LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 juin 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 761 F-B sur le 4e moyen
Pourvoi n° U 20-22.430
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022
La société Etablissements Mauviel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-22.430 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [P] [C], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi Normandie, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Etablissements Mauviel, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er octobre 2020), Mme [C] a été embauchée par la société Établissements Mauviel (la société), en qualité d'assistante commerciale, à compter du 1er août 2010.
2. Elle a été désignée membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
3. Par requête en date du 26 janvier 2017, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes de résiliation de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes.
4. Par lettre du 24 novembre 2017, elle a été licenciée, après autorisation de l'inspecteur du travail, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de la société au paiement et au remboursement de diverses sommes
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, ainsi que « pour licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », de lui ordonner de remettre à la salariée les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, d'ordonner le remboursement des allocations chômage, de la condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre de l'indemnité pour « rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul », alors :
« 1°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause la validité du licenciement et donc accorder au salarié des dommages-et-intérêts pour licenciement nul ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en condamnant cependant l'employeur à lui payer la somme de 45 500 euros ''au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul'', la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, ordonner le remboursement par l'employeur des allocations chômage versées au salarié par Pôle emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après une autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en ordonnant cependant le remboursement par l'employeur des allocations chômage payées à la salariée, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, et l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
7. L'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage.
8. Ayant constaté que, à la suite du harcèlement moral subi par la salariée ayant rendu impossible la poursuite du contrat de travail, celle-ci avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement et fait ressortir que cette inaptitude avait pour origine le harcèlement moral dont la salariée avait été victime, la cour d'appel, qui a condamné en conséquence l'employeur à une indemnité pour licenciement nul et à une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage, n'encourt pas les griefs du moyen.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail
Enoncé du moyen
10. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et L. 2411-13 du même code, alors applicable :
11. Lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture.
12. Pour prononcer la résiliation judiciaire, l'arrêt retient qu'a été reconnu le harcèlement moral dont se plaignait la salariée pour certains des agissements de l'employeur et que la gravité de ce manquement rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture de celui-ci.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le licenciement de la salariée, préalablement autorisé par l'inspecteur du travail, lui avait été notifié par lettre du 24 novembre 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
14. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il la condamne à payer à la salariée « la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la salariée indiquait que ''l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'est plus sollicitée'' et ne se référait donc pas à une indemnité fixée par le jugement, mais manifestement à celle perçue à l'occasion du licenciement intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant, au soutien de sa décision, que la salariée précisait que l'indemnité de licenciement fixée par le jugement lui a été payée, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l' article 4 du code de procédure civile :
15. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
16. En condamnant la société au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité de licenciement, alors, d'une part, que, dans ses conclusions, la salariée spécifiait que l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'était plus sollicitée et, d'autre part, qu'un tel chef de demande ne figurait pas au dispositif de ces conclusions, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, dit que cette résiliation produit les effets d'une rupture nulle du contrat de travail et condamne la société Établissements Mauviel au paiement de la somme de 22 750 euros « au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », l'arrêt rendu le 1er octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la demande de résiliation judiciaire formée par Mme [C] ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Mauviel
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait reconnu l'existence d'heures supplémentaires, de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] les sommes de 12 417,04 euros au titre des heures supplémentaires, 1 241,70 euros au titre des congés payés y afférents, et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] la somme de 22 749,96 euros au titre du travail dissimulé, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que Mme [C] a été victime de harcèlement moral, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et dit que cette résiliation produisait les effets d'une rupture nulle du contrat de travail, en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] les sommes de 11 374,98 euros au titre de l'indemnité de préavis, 1 137,49 euros au titre des congés payés y afférent, 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement), en ce qu'il avait ordonné à la société Établissements Mauviel de remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, en ce qu'il avait ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 45 500 euros au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage dans la limite de trois mois d'indemnités chômages payés du jour du licenciement au jour du jugement,
ALORS QU'un salarié n'a droit au paiement que des heures supplémentaires que s'il démontre qu'elles ont été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ou qu'elles ont été rendues nécessaires par les tâches qui lui ont été confiées ; qu'en accordant un rappel d'heures supplémentaires à Mme [C], sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 16 et 19), si ces heures avaient été réalisées avec l'accord au moins implicite de l'employeur, ou si elles étaient nécessaires à la réalisation des tâches confiées à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] la somme de 22 749,96 euros au titre du travail dissimulé,
