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09/06/2022 | FRANCE | N°20-23319

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juin 2022, 20-23319


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 702 F-D

Pourvoi n° K 20-23.319

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022

La société Charles traiteur prestige, société à

responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-23.319 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 702 F-D

Pourvoi n° K 20-23.319

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022

La société Charles traiteur prestige, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-23.319 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à Mme [B] [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Charles traiteur prestige, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2020), Mme [O] a été engagée par la société Charles traiteur prestige, en qualité de cuisinier extra, suivant contrats à durée déterminée d'usage à compter du 4 septembre 2012, la relation de travail étant soumise à la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983. La salariée a été victime d'un accident de travail le 16 octobre 2016, date après laquelle elle n'a plus travaillé au service de l'employeur.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 25 janvier 2017 de demandes tendant à la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer les demandes au titre de la nullité de la rupture et de la réintégration de la salariée dans l'entreprise recevables, alors « que les prétentions nouvelles ne sont pas recevables en appel ; que constitue, en appel, une prétention nouvelle celle qui ne tend pas aux mêmes fins que la prétention soumise au premier juge ; qu'il importe peu, à cet égard, que les deux prétentions soient les accessoires, les conséquences ou les compléments d'une même prétention, soumise au premier juge ; qu'il est constant, en l'espèce, que la salariée a demandé, devant la juridiction prud'homale, la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il n'est pas contesté que c'est la première fois, en cause d'appel, que la salariée demande, à titre principal, outre la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, d'annuler son licenciement et d'ordonner sa réintégration au sein de la société Charles traiteur prestige ; que, pour déclarer recevables les demandes de la salariée au titre de la nullité de la rupture et de sa réintégration dans l'entreprise, la cour d'appel a considéré qu'ainsi que le soutenait la salariée, et à supposer que la requalification des contrats de travail à durée déterminée sollicitée en première instance et prononcée par le conseil de prud'hommes soit confirmée, la cessation de la relation de travail intervenue sans aucune procédure de licenciement et alors que le contrat de travail était suspendu en raison d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail emporte nécessairement la nullité de la rupture ; qu'elle en a conclu que ces demandes constituaient la conséquence nécessaire de celle formulée au titre de la requalification des contrats de travail à durée déterminée au sens de l'article 566 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, alors que la demande, présentée en première instance, en requalification du terme du dernier contrat à durée déterminée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle, formulée à titre principal en appel, en requalification du terme du contrat à durée déterminée en un licenciement nul et en réintégration de la salariée ne tendaient pas aux mêmes fins, et ce, peu important que ces deux demandes soient consécutives de la demande en requalification des contrats à durée déterminées en un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes formées par la salariée, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendaient à la réparation, par l'indemnisation dans un cas, par la reprise du lien contractuel dans l'autre, des conséquences de son licenciement qu'elle estimait injustifié, en sorte que ces demandes tendaient aux mêmes fins et que la demande en nullité de licenciement était recevable, a légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel de salaire pour les salaires dus du 1er janvier 2014 au 16 octobre 2016, outre congés payés afférents, de fixer le salaire de référence à une certaine somme et de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre de l'indemnité de requalification et du rappel de maintien du salaire durant les 180 jours suivants le 16 octobre 2016, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences formulées par les dispositions des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, après avoir considéré que les plannings fournis par Mme [O] constituaient des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'elle soutenait avoir effectuées, la cour d'appel a estimé qu'il ressortait précisément des déclarations des attestations produites que les salariés remplissaient chaque jour une feuille de présence en début de vacation, ensuite visée ou signée par le régisseur, M. [E], magasinier, indiquant que c'était lui qui signait les heures des employés ou, en son absence, M. [J] ; qu'elle a ajouté que la société Charles traiteur prestige, tout en arguant du caractère mensonger des heures que la salariée prétendait avoir effectuées, s'abstenait de produire les feuilles de présence signées de la salariée et visées par M. [E] ou M. [J], et ce, malgré la sommation adressée à son conseil à ce sujet, documents qui, en l'absence de toute précision sur l'horaire applicable, auraient été de nature, le cas échéant, à étayer les affirmations de l'employeur et à établir la réalité des heures effectuées par Mme [O] ; qu'elle a également indiqué que la société ne produisait pas non plus les feuilles de présence et bulletins de paie d'autres salariés ayant réalisé des heures supplémentaires pour justifier du paiement régulier de ces heures ; qu'elle en a conclu que Mme [O] a effectué des heures au-delà de celles qui lui ont été rémunérées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans examiner tous les éléments présentés par la société Charles traiteur prestige pour justifier des heures de travail réellement accomplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le chef de dispositif relatif au rappel de salaire entraînera la cassation des chefs de dispositif relatifs à la fixation du salaire de référence, à l'indemnité de requalification et au rappel de maintien du salaire durant les 180 jours suivants le 16 octobre 2016, ce compris les congés payés afférents. »

Réponse de la Cour

7. Ayant retenu que la salariée présentait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétendait avoir accomplies et constaté que l'employeur s'était abstenu de produire des éléments de contrôle de la durée du travail de l'intéressée, la cour d'appel a estimé que la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires était rapportée.

