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22/06/2022 | FRANCE | N°20-13785

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 juin 2022, 20-13785


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 530 F-D

Pourvoi n° X 20-13.785

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 décembre 2019.

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [W].
Admission du bureau d'aide juridictionn

elle
près la Cour de cassation
en date du 15 juin 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU P...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 530 F-D

Pourvoi n° X 20-13.785

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 décembre 2019.

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [W].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 juin 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

M. [Z] [P], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 20-13.785 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile B, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [F] [W], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [P], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 5 juin 2019), Mme [W] a assigné M. [P] en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil. Celui-ci a demandé reconventionnellement le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son épouse.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. M. [P] fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce à ses torts exclusifs, alors « que dans ses conclusions d'appel M. [P] avait indiqué qu'il avait dû à six reprises déposer plainte pour des faits de violence, injures et menaces de mort de son épouse à son encontre ; que le comportement de Mme [W] l'avait contraint à cesser son activité professionnelle, le médecin traitant préconisant en outre de toute urgence une éviction de la cellule familiale ; que l'ensemble de ces faits étaient établis par des certificats médicaux et témoignages ; que M. [P] faisait valoir enfin que la méchanceté récurrente de son épouse caractérisait également une faute au sens de l'article 242 du code civil ; qu'en prononçant le divorce aux torts exclusifs du mari sans répondre à ses conclusions déterminantes pour l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

3. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

4. L'arrêt prononce le divorce aux torts exclusifs de M. [P] en n'examinant que les griefs invoqués par Mme [W].

5. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [P] invoquant notamment, au soutien de sa demande reconventionnelle en divorce, des faits de violences, injures et de menaces de mort de la part de son épouse et la méchanceté récurrente de celle-ci à son égard, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bastia autrement composée ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Berthomier, greffier présent lors du prononcé.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé le divorce aux torts exclusifs de M. [Z] [P].

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 242 du code civil, « le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs ou obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune » ; qu'en l'espèce, le premier jugement a prononcé le divorce aux torts exclusifs de M. [Z] [P] au motif, notamment, que « si pour l'entourage familial la survenance d'une pathologie lourde tel un cancer est une épreuve difficile à gérer et que des sentiments de fatigue physique et morale puissent légitimement apparaître, ladite épreuve ne saurait justifier les atteintes physiques constatées sur Mme [F] [W] ». Le jugement se réfère à un certificat médical du docteur [Y] du 03 avril 2012 et une main courante du 19 août 2012 avec un certificat médical ; que si M. [Z] [P] conteste la réalité des faits et invoque un stratagème mis en place par Mme [F] [W], les pièces produites permettent d'affirmer que si l'époux était effectivement présent à certains rendez-vous médicaux, il ne l'était pas à tous. De plus il est établi que son argument tenant à la remise en cause de la sincérité du contenu du certificat médical du docteur [Y] produit par Mme [W], en raison d'une erreur de date, doit être écarté. En effet, ledit médecin a produit une attestation afin de corriger cette erreur matérielle, laquelle est justifiée par le fait qu'il ne travaillait pas encore sur le territoire à la date indiquée par erreur. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause son contenu ; qu'enfin sur la médiation dont M. [Z] [P] a fait l'objet, il énonce qu'elle s'est soldée par un classement sans suite. Mais, la lecture de l'avis de suite à donner après médiation permet d'affirmer que cette médiation concernait un abandon de famille et non des faits de violences et, d'autre part, que si un classement sans suite a été prononcé c'est parce que « c'est sur un plan civil que le problème doit être réglé ». En outre, M. [Z] [P] a, malgré ce classement sans suite, fait l'objet d'un rappel à la loi ; que sur le sentiment de persécution de Mme [F] [W], il convient de préciser que ce dernier a pu être présent et a donc pu altérer l'appréciation de certains faits. Cependant, il est établi au sein d'une attestation produite par un médecin psychiatre, que Mme [F] [W] connait une dépression liée à son cancer mais n'a pas, au 13 mai 2013, de pathologie psychiatrique délirante ou lui ôtant son état de conscience. Dès lors, l'altération de l'appréciation de certains faits, sans aucune pathologie délirante, ne permet pas de justifier des atteintes physiques constatées sur Mme [F] [W], selon plusieurs certificats médicaux ; qu'enfin, il est établi, au regard des pièces communiquées, que M. [P] a tenté de se faire passer pour son épouse en produisant une lettre manuscrite où il écrivait que cette dernière ne se sentait plus de rester seule, ce afin qu'elle soit prise en charge ; qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef, le premier juge ayant fait une exacte appréciation de la cause du divorce en prononçant le divorce aux torts exclusifs de M. [Z] [P].

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, il convient de constater que Mme [F] [W] produit à l'appui de ses affirmations concernant la violence et le harcèlement de son époux consécutifs à sa maladie plusieurs documents ci-après évoqués ; que si le certificat médical du Docteur [Y] en date du 3 avril 2012 ne fait effectivement que retranscrire les déclarations de la demanderesse, et alors que cette dernière faisait état de « coups et blessures volontaires », le médecin constatait cependant la présence d'hématomes au niveau du tibia ainsi qu'au niveau du visage ; que si la main courante établie par les fonctionnaires de police d'[Localité 1] le 19 août 2012 n'est que la retranscription de propos tenus par Mme [F] [W], elle est en revanche accompagnée d'un certificat médical établi par le service des urgences du C.H. mentionnant des griffures au visage et à l'épaule droite et des douleurs (ITT 3 jours) ; qu'il résulte du certificat médical du Docteur [M], psychiatre, en date du 21 mai 2013 que Madame [F] [W] présente « un état dépressif majeur réactionnel à une lourde pathologie opérée et traitée... Il n'y a pas à ce jour comme le 13 mai 2013 de pathologie psychiatrique délirante ou lui ôtant son état de conscience. La dépression en cours est « adaptée » à la pathologie somatique et ses conséquences thérapeutiques et à la conjugopathie » ; qu'une violence verbale de l'époux était également subie par Mme [V], gestionnaire des appartements thérapeutiques de la Ligue contre le cancer (pièce 24 demanderesse) ; que s'agissant de la position de M. [Z] [P], il convient en premier lieu d'écarter l'attestation de leur fille [O] en raison du lien familial ; qu'il résulte en revanche du compte rendu du Docteur [H] - pôle de cancérologie de l'hôpital de [2] (pièce 23 demanderesse) que dès le 22 juillet 2011, « Mme [P] est très anxieuse et son état nécessite une prise en charge psychologique » ; le 4 août 2011 était signalé par l'équipe de l'HAD « un syndrome anxio-dépressif majeur, évoluant depuis plusieurs semaines » et, à l'examen, un « sentiment de persécution » ; le 2 septembre 2011, il était constaté « sur le plan psychique, il existe toujours une tachypsychie avec angoisse et bouffées délirantes » ; le syndrome anxio-dépressif majeur sera encore évoqué le 30 janvier 2012 ; qu'il convient également de constater sur ce compte rendu la mention fréquente de la présence de l'époux lors des examens et contrôles ; que si ce dernier document établi par un médecin soignant sur une longue période Mme [W] confirme l'état dépressif de cette dernière et un sentiment de persécution ayant pu aggraver la perception de certains faits, il n'explique cependant pas, au vu des certificats médicaux précités, la présence de coups et blessures constatés sur le corps de Mme [W] selon certificats médicaux des 3 avril et 19 août 2012 ; que si pour l'entourage familial, la survenance d'une pathologie lourde telle un cancer est une épreuve difficile à gérer, et que des sentiments de fatigue physique et morale puissent légitimement apparaître, ladite épreuve ne saurait justifier les atteintes physiques constatées sur Mme [F] [W] ; qu'il convient en conséquence de prononcer le divorce aux torts exclusifs de M. [Z] [P] ;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (pp. 9 à 14) M. [P] avait indiqué qu'il avait dû à six reprises déposer plainte pour des faits de violence, injures et menaces de mort de son épouse à son encontre ; que le comportement de Mme [W] l'avait contraint à cesser son activité professionnelle, le médecin traitant préconisant en outre de toute urgence une éviction de la cellule familiale ; que l'ensemble de ces faits étaient établis par des certificats médicaux et témoignages ; que M. [P] faisait valoir enfin que la méchanceté récurrente de son épouse caractérisait également une faute au sens de l'article 242 du code civil ; qu'en prononçant le divorce aux torts exclusifs du mari sans répondre à ses conclusions déterminantes pour l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile .

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. [Z] [P] à payer à Mme [F] [W] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 266 du code civil, il est, notamment, établi que sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution définitive du mariage lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ; qu'au regard des pièces communiquées, M. [Z] [P] ne démontre pas le caractère mensonger des allégations de Mme [F] [W]. En revanche, le caractère injurieux et vexatoire du comportement de l'époux est établi ; que s'agissant des violences dont a été victime Mme [F] [W], cette dernière se trouvant, au surplus, dans la situation d'isolement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'état des éléments produits aux débats, notamment les certificats médicaux justifiant de violences, Mme [F] [W] démontre le caractère injurieux et vexatoire du comportement de son époux et le préjudice certain que la dissolution du mariage lui fait subir ; qu'il convient en conséquence de faire droit à sa demande de dommages et intérêts, tout en réduisant le montant de la somme sollicitée et de lui allouer la somme de 1.500 euros.

ALORS QUE des dommages et intérêts peuvent être accordés en application de l'article 266 du code civil à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage ; que pour condamner M. [P] à verser à Mme [W] des dommages et intérêts sur ce fondement la cour d'appel a retenu le caractère injurieux et vexatoire du comportement du mari et les violences subies par l'épouse ; en indemnisant ainsi un préjudice ne résultant pas de la dissolution du mariage, la cour d'appel a violé l'article 266 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-13785
Date de la décision : 22/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 05 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jui. 2022, pourvoi n°20-13785


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.13785
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