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16/06/2022 | FRANCE | N°20-18342

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 juin 2022, 20-18342


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 667 F-D

Pourvoi n° A 20-18.342

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022

La société GMF, dont le siège est [Adresse 1], a formé

le pourvoi n° A 20-18.342 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [W...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 667 F-D

Pourvoi n° A 20-18.342

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022

La société GMF, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-18.342 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [W] [J], domicilié [Adresse 2], (Royaume-Uni), défendeur à la cassation.

M. [J] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2020), le 17 septembre 2001, à Toulon, M. [J], âgé de 33 ans, engagé depuis le 17 octobre 1986 au sein de la Royal Navy, a été victime, alors qu'il était piéton, d'un accident de la circulation impliquant une motocyclette assurée auprès de la société GMF (l'assureur). En mai 2004, M. [J] a été réformé pour inaptitude permanente au service naval en raison des séquelles laissées par l'accident.

2. M. [J] a assigné l'assureur pour obtenir, notamment, l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche et sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui, pour le premier, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, pour le second, est irrecevable.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [J] la somme de 794 804,80 euros en réparation de sa perte de gains professionnels futurs, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence de la somme allouée par celui-ci et à compter de l'arrêt pour le surplus, alors « que, la perte de gains professionnels futurs subie par une victime du fait de son incapacité permanente doit être réparée sous la forme d'une perte de chance de gains professionnels quand, pour calculer son montant, il est procédé à la reconstitution de sa carrière jusqu'à sa retraite sur la base supposée de promotions et de diplômes réussis ainsi que de choix personnels hypothétiques ; qu'en relevant, pour considérer que M. [J] devait être intégralement indemnisé de sa perte de gains professionnels futurs, qu'ayant été bien noté pendant ses 15 années de carrière et ayant régulièrement obtenu des certificats professionnels, il aurait continué à être promu et aurait fait le choix de rester pendant toute sa carrière dans la marine jusqu'à sa retraite, et qu'il justifiait ainsi de « possibilités de progression », la cour d'appel, qui a en réalité tenu pour acquise une reconstitution de carrière hypothétique la plus favorable possible à la victime, a écarté à tort une réparation au titre d'une perte de chance et a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

5. Pour exclure toute perte de chance et condamner l'assureur à payer à M. [J] une certaine somme au titre de la perte des gains professionnels futurs, l'arrêt retient, d'abord, qu'il ressort des éléments versés aux débats que M. [J], entré dans la marine britannique en octobre 1986 à l'âge de 18 ans avançait régulièrement dans sa carrière depuis 15 ans, était bien noté par ses supérieurs, avait encore des possibilités de progression et bénéficiait d'une rémunération et d'avantages substantiels de sorte qu'il n'avait aucune raison de quitter l'armée avant l'âge normal de départ à la retraite fixé à 60 ans.

6.Il énonce, ensuite, que compte tenu de l'évolution de sa carrière avant l'accident et de ses qualités de services appréciées par ses supérieurs, les premiers juges ont retenu avec pertinence l'hypothèse qu'il aurait bénéficié d'une promotion en 2009 et appliqué à bon escient la méthode de calcul préconisée par l'expert judiciaire.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'octroi d'une promotion en 2009 à M. [J] n'était qu'une hypothèse, ce dont il résultait que l'impossibilité pour lui d'accéder à un grade supérieur ne constituait qu'une perte de chance dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [J] de ses autres demandes, l'arrêt rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société GMF

La GMF reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [J] la somme de 794 804,80 euros en réparation de sa perte de gains professionnels futurs, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence de la somme allouée par celui-ci et à compter de l'arrêt pour le surplus ;

Alors 1°) que, la perte de gains professionnels futurs subie par une victime du fait de son incapacité permanente doit être réparée sous la forme d'une perte de chance de gains professionnels quand, pour calculer son montant, il est procédé à la reconstitution de sa carrière jusqu'à sa retraite sur la base supposée de promotions et de diplômes réussis ainsi que de choix personnels hypothétiques ; qu'en relevant, pour considérer que M. [J] devait être intégralement indemnisé de sa perte de gains professionnels futurs, qu'ayant été bien noté pendant ses 15 années de carrière et ayant régulièrement obtenu des certificats professionnels, il aurait continué à être promu et aurait fait le choix de rester pendant toute sa carrière dans la marine jusqu'à sa retraite, et qu'il justifiait ainsi de « possibilités de progression », la cour d'appel, qui a en réalité tenu pour acquise une reconstitution de carrière hypothétique la plus favorable possible à la victime, a écarté à tort une réparation au titre d'une perte de chance et a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

Alors 2°) que, la perte de gains professionnels futurs subie par une victime du fait de son incapacité permanente doit être réparée sous la forme d'une perte de chance de gains professionnels quand, pour calculer son montant, il est procédé à la reconstitution de sa carrière jusqu'à sa retraite sur la base supposée de promotions et de diplômes réussis ainsi que de choix personnels hypothétiques ; qu'en jugeant que la perte de gains professionnels futurs subie par M. [J] ne devait pas être indemnisée au titre d'une perte de chance mais intégralement, quand elle fondait ses calculs sur le rapport de l'expert [X], lequel avait lui-même envisagé deux scénarios, l'un avec une progression de carrière, l'autre sans promotion, la cour d'appel a derechef violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. [J]

M. [J], FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la GMF à lui payer la seule somme de 794 804,80 € en réparation de sa perte de gains professionnels futurs et D'AVOIR débouté celui-ci de toute autre demande ;

1°) ALORS QUE la perte de gains professionnels futurs correspond à la perte ou la diminution des revenus futurs de la victime à compter de la date de consolidation consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée ; qu'elle a nécessairement des effets sur les droits à la retraite qui seront alors inférieurs à ceux auxquels la victime aurait pu prétendre sans la survenance de l'accident ; que le fait d'exercer un autre emploi à la suite de l'accident n'exclut pas une perte de droits à la retraite si la victime ne peut bénéficier d'une retraite équivalente ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que M. [J] ne justifiait pas d'une perte de droits à la retraite « puisqu'il a retrouvé un emploi et cotise pour sa retraite » ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant à écarter une perte de droits à la retraite si le nouvel emploi occupé par M. [J] ne lui permettait pas de bénéficier d'une retraite équivalente à celle à laquelle il aurait eu droit s'il avait pu continuer à exercer son métier de sous-marinier, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil et du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

2°) ALORS QUE la perte de gains professionnels futurs correspond à la perte ou la diminution des revenus futurs de la victime à compter de la date de consolidation consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée ; qu'elle a nécessairement des effets sur les droits à la retraite qui seront alors inférieurs à ceux auxquels la victime aurait pu prétendre sans la survenance de l'accident ; que cette perte peut être indemnisée de manière distincte au titre de l'incidence professionnelle lorsque l'indemnisation de la perte des gains professionnels futurs a été arrêtée à l'âge de la retraite en application d'un euro de rente temporaire ou être englobée dans le calcul des PGPF si celles-ci ont été capitalisées sur la base d'un euro de rente viagère ; qu'en jugeant que M. [J] ne justifiait pas d'une perte de droits à la retraite puisqu'il avait retrouvé un emploi et cotisait pour sa retraite, quand elle avait elle-même accordé une indemnité au titre des PGPF et qu'il convenait dès lors de réparer la perte des droits à la retraite perdus correspondant à cette perte de revenus soit en accordant une indemnité complémentaire à ce titre soit en faisant application d'un euro de rente viagère et non temporaire pour calculer les PGPF, la cour n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 1240 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-18342
Date de la décision : 16/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 jui. 2022, pourvoi n°20-18342


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18342
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