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09/06/2022 | FRANCE | N°19-18674

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 juin 2022, 19-18674


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 459 F-D

Pourvoi n° R 19-18.674

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 mars 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

La société Eovi services et soins mutuel...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 459 F-D

Pourvoi n° R 19-18.674

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 mars 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

La société Eovi services et soins mutuelle, dont le siège est [Adresse 1], nouvellement dénommée Aésio santé Sud Rhône Alpes, a formé le pourvoi n° R 19-18.674 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [I] [H], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à M. [L] [F], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

M. [F] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Aésio santé Sud Rhône Alpes, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 mai 2019), par acte du 27 février 2017, la société Eovi services et soins a assigné Mme [I] [H] et M. [F] en paiement des sommes restant dues par [Z] [H], leur mère et grand-mère, au titre de son contrat d'hébergement pendant la période comprise entre le 5 décembre 2014 et le 31 janvier 2017.

2. [Z] [H] est décédée le même jour.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La société Eovi fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de Mme [I] [H], alors :

« 1°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Eovi services et soins faisait valoir que si les dispositions des articles 205 et suivants du code civil relatives à l'obligation alimentaire ne pouvaient être invoquées dans le cadre d'une action oblique, la société pouvait cependant diriger son action, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, contre les personnes tenues, en vertu de ces dispositions, à une obligation d'aliments à l'égard d'un résident de l'établissement d'hébergement ; qu'en énonçant que la société Eovi services et soins reconnaissait que les dispositions des articles 205 et suivants du code civil ne pouvaient trouver à s'appliquer puisque la créancière d'aliment n'avaient pas agi de son vivant, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que nul ne peut s'enrichir sans cause aux dépens d'autrui ; que l'exercice de l'action fondée sur l'enrichissement sans cause à l'encontre des débiteurs d'aliments désignés par les articles 205 et suivants du code civil n'est pas subordonnée à l'exercice préalable, par le créancier d'aliment, d'une action dirigée contre ces derniers ; qu'en retenant, pour rejeter la demande en paiement formée, sur le fondement des dispositions de l'article 1303 du code civil relatives à l'enrichissement sans cause, par l'établissement d'hébergement à l'encontre des débiteurs d'aliments de l'un de ses résidents, que cette action était subordonnée à l'exercice préalable, par le créancier d'aliment, d'une action dirigée contre ses débiteurs d'aliments, la cour d'appel a violé les articles 205 et 1303 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir justement énoncé que le recours fondé sur l'enrichissement sans cause supposait que Mme [I] [H] se soit indûment enrichie, ce qui renvoyait nécessairement aux dispositions des articles 205 et suivants du code civil, ce dont il résultait que ce recours ne pouvait s'exercer que dans la limite du montant de l'obligation alimentaire qui incombait à la débitrice d'aliments, c'est sans modifier l'objet du litige et en faisant application du principe selon lequel les aliments ne s'arréragent pas que la cour d'appel, après avoir constaté que la créancière d'aliments n'avait pas agi de son vivant, a rejeté la demande de la société Eovi.

5. Le moyen n'est pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi provoqué

Enoncé du moyen

6. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer le jugement déféré définitif à son égard, alors « qu'en cas de solidarité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance ; qu'en l'espèce, pour déclarer définitif à l'égard de M. [F] le jugement l'ayant condamné, solidairement avec Mme [H], à payer à Eovi services et soins la somme de 61 546,34 euros, la cour d'appel a énoncé que M. [F] n'avait pas interjeté appel du jugement, seule Mme [H] l'ayant frappé d'appel ; qu'en statuant de la sorte, après avoir constaté que M. [F], intimé devant la cour d'appel, avait constitué avocat et indiqué s'en rapporter à justice dans ses dernières conclusions notifiées le 22 août 2018, ce dont il résultait que M. [F] s'était joint à l'appel de Mme [H] et avait contesté les demandes formées par Eovi services et soins à son encontre en indiquant s'en rapporter à justice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 552 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 552, alinéa 1er, du code de procédure civile :

7. Aux termes de ce texte, en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance.

8. Pour déclarer le jugement déféré définitif à l'égard de M. [F], l'arrêt retient que celui-ci n'en a pas interjeté appel et que, si la condamnation prononcée est solidaire, il ne s'agit pas d'une obligation indivisible, de sorte que le litige en appel ne concerne que la société Eovi et Mme [I] [H].

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. [F], intimé devant elle, avait indiqué dans ses dernières conclusions s'en rapporter à justice, ce qui impliquait une contestation à la demande de la société Eovi, de sorte que celui-ci s'était joint à l'instance d'appel et que cette jonction produisait les mêmes effets que l'appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Demande de mise hors de cause

10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [H] dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le jugement définitif à l'égard de M. [F], l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Met hors de cause Mme [H] ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Aésio santé Sud Rhône Alpes

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Eovi Services et Soins de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme [I] [H] ;

AUX MOTIFS QUE la société Eovi Services et Soins reconnaît que sa demande ne pourrait être accueillie sur le fondement des dispositions des articles 205 et suivants du code civil relatives à l'obligation alimentaire dont sont redevables les enfants envers leur père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin dans le cadre d'une action oblique, en raison du caractère d'intuitu personae de la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire des descendants ; que l'action est engagée sur le fondement des dispositions légales relatives à l'enrichissement sans cause ; que la société Eovi invoque l'article 1371 ancien du code civil ; que toutefois, considérer que Mme [I] [H] se serait indûment enrichie suppose que cette dernière a évité de se dessaisir de fonds dont elle était débitrice, ce qui renvoie nécessairement aux dispositions des articles 205 et suivants du code civil dont l'intimée reconnaît qu'elles ne peuvent trouver à s'appliquer puisque la créancière d'aliments n'a pas agi de son vivant ; que, vu l'article 1303-3 du code civil applicable en l'espèce, l'appauvri – la société Eovi – n'a pas d'action lorsque l'action se heurte à un obstacle de droit, ce qui est le cas en l'espèce ; que Mme [I] [H] ne peut pas non plus être recherchée en sa qualité d'héritière de sa mère puisqu'elle justifie avoir renoncé à la succession ; qu'en conséquence le jugement sera infirmé et la société Eovi Services et Soins déboutée de l'intégralité de ses prétentions à l'égard de Mme [I] [H] ;

1/ ALORS, d'une part, QUE dans ses conclusions d'appel, la société Eovi Services et Soins faisait valoir que si les dispositions des articles 205 et suivants du code civil relatives à l'obligation alimentaire ne pouvaient être invoquées dans le cadre d'une action oblique, la société pouvait cependant diriger son action, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, contre les personnes tenues, en vertu de ces dispositions, à une obligation d'aliments à l'égard d'un résident de l'établissement d'hébergement ; qu'en énonçant que la société Eovi Services et Soins reconnaissait que les dispositions des articles 205 et suivants du code civil ne pouvaient trouver à s'appliquer puisque la créancière d'aliment n'avaient pas agi de son vivant, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2/ ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE nul ne peut s'enrichir sans cause aux dépens d'autrui ; que l'exercice de l'action fondée sur l'enrichissement sans cause à l'encontre des débiteurs d'aliments désignés par les articles 205 et suivants du code civil n'est pas subordonnée à l'exercice préalable, par le créancier d'aliment, d'une action dirigée contre ces derniers ; qu'en retenant, pour rejeter la demande en paiement formée, sur le fondement des dispositions de l'article 1303 du code civil relatives à l'enrichissement sans cause, par l'établissement d'hébergement à l'encontre des débiteurs d'aliments de l'un de ses résidents, que cette action était subordonnée à l'exercice préalable, par le créancier d'aliment, d'une action dirigée contre ses débiteurs d'aliments, la cour d'appel a violé les articles 205 et 1303 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [F]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le jugement déféré définitif à l'égard de M. [L] [F] ;

AUX MOTIFS QUE la condamnation prononcée à l'égard de M. [L] [F] par le jugement dont il n'a pas interjeté appel a été prononcée solidairement mais il ne s'agit pas d'une obligation indivisible ; que M. [L] [F] n'ayant pas interjeté appel du jugement déféré, ses dispositions sont définitives à son égard ; que le litige ne concerne en cause d'appel que la société Eovi et Mme [I] [H] ;

ALORS QU'en cas de solidarité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance ; qu'en l'espèce, pour déclarer définitif à l'égard de M. [L] [F] le jugement l'ayant condamné, solidairement avec Mme [I] [H], à payer à Eovi Services et Soins la somme de 61.546,34 euros, la cour a énoncé que [L] [F] n'avait pas interjeté appel du jugement, seule Mme [I] [H] l'ayant frappé d'appel ; qu'en statuant de la sorte, après avoir constaté que [L] [F], intimé devant la cour, avait constitué avocat et indiqué s'en rapporter à justice dans ses dernières conclusions notifiées le 22 août 2018, ce dont il résultait que [L] [F] s'était joint à l'appel de Mme [I] [H] et avait contesté les demandes formées par Eovi Services et Soins à son encontre en indiquant s'en rapporter à justice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 552 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-18674
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 02 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jui. 2022, pourvoi n°19-18674


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Marc Lévis, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.18674
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