8. Le moyen, qui est inopérant en sa première branche et sans portée en sa seconde, n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre du rappel de maintien du salaire durant les 180 jours suivant le 16 octobre 2016, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ que, selon l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, les salariés en arrêt de travail dûment constaté par certificat médical continueront à percevoir leur salaire, y compris les indemnités de sécurité sociale nettes de CGS et de CRDS, à raison de 90 % de leur rémunération brute pendant 180 jours ; que les salariés bénéficient de cette garantie aux conditions cumulatives suivantes : justifier d'une ancienneté de un an dans la profession ; justifier de leur incapacité dans les quarante-huit heures ; être pris en charge par la sécurité sociale ; être soignés sur le territoire français ou dans l'un des autres pays de l'Union européenne ; que, pour octroyer, en l'espèce, à Mme [O] un rappel au titre du maintien du salaire prévu par la convention précitée, la cour d'appel a considéré que Mme [O] justifiait de son arrêt de travail par la production des attestations de paiement des IJSS qui lui ont été versées entre le 17 octobre 2016 et le 18 octobre 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il ressortait que c'est de son propre fait que la salariée n'a pu bénéficier de la garantie conventionnelle de maintien du salaire dont l'exécution était couverte par un régime de prévoyance souscrit par l'employeur et que celui-ci a été mis dans l'impossibilité de mettre en oeuvre en l'absence de communication par la salariée de ses arrêts de travail, et a ainsi violé l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;

2°/ que, selon l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, les salariés en arrêt de travail dûment constaté par certificat médical continueront à percevoir leur salaire, y compris les indemnités de sécurité sociale nettes de CGS et de CRDS, à raison de 90 % de leur rémunération brute pendant 180 jours ; que les salariés bénéficient de cette garantie aux conditions cumulatives suivantes : justifier d'une ancienneté de un an dans la profession ; justifier de leur incapacité dans les quarante-huit heures ; être pris en charge par la sécurité sociale ; être soignés sur le territoire français ou dans l'un des autres pays de l'Union européenne ; que, pour octroyer, en l'espèce, à Mme [O] un rappel au titre du maintien du salaire prévu par la convention précitée, la cour d'appel a considéré que Mme [O] justifiait de son arrêt de travail par la production des attestations de paiement des IJSS qui lui ont été versées entre le 17 octobre 2016 et le 18 octobre 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il ressortait que, faute d'avoir communiqué à l'employeur, dans le délai imparti par la convention collective applicable, ses arrêts de travail et ainsi justifié de son incapacité, la salariée ne pouvait bénéficier de la garantie conventionnelle de maintien du salaire durant la suspension de son contrat de travail consécutive à son accident du travail, de sorte qu'elle a violé l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même Code. »

Réponse de la Cour

10. Ayant retenu que la garantie de maintien du salaire prévue par l'article 44.1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983 était distincte du contrat de prévoyance souscrit par l'employeur, ce dont il résulte qu'un manquement dans la mise en oeuvre de ce contrat ne peut être retenu pour apprécier la mise en oeuvre de la garantie conventionnelle, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un argument, tiré du défaut de communication, par la salariée, de ses arrêts de travail, dont l'employeur ne tirait aucune conséquence juridique au regard de l'article 44.1, n'encourt aucun des griefs du moyen.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Charles traiteur prestige aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Charles traiteur prestige et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Charles traiteur prestige

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables les demandes de Mme [O] au titre de la nullité de la rupture et de sa réintégration dans l'entreprise ;

