LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 juin 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 500 F-D
Pourvoi n° X 20-20.708
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022
M. [H] [R], domicilié [Adresse 8], a formé le pourvoi n° X 20-20.708 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Y] [R], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à M. [T] [N], domicilié [Adresse 3],
3°/ à Mme [S] [G], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité d'administrateur ad hoc de la société civile d'exploitation piscicole et agricole (SEPA),
4°/ à la société [N], Dujardin et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
M. [N] et la société [N], Dujardin et associés ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi icident invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la société [N], Dujardin et associés notaires, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2020), le 16 mai 2006, suivant acte authentique dressé par M. [N], notaire associé de la SCP [T] [N] et Daniel Dujardin, devenue la Selarl [N], Dujardin et associés (la SCP), M. [R] et Mme [R], sa soeur, ont procédé à la liquidation et au partage de la société civile d'exploitation piscicole et agricole (SEPA) dont ils étaient alors les seuls associés. L'actif de la société a été réparti en deux lots, le premier composé notamment d'un ensemble immobilier attribué à Mme [R] et estimé à 479 993 euros et le second constitué de terrains non bâtis attribué à M. [R] et estimé à 480 060 euros.
2. Les 28 mai, 13 juin et 12 novembre 2013, Mme [R], soutenant que la valeur du premier lot avait été dolosivement minorée, a assigné son frère, le notaire et Mme [G], en qualité d'administrateur ad hoc de la société SEPA, en annulation du partage, subsidiairement en condamnation de M. [R] à lui verser un complément de part et en responsabilité et indemnisation à l'encontre de la SCP.
3. Après une expertise ordonnée en appel, Mme [R] a demandé, à titre principal, une rectification du partage, ainsi que le paiement de dommages-intérêts par M. [R].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, du pourvoi principal, sur le second moyen du pourvoi principal et sur les deux moyens du pourvoi incident, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. M. [R] fait grief à l'arrêt d'ordonner la rectification du partage du 16 mai 2006 et de le condamner à payer à Mme [R] une soulte, alors « que les règles concernant le partage des successions s'appliquent aux partages entre associés ; qu'il résulte des dispositions transitoires de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, que l'article 887, alinéa 3, du code civil créé par ladite loi, ayant introduit la possibilité d'un partage rectificatif à titre de réparation du dol, n'est applicable qu'aux partages conclus à compter du 1er janvier 2007 ; qu'en l'espèce, ainsi que la cour d'appel l'a constaté, le partage litigieux avait été conclu le « 16 mai 2006 », soit avant le 1er janvier 2007 ; qu'en prononçant pourtant la rectification du partage, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 887, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Mme [R] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et, de surcroît, contraire aux intérêts de M. [R].
7. Cependant, le moyen, qui critique l'arrêt en ce qu'il fait application des dispositions de l'article 887, alinéa 3, du code civil qui n'était pas applicable à la date du partage est de pur droit.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1844-9, alinéa 2, du code civil, l'article 887, alinéa 3, du même code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, et l'article 47, I et II, alinéas 1 et 2, de cette loi :
9. Il résulte du premier de ces textes que les règles concernant le partage des successions s'appliquent aux partages d'associés et des deuxième et troisième qu'un partage rectificatif peut être ordonné par le tribunal, à la demande de l'une parties, dans le cas d'indivisions existantes et de successions ouvertes non encore partagées à la date du 1er janvier 2007.
10. L'arrêt rectifie le partage intervenu le 16 mai 2006 et condamne M. [R] à payer une soulte à Mme [R].
11. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 887, alinéa 3, du code civil n'étaient pas applicables au partage litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rectifie le partage du 16 mai 2006 et condamne M. [R] à payer à Mme [R], la somme de 314 393 euros avec intérêts au taux légal depuis le 12 novembre 2013 avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 à titre de soulte en rectification du partage suivant acte authentique reçu le 16 mai 2006 par M. [T] [N], notaire associé de la SCP [T] [N] et Daniel Dujardin, l'arrêt rendu le 19 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [R], demandeur au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué en date du 19 juin 2020 d'avoir, vidant la partie avant dire droit de son arrêt du 24 novembre 2017, infirmé le jugement en ce qu'il avait débouté Mme [Y] [R], épouse [V], de sa demande en nullité du partage, et, statuant à nouveau, rectifiant le partage du 16 mai 2006, d'avoir condamné M. [H] [R] à payer à Mme [Y] [R], épouse [V], la somme de 314 393 euros avec intérêts au taux légal depuis le 12 novembre 2013 avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 à titre de soulte en rectification du partage suivant acte authentique reçu le 16 mai 2006 par M. [T] [N], notaire associé de la SCP [T] [N] et Daniel Dujardin, d'avoir condamné M. [H] [R] à payer à Mme [Y] [R], épouse [V], la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral de Mme [Y] [R], épouse [V], et d'avoir condamné M. [T] [N], in solidum avec M. [H] [R], à payer à Mme [Y] [R], épouse [V], la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE « le partage litigieux du 16 mai 2006 évalue l'ensemble immobilier, objet du partage, à la somme globale de 960 053 €, soit :
- pour le lot 1, attribué à Mme [R], constitué d'une propriété d'une contenance de 9ha 11a 78 ca, comprenant une maison principale d'habitation, une maison de gardien, un hangar, un court de tennis, des parcelles en nature de bois, de taillis, de landes et de terres agricoles, la valeur de 479 993 €,
- pour le lot 2, attribué à M. [R], constitué de parcelles d'une contenance totale de 122ha 91a 92ca, en nature d'étang, de bois, de landes et de terres agricoles, la valeur de 480 060 € ;
Que l'expert judiciaire, M. [J], évalue en 2006 la propriété à partager à la somme de 1 621 000 €, soit, pour le lot 1, la somme de 496 000 € et, pour le lot 2, la somme de 1 125 000 € ;
Que dans ses dernières écritures, M. [R] fixe la valeur du lot 2 à la somme de 683 826 €, admettant, ainsi, une certaine sous-évaluation de son lot dans le partage du 16 mai 2006, mais critiquant les évaluations retenues par l'expert judiciaire en ce qu'il n'aurait pas pris en compte l'incidence de la réglementation "Natura 2000" sur la valeur des étangs, en ce qu'il n'aurait pas tenu compte de la surface réelle des étangs et en ce que les références de mutation de l'expert ne seraient pas pertinentes ;
Que la réglementation "Natura 2000", issue de la directive européenne "Habitat" n° 492-43-CEE du 21 mai 1992, transposée en droit français par l'ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001, instaure une politique de conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvages sur des zones spéciales de conservation (ZSC) choisies par chaque état membre ; que M. [J] indique que le territoire de [Localité 11] est concerné par la ZSC n° FR 2410013 "Etangs de Sologne", suivant un arrêté du 3 mars 2006 relatif à la protection des espèces de la directive "Oiseaux", mais précise que la réglementation "Natura 2000" est demeurée sans portée sur les prix, la valeur des parcelles dans les secteurs visés par la réglementation ayant suivi la même évolution que celles des parcelles non concernées par celle-ci ;
Que si la Cour, saisie d'une demande fondée sur l'existence d'un dol, a donné à l'expert judiciaire la mission de "rechercher en fonction de quels éléments le capital social de la société SEPA avait été évalué lors du partage litigieux", elle lui a, également, demandé d'évaluer les biens constituant l'actif social au jour le plus proche de la dissolution de la société et du partage du 16 mai 2006 ; que répondant à sa mission, M. [J], après avoir constaté que lors du partage, un abattement de 10% avait été retenu pour tenir compte de l'impact de l'arrêté précité sur la valeur des terrains dédiés à la pratique cynégétique, a dit que cette réglementation n'avait eu aucun impact sur la valeur des terrains ;
