LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 juin 2022
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 793 F-D
Pourvoi n° B 21-11.815
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022
Mme [Z] [U], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° B 21-11.815 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (Pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société HSBC Continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], anciennement dénommée HSBC France, défenderesse à la cassation.
La société HSBC Continental Europe a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt
Le demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société HSBC Continental Europe, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2020), Mme [U] a été engagée le 5 février 1979 en qualité de chargée d'accueil par le Crédit commercial aux droits duquel vient la société HSBC Continental Europe (la société). A partir de 1982, la salariée a exercé divers mandats de représentant du personnel et de délégué syndical.
2. Le 10 septembre 2012, la salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir son repositionnement conventionnel et son affectation sur un autre poste ainsi que le paiement des sommes en découlant outre des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et à raison du sexe.
3. En 2015, la salariée a bénéficié d'un accord mettant en place un congé de fin de carrière et a fait valoir ses droits à la retraite le 1er septembre 2017.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses sixième et septième branches
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à condamner la société à la placer au niveau H statut cadre à tout le moins à compter du mois de janvier 2007, à lui verser des rappels de salaires, congés payés et indemnités de départ à la retraite et diverses sommes à titre de dommages-intérêts du fait des mesures discriminatoires subies en réparation de ses préjudices financier et professionnel et du préjudice moral, alors :
« 6°/ qu'au titre des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel a encore retenu l'absence de tout entretien annuel d'évaluation en 2009 et 2010 et l'absence de validation de l'entretien 2008 par la direction ; qu'en écartant toute discrimination aux motifs, impropres à l'exclure, que l'employeur se reporte à l'accord relatif à l'exercice du droit syndical au sein de l'unité économique et sociale qui prévoit, pour les mandats syndicaux à plein temps, dans son chapitre II, §2.3 un entretien annuel de développement avec un compte-rendu synthétique, distinct du compte rendu d'évaluation, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail ;
7°/ qu'en écartant toute discrimination aux motifs, impropres à l'exclure, que l'employeur se reporte à l'accord relatif à l'exercice du droit syndical au sein de l'unité économique et sociale qui prévoit, pour les mandats syndicaux à plein temps, dans son chapitre II, §2.3 un entretien annuel de développement avec un compte-rendu synthétique, distinct du compte rendu d'évaluation, sans s'assurer que la salariée avait effectivement bénéficié de tels entretiens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause :
6. En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
7. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts à titre de discrimination syndicale, l'arrêt énonce que l'employeur se reporte à l'accord relatif à l'exercice du droit syndical dans l'unité économique et sociale (UES) qui prévoit, pour les salariés titulaires de mandats syndicaux à temps plein, un entretien annuel de développement avec un compte-rendu synthétique, distinct du compte rendu d'évaluation.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, alors que la salariée faisait valoir l'absence d'entretien d'évaluation pour les années 2009 et 2010 en exécution de l'accord collectif relatif à l'exercice du droit syndical au sein de l'UES, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [U] de ses demandes formées au titre de la discrimination de repositionnement conventionnel, de rappels de salaire et de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices financier, professionnel et de son préjudice moral, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société HSBC Continental Europe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société HSBC Continental Europe et la condamne à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [U], demanderesse au pourvoi principal
Mme [U] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à voir condamner la société HSBC à la placer au niveau H statut cadre à tout le moins à compter du mois de janvier 2007, à lui verser des rappels de salaires, congés payés et indemnités de départ à la retraite et diverses sommes à titre de dommages-intérêts du fait des mesures discriminatoires subies en réparation de ses préjudices financier et professionnel et du préjudice moral.
1° ALORS QU'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'après avoir constaté que le panel produit par la salariée permet de retenir qu'au regard du salaire moyen brut par année, de 2006 à 2018, elle a présenté un retard de salaire pour les niveaux F, G et H pendant toutes ces années, sauf en 2014 et 2017, et de façon substantielle entre 11 895 € et 2 936 € notamment par rapport à ses collègues masculins et estimé que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel adoptant les motifs des premiers juges a retenu que, concernant 4 des salariés du panel, l'employeur démontre « que les éléments retenus pour leur évolution de carrière sont intégrés dans le processus de révision salariale prenant en compte les performances individuelles de chacun (entretiens d'évaluations) » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le défaut d'entretien d'évaluation, dont la cour d'appel a constaté qu'elle laissait présumer l'existence d'une discrimination, participait de la discrimination dénoncée, en sorte que l'évolution de carrière plus favorable dont avaient bénéficié certains salariés à raison de leurs entretiens d'évaluation ne pouvaient trouver une justification objective dans ces entretiens dont Mme [U] avait été privée, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail.
2° ALORS QUE seuls des éléments objectifs et pertinents au regard de l'avantage en cause peuvent justifier une différence de traitement ; que les diplômes ne peuvent justifier une différence de salaire qu'à l'embauche, et pour autant qu'ils sont en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées ; qu'en jugeant que la différence de traitement opérée au détriment de Mme [U] était justifiée, s'agissant de six salariés composant le panel, au regard des diplômes supérieurs dont ils justifiaient, sans s'assurer que ces diplômes étaient en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail.
3° ALORS QUE seuls des éléments objectifs et pertinents au regard de l'avantage en cause peuvent justifier une différence de traitement ; que ni le fait que la salariée ait bénéficié d'une augmentation de salaire lors de son changement de niveau, pour un montant supérieur au minimum conventionnel, ni le fait que l'employeur ait mis en oeuvre l'accord relatif à l'exercice du droit syndical prévoyant un examen annuel de situation et la possibilité de soumettre des situations particulières à des contrôles, ni le fait que le panel produit par la salariée ait pu receler des incohérences ni même encore le fait que le panel produit par l'employeur et les analyses faites par lui aient pu montrer une évolution comparable et une rémunération de la salariée supérieure à la moyenne des rémunérations emploi-type, ne sont de nature à justifier objectivement le retard substantiel de rémunération constaté par la cour d'appel ; qu'en fondant sa décision sur les objections de l'employeur tirées de telles considérations, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à caractériser des éléments objectifs justifiant la situation dont elle a constaté qu'elle laissait présumer l'existence d'une discrimination, a violé les articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail.
4° ALORS QU'en se fondant, pour écarter la discrimination, sur un panel produit par l'employeur et composé uniquement de chargés d'accueil, cependant que le maintien de la salariée dans les fonctions de chargé d'accueil participait précisément de la discrimination dénoncée et que laissait présumer l'absence d'entretien d'évaluation depuis 2011, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail.
5° ALORS QUE la salariée faisait valoir que le panel de l'employeur était composé de 13 chargés d'accueil seulement, pour un effectif de 467 salariés, dont 111 au niveau F correspondant au sien ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant tiré de la délimitation arbitraire du panel de l'employeur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
6° ALORS QU'au titre des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel a encore retenu l'absence de tout entretien annuel d'évaluation en 2009 et 2010 et l'absence de validation de l'entretien 2008 par la direction ; qu'en écartant toute discrimination aux motifs, impropres à l'exclure, que l'employeur se reporte à l'accord relatif à l'exercice du droit syndical au sein de l'UES (pièce n° 4) qui prévoit, pour les mandats syndicaux à plein temps, dans son chapitre II, §2.3 un entretien annuel de développement avec un compte-rendu synthétique, distinct du compte rendu d'évaluation, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail.
7° ALORS QU'en écartant toute discrimination aux motifs, impropres à l'exclure, que l'employeur se reporte à l'accord relatif à l'exercice du droit syndical au sein de l'UES (pièce n° 4) qui prévoit, pour les mandats syndicaux à plein temps, dans son chapitre II, §2.3 un entretien annuel de développement avec un compte-rendu synthétique, distinct du compte rendu d'évaluation, sans s'assurer que la salariée avait effectivement bénéficié de tels entretiens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail.
8° ALORS QU'après avoir constaté que le panel produit par la salariée permet de retenir qu'au regard du salaire moyen brut par année, de 2006 à 2018, elle a présenté un retard de salaire pour les niveaux F, G et H pendant toutes ces années, sauf en 2014 et 2017, et de façon substantielle entre 11895 € et 2 936 € notamment par rapport à ses collègues masculins et estimé que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a retenu, pour écarter la discrimination, que la seule situation de M. [T] ne suffit pas à faire présumer la discrimination fondée sur le sexe et que de plus, l'employeur justifie d'une rémunération moyenne annuelle comparable aux salariés masculins ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il lui appartenait de rechercher si l'employeur justifiait objectivement le traitement défavorable fait à la salariée au regard du traitement plus favorable dont a bénéficié son collègue masculin, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société HSBC Continental Europe, demanderesse au pourvoi incident
La société HSBC CE fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à la salariée la somme de 20 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 avril 2019 ;
1°) ALORS QUE le juge saisi d'une demande de liquidation d'astreinte doit la supprimer si le débiteur de l'obligation sous astreinte établit l'existence d'une cause étrangère rendant impossible l'exécution de cette obligation, caractérisée notamment par la non détention de l'objet de l'obligation au jour de la décision du juge qui a prononcé l'astreinte, fut-ce en raison de son absence de conservation par le débiteur de l'obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Paris avait, par arrêt du 3 avril 2019, condamné l'employeur à produire divers documents concernant 19 salariés, sous astreinte non définitive de 260 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la décision, afin de permettre à la salariée, qui invoquait une discrimination, de faire valoir utilement ses droits ; que l'employeur, qui avait produit les bulletins de décembre des 19 salariés inclus dans le panel de comparaison de la salariée de 2006 à 2018, invoquait l'impossibilité technique d'éditer les bulletins de salaire de ces salariés pour les années antérieures à 2006 en raison de la modification des outils de paie à partir de 2006 ; qu'en affirmant que la modification alléguée résultait de la seule action de l'employeur pour affirmer qu'il ne s'agissait pas d'une cause étrangère, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et partant a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE lorsque l'exécution partielle par le débiteur de l'obligation de communication de pièces, enjointe par le juge sous astreinte, permet d'accéder à l'information attendue, l'injonction est satisfaite en substance et la demande de liquidation d'astreinte est sans objet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Paris avait, par arrêt du 3 avril 2019, condamné l'employeur à produire divers documents concernant 19 salariés, sous astreinte non définitive de 260 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la décision, afin de permettre à la salariée, qui invoquait une discrimination, de faire valoir utilement ses droits ; que la cour d'appel de Paris, dans l'arrêt attaqué, a constaté que l'employeur s'était en partie exécuté sur une période de 12 années, ce qui permettait de retracer une évolution salariale suffisante pour apprécier la discrimination invoquée ; qu'en liquidant toutefois l'astreinte à hauteur de 20 000 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution