LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juin 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 455 F-D
Pourvoi n° T 20-16.817
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022
M. [G] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-16.817 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Antoine, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [G] [C], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Antoine, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 29 janvier 2020), M. [Z] [C] a assigné son fils, M. [G] [C], en paiement d'une contribution au titre de son obligation alimentaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. M. [G] [C] fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à M. [Z] [C] une pension mensuelle de 200 euros au titre du devoir de l'obligé alimentaire, alors « que, quand le créancier d'aliments a gravement manqué à ses obligations envers le débiteur, le juge peut décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ; qu'en l'espèce, pour juger que l'attitude de M. [Z] [C] vis-à-vis de son fils ne revêtait pas le caractère de gravité exigé pour le priver ou diminuer son droit à pension alimentaire, la cour d'appel s'est bornée à relever que le maintien de M. [Z] [C] dans la maison de son fils après la séparation du couple et le blocage de la situation « procèdent à la fois de données économiques mais également de profondes dissensions d'ordre personnel avec son fils » ; qu'en se bornant à évoquer ainsi, de façon non circonstanciée, « de profondes dissensions », sans en rechercher les causes et les responsabilités et partant, sans analyser comme elle y était pourtant tenue, si l'attitude de M. [Z] [C], s'étant maintenu dans un bien appartenant à son fils malgré un jugement d'expulsion, n'était pas constitutive d'un manquement grave à ses obligations vis-à-vis de l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 207, alinéa 2 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir retenu qu'il ne pouvait être reproché à M. [Z] [C] d'avoir, dans un premier temps, occupé, avec toute sa famille, le bien immobilier appartenant à son fils et que son maintien dans les lieux et le blocage de la situation procédaient tant de données économiques que de profondes dissensions d'ordre personnel avec celui-ci, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que l'attitude du père ne revêtait pas le caractère de gravité exigé par l'article 207, alinéa 2, du code civil pour permettre de décharger M. [G] [C] de tout ou partie de son obligation alimentaire.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [G] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [G] [C]
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. [G] [C] à verser à M. [Z] [C] une pension mensuelle de 200 euros au titre du devoir d'obligé alimentaire ;
AUX MOTIFS QU' « il convient de noter que le premier juge n'a pas statué sur la demande d'attribution à titre gratuit à [Z] [C] du domicile appartenant à son fils, pendant une durée de deux années ;
Que cette demande n'est pas reprise devant la cour ;
Quela cour doit rappeler que le tribunal d'instance d'Ajaccio a précédemment rejeté les demandes des époux [C] tendant à voir reconnaître qu'ils ont édifié la maison sur le terrain de leur fils avec leurs propres deniers, et à obtenir une indemnisation de ce chef ;
Que par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'intimé, [G] [C] est parfaitement recevable à invoquer devant la cour un moyen qu'il n'avait pas invoqué en première instance, à savoir la possibilité qu'a son père de réclamer des aliments à ses frères ; mais que quoiqu'il en soit, [Z] [C] peut s'adresser à l'un quelconque de ses enfants en application de l'article 205 du code civil ;
Que pour conclure à l'infirmation du jugement, [G] [C] soulève l'exception d'indignité, estimant qu'en abusant de sa proposition de père, [Z] [C] a occupé le bien qui lui appartient sans autorisation ni bail, qu'il l'a ainsi privé des revenus d'une location et l'a ainsi contraint à louer un appartement pour se loger ; que cette situation l'a conduit à saisir la justice en décembre 2013 ;
Que [Z] [C] indique avoir occupé dans un premier temps le domicile avec toute sa famille, ce qui ne peut à l'évidence lui être reproché ; que son maintien dans les lieux même après la séparation du couple et le blocage de la situation procèdent à la fois de données économiques mais également de profondes dissensions d'ordre personnel avec son fils ;
Que pour autant, l'attitude de M. [C] père ne revêt pas le caractère de gravité exigé par l'article 207 alinéa deux du code civil, au point que [G] [C] puisse être déchargé de tout ou partie de son obligation alimentaire ;
Que l'exception soulevée sera donc écartée ;
Que l'appelant ne conteste pas la réalité de la situation de besoin de son père ;
Qu'il estime que ses ressources actuelles ne lui permettent pas de payer la somme mise à sa charge par le premier juge ;
Qu'au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que pour 2018 :
[G] [C] a perçu un revenu mensuel de 2 006 euros, Sa compagne un revenu mensuel de 1395 euros ;
Qu'ils ont perçu de la caisse d'allocations familiales, au titre de leurs deux jeunes enfants, la somme mensuelle de 315 euros ;
Qu'il n'est pas démontré que comme le suggère [Z] [C], [G] [C] perçoive actuellement le loyer de la maison qui lui appartient ;
Que leurs charges mensuelles s'élèvent à 2 544 euros ;
Que si la compagne de [G] [C] n'est pas débitrice d'aliments envers [Z] [C] puisqu'elle n'est pas mariée, il doit être tenu compte de la situation de concubinage pour estimer le montant des ressources mensuelles de [G] [C] après paiement des charges, celles-ci étant censément partagés entre les deux concubins ;
Que le calcul du reste à vivre pour le couple avec deux enfants à charge est de 1 172 euros mensuels ;
Qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de réduire à 200 euros mensuels la pension alimentaire que devra verser [G] [C] à son père » ;
1°/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour juger que l'attitude de M. [Z] [C] n'était pas de nature à caractériser un manquement grave de ce dernier à ses obligations vis-à-vis de l'exposant, la Cour d'appel s'est fondée sur les « profondes dissensions d'ordre personnel » de M. [Z] [C] avec son fils ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à débattre contradictoirement sur cet élément qui n'était pas discuté entre elles, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
2°/ ALORS QUE quand le créancier d'aliments a gravement manqué à ses obligations envers le débiteur, le juge peut décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ; qu'en l'espèce, pour juger que l'attitude de M. [Z] [C] vis-à-vis de son fils ne revêtait pas le caractère de gravité exigé pour le priver ou diminuer son droit à pension alimentaire, la Cour d'appel s'est bornée à relever que le maintien de M. [Z] [C] dans la maison de son fils après la séparation du couple et le blocage de la situation « procèdent à la fois de données économiques mais également de profondes dissensions d'ordre personnel avec son fils » (v. arrêt, p. 4) ; qu'en se bornant à évoquer ainsi, de façon non circonstanciée, « de profondes dissensions », sans en rechercher les causes et les responsabilités et partant, sans analyser comme elle y était pourtant tenue, si l'attitude de M. [Z] [C], s'étant maintenu dans un bien appartenant à son fils malgré un jugement d'expulsion, n'était pas constitutive d'un manquement grave à ses obligations vis-à-vis de l'exposant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 207, alinéa 2 du code civil ;