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09/06/2022 | FRANCE | N°20-12383

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 juin 2022, 20-12383


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 369 F-D

Pourvoi n° Y 20-12.383

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2022

°/ La société MMA IARD, société anonyme, venant aux droits de Covea Fleet,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, venant a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 369 F-D

Pourvoi n° Y 20-12.383

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2022

1°/ La société MMA IARD, société anonyme, venant aux droits de Covea Fleet,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, venant aux droits de Covea Fleet,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2],

3°/ la société Provence Services Trading et Moving - TetM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],

ont formé le pourvoi n° Y 20-12.383 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société XL Insurance Compagny SE, compagnie d'assurance de droit irlandais, dont le siège est [Adresse 6], (Irlande), agissant par l'intermédiaire de sa succursale française, [Adresse 5], venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurances,

2°/ à la société AIG Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1]), société de droit étranger, ayant un établissement en France tour CB21, [Adresse 3], venant aux droits de la société Aig Europe Limited,

3°/ à la société Ortec services industrie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Alpha Logistics Services (EPZ) LTD, dont le siège est [Adresse 10]),

5°/ à la société [N] EA LTD, dont le siège est [Adresse 11]), domiciliée [Adresse 12]),

6°/ à la société AON Kenya Insurance Brokers LTD, dont le siège est [Adresse 8]),

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Provence Services Trading et Moving, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés XL Insurance Compagny SE, AIG Europe et Ortec services industrie, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Alpha Logistics Services (EPZ) LTD, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 novembre 2019), la société ougandaise East African Cranes Ltd. (la société EAC), filiale de la société Ortec services industrie (la société Ortec), a vendu une grue mobile tout terrain d'occasion à la société camerounaise Camlev, également filiale de la société Ortec.

2. La société Ortec a contacté la société Provence Services Trading et Moving (la société PSTM) en vue de l'acheminement de la grue, à partir des locaux de la société EAC situés en Ouganda jusqu'à ceux de la société Camlev, au Cameroun.

3. Le 27 novembre 2013, la société Ortec a commandé à la société PSTM une prestation avec « enlèvement de la machine sur parc [C] », dans les termes suivants : « forfait pour le transport depuis Kampala à rendu CFR Douala - FOT [C] à FOB Monbasa - transfert de quai [Localité 9]/[Localité 9] - fret Mombasa-[Localité 9] et fret Mombasa/Douala - depuis FOT [C] à rendu Douala, avec livraison à la société Camlev à Douala ».

La facture émise le 27 janvier 2014 par la société PSTM, adressée à la société Ortec, mentionnait un transport terrestre de [C] (Ouganda) à Mombasa (Kenya), un transport maritime de Mombasa à [Localité 9], un déchargement puis un embarquement dans cette même ville, et enfin un transport maritime de [Localité 9] à Douala (Cameroun).

4. La société PSTM a confié le transport terrestre à la société de droit kenyan Alpha Logistics Services (la société Alpha), qui l'a sous-traité à la société kenyane [N] EA Ltd (la société [N]).

5. Le 14 décembre 2013, la grue transportée a été endommagée lors d'un accident de la circulation survenu à proximité de la localité d'Eldoret (Kenya).

6. Par acte du 11 décembre 2014, la société Ortec et ses assureurs ad valorem, les sociétés XL Insurance Company SE (la société XLI), venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurances (la société Axa) et AIG Europe (venant aux droits de la société Chartis Insurance), ont assigné en indemnisation de leurs préjudices la société PSTM et son assureur responsabilité, la société Covea Fleet (aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles), lesquelles ont appelé en garantie les sociétés Alpha, [N], Aon Kenya Insurance Brokers Ltd et Toplis et Harding International Ltd.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La société PSTM et ses deux assureurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux sociétés XLI et AIG Europe une certaine somme au titre du sinistre et une certaine somme au titre des frais d'expertise et à payer à la société Ortec une certaine somme au titre de la franchise, alors :

« 1°/ que la commission de transport est une convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre qui se caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, mais aussi par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ; que, pour décider que la société Provence Services T et M était intervenue en qualité de commissionnaire de transport, la cour d'appel a énoncé que, mandatée par la société Ortec pour transporter la grue de [C] à Doual, elle a choisi de faire exécuter sa mission par un tiers, et qu'elle a ainsi librement sélectionné son sous-traitant et conclu avec lui un contrat de transport, ce qui lui attribue la qualité de commissionnaire de transport ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conclusion d'un contrat de commission de transport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

2°/ que la commission de transport est une convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre qui se caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, mais aussi par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ; que, pour décider que la société Provence Services T et M était intervenue en qualité de commissionnaire de transport, la cour d'appel a énoncé que, mandatée par la société Ortec pour transporter la grue de [C] à Doual, elle a choisi de faire exécuter sa mission par un tiers, et qu'elle a ainsi librement sélectionné son sous-traitant et conclu avec lui un contrat de transport, ce qui lui attribue la qualité de commissionnaire de transport ; qu'en statuant ainsi, cependant que la qualité de commissionnaire de transport ne résulte pas, pour celui qui a été chargé de l'acheminement d'une marchandise de bout en bout, du seul fait qu'il s'est substitué un tiers dans l'exécution de l'expédition, la cour d'appel a violé l'article L. 132-6 du code de commerce, ensemble l'article L. 1411-1 du code des transports ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; que, dans leurs écritures d'appel, la société Provence Services T et M (PSTM) et ses assureurs ont fait valoir que, pour ce qui regarde la phase de pré-acheminement terrestre, la société PSTM était intervenue en seule qualité de transitaire, rappelant que son offre ne mentionnait pas qu'elle s'engageait en qualité de commissionnaire, non plus que ses conditions générales d'achat et soulignant qu'elle n'était pas plus mentionnée sur la lettre de transport terrestre, "établie entre EAC (chargeur) et Camlev (destinataire)" et que "tous les documents mentionnent [N] EA Ltd. Mombasa - et aucunement PSTM", de sorte que faisait "défaut" un "élément essentiel de la commission sur cette partie du transport, à savoir la conclusion par PSTM d'un acte juridique permettant le déplacement de la marchandise, en qualité de commissionnaire ou de donneur d'ordre" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour décider que la société Provence Services T et M était intervenue en qualité de commissionnaire de transport, sans se prononcer sur ces éléments, qui établissaient le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. L'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que le bon de commande du 27 novembre 2013 adressé par la société Ortec à la société PSTM portait sur une prestation forfaitaire pour le transport d'une grue depuis la ville de [C] (Ouganda) à celle de Douala (Cameroun).

Il retient que ce forfait comprend le transport terrestre (Fot [C] à Fob Mombasa) ainsi que le transport maritime et que la facture émise par la société PSTM reprend les termes du bon de commande.

Il retient encore que cette dernière a librement choisi son sous-traitant pour le transport terrestre en Ouganda et au Kenya, la société Alpha, qui le lui a facturé pour un prix forfaitaire.

10. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que la société PSTM s'était vu confier l'organisation du transport de bout à bout, du lieu d'expédition de la grue, situé en Ouganda, jusqu'au [Localité 13] (Cameroun), en passant par les ports de Mombasa (Kenya) et de [Localité 9] (France), peu important que son nom ne figure pas sur la lettre de transport terrestre, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a exactement retenu que la société PSTM avait agi en qualité de commissionnaire de transport.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. La société PSTM et ses deux assureurs font grief à l'arrêt de les débouter de leurs appels en garantie à l'encontre des sociétés Alpha et [N], alors « qu'il incombe au juge français, dès lors que la règle de conflit est mise dans le débat, d'appliquer le droit étranger compétent et d'en rechercher la teneur, avec au besoin le concours des parties ; que, pour débouter la société Provence Services T et M de son recours en garantie contre la société Alpha et la société [N], la cour d'appel a énoncé qu'aucun élément du droit local kenyan, seul applicable à ces dernières ne permet de qualifier juridiquement leur intervention dans le transport litigieux, ni de déterminer si elles ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de la société Provence services ; qu'en statuant ainsi, sans davantage s'expliquer sur la teneur du droit kenyan qu'elle déclarait applicable, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article 3 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 du code civil et 455 du code de procédure civile :

13. En application du premier de ces textes, il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher la teneur, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger.

14. Et, selon le second, tout jugement doit être motivé.

15. Pour débouter la société PSTM et ses deux assureurs de leurs appels en garantie à l'encontre des sociétés Alpha et [N], l'arrêt se borne à retenir qu'aucun élément du droit local kenyan, seul applicable à ces 2 dernières entités kenyanes, ne permet de qualifier juridiquement leur intervention dans le transport litigieux, ni de déterminer si elles ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de la société PSTM.

16. En statuant ainsi par une simple affirmation, sans s'expliquer sur la teneur du droit kenyan qu'elle déclarait applicable et dont elle ne cite aucune source, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé le premier des textes susvisés et n'a pas satisfait aux exigences du second.

Mise hors de cause

17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés Ortec services industrie, XL Insurance Company SE et AIG Europe, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

Portée et conséquences de la cassation

18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt déboutant, par confirmation du jugement, les sociétés PSTM, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles de leurs appels en garantie à l'encontre des sociétés Alpha et [N], entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif disant, par confirmation du jugement, sans objet l'appel en garantie de la société Alpha à l'encontre de la société [N] et déboutant la première de ses demandes à l'encontre de la seconde, condamnant, par confirmation du jugement, les sociétés PSTM, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à la société Alpha la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnant les sociétés PSTM, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer une indemnité supplémentaire de 5 000 euros à la société Alpha au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute les sociétés Provence Services Trading et Moving, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles de leurs appels en garantie à l'encontre des sociétés Alpha Logistics Services et [N] EA Limited, dit sans objet l'appel en garantie de la société Alpha Logistics Services à l'encontre de la société [N] EA Limited et déboute la première de ses demandes à l'encontre de la seconde, condamne les sociétés Provence Services Trading et Moving, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la société Alpha Logistics Services la somme de 3 000 euros, et en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Provence Services Trading et Moving, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens une indemnité de 5 000 euros à la société kenyane Alpha Logistics Services, l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Met hors de cause les sociétés Ortec services industrie, XL Insurance Company SE et AIG Europe ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne les sociétés Alpha Logistics Services et [N] EA Ltd aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Provence Services Trading et Moving.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt confirmatif attaqué,

D'AVOIR condamné la société Provence Services T et M, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles venant toutes deux aux droits de Covea Fleet à payer à la société Axa Corporate Solutions assurance et la société AIG Europe Ltd. la somme de 174 491,09 euros au titre du sinistre et la somme de 11 153,13 euros au titre des frais d'expertise, lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et la société Ortec services industries la somme de 2 000 euros au titre de la franchise avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du code civil), dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la société Provence services, cette dernière, mandatée par la société Ortecpour transporter la grue de [C] à Douala par voies terrestre puis maritime, a choisi de faire exécuter sa mission par un tiers c'est-à-dire la société Alpha, laquelle l'en a facturée le 24 octobre 2013 ; que la même a ainsi librement sélectionné son sous-traitant, et a conclu directement avec lui un contrat de transport, ce qui lui attribue la qualité de commissionnaire de transport vis-à-vis de la société Ortec son donneur d'ordre ;
(?) ;
que la circonstance que l'accident du 14 décembre 2013 soit survenu alors que la grue transportée était entre les mains officiellement de la société [N], en réalité semble-t-il celles de la société MS Hajinur, ne suffît pas à exonérer de toute responsabilité la société Provence services, laquelle est responsable des fautes de ses substituées ; par ailleurs ladite société ne peut invoquer le bénéfice de la force majeure pour cet accident, la présence sur une route de véhicules soit arrêtés soit venant en sens inverse ne constituant pas un fait imprévisible ni même irrésistible, et cet accident n'étant aucunement dû à la grue transportée ;
(?) ;
que, sur le montant du préjudice, ce dernier a été chiffré par la société Erget, expert missionné par le courtier d'assurance de la société Ortec, à la somme de 176 491,09 euros, à laquelle s'ajoutent les 3 factures d'honoraires et de frais à hauteur de 11 153,13 euros TTC ; que ces derniers ne sont pas sérieusement contestés tant par la société Provence services et ses assureurs, que par la société Alpha, ce qui justifie que le tribunal les ait retenus ; que la somme principale ci-dessus est inférieure à la valeur vénale de la grue au jour de l'accident qui selon cet expert était de 240 305,17 euros, et ne peut en conséquence être contestée par la société Provence services et ses 2 assureurs sur la seule base d'une déclaration unilatérale de la société EAC à hauteur de 163 242 euros non vérifiée par l'expert ; le jugement est confirmé pour avoir chiffré le préjudice à cette somme de 176 491,09 euros » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L. 1411-1 du code des transports définit les commissionnaires de transport comme des personnes qui organisent et font exécuter, sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandises selon les modes de leur choix pour le compte d'un commettant ; que la qualité de commissionnaire ne se présume pas ; qu'il convient aux parties demanderesses de démontrer que la société Provence Services Trading et Moving est un intermédiaire qui a librement choisi les voies et moyens de transport et a conclu en son nom les contrats nécessaire à ce transport ;
que la société Ortec services industries produit un bon de commande daté du 27 novembre 2013 adressé à la société Provence Services ; que ce bon de commande porte sur une prestation forfaitaire pour le transport d'une grue depuis l'Ouganda à Douala au Cameroun ; que ce forfait comprend le transport terrestre (Fot [C] à Fob Mombasa) ainsi que le transport maritime ; que cette prestation a fait l'objet d'une facturation de la part de Provence Services Trading et Moving à l'attention de la société Ortec services industries ; que cette facture reprend les tenues du bon de commande; que de l'aveu même de la société Provence Services Trading et Moving (page 3 de ses conclusions) elle a contacté la société Alpha Logistics Services pour le transport terrestre ; que cette dernière a adressé une facture pour un montant de 15 000 US dollars à la société Provence Services Trading et Moving et portant le libellé « Transport of 1 Crâne from Fot [C] to Fob Mombasa » ; qu'il convient de dire que la Provence Services Trading et Moving a librement choisi son sous-traitant avec qui elle a conclu l'organisation du transport terrestre ; qu'en l'état de ce qui précède le tribunal dispose de suffisamment d'éléments pour dire que la société Provence Services Trading et Moving a organisé et fait exécuter sous sa responsabilité et en son nom propre le transport que lui a confié la société Ortec services industries ; qu'en conséquence, répondant aux critères de l'article L. 1411-1 du code des transport, il convient de dire qu'elle a agi en qualité de commissionnaire de transport ;
(?) ;
que l'article L. 132-4 du code de commerce dispose que le commissionnaire de transport est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure légalement constatée ; que l'article L. 132-5 dispose qu'il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure ; que l'article L. 132-6 dispose enfin qu'il est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises ; qu'il est également de jurisprudence constante que le commissionnaire ne répond que dans les mêmes conditions et les mêmes proportions que ses substitués ; que cela suppose évidemment que les substitués soit intervenus en tant que commissionnaire de transport au sens du droit fiançais ou en tant que voiturier ; que la société Provence Services Trading et Moving a été qualifiée de commissionnaire de transport ; qu'elle a, à ce titre, une obligation de résultat vis-à-vis de son client Ortec services industries ;
qu'il a été dit supra que la société Provence Services Trading et Moving ne démontrait pas que les société Alpha Logistics Services et [N] soient intervenues en tant que sous-commissionnaire au sens du droit fiançais ; qu'il n'était donc pas démontré qu'elles étaient responsables des faits de leurs substitués ; qu'il n'était également pas démontré qu'elles avaient commis une faute personnelle ; que leur responsabilité dans le présent sinistre n'est donc pas prouvée ; que de ce fait la société Provence Services Trading et Moving ne peut prétendre bénéficier des exonérations ou limitation de responsabilité des sociétés Alpha Logistics Services et [N] et notamment pour cette dernière des limitations de responsabilité prévues dans ses conditions générales ; qu'elle n'a pas jugé nécessaire de mettre en cause la société Hajinur et Sons Ltd. transporteur réel de la grue endommagée ; qu'en conséquence de ce qui précède, la société Provence Services Trading et Moving ne peut bénéficier des causes légales d'exonération de ses substitués et doit être déclarée seule responsable du présent sinistre » ;