Que par suite, il y a lieu de dire que l'abattement de 10 % retenu dans le partage n'est pas justifié ;
Que s'agissant de la surface des étangs (étang de [Localité 9] et étang de [Localité 5]), M. [R] fait grief à l'expert judiciaire d'avoir retenu leur surface cadastrale (respectivement : 2ha 4a et 37ha 55a 95ca) et non leur surface réelle au jour du partage telle qu'elle résulte des relevés de surface établis par l'IGN sur son site Geoportail et par la DDT, montrant que la surface en eau de [Localité 5] se situe autour de 22 ha contre 37 ha 55 a sur le cadastre ;
Mais que, si l'expert a relevé une diminution de la surface réelle de l'étang de [Localité 5], précisant, toutefois, que la configuration réelle était difficile à apprécier, le niveau de l'eau étant susceptible de varier selon les saisons, voire d'une année à l'autre selon la pluviométrie, la surface en eau n'ayant pas fait l'objet, avant le partage, d'une division cadastrale par un géomètre-expert afin de redéfinir les surfaces en fonction de la nature des sols, M. [J], observant que le niveau des étangs était toujours modulable par la main de l'homme, a écarté l'hypothèse d'une mauvaise alimentation en eau résultant du plan de gestion simplifié (PSG) de 1991, l'étang de [Localité 5] étant exclu de ce plan, et indiqué que la remise en état du site en son état d'origine, d'un coût certes important, permettrait de recouvrer une superficie en eau similaire à celle du cadastre et de valoriser la propriété ;
Que dès lors, il convient de retenir la surface cadastrale des étangs qui représente le potentiel du bien en eau et en zone humide, soit en sa nature d'étang ;
Que s'agissant des références de mutation utilisées par l'expert judiciaire, ce dernier indique exactement, d'une part, concernant les surfaces, qu'il ne s'agit pas de microparcelles susceptibles de prix élevés, mais de surfaces de 3ha à 68 ha comparables à celle de l'espèce, la règle de la proportionnalité inverse superficie/valeur unitaire observée en matière de surface habitable n'étant pas applicable aux bois, d'autre part, concernant la période, que celle-ci était quasi-concomitante à celle étudiée d'autant que l'augmentation des cours du marché n'était pas significative, de sorte que ces références pouvaient être exploitées ; qu'il convient d'observer que, la réglementation européenne n'ayant pas exercé d'influence sur les prix qui sont restés stables, des mutations postérieures pouvaient être utilisées ; que de surcroît, M. [J] a pris en compte les références (Perval) citées dans le rapport de M. [I] [E] qui portent sur des ventes de 2003 à 2008, concernent des bois, des étangs et des terres, ainsi que des superficies comparables à celles du lot litigieux ;
Qu'en conséquence, l'expert judiciaire doit être approuvé en ce qu'il a évalué les bois au prix de 7 000 €/ha, les landes au prix de 6 500 €/ha, les étangs au prix de 14 000 €/ha, M. [J] ayant démontré dans son rapport qu'un étang a une valeur deux fois supérieure à celle d'un bois ;
Qu'il doit être déduit du rapport d'expertise qu'en Sologne, en raison de leur attrait cynégétique, les étangs ont valeur une supérieure aux maisons d'habitation ; qu'or, dans le partage de 2006, une valeur équivalente a été attribuée à chacun des deux lots alors que les étangs étaient placés dans le lot 2 et la maison d'habitation dans le lot 1 ; qu'ainsi, le lot 2 a été sous-évalué, l'expert judiciaire l'ayant évalué à la somme de 1 125 000 € au lieu de celle de 480 060 € ;
Que s'agissant du caractère dolosif de cette sous-évaluation, il convient d'observer, d'abord, que M. [R], gérant de la SEPA dont le siège social est [Adresse 2], domicile du gérant, a présidé aux principales opérations ayant abouti au partage litigieux :
- proposition d'achat des parts détenues par Mme [F] [R] dans la SEPA suivant une étude manuscrite du 20 août 2005 "rédigée par [H] [R] avec l'accord complet de [Y] [K]", née [R], comportant une évaluation de l'actif de la société à hauteur de 6,65 MF ou 1 020 000 €, après l'imputation d'une double moins-value de 20% en raison de l'existence de la société et de 10% due au projet "Natura 2000", soit une valeur d'un tiers des parts égale à 340 000 €,
