LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 22-81.521 F-D
N° 00821
ODVS
31 MAI 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MAI 2022
Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 2-2, en date du 17 février 2022, qui, dans la procédure suivie contre M. [W] [D] pour infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et refus de remettre la convention de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, a constaté la nullité du titre de détention et ordonné le placement de l'intéressé sous contrôle judiciaire.
Des mémoires personnel et en défense, et des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [W] [D], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Michon, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [W] [D] a été déféré dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate le 22 janvier 2022 et placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du même jour, dans l'attente de l'audience de jugement fixée au 24 janvier 2022.
3. Lors de cette audience, M. [D] a demandé un délai pour préparer sa défense. Le tribunal a renvoyé l'affaire au 7 avril 2022 et a ordonné le maintien de M. [D] en détention.
4. Ce dernier a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 502, 509, 515, 520 et 591 du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté la nullité du titre de détention et ordonné la mise en liberté de M. [D] et son placement sous contrôle judiciaire, alors :
1°/ qu'il résulte de l'effet dévolutif de l'appel que la cour d'appel devait examiner le bien-fondé du placement en détention provisoire ;
2°/ qu'après avoir constaté la nullité du titre de détention, pour absence de motivation de la détention provisoire, il appartenait à la cour d'appel d'évoquer, les dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale n'étant pas limitatives.
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa première branche
Vu les articles 144, 397-3, alinéa 3, et 509 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit de ces textes que, lorsqu'une juridiction d'appel estime la motivation d'un placement en détention provisoire insuffisante, il lui appartient, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le bien-fondé de la détention provisoire et de statuer sur la nécessité de cette mesure, au besoin en substituant aux motifs insuffisants voire erronés de la décision rendue en première instance des motifs répondant aux exigences légales.
8. Pour faire droit aux conclusions du prévenu invoquant la nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire et ordonner sa remise en liberté sous contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué énonce que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas motivée en droit et en fait et ne satisfait donc pas aux exigences des articles 144 et 396, alinéa 3, du code de procédure pénale. Il ajoute que le jugement du tribunal judiciaire du 22 janvier 2022 a prolongé les effets de cette ordonnance.
9. Les juges en déduisent qu'il y a lieu de constater la nullité du titre de détention et d'ordonner la mise en liberté de M. [D].
10. En se déterminant ainsi, alors que, ayant constaté que la motivation du placement en détention provisoire tant par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention que par le jugement du tribunal correctionnel, était insuffisante, elle ne pouvait annuler le titre de détention, et il lui appartenait, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner elle-même le bien-fondé de la mesure, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
11. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 17 février 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mai deux mille vingt-deux.