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09/06/2022 | FRANCE | N°21-11891

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juin 2022, 21-11891


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 704 F-D

Pourvoi n° J 21-11.891

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022

Mme [M] [K], épouse [W], domiciliée

[Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-11.891 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2020 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 704 F-D

Pourvoi n° J 21-11.891

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022

Mme [M] [K], épouse [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-11.891 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2020 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Laboratoires Juva productions, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Laboratoires Juva productions, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 6 novembre 2020), Mme [K], épouse [W], a été engagée à compter du 19 janvier 2004 par la société Laboratoires Juva productions, en qualité d'ouvrière production, suivant contrat à temps partiel. Par avenant du 2 novembre 2004, la durée de travail effectif a été fixée à 30 heures par semaine avec une possibilité de modulation, le salaire mensuel brut de la salariée correspondant à 116,67 heures de présence par mois, dont 109,42 heures de travail effectif.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 13 décembre 2017 de diverses demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de la totalité de ses demandes, alors « qu'en tout état de cause, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; qu'il en résulte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments ; qu'en l'espèce, en ayant énoncé qu'il appartenait à la salariée ''de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande'', en lui reprochant ensuite de n'apporter ''aucun élément venant étayer l'absence totale de modulation de ses horaires de travail et le fait qu'elle ait effectué une moyenne de 122,37 heures de travail par semaine'', en retenant que les bulletins de paie produits ne faisaient apparaître aucun dépassement des 116,67 heures mensuelles et en lui reprochant enfin de ne fournir ''aucun élément de nature à étayer sa demande'', sans avoir vérifié que l'employeur fournissait des éléments de contrôle de la durée du travail de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures non rémunérées, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter la salariée de ses demandes de rappel de salaire et prime d'ancienneté dans le cadre de l'annualisation, l'arrêt retient que l'intéressée n'apporte aucun élément venant étayer l'absence totale de modulation de ses horaires de travail et le fait qu'elle ait effectué une moyenne de 122,37 heures de travail par semaine, ce calcul étant simplement fondé sur la durée de travail mentionnée dans son contrat de travail alors que ce même contrat prévoit une possibilité de modulation. Il ajoute que l'étude des bulletins de paie produits par la salariée, qui mentionnent les « heures travaillées » à partir de mai 2015, ne laisse apparaître aucun dépassement des 116,67 heures mensuelles. Il en déduit que la salariée ne fournit aucun élément de nature à étayer sa demande.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée est sans incidence sur le chef de dispositif relatif à la prime de treizième mois, sans lien d'indivisibilité ni de dépendance nécessaire avec elle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté Mme [K], épouse [W], de ses demandes de rappel de salaire, outre congés payés afférents, et de prime d'ancienneté, dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et condamne Mme [K], épouse [W], aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 6 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Laboratoires Juva productions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Laboratoires Juva productions et la condamne à payer à Mme [K], épouse [W], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [K]

Mme [M] [W] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la totalité de ses demandes ;

Alors 1°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant que l'absence de recours effectif à une modulation des horaires de travail n'empêchait pas l'application de l'annualisation de son temps de travail, sans répondre aux conclusions de Mme [W] qui faisaient valoir que le contrat de travail, pourtant postérieur à l'accord de modulation, fixait, de manière incompatible avec une modulation du temps de travail, expressément la durée de travail hebdomadaire à 30 heures, réparties toutes les semaines, du lundi au jeudi, à raison de 7h30 de travail effectif par jour avec une pause pointée rémunérée de 30 minutes par jour travaillé, et qu'elle avait toujours travaillé 7h30 par jour, du lundi au jeudi, sans aucune modulation ni annualisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) et en tout état de cause, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; qu'il en résulte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments ; qu'en l'espèce, en ayant énoncé qu'il appartenait à la salariée « de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande », en lui reprochant ensuite de n'apporter « aucun élément venant étayer l'absence totale de modulation de ses horaires de travail et le fait qu'elle ait effectué une moyenne de 122,37 heures de travail par semaine », en retenant que les bulletins de paie produits ne faisaient apparaître aucun dépassement des 116,67 heures mensuelles et en lui reprochant enfin de ne fournir « aucun élément de nature à étayer sa demande », sans avoir vérifié que l'employeur fournissait des éléments de contrôle de la durée du travail de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-11891
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 06 novembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2022, pourvoi n°21-11891


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.11891
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