1°/ ALORS QUE la commission de transport est une convention par laquelle le commissaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre qui se caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, mais aussi par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ; que, pour décider que la société Provence Services T et M était intervenue en qualité de commissionnaire de transport, la cour d'appel a énoncé que, mandatée par la société Ortec pour transporter la grue de [C] à Doual, elle a choisi de faire exécuter sa mission par un tiers, et qu'elle a ainsi librement sélectionné son sous-traitant et conclu avec lui un contrat de transport, ce qui lui attribue la qualité de commissionnaire de transport ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conclusion d'un contrat de commission de transport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

2°/ ALORS QUE, la commission de transport est une convention par laquelle le commissaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre qui se caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, mais aussi par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ; que, pour décider que la société Provence Services T et M était intervenue en qualité de commissionnaire de transport, la cour d'appel a énoncé que, mandatée par la société Ortec pour transporter la grue de [C] à Doual, elle a choisi de faire exécuter sa mission par un tiers, et qu'elle a ainsi librement sélectionné son sous-traitant et conclu avec lui un contrat de transport, ce qui lui attribue la qualité de commissionnaire de transport ; qu'en statuant ainsi, cependant que la qualité de commissionnaire de transport ne résulte pas, pour celui qui a été chargé de l'acheminement d'une marchandise de bout en bout, du seul fait qu'il s'est substitué un tiers dans l'exécution de l'expédition, la cour d'appel a violé l'article L. 132-6 du code de commerce, ensemble l'article L. 1411-1 du code des transports ;

3°/ ALORS QUE, le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; que, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 24 s.), la société Provence Services T et M (PSTM) et ses assureurs ont fait valoir que, pour ce qui regarde la phase de préacheminement terrestre, la société PSTM était intervenue en seule qualité de transitaire, rappelant que son offre ne mentionnait pas qu'elle s'engageait en qualité de commissionnaire, non plus que ses conditions générales d'achat et soulignant qu'elle n'était pas plus mentionnée sur la lettre de transport terrestre, « établie entre EAC (chargeur) et Camlev (destinataire) » et que « tous les documents mentionnent [N] EA Ltd. Mombasa - et aucunement PSTM », de sorte que faisait « défaut » un « élément essentiel de la commission sur cette partie du transport, à savoir la conclusion par PSTM d'un acte juridique permettant le déplacement de la marchandise, en qualité de commissionnaire ou de donneur d'ordre » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour décider que la société Provence Services T et M était intervenue en qualité de commissionnaire de transport, sans se prononcer sur ces éléments, qui établissaient le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