- lettre du 9 décembre 2005 de M. [R] à M. [B] [W], géomètre-expert à Romorantin (41), postérieure au rachat des parts de Mme [F] [R] par M. [H] [R] et Mme [Y] [R] le 24 novembre 2005, lui réclamant un devis "pour réaliser une division de propriété avec bornage des nouvelles parcelles en vue d'une séparation de terrain avec ma soeur", joignant à cette lettre un plan délimitant en bleu la propriété à partager mentionnant les sous-parcelles à créer,
- lettre du 24 décembre 2005 de M. [R] au géomètre-expert lui donnant son accord pour établir le plan de division conformément à son courrier précédent, lui demandant de facturer son travail à la SCI Geladima [Adresse 2],
- document d'arpentage établi par M. [W] n°685 L publié le 2 mars 2006 au bureau des hypothèques de Romorantin,
- facture d'honoraires de la délimitation, du bornage et de l'arpentage permettant le "partage familial" adressée le 3 mars 2006 par M. [W] à la SCI Geladima,
- dissolution, pour procéder au partage du 16 mai 2006, de la SEPA par anticipation à compter du 31 décembre 2005, M. [R] étant nommé liquidateur avec "les pouvoirs les plus étendus pour terminer les opérations sociales en cours, réaliser l'actif à l'amiable autre que celui dont le partage en nature est envisagé, acquitter le passif et répartir le solde en numéraire" (acte de partage du 16 mai 2006, p. 8) ;
Qu'il convient d'observer, ensuite, que l'évaluation de l'actif de la SEPA dans le partage du 16 mai 2006 est identique à celle faite par M. [R] dans son étude du 20 août 2005 en vue de l'achat des parts de Mme [F] [R] dans la SEPA, fondée sur la visite de la propriété de [Localité 5] par "deux personnalités que l'on peut considérer comme très au courant de la valeur actuelle des transactions des propriétés de Sologne" :
- M. [M], en réalité [X], notaire à [Localité 6], qui aurait "donné une fourchette large entre 8 et 12 MF",
- M. [A], "responsable d'un des deux plus gros cabinets de transactions sur la Sologne (Cabinet Romangeot à [Localité 12])" qui aurait "donné une fourchette plus étroite entre 8 et 12 MF",
soit un montant de 9,5 MF selon la moyenne des deux évaluations suggérée par M. [R], qui, après les imputations de 20 % et de 10 % précitées, aboutit à une valeur de la propriété égale à la somme de 6,6 MF, soit 1 020 000 € ;
Qu'or, la seconde évaluation citée par M. [R] n'est fondée sur aucune étude précise et détaillée de la propriété ; qu'à l'appui de la première, M. [R] verse aux débats la photocopie d'un document manuscrit composite (pièce n°8) dont le tiers supérieur consisterait, selon M. [R], en l'estimation en francs de Maître [X] d'octobre 2005 ; mais que ce manuscrit n'est ni daté ni signé par le scripteur, pourtant supposé notaire, les biens estimés en francs n'étant pas même localisés ;
qu'on peut y lire :
Que si cette estimation permet de corroborer l'égalité de valeur des deux futurs lots, cependant, elle ne peut engager le notaire, réputé en être l'auteur, aujourd'hui décédé, la réalité de la réunion qui aurait été tenue sur la propriété avec ce notaire en avril 2005 aux fins d'évaluation, contestée par Mme [R], n'étant pas établie par l'attestation de M. [U] [Z], locataire de chasse de M. [H] [R] ;
Que par suite, l'évaluation faite par M. [H] [R] n'est fondée sur aucun avis de tiers-sachants ;
Qu'il convient d'observer, enfin, s'agissant de l'accord prétendu de Mme [Y] [R] à la valeur des lots lors du partage de 2006, que cet accord n'est pas éclairé ;
que Mme [Y] [R], sans profession, n'a pas géré la propriété de [Localité 5] laquelle était exploitée par sa mère, [L] [R] jusqu'à son décès en avril 2005, puis, par son frère, M. [H] [R] (attestation de Mme [F] [R], pièce n°23 de M. [R]) ; que si Mme [Y] [R], qui n'a pas d'expérience dans le domaine des affaires, a pu se faire représenter dans les procédures engagées contre son frère par son mari, M. [H] [V], dont elle est séparée de corps, cependant, aucun élément n'établit que ce dernier ait joué un rôle actif dans le partage litigieux et dans l'évaluation des lots, sa compétence en matière de propriétés rurales en Sologne n'étant pas établie par le seul fait qu'il a géré les sociétés "Hôtel et restauration de la Drome", "Atelier chauffage climatisation industrielle" et "Centre d'affaires [10]", cette dernière société ayant pour activité la location d'espaces de bureaux et la domiciliation des sociétés ;
Qu'il ressort, d'ailleurs, de la lettre que Mme [Y] [R] a envoyée le 20 septembre 2005 à sa soeur, Mme [F] [R], d'une part, que Mme [Y] [R] n'avait pas compris les évaluations : "Tu as très bien fait d'écrire car ce que j'ai lu n'a rien à voir avec ce que j'avais compris par oral", d'autre part, qu'elle concentrait son attention sur la valeur de la maison sans se préoccuper de celle relative aux étangs, bois et landes ;
Qu'au contraire, M. [R], qui a géré la Société d'exploitation piscicole et agricole (SEPA) depuis le décès de sa mère jusqu'à la dissolution de la société, avait acquis :
- le 14 décembre 1987 par la SCI Geladima qu'il gérait, un territoire en partie boisé de 9 ha, tenant à la SEPA à Saint-Viâtre, lieudit "La Briquerie",
- le 14 janvier 1989, par la même SCI, une propriété bâtie de 1 ha 58 a et un terrain de 18a 90 ca sis dans la même commune lieudit "[Localité 7]",
- le 2 octobre 1995, par la même SCI, des parcelles de terrains en nature de bois, étangs, prairies, terres de culture, de 1 ha 97 a 80 ca, dans la même commune, même lieudit,
montrant ainsi son intérêt pour les bois et étangs en Sologne, biens à forte valeur cynégétique situés aux mêmes lieudits que ceux de la SEPA ;
Que M. [H] [R], en sa qualité de gérant des sociétés SEPA et Geladima, ne pouvait ignorer la différence de valeur entre les biens composant le lot 1, attribué à sa soeur, et le lot 2 à lui attribué, où se trouvaient, notamment, les étangs ; qu'or, cette information a été dolosivement dissimulée à Mme [R] par l'évaluation des biens du lot 2 dont M. [H] [R] est l'auteur ;
Que dès lors, il y a lieu de faire droit la demande de rectification du partage et de condamner M. [R] à payer à Mme [R] la somme de 314 393 € telle que chiffrée par l'expert judiciaire avec intérêts au taux légal depuis la demande en justice du 12 novembre 2013 avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Que les tracas causés par l'instance en justice que Mme [R] a dû engager contre son propre frère, lui ont causé un préjudice moral qui doit être évalué à 40 000 € à titre de dommages-intérêts ;
(...)
Qu'en conséquence, il convient de condamner M. [N], in solidum avec M. [R], à payer à Mme [R] la somme de 40 000 € de dommages-intérêts, montant auquel le préjudice de l'appelante est évalué » ;
1°/ ALORS QUE le dol doit être apprécié au moment de la conclusion du contrat ; qu'il ne peut résulter de circonstances survenues postérieurement à cette conclusion ; qu'en l'espèce, M. [R] faisait valoir que l'expert judiciaire avait luimême constaté qu'au moment du partage litigieux, « l'entrée en vigueur de cette règlementation [« Natura 2000 »] avait fait naître à l'époque la crainte d'une large restriction de la pratique cynégétique dans ces zones et par là-même une baisse des valeurs foncières des territoires concernés », et que « la valorisation du lot 2 pour les besoins du partage a pu prendre en compte cette crainte » (conclusions de l'exposant, p. 18, al. 3 ; rapport d'expertise, p. 24, al. 10, p. 50, al. 2) ; que M. [R] en déduisait que la décote retenue à l'époque du partage au titre de la réglementation « Natura 2000 » était justifiée, peu important le constat de l'expert selon lequel, postérieurement au partage, la réglementation n'avait finalement pas eu d'impact (conclusions de l'exposant, p. 18, al. 6 et 7) ; que pour conclure pourtant « que l'abattement de 10 % retenu dans le partage n'est pas justifié » et retenir une sous-évaluation du lot attribué à M. [R], la cour d'appel a retenu que l'expert judiciaire « a dit que cette réglementation n'avait eu aucun impact sur la valeur des terrains » (arrêt, p. 4, avant-dern. et dern. al.) ; qu'en statuant ainsi, en considération d'éléments apparus postérieurement à la conclusion de l'acte de partage, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ ALORS QUE le dol doit être apprécié au moment de la conclusion du contrat ; que la valeur d'un bien s'apprécie en considération de son état réel ; qu'en l'espèce, pour conclure à une sous-évaluation du lot attribué à M. [R], la cour d'appel a retenu que la valeur des étangs contenus dans ce lot devait être appréciée non pas selon leur surface réelle, mais selon leur « surface cadastrale (...) qui représente le potentiel du bien », l'expert judiciaire ayant « indiqué que la remise en état du site en son état d'origine, d'un coût certes important, permettrait de recouvrer une superficie en eau similaire à celle du cadastre et de valoriser la propriété » (arrêt, p. 5, al. 4 et 5) ; qu'en retenant ainsi la valeur potentielle du bien dans l'hypothèse où des travaux coûteux auraient été effectués, et non sa valeur réelle, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ ALORS QUE la connaissance de la valeur d'un bien à un instant donné ne peut être déduite ni de la qualité de gérant de société, ni de ce que la société a acquis, plusieurs années auparavant, des biens de nature différente ; qu'en l'espèce, pour affirmer qu'à l'époque du partage conclu le 16 mai 2006, M. [R] « ne pouvait ignorer la différence de valeur entre les biens composant le lot 1, attribué à sa soeur, et le lot 2 à lui attribué », la cour d'appel a retenu « sa qualité de gérant des sociétés SEPA et Geladima », cette dernière ayant acquis, en « 1987 », « 1989 », et « 1995 », des biens n'excédant pas « 9ha » (arrêt, p. 7, al. 5 à 10) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier que M. [R] n'aurait pas pu ignorer, en 2006, la valeur des lots du bien partagé d'une superficie de 123 ha, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ ALORS QUE le dol ne peut être sanctionné que lorsque les manoeuvres reprochées ont déterminé le consentement de celui qui s'en prétend victime ; qu'en l'espèce, pour accueillir la demande de partage rectificatif au titre du dol allégué, la cour d'appel a retenu que l'« information [relative à la différence de valeur des lots] a été dolosivement dissimulée à Mme [R] par l'évaluation des biens du lot 2 dont M. [H] [R] est l'auteur » (arrêt, p. 7, antépénult. et pénult. al.) ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la dissimulation retenue aurait déterminé le consentement de Mme [R], la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5°/ ALORS QUE les règles concernant le partage des successions s'appliquent aux partages entre associés ; qu'il résulte des dispositions transitoires de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, que l'article 887, alinéa 3, du code civil créé par ladite loi, ayant introduit la possibilité d'un partage rectificatif à titre de réparation du dol, n'est applicable qu'aux partages conclus à compter du 1er janvier 2007 ; qu'en l'espèce, ainsi que la cour d'appel l'a constaté, le partage litigieux avait été conclu le « 16 mai 2006 » (arrêt, p. 4, al. 9), soit avant le 1er janvier 2007 ; qu'en prononçant pourtant la rectification du partage, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 887, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
6°/ ALORS QUE, subsidiairement, s'il apparaît que les conséquences du dol peuvent être réparées autrement que par l'annulation du partage, le tribunal peut, à la demande de l'une des parties, ordonner un partage complémentaire ou rectificatif ;
que le partage rectificatif s'opère par le transfert d'un bien, compris dans le partage initial, d'un lot à un autre ; qu'en condamnant pourtant M. [R] à payer à Mme [R] la somme de 314 393 euros à titre de soulte en rectification du partage, la cour d'appel a violé l'article 887, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué en date du 19 juin 2020 d'avoir condamné M. [H] [R] à payer à Mme [Y] [R], épouse [V], la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral de Mme [Y] [R], épouse [V], et d'avoir condamné M. [T] [N], in solidum avec M. [H] [R], à payer à Mme [Y] [R], épouse [V], la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE « (...) dès lors, il y a lieu de faire droit la demande de rectification du partage et de condamner M. [R] à payer à Mme [R] la somme de 314 393 € telle que chiffrée par l'expert judiciaire avec intérêts au taux légal depuis la demande en justice du 12 novembre 2013 avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Que les tracas causés par l'instance en justice que Mme [R] a dû engager contre son propre frère, lui ont causé un préjudice moral qui doit être évalué à 40 000 € à titre de dommages-intérêts ;
(...)
Que s'agissant de la recevabilité de la demande de dommages-intérêts de l'appelante à l'encontre du notaire, Mme [R] ayant demandé en première instance, sur le fondement du dol, la condamnation de M. [N] à lui payer la somme de 382 500 €, sa demande en cause d'appel en paiement de la somme de 100 000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral, qui est le complément de sa demande initiale, n'est pas nouvelle et, comme telle, est recevable ;
Que si le notaire n'a pas d'obligation de conseil relative à l'opportunité économique d'une opération, cependant, il ne peut se borner à donner une forme authentique aux déclarations reçues, mais est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ;
Qu'au cas d'espèce, le 16 mai 2006 par M. [N], notaire ayant reçu l'acte de partage du 16 mai 2006, ne justifie pas avoir attiré l'attention des parties sur l'importance d'une évaluation exacte des lots en tenant compte de la valeur réelle de chacun des biens immobiliers les composant, eu égard, surtout, à la disparité manifeste de la composition de ceux-ci, l'un constitué essentiellement de la maison de famille, l'autre d'étangs, de bois et de landes eu égard à la localisation des biens en Sologne dont le caractère cynégétique devait être pris en compte, même par un notaire parisien ;
Que M. [N] a donc manqué à ses obligations, ce manquement ayant contribué au préjudice moral dont Mme [R] demande réparation ;
Qu'en conséquence, il convient de condamner M. [N], in solidum avec M. [R], à payer à Mme [R] la somme de 40 000 € de dommages-intérêts, montant auquel le préjudice de l'appelante est évalué » ;
ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, ainsi que la cour d'appel l'a elle-même rappelé, Mme [R] demandait au titre de son préjudice moral la condamnation de « M. [R], in solidum avec M. [N], notaire, à lui payer la somme de 100 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral », et, « en cas de rejet de la demande de partage rectificatif ou de nullité du partage », la condamnation de « M. [N] à lui payer la somme de (...) 100 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral » (arrêt, p. 3, al. 21, 23, et 26) ; qu'en prononçant deux condamnations à l'encontre de M. [R] au titre du préjudice moral de Mme [R], cependant que celle-ci ne formait qu'une seule demande à son encontre, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [N] et la société [N] et Dujardin, demandeurs au pourvoi incident.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [N] et la SELARL [N], Dujardin et associés font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait débouté Mme [R] de sa demande dirigée contre le notaire au titre de sa responsabilité et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné M. [N], in solidum avec M. [R], à payer à Mme [R] la somme de 40 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en reprochant au notaire, pour le condamner à réparer le préjudice moral invoqué par Mme [R], de ne pas avoir attiré l'attention des parties sur l'importance d'une évaluation exacte des lots litigieux en tenant compte de la valeur réelle de chacun des biens immobiliers qui les composaient, eu égard à la disparité manifeste de la composition de ceux-ci (cf. arrêt attaqué, p. 8, al. 5), quand Mme [R] reprochait au notaire de ne pas avoir, de lui-même, remis en cause l'évaluation des biens immobiliers que les parties avaient décidé de retenir pour procéder au partage litigieux (cf. conclusions d'appel de Mme [R], pp. 36-38), la cour d'appel qui a retenu un manquement distinct de celui invoqué, a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le notaire n'est pas tenu d'informer de données de fait qui sont déjà connues et une partie ne saurait demander la réparation d'un préjudice résultant selon elle d'une circonstance dont elle avait connaissance à la date de l'acte prétendument dommageable : qu'en reprochant au notaire, pour le condamner à réparer le préjudice moral invoqué par Mme [R], de ne pas avoir attiré l'attention de cette dernière sur l'importance d'une évaluation exacte des lots en tenant compte de la valeur réelle de chacun des biens immobiliers les composant, eu égard, surtout, à la disparité manifeste de la composition de ceux-ci (cf. arrêt attaqué, p. 8, al. 5), cependant que Mme [R] ne pouvait ignorer que la valeur desdits biens immobiliers à partager était déterminante de l'équilibre du partage litigieux, de sorte que le notaire n'avait pas à l'informer d'une donnée de fait qu'elle connaissait déjà, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil.