LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 juin 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 510 F-D
Pourvoi n° Z 21-15.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022
M. [K] [B], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur de la société Pompes funèbres du Pays d'Aix, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-15.930 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige l'opposant à la société Gurval, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [B], ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Gurval, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 février 2021), le 6 août 1981, la société Pompes funèbres du Pays d'Aix a acquis un fonds de commerce comprenant le droit au bail sur des locaux, propriété de M. [N], aux droits duquel vient la société civile immobilière Gurval (la SCI).
2. Le 25 août 2011, la société Pompes funèbres du Pays d'Aix a formé une demande en renouvellement du bail que la SCI a, le 21 novembre 2011, refusée.
3. Le 5 novembre 2013, la société Pompes funèbres du Pays d'Aix a assigné la SCI en fixation d'une l'indemnité d'éviction et indemnisation de divers préjudices.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. La société Pompes funèbres du Pays d'Aix fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la SCI à lui verser une certaine somme en réparation des préjudices subis toutes causes confondues, alors « que le juge ne peut refuser de trancher lui-même le litige dont il est régulièrement saisi ; qu'il incombait à la cour d'appel de trancher la contestation dont elle était saisie par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix relative aux désordres subis dans les locaux loués ; que pour la rejeter, la cour d'appel a retenu qu'il serait statué sur cette demande « dans le cadre de la procédure [de référé] pendante à cet effet » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
6. Il résulte de ce texte qu'il appartient au juge de statuer sur les demandes dont il est régulièrement saisi.
7. Pour rejeter la demande de la société Pompes funèbres du Pays d'Aix en réparation des préjudices subis, toutes causes confondues, l'arrêt retient que ladite société se prévaut de désordres ayant donné lieu à une procédure de référé en cours, avec expertise judiciaire, qui feront l'objet, s'ils existent, d'une indemnisation dans le cadre de la procédure pendante à cet effet.
8. En statuant ainsi, alors que sa décision ordonnant l'expertise avait dessaisi le juge des référés et qu'aucune des parties n'alléguait l'existence d'une instance distincte en indemnisation des préjudices invoqués par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Pompes funèbres du Pays d'Aix en paiement de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis toutes causes confondues, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société civile immobilière Gurval aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [B], ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [K] [B], ès qualités de liquidateur, fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société Pompes funèbres du Pays d'Aix tendant à voir ordonner une nouvelle mesure d'expertise ;
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'au soutien de sa demande de voir ordonner une nouvelle expertise, la société Pompes funèbres du Pays d'Aix exposait dans ses conclusions d'appel du 25 novembre 2020 que conformément à la Charte de l'expertise en évaluation immobilière, l'expert judiciaire devait utiliser au moins deux méthodes d'évaluation différentes de l'indemnité d'éviction (p. 6-7, § 3 s.) ; qu'en se bornant à relever que les évaluations de l'expertise judiciaire et de l'expertise amiable diligentée par l'exposante étaient proches, sans répondre au moyen soulevé par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
M. [K] [B], ès qualités de liquidateur, fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé à la somme de 142 000 € l'indemnité d'éviction due par la société Gurval à la société Pompes funèbres du Pays d'Aix et condamné cette société à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2013 ;
1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que la société Pompes funèbres du Pays d'Aix exposait dans ses conclusions d'appel du 25 novembre 2020, que le coefficient de pondération de 0,3 retenu par l'expert judiciaire pour les caves du local devait être également appliqué au renfoncement en terre battue, qui constitue une troisième cave (p. 9, § 4-5) ; qu'en jugeant que les deux caves voûtées avec crépi au mur et au plafond devaient être pondérées au coefficient de 0,3 tandis que le renfoncement en terre battue devait être pondéré au coefficient de 0,1, sans répondre au moyen soulevé par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que la société Pompes funèbres du Pays d'Aix exposait dans ses conclusions d'appel du 25 novembre 2020 que l'indemnité pour perte de logement devait être calculée sur la base d'un bail d'une durée de neuf ans et non de trois ans (p. 13, § 5-8) ; qu'en jugeant que l'indemnité au titre de la perte de logement devait être fixée à 12 500 € soit le montant proposé par l'expert judiciaire pour une période de trois ans, sans répondre au moyen soulevé par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les parties se font connaître mutuellement en temps utile leurs éléments de preuve ; que la société Pompes funèbres du Pays d'Aix a régulièrement versé aux débats une pièce n° 87 correspondant à des photographies de son stock de céramiques ; qu'en se bornant à relever qu'aucune perte de stock n'avait été relevée ou revendiquée au cours de l'expertise judiciaire sans tenir compte de la pièce n° 87 de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article L. 145-14 du code de commerce, ensemble l'article 15 du code de procédure
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
M. [K] [B], ès qualités de liquidateur, fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Pompes funèbres du Pays d'Aix de sa demande de condamnation de la société Gurval à lui verser une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis toutes causes confondues ;
ALORS QUE le juge ne peut refuser de trancher lui-même le litige dont il est régulièrement saisi ; qu'il incombait à la cour d'appel de trancher la contestation dont elle était saisie par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix relative aux désordres subis dans les locaux loués ; que pour la rejeter, la cour d'appel a retenu qu'il serait statué sur cette demande « dans le cadre de la procédure [de référé] pendante à cet effet » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil.