La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2022 | FRANCE | N°20-16909;20-18595

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 juin 2022, 20-16909 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 435 F-D

Pourvois n°
T 20-16.909
A 20-18.595 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

I - 1°/ M. [V]

[X], domicilié [Adresse 5],

2°/ la société Mutuelle assurances corps santé français (MACSF), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adress...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 435 F-D

Pourvois n°
T 20-16.909
A 20-18.595 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

I - 1°/ M. [V] [X], domicilié [Adresse 5],

2°/ la société Mutuelle assurances corps santé français (MACSF), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 8],

ont formé le pourvoi n° T 20-16.909 contre un arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [O] [J],

2°/ à Mme [N] [J],

tous deux domiciliés [Adresse 6],

3°/ à M. [A] [D], domicilié [Adresse 1],

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10]-[Localité 9] (CPAM), dont le siège est [Adresse 2],

5°/ à la société Clinique [11], dont le siège est [Adresse 4],

6°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 12],

défendeurs à la cassation.

II - M. [A] [D], a formé le pourvoi n° A 20-18.595 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [X],

2°/ à M. [O] [J],

3°/ à Mme [N] [W], épouse [J],

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10]-[Localité 9] (CPAM), dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la société Mutuelle assurances corps santé français (MACSF),

6°/ à la société Clinique [11],

7°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM),

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° T 20-16.909 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi n° A 20-18.595 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [X] et de la société Mutuelle assurances corps santé français, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [D], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 20-16.909 et A 20-18.595 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 9], 6 février 2020), après avoir subi, le 6 janvier 2011, au sein de la clinique [11] de [Localité 7], une phlébectomie réalisée par M. [X] (le chirurgien), sous anesthésie générale pratiquée par M. [D] (l'anesthésiste), Mme [J] a présenté une atteinte du nerf crural droit et conservé une paralysie crurale.

3. Les 27 et 29 juillet 2015, invoquant l'existence de fautes dans sa prise en charge, elle a, avec M. [J], son époux, assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien, l'anesthésiste, la clinique et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affection iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM). Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10]-[Localité 9] (la CPAM) qui a sollicité le remboursement de ses débours.

4. La société MACSF, assureur du chirurgien, est intervenue volontairement.

5. Le chirurgien et son assureur ont été condamnés à payer différentes sommes à M. et Mme [J] et à la CPAM en raison d'une faute, lors d'un changement de la position opératoire de Mme [J], liée à un étirement excessif du muscle et du nerf crural. Les demandes formées contre la clinique et l'ONIAM ont été rejetées.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° A 20-18.595 et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° T 20-16.909, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° T 20-16.909

Enoncé du moyen

7. Le chirurgien et son assureur font grief à l'arrêt, de dire que l'anesthésiste est tenu in solidum avec le chirurgien des condamnations prononcées dans la seule limite de 90 % et que, dans leur relation, le chirurgien serait tenu à hauteur de 50 % et l'anesthésiste à hauteur de 50 %, alors : « que ce n'est que lorsqu'il ne peut être tenu pour certain qu'en l'absence de faute dans l'accomplissement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins, le dommage ne serait pas survenu, que le préjudice subi s'analyse en une perte de chance ; que la cour d'appel a retenu que la paralysie crurale, unique cause du préjudice de Mme [J], résultait de l'étirement du nerf crural droit, favorisé par le relâchement musculaire complet, qui n'avait été rendu possible que par la faute du docteur [D] ayant consisté à opter pour une anesthésie générale curarisée, que la traction excessive du membre, qui pouvait être accidentelle, ne devait pas entraîner d'élongation du nerf crural si le tonus musculaire était présent ce qui n'était pas le cas sous anesthésie générale curarisée et qu'il n'était pas sérieusement discutable que si une anesthésie locale avait été réalisée, l'étirement du nerf crural droit ne se serait pas produit ; qu'il résultait de ces constatations que la faute du docteur [D] avait entièrement et directement concouru à la réalisation du dommage de Mme [J], qui ne se serait pas produit sous anesthésie locale ; qu'en retenant que la faute du docteur [D] n'avait engendré qu'une perte de chance de Mme [J], fut-elle de 90 %, d'éviter la complication, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er du code de la santé publique, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1142-1,I, du code de la santé publique et le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime :

8. Il résulte de ce texte et de ce principe qu'une réparation ne peut être allouée au titre d'une perte de chance d'éviter le dommage qu'en l'absence de certitude que, si la faute n'avait pas été commise, le dommage ne serait pas survenu.

9. Pour dire l'anesthésiste tenu in solidum avec le chirurgien des condamnations prononcées à son égard dans la limite de 90 %, après avoir retenu que l'anesthésiste a commis une faute en pratiquant une anesthésie générale au lieu d'une anesthésie locale, en l'absence de circonstances la justifiant, l'arrêt énonce que, si une anesthésie locale avait été pratiquée, l'étirement du nerf crural droit ne se serait pas produit et que l'anesthésiste

a fait perdre à Mme [J] une chance d'éviter l'étirement du nerf crural et de subir une paralysie crurale, devant être évaluée à 90 %.

10. En statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la faute de l'anesthésiste avait entièrement et directement concouru à la réalisation du dommage de Mme [J] qui ne se serait pas produit sous anesthésie locale, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. La faute de l'anesthésiste ayant contribué à l'entier dommage de Mme [J], il doit être tenu in solidum avec le chirurgien des condamnations prononcées à l'égard de celui-ci dans les mêmes proportions.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. [D] sera tenu in solidum avec M. [X] des condamnations prononcées dans la limite de 90 %, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que M. [D] sera tenu in solidum avec M. [X] des condamnations prononcées à l'égard de celui-ci dans les mêmes proportions ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Tinchon, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° T 20-16.909 par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. [X] et la société Mutuelle assurances corps santé français

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné le docteur [X] à payer à Mme [J], les sommes de 1 867,79 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 2 770 euros au titre des frais de médecin conseil, 2 554,77 euros au titre des frais de déplacement, 42 273 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire, 634 086,52 euros au titre de l'assistance tierce personne permanente, 4 575 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 63 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 8 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 5 000 euros au titre du préjudice sexuel, D'AVOIR condamné le docteur [X] à payer à M. [O] [J] la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice d'affection, et D'AVOIR condamné le docteur [X] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10]-[Localité 9] les sommes de 11 954,81 euros au titre de ses débours et de 1 037 euros au titre de son indemnité forfaitaire de gestion, et D'AVOIR dit que le docteur [D] sera tenu in solidum avec le docteur [X] des condamnations ci-dessus prononcées dans la seule limite de 90 % et dit que dans leur relation, le docteur [X] sera tenu à hauteur de 50 % et le docteur [D] à hauteur de 50 % ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la responsabilité du docteur [D], du docteur [X] et de la Clinique [11] alléguée par M. et Mme [J], M. et Mme [J] reprochent au docteur [D], au docteur [X] et à la Clinique [11] plusieurs fautes consistant : ? pour le docteur [D] et le docteur [X] dans le choix et la réalisation de l'anesthésie, ? pour la Clinique [11] et le docteur [X] dans l'étirement du nerf crural,? pour le docteur [X] et la Clinique [11] dans le retard de diagnostic de la complication, ? pour le docteur [X] dans la violation de son obligation d'information ; qu'en conséquence, il convient d'examiner successivement ces divers moyens soulevés par M. et Mme [J] ; qu'il sera préalablement rappelé qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; qu'il en résulte que tout médecin est tenu de donner aux patients des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ;

que sur le moyen de M. et Mme [J] tiré de la responsabilité in solidum du docteur [D] et du docteur [X] quant au choix et à la réalisation de l'anesthésie, dans un courrier du 22 novembre 2010, adressé aux docteurs [B] et [S], le docteur [X] envisageait sur la jambe droite un geste de type AS VAL, c'est-à-dire une ablation sélective des varices sous anesthésie locale, et de phlébectomie saphène antérieure droite début janvier ; que le compte rendu opératoire du docteur [X] en date du 6 janvier 2011 indique que l'intervention a été pratiquée sur Mme [J] à droite selon le principe ASVAL ; qu'il est pour autant établi à la lecture : ? de la feuille de consultation anesthésique pour l'intervention du 28 décembre 2010 et du 6 janvier 2011, que si celle-ci devait se faire sous anesthésie locale, la mention "AL rachi" a été barrée et que la mention AG a été portée en dessous, étant précisé que la mention "AG" n'est pas écrite de la même manière que les autres mentions, et que c'est le docteur [L] qui a effectué la consultation anesthésique ; ? de la fiche de liaison bloc/service qu'une anesthésie générale a été pratiquée ; ? de la fiche d'intervention médicale du 6 janvier 2011 qu'une anesthésie générale a été pratiquée au moyen de profenid, tracfol et de propofol, ? des consignes post opératoires du 6 janvier 2011, qu'une anesthésie générale a été pratiquée ; ? de la fiche de liaison bloc/service, de la fiche d'intervention médicale du 6 janvier 2011, et des consignes post opératoires du 6 janvier 2011, que le docteur [D] était le médecin anesthésiste, celui-ci étant même qualifié d'anesthésiste principal ou d'anesthésiste intervenant ; ? du rapport d'expertise judiciaire et de ses annexes que : - L'intervention prévue à droite le 6 janvier 2010 par le docteur [X] était une technique " ASVAL", c'est-à-dire une Ablation Sélective des Varices sous Anesthésie Locale. Or, elle est réalisée sous anesthésie générale, à la demande de la patiente elle- même selon l'interrogatoire de celle-ci, mais je n'en suis pas sûr et il me semble qu'une simple anesthésie locale ne lui a pas été proposée. Il s'agit en fait d'une simple phlébectomie, équivalent " moderne" de la technique de Mueller réalisée sous anesthésie locale, en hospitalisation de jour (= ambulatoire) (p. 7) ; - l'anesthésie générale semble avoir été choisie par le chirurgien, le docteur [X], alors que pour le docteur [T] [K], l'intervention pouvait être pratiquée sous anesthésie locale et il n'y a pas eu d'information sur l'anesthésie mais on ne peut qu'être surpris que l'acte habituellement pratiquée sous locale soit pratiquée sous anesthésie générale (p. 18) ; - les étirements nerveux lors de mobilisations de la hanche sont connus en chirurgie orthopédiques pour prothèse totale de hanche (...), mais quasiment exceptionnels en chirurgie veineuse. Cette complication est évidemment favorisée par l'anesthésie générale ; l'anesthésie générale a favorisé la survenue de cette complication et n'était pas indispensable pour ce type de chirurgie pouvant être pratiquée sous anesthésie locale ; cette complication, rare dans ce type de chirurgie, ne serait pas survenue s'il n'y avait pas eu d'anesthésie générale réalisée à la demande du docteur [X] (p. 27) ; - le collège d'experts maintient que le traitement de varices bilatérales se fait habituellement en un seul temps opératoire sauf cas exceptionnel. Le cas de Mme [J] ne relève pas d'un cas exceptionnel. Une simple phlébectomie à droite n'alourdit pas le geste chirurgical d'éveinage réalisé à gauche (réponse au dire n° 3, p. 36) ; - le choix du type d'anesthésie dépend de la décision du médecin-anesthésie qui tient compte habituellement du souhait préférentiel du patient, et en accord avec le chirurgien (réponse au dire n° 4, p. 36) ; - La réalisation d'une anesthésie générale pour un acte chirurgical réputé réalisé sous anesthésie locale relève d'une faute médicale, sauf dans des circonstances très particulières tenant à l'état physique, mental ou à l'âge du patient, circonstances que l'on ne retrouve pas chez Mme [J] (réponse au dire n° 1, p. 40) ; - la traction excessive du membre n'est pas forcément fautive, elle peut être accidentelle. Fautive ou accidentelle, la traction excessive du membre ne doit pas entraîner d'élongation du nerf crural si le tonus musculaire est présent alors qu'il ne l'est pas sous anesthésie générale curarisée (dire n° 2, p. 40) ; - le collège d'experts constate qu'une anesthésie générale a été réalisée mais ne peut préciser à la demande de quel intervenant ; en tout état de cause, le type d'anesthésie réalisée relève de la responsabilité du médecin anesthésiste, habituellement en accord avec le chirurgien (dire n° 2, p. 48) ; qu'en l'état de ces constatations, il n'est pas sérieusement contestable qu'une anesthésie générale a été réalisée en lieu et place d'une anesthésie locale, laquelle est habituellement mise en oeuvre pour la réalisation de l'intervention chirurgicale qu'a subie Mme [J], et que le choix de cette anesthésie générale, alors même qu'elle n'était pas indispensable au vu de l'état de santé de la patiente, a favorisé la survenance de la complication, à savoir la paralysie crurale, ce dont il résulte qu'une erreur a été commise dans le choix du mode d'anesthésie, laquelle est constitutive d'une faute médicale ; qu'en application, de l'article D. 6124-94 du code de la santé publique, l'anesthésie est réalisée sur la base de la stratégie anesthésique établie par écrit et mise en oeuvre sous la responsabilité d'un médecin anesthésiste-réanimateur, en tenant compte des résultats de la consultation et de la visite pré-anesthésiques ; qu'il s'ensuit que le choix du mode d'anesthésie, quand bien même celui-ci résulte de la demande du patient ou de son chirurgien, et sa mise en oeuvre relèvent de la seule responsabilité de l'anesthésiste intervenant, de sorte qu'il ne peut en être imputé la responsabilité au chirurgien intervenant ; qu'aucune faute ne peut donc être reprochée au docteur [X] ; que le fait pour le docteur [D] d'avoir sciemment accepté de pratiquer une anesthésie générale curarisée, laquelle n'était pas essentielle au regard, d'une part, d'une intervention devant en principe se pratiquer sous une anesthésie locale selon le principe ASVAL, et, d'autre part, de l'état de santé de Mme [J], démontre que celui-ci a mis en oeuvre un mode d'anesthésie inapproprié pour l'opération chirurgicale envisagée, ce qui constitue une faute médicale quant au choix du mode d'anesthésie, ce dernier, n'étant, pour l'intervention chirurgicale prévue, à l'évidence pas conforme aux données acquises de la science ; que l'obligation de tout médecin de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science emporte, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement de ce patient, l'obligation pour chacun d'eux, d'assurer un suivi de ses prescriptions afin d'assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences, de sorte que le docteur [D] ne peut se retrancher sur la circonstance, au demeurant non établie, que l'anesthésie a été choisie par le docteur [X] à la demande de Mme [J] et en accord avec celle-ci ; que le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a dit que le docteur [D] a commis une faute dans la réalisation de l'anesthésie et que le docteur [X] n'a commis aucune faute de ce chef ; que sur le lien de causalité entre cette faute et le dommage, il faut rappeler que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; la perte de chance implique seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain ; qu'il résulte clairement du rapport d'expertise judiciaire que la paralysie crurale, unique cause du préjudice de Mme [J], est la conséquence de l'étirement du nerf crural droit, favorisé par le relâchement musculaire complet, lequel n'a été rendu possible que par la réalisation d'une anesthésie générale curarisée ; que si le choix de l'anesthésie générale au lieu d'une anesthésie locale n'est pas directement à l'origine de l'étirement du nerf crural, force de constater qu'il a contribué à celui-ci, les experts soulignant par ailleurs que la complication "ne serait pas survenue s'il n'y avait pas eu d'anesthésie générale" (p. 27) ; qu'il s'ensuit que le docteur [D], en faisant le choix de pratiquer une anesthésie générale, a favorisé la survenance de la complication, de sorte qu'en ne pratiquant pas une anesthésie locale, comme c'est ordinairement le cas pour la chirurgie subie par Mme [J], il a fait perdre à celle-ci une chance d'éviter l'étirement du nerf crural et par suite de subir une paralysie crurale ; qu'au vu des pièces médicales produites et du rapport d'expertise judiciaire, il n'est pas sérieusement discutable que si une anesthésie locale avait été réalisée, l'étirement du nerf crural droit ne serait pas produit, ce dont il résulte que la perte de chance pour Mme [J] d'éviter la complication en n'ayant pas recours à une anesthésie générale est élevée et doit être évaluée à 90 % ;
que sur le moyen de M. et Mme [J] tiré de la responsabilité in solidum de la Clinique [11] et du docteur [X] quant à l'étirement du nerf crural, que la lecture du rapport d'expertise judiciaire et de ses annexes renseigne la cour sur les éléments suivants : Le docteur [H], dans sa consultation du 10 mars 2011 constate qu'il n'y a pas eu d'ouverture chirurgicale de l'aine, ce que je constate aussi puisqu'il n'y a pas eu de cicatrice inguinale. Ceci étant fondamental car le nerf crural, situé en dessous de l'arcade crurale, en dehors de l'axe vasculaire, à la face antérieure du muscle psoas, est très court puisqu'il se divise presque aussitôt en quatre branches, une motrice pour le quadriceps, les trois autres sensitives. Donc les petites incisions cutanées millimétriques, situées beaucoup plus bas que lui sur la cuisse, ne peuvent pas permettre d'atteindre le nerf et éventuellement de le léser (p. 7) ; que la coïncidence temporelle et la coïncidence de topographie indiquent que l'atteinte du nerf crural s'est produite à un moment non précisé, entre l'induction de l'anesthésie et le réveil de Mme [J] (p. 8) ; que la cause la plus fréquente actuellement est consécutive à une ponction inguinale pour réaliser un bloc crural (= anesthésie loco-régionale) mais l'étude du dossier ne retrouve aucune mention d'une éventuelle tentative de bloc crural. Dans le cas de Mme [J] la cause la plus probable est un étirement accidentel du nerf crural (p. 9) ; qu'il n'y a pas eu de bloc crural analgésique qui aurait pu être la cause de lésion crurale par piqûre du nerf ou conséquence d'un hématome ; au total, il s'agit d'une atteinte du nerf crural droit suite à un étirement du nerf lors de l'acte chirurgical du 06/01/2011, acte pratiqué sous anesthésie générale (p. 18) ; que les étirements nerveux lors de mobilisations de la hanche sont connus en chirurgie orthopédiques pour prothèses totale de hanche (lésion du sciatique), mais quasiment exceptionnelle en chirurgie veineuse. Cette complication est évidemment favorisée par l'anesthésie générale. Le plus souvent, il s'agit d'un étirement du tronc commun du nerf sciatique (...) Pour le nerf crural, il est exposé surtout en position gynécologique et lorsque le membre inférieur est en flexion-abduction et rotation externe ... c'est par ce type de mécanisme qu'un étirement a pu entraîner une atteinte du nerf crural chez Mme [J] ; l'acte de soins pratiqué sous anesthésie générale a entraîné lors de la cure de varices par le docteur [X] un étirement tronculaire du nerf crural droit (p. 27) ; que la paralysie crurale est l'unique cause du préjudice de Mme [J]. Nous pensons qu'elle a été provoquée par un étirement du nerf crural, positionnel, favorisé par le relâchement musculaire complet. Elle a pu survenir à n'importe quel moment, entre l'induction anesthésique et le réveil de la patiente (dire n° 5, page 36) ; que la traction excessive du membre n'est pas forcément fautive, elle peut être accidentelle (dire n° 2, p. 40) ; que le collège d'experts ne considère pas que la responsabilité du docteur [X] puisse être totale ou indéniable, ne serait-ce que parce que (...) la position opératoire classique du membre pour ce type d'intervention n'expose pas au risque d'étirement du nerf crural (dire n° 1 p. 48) ; que l'expression acte chirurgical désigne la technique chirurgicale elle-même, lequel rapport estimait déjà possible que la complication fut survenue au cours de l'acte de soins qui inclut en plus de l'acte chirurgical, l'acte d'anesthésie, l'installation du patient et de toutes les manipulations possibles par un membre de l'équipe, médecin ou pas ; qu'en l'état de ces constations, il est établi que l'étirement du nerf crural dont a été victime Mme [J] est positionnel et qu'il a pu se produire lors d'une manipulation de la patiente entre l'induction de l'anesthésie et le réveil ; qu'il résulte des pièces médicales versées au débat qu'à l'arrivée de Mme [J] au bloc opératoire, celle-ci était placée en décubitus dorsal, et qu'à son départ et à son arrivée en surveillance après l'intervention, elle était également placée en décubitus dorsal ; que le docteur [X], reprenant en cela son dire n° 2 du juin 2014, soutient dans ses écritures qu'il n'y a pas eu de mobilisation de la hanche et que pour accéder à la zone pathologique, c'est-à-dire selon ses dernières conclusions, la face antérieure puis externe de la cuisse et la face externe du genou et de la jambe, il a fallu mettre la jambe en légère rotation interne, ce dont il résulte que le docteur [X] ne conteste pas un changement de la position opératoire de la patiente au cours de l'intervention chirurgicale ; que pour autant, dans son compte rendu opératoire du 6 janvier 2011, il a indiqué : "intervention pratiquée à droite selon le principe ASVAL s'intéressant par des incisions millimétriques à la saphène antérieure, face antérieure de cuisse, externe de cuisse, externe de jambe, et aussi à la fosse poplitée droite, et face postérieure de jambe droite. On y adjoint quelques phlébectomies bilatérales de complément" ; que ce faisant, le docteur [X], dans ce compte rendu opératoire, ne s'explique nullement sur la technique opératoire utilisée pour accéder à la fosse poplitée droite et à la face postérieure de la jambe droite, alors même que Mme [J] était en décubitus dorsal au cours de l'intervention chirurgicale et qu'une légère rotation interne de la jambe ne permet à l'évidence pas l'accès à cette zone anatomique ; que la cour observe encore que le compte rendu opératoire du 6 janvier 2011 ne contient également aucune indication sur la modification de la position opératoire de la patiente ayant consisté, selon le docteur [X], en une légère rotation interne de la jambe droite pour accéder à la zone pathologique, ni des éventuelles précautions employées à cette occasion ; qu'au vu des pièces médicales produites et du rapport d'expertise judiciaire, il est donc manifeste que la position opératoire de Mme [J], initialement placée au décubitus dorsal, a été modifiée au cours de l'intervention chirurgicale, ce changement de la position opératoire résultant des éléments discutés devant la cour, lesquels sont au surplus suffisamment graves, précis et concordants, dès lors que seule une position avec un membre inférieur en flexion-abduction et en rotation externe donne au chirurgien vasculaire un accès à la fosse poplitée droite et à la face postérieure de la jambe droite ; qu'en conséquence, le docteur [X], lors de la modification de la position opératoire de la patiente pour permettre l'accès à la fosse poplitée droite et à la face postérieure de la jambe droite, et en l'absence de toute précaution prise, rendue pourtant nécessaire par le recours à une anesthésie générale, a commis une faute dans la technique opératoire, caractérisée par un étirement excessif du muscle et du nerf crural ; qu'il est ensuite acquis qu'un changement de position du patient au cours de l'opération chirurgicale se fait sous la responsabilité du chirurgien intervenant, de sorte qu'aucune faute ne peut être imputée au personnel de la Clinique [11], laquelle n'est en tout état de cause pas démontrée par Mme et M. [J] ; que M. et Mme [J] seront déboutés de leur demande à l'encontre de la Clinique Sainte- Marie de ce chef ; que sur le lien de causalité entre la faute du docteur [X] et le dommage de Mme [J], il n'est pas sérieusement contestable que le changement de la position opératoire de la patiente est en lien de causalité direct et certain avec la paralysie crurale dont elle souffre ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit qu'aucune faute n'a été commise concernant l'étirement du nerf crural ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur les responsabilités relatives à l'anesthésie, selon les experts, « l'anesthésie générale a favorisé la survenue de cette complication et n'était pas indispensable pour ce type de chirurgie pouvant être pratiquée sous anesthésie locale » ; que les experts qualifient une faute : « la réalisation d'une anesthésie générale pour un acte chirurgical réputé réalisé sous anesthésie locale relève d'une faute médicale, sauf dans des circonstances très particulières tenant à l'état physique, mental ou à l'âge du patient, circonstances que l'on ne retrouve pas chez Madame [J] » (cf rapport d'expertise page 40) ; que dans leurs conclusions, Madame [N] [W] épouse [J] et Monsieur [O] [J] demandent la condamnation de le Docteur [V] [X] et de le Docteur [A] [D], aux motifs que le choix du type d'anesthésie leur incombe à tous les deux, et que selon la jurisprudence (arrêt rendu par la cour de cassation en 1970), un simple manquement à son obligation de soins dans la réalisation d'une intervention chirurgicale, sans identification d'une faute, suffit à condamner un chirurgien ; que le Docteur [V] [X] et le Docteur [A] [D] se rejettent réciproquement la responsabilité du choix de l'anesthésie ; que le collège d'experts, pour sa part, « constate qu'une anesthésie générale a été réalisée mais ne peut préciser à la demande de quel intervenant ; en tout état de cause, le type d'anesthésie réalisée relève de la responsabilité du Médecin Anesthésiste, habituellement en accord avec le chirurgien » (cf rapport d'expertise page 48) ; qu'il relève aussi : « l'intervention prévue à droite le 6 janvier 2010 par le Docteur [X] était une technique « ASVAL », c'est-à-dire une Ablation Sélective de Varice sous Anesthésie Locale ; or, elle est réalisée sous anesthésie générale, à la demande de la patiente elle-même selon l'interrogatoire de celle-ci, mais je n'en suis pas sûr et il me semble qu'une simple anesthésie locale ne lui a pas été proposée » (cf rapport d'expertise page 7) ; que sur le formulaire « interrogatoire pré-anesthésique » joint au rapport (cf page 21), la mention « AL RACHI » a été biffée, par l'anesthésiste, qui, à la place, rajouté la mention « AG » (anesthésie générale) : c'est donc bien l'anesthésiste qui a pris la décision de recourir à une anesthésie générale, lors de la consultation préanesthésique ; que la demande en ce sens de la victime n'est nullement prouvée, et quand bien même elle aurait formulé une demande en ce sens, « la réalisation d'une anesthésie générale pour un acte chirurgical réputé réalisé sous anesthésie locale relève d'une faute médicale », l'anesthésiste ne pouvant décider d'anesthésie générale de « complaisance » ou de « confort », comme le relève une anesthésiste, le Docteur [C] [P], jointe par l'ONIAM, dans un dire (cf. rapport d'expertise page 38) ; qu'en conséquence, la faute du Docteur [A] [D], anesthésiste, est établie concernant le choix et la réalisation de l'anesthésie ; que dans ses conclusions, le Docteur [A] [D] explique que le lien de causalité entre la réalisation de l'anesthésie générale et « la complication rarissime constatée » n'est pas établie par les experts qui ne font qu'émettre une hypothèse ; que la lecture du rapport d'expertise ne corrobore pas du tout cette analyse : « l'acte de soins pratiqué sous anesthésie générale a entraîné lors de la cure de varices par le Docteur [X] un étirement tronculaire du nerf crural droit ; cette complication, rare dans ce type de chirurgie, ne serait pas survenue s'il n'y avait pas eu d'anesthésie générale » (cf. rapport d'expertise page 27) ; « la traction excessive du membre ne doit pas entraîner d'élongation du nerf crural si le tonus musculaire est présent alors qu'il ne l'est pas sous anesthésie générale curarisée » ; qu'en conséquence, il convient de dire que le Docteur [A] [D] a commis une faute dans la décision et la réalisation de l'anesthésie ; que concernant le Docteur [V] [X], pour dégager complètement sa responsabilité en matière de choix de l'anesthésie, outre le fait que la jurisprudence des années 1970 citée par les demandeurs n'est plus applicable depuis la loi du 4 mars 2002, il convient de préciser qu'en cas de collaboration de plusieurs médecins au traitement d'un patient, par exemple comme en l'espèce entre un chirurgien et un anesthésiste, il y a indépendance entre les médecins et chaque médecin est personnellement responsable des actes qui relèvent de son domaine de compétence : en ce sens, Civ, 1ère, 16 mai 2013, attendu de principe dans une espèce concernant un obstétricien et un anesthésiste : « l'obligation de tout médecin de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science emporte, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement de ce patient, l'obligation pour chacun d'eux, d'assurer un suivi de ses prescriptions afin d'assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences » ; qu'en conséquence, il convient de dire que le Docteur [V] [X] n'a commis aucune faute dans la décision et la réalisation de l'anesthésie ;

1°) ALORS QUE la responsabilité du praticien est subordonnée à la preuve d'une faute commise dans l'accomplissement de l'acte médical, laquelle ne saurait se déduire de la seule apparition d'un préjudice, qui peut être en relation avec l'acte médical pratiqué sans l'être pour autant avec une faute ; que la cour d'appel a retenu que la paralysie crurale, unique cause du préjudice de Mme [J], résultait de l'étirement du nerf crural droit, qui s'était produit lors d'un changement de position de la patiente pendant l'intervention pour accéder à la fosse poplitée droite et à la face postérieure de la jambe droite ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle relevait que l'étirement du nerf pouvait n'être qu'accidentel sans qu'une faute ne soit commise, et sans expliquer en quoi le docteur [X] aurait omis de prendre des précautions lors de la manipulation de la patiente et quelle faute dans la technique opératoire il aurait commise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1, I, alinéa 1er du code de la santé publique et de l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1 du code civil ;

2°) ALORS QUE ce n'est que lorsqu'il ne peut être tenu pour certain qu'en l'absence de faute dans l'accomplissement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins, le dommage ne serait pas survenu, que le préjudice subi s'analyse en une perte de chance ; que la cour d'appel a retenu que la paralysie crurale, unique cause du préjudice de Mme [J], résultait de l'étirement du nerf crural droit, favorisé par le relâchement musculaire complet, qui n'avait été rendu possible que par la faute du docteur [D] ayant consisté à opter pour une anesthésie générale curarisée, que la traction excessive du membre, qui pouvait être accidentelle, ne devait pas entraîner d'élongation du nerf crural si le tonus musculaire était présent ce qui n'était pas le cas sous anesthésie générale curarisée et qu'il n'était pas sérieusement discutable que si une anesthésie locale avait été réalisée, l'étirement du nerf crural droit ne serait pas produit ; qu'il résultait de ces constatations que la faute du docteur [D] avait entièrement et directement concouru à la réalisation du dommage de Mme [J], qui ne serait pas produit sous anesthésie locale ; qu'en retenant que la faute du docteur [D] n'avait engendré qu'une perte de chance de Mme [J], fut-elle de 90%, d'éviter la complication, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article L.1142-1, I, alinéa 1er du code de la santé publique, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1 du code civil ; Moyen produit au pourvoi n° A 20-18.595 par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. [D]

Le docteur [D] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné le docteur [X] à payer à Mme [J] les sommes de 1 867,79 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 2 770 euros au titre des frais de médecin conseil, 2 554,77 euros au titre des frais de déplacement, 42 273 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire, 634 086,52 euros au titre de l'assistance tierce personne permanente, 4 575 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 63 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 8 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 5 000 euros au titre du préjudice sexuel, D'AVOIR condamné le docteur [X] à payer à M. [O] [J] la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice d'affection, et D'AVOIR condamné le docteur [X] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10]-[Localité 9] les sommes de 11 954,81 euros au titre de ses débours et de 1 037 euros au titre de son indemnité forfaitaire de gestion, D'AVOIR dit que le docteur [D] sera tenu in solidum avec le docteur [X] des condamnations ci-dessus prononcées dans la limite de 90 % et dit que dans leur relation, le docteur [D] sera tenu à hauteur de 50 %, le Dr [X] l'étant à hauteur des 50% restant ;

1°) Alors que, sous couvert d'interprétation, les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en relevant, pour retenir que le Dr [D] avait décidé de recourir à une anesthésie générale, que « le collège d'experts judiciaires n'avait pu préciser à la demande de quel intervenant l'anesthésie générale avait été décidée ; en tout état de cause, le type d'anesthésie réalisée relève de la responsabilité du médecin anesthésiste, habituellement en accord avec le chirurgien (dire n°2, p.48) » (arrêt, p.15, 1er considérant), quand les experts judiciaires ont conclu, le 22 juillet 2014, que « L'acte de soins pratiqué sous anesthésie générale a entrainé lors de la cure de varices par le Dr [X] un étirement tronculaire du nerf crural droit. Cette complication, rare dans ce type de chirurgie, ne serait pas survenue s'il n'y avait pas eu d'anesthésie générale réalisée à la demande du Dr [X] » (rapport, p.27), la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer le document qui lui est soumis ;

2°) Alors que, l'anesthésie est réalisée sur la base d'un protocole établi et mis en oeuvre sous la responsabilité d'un médecin anesthésiste-réanimateur, en tenant compte des résultats de la consultation et de la visite pré anesthésiques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que les feuilles de consultation pré-anesthésique pour les deux interventions de Mme [J] avaient été remplies par le Dr [L] et que la mention « AL rachi » avait été barrée et remplacée par la mention « AG » ; qu'en considérant que le Dr [D] avait décidé de recourir à une anesthésie générale quand elle relevait que c'était le Dr [L] qui avait reçu la patiente en consultations pré-anesthésiques, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L.1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1du même code ;

3°) Alors que, l'anesthésie est réalisée sur la base d'un protocole établi et mis en oeuvre sous la responsabilité d'un médecin anesthésiste-réanimateur, en tenant compte des résultats de la consultation et de la visite pré anesthésiques ; qu'en considérant que le Dr [D] avait décidé de recourir à une anesthésie générale, sans relever aucune circonstance de nature à établir qu'il avait réalisé les visites pré-anesthésiques, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1du même code ;

4°) Alors que, en toute hypothèse, la responsabilité d'un praticien est subordonnée à la preuve d'une faute commise dans l'accomplissement de l'acte médical ; qu'en se bornant à relever, pour imputer à faute au Dr [D] la décision de recourir à une anesthésie générale, que ce mode d'anesthésie était inapproprié pour l'opération chirurgicale envisagée en ce qu'il avait favorisé le relâchement du nerf crural et était donc non conforme aux données acquises de la science, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de l'exposant, p.7 et 11), s'il ne résultait pas du rapport d'expertise judiciaire que le risque d'atteinte du nerf crural au cours de la chirurgie des varices était inconnu à la date des interventions de Mme [J], les experts judicaires ayant eux-mêmes noté que « la possibilité d'une paralysie du nerf crural n'a pas été signalée et ceci est normal puisque cette complication est inconnue de la chirurgie des varices» (rapport, p.9) en sorte que le choix d'une anesthésie générale pour ce type de chirurgie ne pouvait être fautif, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1du même code ;

5°) Alors que, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant, d'une part, que le choix du Dr [D] d'avoir recours à une anesthésie générale était non conforme aux données acquises de la science et avait favorisé l'étirement du nerf crural et en retenant, d'autre part, que le risque d'atteinte du nerf crural au cours de la chirurgie vasculaire était inconnu à la date de l'intervention et n'était pas inhérent à celle-ci en sorte que le Dr [X] ne pouvait en informer sa patiente, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) Alors que, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en énonçant en l'espèce comme une vérité scientifique qu'en faisant le choix d'une anesthésie générale au lieu d'une anesthésie locale pour un acte chirurgical réputé réalisé sous anesthésie locale, le Dr [D] aurait commis une faute médicale, sans justifier cette affirmation autrement que par référence au dire n°1 par lequel les experts médicaux se contentaient également de l'affirmer sans en justifier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-16909;20-18595
Date de la décision : 01/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 06 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 jui. 2022, pourvoi n°20-16909;20-18595


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16909
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award