LE MOYEN reproche à l'arrêt confirmatif attaqué,

D'AVOIR débouté la société Provence Services T et M, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles venant toutes deux aux droits de Covea Fleet de leurs appels en garantie à l'encontre de la société Alpha Logistics Services (EPZ) Ltd. et la société [N] EA Ltd.,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le recours en garantie de la société Provence services contre la société Alpha et la société [N], aucun élément du droit local kenyan, seul applicable à ces 2 dernières entités kenyannes, ne permet de qualifier juridiquement leur intervention dans le transport litigieux, ni de déterminer si elles ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de la société Provence services ; que le jugement est donc confirmé pour avoir mis hors de cause tant la société Alpha que la société [N] » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « (?) ; que les sociétés Alpha Logistics Services et [N] sont toutes deux des sociétés kényanes ; que le lieu de livraison pour le transport terrestre est Mombasa (Kenya) ; qu'il convient de dire que la loi kényane est applicable aux relations contractuelles entre les sociétés Provence Services Trading et Moving, Alpha Logistics Services et [N] ; que la société Provence Services Trading et Moving qualifie les sociétés Alpha Logistics Services et [N] de sous-commissionnaires de transport au sens français du terme c'est à dire en tant que responsable des faits de ses substitués ; que la loi kenyane permettant de préciser le statut du commissionnaire de transport n'est pas précisée par les parties; que selon les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile et de la jurisprudence qui en a découlé, il appartient au juge du fond d'en déterminer la teneur ; que cependant la Cour de cassation a admis que si le juge se heurte à l'impossibilité d'obtenir la preuve de son contenu, cette défaillance conduit a l'application de la loi du for, en application de sa vocation subsidiaire à régir toute situation de droit. (1re Civ., 21 novembre 2006, pourvoi n° 05-22.002, Bull. 2006, I, n° 500) ; que dans le présent litige le juge du fond est dans l'impossibilité de connaître la teneur de la loi kenyane ; qu'il convient d'appliquer la loi du for ;
que selon la loi française la qualité de commissionnaire ne se présume pas ; qu'il convient à la société Provence Services Trading et Moving de démontrer que les sociétés Alpha Logistics Services et [N] sont des intermédiaires garants de leurs substitués et donc responsables du présent sinistre ; que pour Alpha Logistics Services le seul document la concernant est la facture qu'elle a adressée à Provence Services pour le transport entre [C] et Mombasa ; que concernant [N] ne figure au dossier que la copie d'un document intitulé Road Transport Manifest qui reprend les détails du transport sans pour autant qualifier le rôle de cette dernière ;
que ces seuls documents sont insuffisants pour qualifier les sociétés Alpha Logistics Services et [N] de sous-commissionnaires de transport garants de ses substitués ; qu'il faut d'ailleurs préciser que la double responsabilité du commissionnaire de transport en tant que responsable de ses fautes et en tant que garant de ses substitués est une spécificité du droit fiançais ; que d'une manière générale dans les autre pays et en particulier ceux soumis au droit anglo-saxon comme pourrait l'être le Kenya, les freight forwarders ont une responsabilité réduite qui correspond en gros à celle du transitaire fiançais ; que dans ce cas il appartient au demandeur de faire son recours contre le responsable direct du sinistre et non pas à l'encontre des intermédiaires intervenant dans le transport ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Provence Services Trading et Moving ne démontre pas que les sociétés Alpha Logistics Services et [N] sont des sous-commissionnaires, garants de leurs substitués ;
que les sociétés Alpha Logistics Services et [N] ne pourraient être responsables vis-à-vis de Provence Services Trading et Moving que de leurs fautes personnelles ; que cependant la société Provence Services Trading et Moving ne rapporte pas la moindre preuve d'une faute personnelle qu'auraient pu commettre ces sociétés ; que de ce qui précède la société Provence Services Trading et Moving ne démontre que les société Alpha Logistics Services et [N] sont responsables en tant que garant du présent sinistre ; qu'elle ne démontre pas non plus qu'elles aient commis une faute qui ait engagée leur responsabilité ;
qu'en conséquence les demandes de la société Provence Services Trading et Moving (TetM) SARL, la société MMA IARD SA et la société MMA IARD assurances mutuelles venant toutes deux aux droits de Covea Fleet à l'encontre de la société Alpha Logistics Services (EPZ) Ltd. et de la Société [N] EA Ltd. ne peuvent prospérer ; qu'il s'ensuit que les appels en garantie diligentés par la société Provence Services Trading et Moving (TetM) SARL, la société MMA IARD SA et la société MMA IARD assurances mutuelles venant toutes deux aux droits de Covea Fleet à l'encontre de la société Alpha Logistics Services (EPZ) Ltd., la société [N] EA Ltd., la société Aon Kenya Insurance Brokers Ltd. et la société Toplis et Harding International Ltd. devront être rejetés » ;

1°/ ALORS QU'il incombe au juge français, dès lors que la règle de conflit est mise dans le débat, d'appliquer le droit étranger compétent et d'en rechercher la teneur, avec au besoin le concours des parties ; que, pour débouter la société Provence Services T et M de son recours en garantie contre la société Alpha et la société [N], la cour d'appel a énoncé qu'aucun élément du droit local kenyan, seul applicable à ces dernières ne permet de qualifier juridiquement leur intervention dans le transport litigieux, ni de déterminer si elles ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de la société Provence services ; qu'en statuant ainsi, sans davantage s'expliquer sur la teneur du droit kenyan qu'elle déclarait applicable, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article 3 du code civil ;

2°/ ALORS QUE ce n'est que s'il caractérise l'impossibilité d'obtenir la preuve de son contenu que le juge français peut refuser d'appliquer le droit étranger compétent ; qu'en se bornant à énoncer, par motifs adoptés du jugement, que le juge du fond est dans l'impossibilité de connaître la teneur de la loi kenyane et qu'il convient d'appliquer la loi du for, sans caractériser cette impossibilité autrement que par simple affirmation, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article 3 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-12383
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jui. 2022, pourvoi n°20-12383


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.12383
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