ALORS QUE la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la simple application d'une clause de forfait illicite ; qu'en l'espèce, pour juger que l'élément intentionnel du travail dissimulé était caractérisé, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la salariée s'était vue appliquer par l'employeur une convention de forfait jours sans que la preuve de l'acceptation d'une telle convention soit rapportée et s'était vue reconnaître la réalisation systématique de 9 heures supplémentaires par semaine (hors congés et jours fériés) d'octobre 2015 à août 2016 sans que ces heures soient rémunérées ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du travail dissimulé, de sorte qu'elle a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(ÉGALEMENT SUBSIDIAIRE)
La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que Mme [P] [C] a été victime de harcèlement moral, de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, et en conséquence d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et dit que cette résiliation produisait les effets d'une rupture nulle du contrat de travail, en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] les sommes de 11 374,98 euros au titre de l'indemnité de préavis, 1 137,49 euros au titre des congés payés y afférent, 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement), en ce qu'il avait ordonné à la société Établissements Mauviel de remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, en ce qu'il avait ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 45 500 euros au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage dans la limite de trois mois d'indemnités chômages payés du jour du licenciement au jour du jugement,
1. ALORS QU'il incombe au salarié d'établir la matérialité d'éléments de fait précis, répétés et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard ; que la réalisation d'un nombre limité d'heures supplémentaires sur quelques mois n'implique pas, à elle seule, l'existence d'une surcharge de travail sur cette période ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la salariée établissait la matérialité d'une surcharge de travail entre octobre 2015 et août 2016, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'elle avait travaillé sur cette période 9 h par jour, soit 45 h par semaine ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une surcharge de travail sur la période litigieuse, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2. ALORS en outre QUE lorsque le juge estime que les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il doit examiner si l'employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que « la société Établissements Maurel, après avoir promu Mme [C] du poste de manager planification ordonnancement lancement puis à celui de responsable management production, a entrepris une démarche de rationalisation de la production qui a abouti à une rétrogradation de fait en diminuant le périmètre de ses responsabilités et lui imposant l'aval d'un contrôleur de gestion qui n'était pas son supérieur hiérarchique ce qui a eu pour effet de l'isoler et de porter atteinte à son état de santé », pour conclure que cette réduction de responsabilités et la surcharge de travail étaient constitutives de harcèlement moral, sans expliquer en quoi la démarche de rationalisation de la production dont elle constatait l'existence ne constituait pas un élément objectif étranger à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE)
La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que cette résiliation produisait les effets d'une rupture nulle du contrat de travail, en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] les sommes de 11 374,98 euros au titre de l'indemnité de préavis, 1 137,49 euros au titre des congés payés y afférent, 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement), en ce qu'il avait ordonné à la société Établissements Mauviel de remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, en ce qu'il avait ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 45 500 euros au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage dans la limite de trois mois d'indemnités chômages payés du jour du licenciement au jour du jugement,
1. ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2. ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause la validité du licenciement et donc accorder au salarié des dommages-et-intérêts pour licenciement nul ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en condamnant cependant l'employeur à lui payer la somme de 45 500 euros « au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul », la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3. ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, ordonner le remboursement par l'employeur des allocations chômage versées au salarié par Pôle emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après une autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en ordonnant cependant le remboursement par l'employeur des allocations chômage payées à la salariée, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, et l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
CINQUIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] « la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) »,
1. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
qu'en l'espèce, le jugement avait condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 22 750 euros (correspondant à six mois de salaire) au titre du licenciement nul et non à titre d'indemnité de licenciement, la salariée ayant au demeurant sollicité à ce dernier titre, lors de la saisine du conseil de prud'hommes antérieure à son licenciement, la seule somme de 5 263,83 € ; qu'en confirmant le jugement en ce qu'il avait « condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », la cour d'appel a dénaturé le jugement en violation du principe susvisé ;
2. ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 56), la salariée indiquait que « l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'est plus sollicitée » et ne se référait donc pas à une indemnité fixée par le jugement, mais manifestement à celle perçue à l'occasion du licenciement intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant, au soutien de sa décision, que la salariée précisait que l'indemnité de licenciement fixée par le jugement lui a été payée, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3. ALORS enfin QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, dans ses motifs, la cour d'appel a énoncé qu'il devait être alloué à la salariée la somme de 45 500 € à titre « d'indemnité au titre de la rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul » ; que dans son dispositif, elle a prononcé cette même condamnation mais a en outre confirmé le jugement en ce qu'il avait « condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul » ; qu'en statuant ainsi, elle s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.