LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juin 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 463 F-D
Pourvoi n° K 20-17.776
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022
La société Benoit et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Stylus Toulouse international négoce, a formé le pourvoi n° K 20-17.776 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [S] [F], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [R] [I], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Benoit et associés, ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [F] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 1er octobre 2019), [Y] [J] est décédé le 26 novembre 2013, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [F], et sa fille, Mme [I].
2. La succession a été jugée redevable d'une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif de l'EURL Stylus Toulouse international négoce (l'EURL).
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société Benoit et associés, en sa qualité de liquidateur de l'EURL (le liquidateur), fait grief à l'arrêt de déclarer parfaite l'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession d'[Y] [J] par Mmes [F] et [I], alors « que les déclarations d'acceptation à concurrence de l'actif net effectuées par Mme [F] et Mme [J] le 27 avril 2015 n'indiquaient ni le domicile élu ni la qualité en vertu de laquelle elles étaient appelées à la succession ; qu'en énonçant toutefois, pour déclarer parfaite l'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession d'[Y] [J] effectuée par Mme [S] [F] veuve [J] et Mme [R] [J], épouse [I], que les déclarations d'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession qu'elles avaient effectuées auprès du greffe du tribunal de grande instance de Toulouse le 27 avril 2015 comportaient bien l'ensemble des mentions légales, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Mmes [F] et [I] soutiennent que le moyen est partiellement irrecevable, le liquidateur n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel l'absence de mention, dans les déclarations d'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession, de la qualité en vertu de laquelle elles étaient appelées à celle-ci.
5. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.
6. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
7. Pour déclarer parfaite l'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession par Mmes [F] et [I], l'arrêt retient que les déclarations établies par celles-ci comportent l'ensemble des mentions légales.
8. En statuant ainsi, alors que ces déclarations ne comportaient ni élection de domicile ni mention de la qualité en vertu de laquelle les déclarantes étaient appelées à la succession, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt déclarant parfaite l'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession d'[Y] [J] par Mmes [F] et [I] en date du 27 avril 2015 entraîne la cassation des chefs de dispositif déclarant éteinte la créance de la société Benoit et associés ès qualités à l'encontre de la succession d'[Y] [J] résultant de l'arrêt du 20 juillet 2016, rejetant l'action de la société Benoit et associés ès qualités en liquidation et partage de cette succession, disant en conséquence n'y avoir lieu d'ordonner la licitation de l'immeuble indivis situé à [Adresse 4], et ordonnant la mainlevée de l'hypothèque judiciaire n° 2017 V 9678 prise le 10 avril 2017.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mmes [F] et [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Benoit et associés, ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Benoit et associés fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré parfaite l'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession d'[Y] [J] par Mme [S] [F] veuve [J] et Mme [R] [J] épouse [I] en date du 27 avril 2015 ;
ALORS QUE les déclarations d'acceptation à concurrence de l'actif net effectuées par Mme [F] et Mme [J] le 27 avril 2015 n'indiquaient ni le domicile élu ni la qualité en vertu de laquelle elles étaient appelées à la succession ; qu'en énonçant toutefois, pour déclarer parfaite l'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession d'[Y] [J] effectuée par Mme [S] [F] veuve [J] et Mme [R] [J] épouse [I], que les déclarations d'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession qu'elles avaient effectuées auprès du greffe du tribunal de grande instance de Toulouse le 27 avril 2015 comportaient bien l'ensemble des mentions légales, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société Benoit et associés fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré éteinte sa créance à l'encontre de la succession d'[Y] [J] résultant de l'arrêt du 20 juillet 2016 et, en conséquence, de l'avoir déboutée de son action en liquidation et partage de la succession d'[Y] [J] et d'avoir dit n'y avoir lieu à ordonner la licitation de l'immeuble indivis situé à [Adresse 4] ;
ALORS QUE la sanction de l'extinction de la créance à l'égard de la succession pour défaut de déclaration de celle-ci dans le délai de quinze mois suivant la publicité de la déclaration d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net effectuée par les héritiers ne s'applique pas au créancier qui, à la date de la publicité de la déclaration d'acceptation et pendant le délai de quinze mois, bénéficiait d'une sureté réelle, peu important que, postérieurement à l'expiration de ce délai, la mainlevée de la sûreté ait été prononcée ; qu'en énonçant, pour déclarer éteinte la créance de la Selarl Benoit et associés à l'encontre de la succession d'[Y] [J], que le jugement du 31 janvier 2018 avait prononcé la mainlevée de l'hypothèque provisoire publiée le 19 février 2013 et de l'hypothèque définitive demandée le 9 septembre 2016, anéantissant ainsi rétroactivement la sureté attachée à la créance de la Selarl Benoit et associés de sorte que, dépourvue de toute sûreté sur les biens de la succession, cette dernière devait déclarer sa créance dans le délai de quinze mois de la publicité de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net intervenue le 28 avril 2015 et qu'en l'absence d'une telle déclaration dans le délai imparti, sa créance se trouvait éteinte à l'égard de la succession [J], la cour d'appel, qui a appliqué la sanction de l'extinction de la créance pour défaut de déclaration à un créancier qui justifiait avoir bénéficié d'une sureté réelle au jour de la publicité de la déclaration d'acceptation de la succession, a violé l'article 792 du code civil.