intérêts pour nullité du licenciement et harcèlement moral aux motifs que la suspension par l'employeur de son projet de licenciement le 30 mars 2011, laissant la salariée dans l'incertitude quant à son avenir professionnel au sein de l'association constituait le dernier acte de harcèlement moral allégué par la salariée pour en déduire que le délai de prescription expirait donc le 30 mars 2016 cependant que le dernier acte de harcèlement était constitué par le licenciement de la salariée intervenue le 16 août 2011, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, et les articles L. 1152-1 et L. 1134-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen en faisant valoir que celui-ci est incompatible avec la thèse soutenue par la salariée devant les juges du fond.

6. Cependant, la salariée soutient à hauteur de cassation comme elle le faisait en appel que son licenciement constitue le point de départ du délai de prescription.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 2224 du code civil :

8. En application de ce texte, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

9. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de la salariée, l'arrêt retient que la salariée fonde toutes ses demandes sur le harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi de la part de l'employeur, lequel a eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et son état de santé, à savoir une charge de travail anormalement lourde du fait de la défaillance du directeur de l'établissement, une absence de reconnaissance de ses fonctions de direction, un retrait de ses attributions, un déclassement et une mise à l'écart, la mise en oeuvre de procédures dénuées de tout fondement s'étant traduites par sa convocation du 23 février 2011 à l'entretien préalable à son licenciement économique alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail pour maladie et par la suspension par l'employeur de son projet de licenciement le 30 mars 2011, laissant la salariée dans l'incertitude quant à son avenir professionnel au sein de l'association. L'arrêt énonce que ce dernier fait est le dernier acte de harcèlement moral allégué par la salariée qui, placée en arrêt maladie le 14 décembre 2010, n'a jamais repris le travail jusqu'à l'avis d'inaptitude émis le 11 juillet 2011 et que les faits postérieurs invoqués, et ainsi l'avis d'inaptitude du 11 juillet 2011 et le licenciement intervenu le 16 août 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, ne sont d'après la salariée que la conséquence des faits de harcèlement moral subis antérieurement. L'arrêt en conclut que le délai de prescription expirait le 30 mars 2016 et que la salariée ayant saisi la juridiction prud'homale le 19 mai 2016, son action est prescrite.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la salariée soutenait avoir été victime d'agissements de harcèlement moral qui s'étaient poursuivis pendant son arrêt de travail pour maladie et qu'elle demandait pour ce motif la nullité de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé le 16 août 2011, ce dont il résultait que son action, engagée le 19 mai 2016, n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne l'association Ardiyeta-Vieil Assantza aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Ardiyeta-Vieil Assantza et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [S]

Madame [O] [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris hormis en ce qu'il avait débouté Madame [S] de ses demandes, le réformant sur ce point, statuant à nouveau et y ajoutant, déclaré les demandes de Madame [S] irrecevables comme prescrites et de l'avoir condamnée à payer à l'association EPHAD ARDITEYA-VEIL ASSANTZA la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

1° ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en énonçant, pour dire que les demandes de Madame [S] étaient irrecevables comme prescrites que « les faits postérieurs invoqués à savoir l'avis d'inaptitude du 11 juillet 2011 et le licenciement intervenu le 16 août 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ne sont d'après la salariée que la conséquence des faits de harcèlement moral subis antérieurement » cependant que la salariée exposait que « l'action en justice engagée par Madame [O] [S] est fondée sur le harcèlement moral tant en ce qui concerne les demandes relatives à l'exécution qu'en ce qui concerne la rupture du contrat de travail et que son contrat de travail a pris fin le 16 août 2011 et elle a saisi le conseil de prud'hommes le 16 mai 2016, soit moins de 5 ans après la rupture du contrat de travail, d'une demande relative à la nullité de son licenciement, sur le fondement de l'article L. 1152-3 du code du travail son inaptitude résultant de faits constitutifs de harcèlement moral commis durant l'exécution du contrat de travail » (cf. prod n° 3, p. 2 § 9 et 10), la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Madame [S] en violation de l'article 4 du code de procédure civile et du principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

2° ALORS QU'en application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail et de l'article 2224 du code civil que le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés, dont le dernier acte peut être un licenciement ; qu'il s'ensuit que le délai de prescription de cinq ans de l'action court à compter du moment où leur auteur présumé n'est plus en mesure de commettre de tels agissements c'est-à-dire, en cas de licenciement, au moment où le salarié a été licencié, peu important que le contrat ait été suspendu précédemment ; qu'en déclarant irrecevables comme prescrites les demandes en nullité du licenciement et en paiement de dommages et intérêts pour nullité du licenciement et harcèlement moral aux motifs que la suspension par l'employeur de son projet de licenciement le 30 mars 2011, laissant la salariée dans l'incertitude quant à son avenir professionnel au sein de l'association constituait le dernier acte de harcèlement moral allégué par la salariée pour en déduire que le délai de prescription expirait donc le 30 mars 2016 cependant que le dernier acte de harcèlement était constitué par le licenciement de la salariée intervenue le 16 août 2011, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, et les articles L. 1152-1 et L. 1134-5 du code du travail.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 25 février 2021


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 29 jui. 2022, pourvoi n°21-15684

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Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 29/06/2022
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21-15684
Numéro NOR : JURITEXT000046013666 ?
Numéro d'affaire : 21-15684
Numéro de décision : 52200792
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2022-06-29;21.15684 ?
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