LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 475 F-D
Pourvoi n° Z 21-15.976
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022
1°/ M. [U] [Z], exploitant sous l'enseigne Blues Beach, domicilié [Adresse 2],
2°/ la société [F] [M] (SELU), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de M. [U] [Z],
ont formé le pourvoi n° Z 21-15.976 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige les opposant à Mme [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z] et de la société [F] [M], ès qualités, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2021), le 9 mars 1999, Mme [J] a donné en location à M. [V], aux droits duquel se trouve M. [Z], des locaux commerciaux à usage de restaurant.
2. M. [Z] ayant, au motif d'infiltrations d'eaux pluviales dans les locaux loués, cessé le règlement des loyers à compter de janvier 2015, Mme [J] lui a, le 5 juin 2015, signifié un commandement, visant la clause résolutoire insérée au bail, de payer l'arriéré locatif.
3. Le 25 juin 2015, M. [Z] a assigné Mme [J] en réparation des préjudices liés aux infiltrations.
4. Mme [J] a reconventionnellement demandé le paiement de l'arriéré de loyers, la constatation de la résiliation du bail et l'expulsion du preneur.
5. Le 12 mars 2019, en cours d'instance d'appel, M. [Z] a été placé en redressement judiciaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. [Z] fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail, alors « que l'action introduite par le bailleur, avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement ; que la cour d'appel saisie d'une demande de résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire a, après avoir relevé qu'une procédure collective était ouverte à l'encontre du preneur depuis mars 2019, constaté la résiliation du contrat par acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers échus entre 2014 et 2015 ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'articles L. 622-21 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 622-21 du code de commerce :
8. Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur, avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective contre le preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges afférents à une occupation antérieure à ladite procédure, ne peut plus être poursuivie après ce jugement, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée.
9. Pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt retient que les causes du commandement du 5 juin 2015 n'ont pas été réglées dans le délai d'un mois.
10. En statuant ainsi, après avoir constaté l'ouverture du redressement judiciaire de M. [Z] le 12 mars 2019, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [Z] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice commercial, dit que Mme [J] doit à M. [Z] les sommes de 9 600 euros au titre des charges indûment perçues, de 4 355,18 euros HT au titre des travaux avancés par M. [Z] ainsi que de 5 628 euros au titre des frais d'expertise judiciaire et donne acte à Mme [J] de ce qu'elle reconnaît avoir perçu de M. [Z], entre le mois de mars 2015 et celui d'avril 2018, la somme de 28 456,64 euros, l'arrêt rendu le 4 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
Condamne Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [J] à payer à la société [F] [M], prise en sa qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de M. [Z], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [Z] et la société [F] [M], ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la résiliation du contrat de bail commercial par acquisition de la clause résolutoire prévue audit bail;
1°) ALORS QUE l'action introduite par le bailleur, avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement ; que la cour d'appel saisie d'une demande de résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire a, après avoir relevé qu'une procédure collective était ouverte à l'encontre du preneur depuis mars 2019, constaté la résiliation du contrat par acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers échus entre 2014 et 2015 ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'articles L.622-21 du code de commerce;
2°) ALORS QUE les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; que la cour d'appel, qui a pourtant constaté l'existence de paiements entre mars 2015 et avril 2018, s'est limitée à confirmer le jugement ayant constaté la résiliation du bail pour non-paiement dans le délai d'un mois du commandement payer, sans répondre au moyen de Monsieur [Z] (p.17 des conclusions de Monsieur [Z]), faisant valoir que, au regard de ses efforts, pour régler la dette visée par le commandement de payer, dont le règlement était intervenu en cours de procédure, il y avait lieu d'écarter les effets de la clause résolutoire en lui accordant des délais de paiement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'indemnisation du préjudice commercial de Monsieur [Z] en raison des infiltrations ;
ALORS QUE tout préjudice doit être réparé ; qu'en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice au motif que les documents produits n'établissent pas de perte significative du chiffre d'affaires pendant la période durant laquelle les infiltrations auraient pu gêner l'exploitation commerciale du restaurant, la cour d'appel a subordonné la réparation d'un préjudice à son caractère significatif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale.