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22/06/2022 | FRANCE | N°20-86271

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 juin 2022, 20-86271


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 20-86.271 F-D

N° 00814

GM
22 JUIN 2022

NON LIEU A STATUER
REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 JUIN 2022

M. [E] [F], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 2020,

qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. [Z] [X] des chefs d'abus de faiblesse et d'abus de confiance.

Un mémoire a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 20-86.271 F-D

N° 00814

GM
22 JUIN 2022

NON LIEU A STATUER
REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 JUIN 2022

M. [E] [F], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 2020, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. [Z] [X] des chefs d'abus de faiblesse et d'abus de confiance.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de [E] [F] et des demandeurs, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [E] [F] a déposé plainte contre son neveu, M. [Z] [X] le 15 février 2013 au motif que celui-ci aurait détourné de l'argent de ses comptes bancaires et aurait utilisé, pour ses dépenses personnelles, sa carte bancaire.

3. M. [F] souffrait de myopathie génétique depuis la naissance et était atteint de la maladie de Charcot, maladie neuro-dégénérative, ainsi que d'un syndrome dépressif récurrent le rendant inapte à la gestion de ses biens. Il a vécu au domicile de sa mère qui s'est occupée de ses démarches administratives et a géré ses dépenses.

4. Au décès de celle-ci en 2005, la soeur de M. [F] l'a aidé à gérer ses biens jusqu'à son décès le 15 août 2012. M. [X], fils de celle-ci, a alors prêté assistance à son oncle.

5. Ce dernier a séjourné du 26 juillet 2012 au 22 septembre 2012 dans une clinique psychiatrique pour un syndrome anxio dépressif.

6. Le 30 novembre 2012, M. [X] a saisi le juge des tutelles afin que son oncle bénéficie d'une mesure de protection. Ce dernier a d'abord été placé sous sauvegarde de justice, puis sous curatelle renforcée, par jugement du 25 juin 2013, le juge des tutelles motivant le choix d'un curateur extérieur à la famille en raison de détournements dont M. [F] a été victime de la part de ses proches depuis 2005.

7. L'enquête a notamment révélé qu'aucun mouvement suspect n'a été décelé sur le compte bancaire de M. [F] entre le mois de février 2010 et la fin 2012, et que ce dernier avait rédigé, avant 2010, un testament olographe désignant sa soeur, Mme [Y] [F], comme légataire universelle, M. [X] étant institué légataire au cas de pré-décès de celle-ci.

8. M. [E] [X] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir, entre l'année 2009 et l'année 2012, d'une part, détourné des cartes bancaires, chèques et fonds de comptes [3] et [2] pour un préjudice de 42 267, 72 euros qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge de les rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, et ce au préjudice de M. [F], personne qu'il savait particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou psychique, et, d'autre part, d'avoir frauduleusement abusé de la situation de faiblesse de M. [F], personne majeure qu'il savait particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, pour la conduire à un acte, en l'espèce lui faire signer un testament en sa faveur et lui faire remettre ses instruments de paiement.

9. Le tribunal correctionnel a relaxé M. [X].

10. Le ministère public a relevé appel de cette décision, ainsi que M. [F], partie civile.

Sur la rétractation d'office de l'arrêt du 4 novembre 2021

11. Il résulte d'un extrait régulier des actes de l'état civil de la commune de Cornebarrieu que [E] [F], qui avait formé son pourvoi le 5 octobre 2020, est décédé le [Date décès 1] 2020.

12. Par arrêt rendu le 4 novembre 2021 (n° M 20-86.271), la Cour de cassation a constaté l'absence de reprise d'instance par les ayants droit de [E] [F], et a dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi.

13. Par mémoire de reprise d'instance déposé le 19 novembre 2021, MM. [N] [F], [R] [F], [M] [K] et Mme [H] [F] sont intervenus en leur qualité d'héritiers.

14. Dès lors, il y a lieu de rabattre l'arrêt précité du 4 novembre 2021, la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi sur les intérêts civils, demeurant compétente pour statuer.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

15. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les deuxième et troisième moyens

Enoncé des moyens

16. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. [X] du chef d'abus frauduleux de l'état de faiblesse, l'a débouté de ses demandes civiles, alors :

« 1°/ que constitue un acte gravement préjudiciable pour une personne vulnérable celui de disposer de ses biens par testament en faveur d'une personne l'ayant conduite à cette disposition ; qu'en se fondant sur les seuls éléments, inopérants, tirés de ce qu'il n'apparaissait pas que M. [X] avait été physiquement présent au côté de M. [F] lors de la rédaction, par celui-ci, du testament qui avait institué ce même M. [X] légataire de deuxième rang et qu'en conséquence, il ne serait pas établi que le prévenu aurait, à ce moment, « fait pression sur son oncle », pour écarter le délit d'abus frauduleux de l'état de faiblesse en raison de ces faits, la cour d'appel, qui a pourtant constaté que M. [F] était malade et handicapé et qui a mis en évidence l'existence d'un contexte et de circonstances factuels étayés de tensions et de suspicions familiales, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 223-15-2 du code pénal ;

2°/ que constitue le délit d'abus frauduleux de l'état de faiblesse le fait d'abuser frauduleusement de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour conduire cette personne à un acte qui lui est gravement préjudiciable, et ce, que des pressions, une contrainte ou une violence aient, ou non, été exercées sur cette personne ; qu'en se fondant sur la circonstance, inopérante, selon laquelle M. [F] n'avait pas été « contraint » par M. [X] de lui remettre ses chéquiers et instruments de paiement pour écarter le délit d'abus frauduleux de l'état de faiblesse en raison de ces faits, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale au regard du même texte. »

17. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. [X] du chef d'abus de confiance, et l'a débouté de ses demandes civiles, alors :

« 1°/ que l'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; qu'en considérant, par motifs propres et adoptés, que les sommes, d'une valeur de près de 600 euros, dont M. [F] affirmait qu'elles lui avaient été détournées pendant qu'il était hospitalisé, étaient, en l'espèce, insusceptibles d'avoir fait l'objet de « détournements » et, partant, d'un abus de confiance, en raison de la faible quantité, selon elle, que ce montant représentait, la cour d'appel a violé l'article 314-1 du code pénal ;

2°/ qu'en retenant que la circonstance selon laquelle M. [X] avait pris l'initiative de saisir le juge des tutelles en novembre 2012 révélerait sa volonté de préserver son oncle d'influences extérieures et serait donc exclusif d'une intention frauduleuse et d'un abus de confiance, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que, pendant longtemps, M. [X] s'était gardé de solliciter l'ouverture d'une mesure de protection au profit de son oncle, qu'il n'avait pas même déféré à l'invitation du psychiatre qui avait examiné celui-ci pour syndrome dépressif aigu et qui l'avait fortement incité à le faire et que ce n'était, en définitive, que le lendemain de son audition par les services de police, et sentant qu'il devenait un suspect, que ce neveu avait, finalement, décidé de saisir le juge des tutelles, n'établissait pas, au contraire, sa mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 314-1 du code pénal ;

3°/ que l'abus de confiance n'exige pas, comme élément constitutif, que le prévenu se soit approprié la chose détournée, ni qu'il en ait tiré un profit personnel ; qu'en se fondant, par motifs adoptés, sur la circonstance inopérante selon laquelle aucun élément de la procédure ne permettrait de considérer que M. [X] ait été le bénéficiaire des sommes retirées pendant que son oncle était hospitalisé pour en conclure qu'il n'avait pas commis un abus de confiance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce même texte. »

Réponse de la Cour

18. Les moyens sont réunis.

19. Pour confirmer le jugement relaxant M. [X] du chef d'abus de faiblesse, l'arrêt attaqué énonce qu'aucun élément du dossier ne permet de déterminer, d'une part, dans quelles conditions précises a été rédigé le testament instituant le prévenu comme légataire universel de second rang et, d'autre part, si le prévenu était présent à la date d'établissement de cet acte pour exercer des pressions sur M. [F] dont il connaissait la particulière vulnérabilité.

20. Les juges ajoutent que l'enquête n'a pas permis de réunir des éléments suffisants pour affirmer que M. [F] a été contraint par son neveu de lui remettre ses chéquiers et instruments de paiement, la gestion de ses affaires par ce dernier paraissant s'être réalisée avec l'assentiment de son oncle.

21. Les juges relèvent également, pour confirmer le jugement relaxant M. [X] du chef d'abus de confiance, qu'aucun élément ne permet de déterminer avec certitude si ce dernier a pris une part active à la gestion des comptes de son oncle avant 2012, aucune réquisition bancaire n'ayant été sollicitée pour les années antérieures, que la preuve n'est pas rapportée que durant l'hospitalisation de M. [F], entre le 26 juillet et le 19 novembre 2012, son compte bancaire a connu des mouvements suspects ou anormaux au regard de son train de vie, et que les seuls retraits d'espèces ou paiements par carte bancaire inférieurs à un montant de 600 euros ne caractérisent pas des détournements, alors même qu'aucun élément de procédure ne permet de considérer que M. [X] en a été le bénéficiaire.

22. Les juges retiennent qu'en outre, le fait que M. [X] ait pris l'initiative de saisir lui-même le juge des tutelles afin de placer son oncle sous un régime de protection est exclusif de toute intention frauduleuse.

23. Les juges en concluent que ni le délit d'abus de faiblesse, ni celui d'abus de confiance, ne sont établis.

24. En l'état de ces énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.

25. Ainsi, les moyens doivent être écartés.

26. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE nul et non avenu l'arrêt du 4 novembre 2021 (n° M 20-86.271) ;
REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-86271
Date de la décision : 22/06/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 30 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jui. 2022, pourvoi n°20-86271


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.86271
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