ALORS QUE les prétentions nouvelles ne sont pas recevables en appel ; que constitue, en appel, une prétention nouvelle celle qui ne tend pas aux mêmes fins que la prétention soumise au premier juge ; qu'il importe peu, à cet égard, que les deux prétentions soient les accessoires, les conséquences ou les compléments d'une même prétention, soumise au premier juge ; qu'il est constant, en l'espèce, que la salariée a demandé, devant la juridiction prud'homale, la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il n'est pas contesté que c'est la première fois, en cause d'appel, que la salariée demande, à titre principal, outre la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, d'annuler son licenciement et d'ordonner sa réintégration au sein de la société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE ; que, pour déclarer recevables les demandes de la salariée au titre de la nullité de la rupture et de sa réintégration dans l'entreprise, la cour d'appel a considéré qu'ainsi que le soutenait la salariée, et à supposer que la requalification des contrat de travail à durée déterminée sollicitée en première instance et prononcée par le conseil de prud'hommes soit confirmée, la cessation de la relation de travail intervenue sans aucune procédure de licenciement et alors que le contrat de travail était suspendu en raison d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail emporte nécessairement la nullité de la rupture ; qu'elle en a conclu que ces demandes constituaient la conséquence nécessaire de celle formulée au titre de la requalification des contrats de travail à durée déterminée au sens de l'article 566 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, alors que la demande, présentée en première instance, en requalification du terme du dernier contrat à durée déterminée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle, formulée à titre principal en appel, en requalification du terme du contrat à durée déterminée en un licenciement nul et en réintégration de la salariée ne tendaient pas aux mêmes fins, et ce, peu important que ces deux demandes soient consécutives de la demande en requalification des contrats à durée déterminées en un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus entre Mme [O] et la société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE à compter du 4 septembre 2012, de l'AVOIR condamnée à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité de requalification et d'AVOIR ordonné la réouverture des débats afin d'inviter les parties soit à engager une médiation en vue de trouver un accord sur l'issue du litige subsistant entre elles, rappelant qu'en cas d'accord la mesure de médiation peut être ordonnée par la cour d'appel, soit, à défaut d'accord sur la mesure de médiation, à conclure sur l'absence de rupture du contrat et ses conséquences ;

ALORS, en premier lieu, QUE, s'il peut être recouru à des contrats de travail à durée déterminée successifs dans les secteurs d'activité, définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, où il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, c'est à la condition que ce recours soit justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; qu'en l'espèce, s'agissant du caractère temporaire de l'emploi qu'a occupé pendant plus de quatre ans Mme [O], la cour relève, d'une part, que l'affirmation selon laquelle la société emploie des salariés dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée pour l'exécution des tâches permanentes de l'entreprise n'est pas étayée alors qu'il lui était parfaitement possible, pour en justifier, de communiquer son registre du personnel ainsi que les DADS, en réponse à la sommation de communiquer faite par le conseil de Mme [O] à laquelle elle n'a pas déféré ; qu'elle a, d'autre part, estimé que, si la société affirme également avoir eu recours aux contrats de travail à durée déterminée à raison d'un surcroît d'activité lié aux fêtes religieuses juives, la réalité de cette allégation est contredite par la comparaison du calendrier des jours travaillés qu'elle verse aux débats avec le calendrier des fêtes, comparaison qui fait apparaître qu'il n'y a pas de coïncidence systématique entre les jours travaillés et des fêtes religieuses et qu'ainsi, notamment, en janvier 2014 et février 2014 et 2016 ou pour partie, en juin et juillet 2014 et 2016 et, même à supposer que ces jours ne correspondant pas à des fêtes reposent sur des réceptions, type mariages, la société aurait parfaitement pu produire les bons de commande ou les factures pour établir la réalité du motif figurant sur les contrats ; qu'elle en a conclu, au regard de l'ensemble de ces éléments, que c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du premier contrat conclu le 4 septembre 2012 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, d'une part, si la salariée avait été ou non occupée, dans le cadre de son emploi, de manière continue et si cet emploi était par sa durée étroitement lié ou non à l'activité normale et permanente de l'entreprise et, d'autre part, si les interventions de la salariée n'étaient pas ponctuelles, limitées dans le temps, irrégulières ou variables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail ;

ALORS, en second lieu, QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le chef de dispositif relatif à la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée entraînera la cassation des chefs de dispositif relatifs à l'indemnité de requalification et à la réouverture des débats.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [O] une somme à titre de rappel de salaire pour les salaires dus du 1er janvier 2014 au 16 octobre 2016, et des congés payés y afférents, d'AVOIR fixé le salaire de référence à la somme de 2 720 euros bruts et de l'AVOIR condamnée à payer à la salariée une somme de 2 720 euros au titre de l'indemnité de requalification ainsi qu'une somme de 11 759,96 euros bruts au titre du rappel de maintien du salaire durant les 180 jours suivants le 16 octobre 2016 outre 1 175,91 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

ALORS, en premier lieu, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences formulées par les dispositions des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, après avoir considéré que les plannings fournis par Mme [O] constituaient des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'elle soutenait avoir effectuées, la cour d'appel a estimé qu'il ressortait précisément des déclarations des attestations produites que les salariés remplissaient chaque jour une feuille de présence en début de vacation, ensuite visée ou signée par le régisseur, M. [E], magasinier, indiquant que c'était lui qui signait les heures des employés ou, en son absence, M. [J] ; qu'elle a ajouté que la société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE, tout en arguant du caractère mensonger des heures que la salariée prétendait avoir effectuées, s'abstenait de produire les feuilles de présence signées de la salariée et visées par M. [E] ou M. [J], et ce, malgré la sommation adressée à son conseil à ce sujet, documents qui, en l'absence de toute précision sur l'horaire applicable, auraient été de nature, le cas échéant, à étayer les affirmations de l'employeur et à établir la réalité des heures effectuées par Mme [O] ; qu'elle a également indiqué que la société ne produisait pas non plus les feuilles de présence et bulletins de paie d'autres salariés ayant réalisé des heures supplémentaires pour justifier du paiement régulier de ces heures ; qu'elle en a conclu que Mme [O] a effectué des heures au-delà de celles qui lui ont été rémunérées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans examiner tous les éléments présentés par la société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE pour justifier des heures de travail réellement accomplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS, en second lieu, QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le chef de dispositif relatif au rappel de salaire entraînera la cassation des chefs de dispositif relatifs à la fixation du salaire de référence, à l'indemnité de requalification et au rappel de maintien du salaire durant les 180 jours suivants le 16 octobre 2016, ce compris les congés payés afférents.

QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [O] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visites médicales ;

ALORS QUE le préjudice hypothétique ne donne pas lieu à réparation ; qu'en l'espèce, après avoir caractérisé le manquement de la société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE à son obligation de faire bénéficier Mme [O] de visites médicales, la cour d'appel a considéré que, compte tenu des horaires de travail précédemment retenus, incluant des heures de travail de nuit, le nonrespect des obligations incombant à l'employeur au titre des visites médicales d'embauche et des visites périodiques est de nature à créer un risque non négligeable pour la santé des salariés, situation qui justifie qu'il soit fait droit à la demande de la salariée à ce titre ; qu'en statuant ainsi, alors que l'atteinte subie par la salariée à sa santé n'était envisagée que comme un risque pouvant affecter n'importe quel salarié et qu'elle était donc purement éventuelle, la cour d'appel, qui a réparé un préjudice hypothétique, a violé les dispositions des articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1123-1 du même code.

CINQUIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [O] une somme au titre du rappel de maintien du salaire durant les 180 jours suivants le 16 octobre 2016 outre une somme au titre des congés payés afférents ;

ALORS, en premier lieu, QUE, selon l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, les salariés en arrêt de travail dûment constaté par certificat médical continueront à percevoir leur salaire, y compris les indemnités de sécurité sociale nettes de CGS et de CRDS, à raison de 90 % de leur rémunération brute pendant 180 jours ; que les salariés bénéficient de cette garantie aux conditions cumulatives suivantes : justifier d'une ancienneté de un an dans la profession ; justifier de leur incapacité dans les quarante-huit heures ; être pris en charge par la sécurité sociale ; être soignés sur le territoire français ou dans l'un des autres pays de l'Union européenne ; Que, pour octroyer, en l'espèce, à Mme [O] un rappel au titre du maintien du salaire prévu par la convention précitée, la cour d'appel a considéré que Mme [O] justifiait de son arrêt de travail par la production des attestations de paiement des IJSS qui lui ont été versées entre le 17 octobre 2016 et le 18 octobre 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il ressortait que c'est de son propre fait que la salariée n'a pu bénéficier de la garantie conventionnelle de maintien du salaire dont l'exécution était couverte par un régime de prévoyance souscrit par l'employeur et que celuici a été mis dans l'impossibilité de mettre en oeuvre en l'absence de communication par la salariée de ses arrêts de travail, et a ainsi violé l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;

ALORS, en second lieu et en toute hypothèse, QUE, selon l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, les salariés en arrêt de travail dûment constaté par certificat médical continueront à percevoir leur salaire, y compris les indemnités de sécurité sociale nettes de CGS et de CRDS, à raison de 90 % de leur rémunération brute pendant 180 jours ; que les salariés bénéficient de cette garantie aux conditions cumulatives suivantes : justifier d'une ancienneté de un an dans la profession ; justifier de leur incapacité dans les quarante-huit heures ; être pris en charge par la sécurité sociale ; être soignés sur le territoire français ou dans l'un des autres pays de l'Union européenne ; que, pour octroyer, en l'espèce, à Mme [O] un rappel au titre du maintien du salaire prévu par la convention précitée, la cour d'appel a considéré que Mme [O] justifiait de son arrêt de travail par la production des attestations de paiement des IJSS qui lui ont été versées entre le 17 octobre 2016 et le 18 octobre 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il ressortait que, faute d'avoir communiqué à l'employeur, dans le délai imparti par la convention collective applicable, ses arrêts de travail et ainsi justifié de son incapacité, la salariée ne pouvait bénéficier de la garantie conventionnelle de maintien du salaire durant la suspension de son contrat de travail consécutive à son accident du travail, de sorte qu'elle a violé l'article 44-1 de la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-23319
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2022, pourvoi n°20-23319


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23319
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