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25/05/2022 | FRANCE | N°20-18108

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 mai 2022, 20-18108


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 438 F-D

Pourvoi n° W 20-18.108

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

La société Defina, société par actions simplifiée, dont le siège

est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-18.108 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 438 F-D

Pourvoi n° W 20-18.108

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

La société Defina, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-18.108 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Gescopi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Terrasses de Biret, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société Aldim, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Defina, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Gescopi et des sociétés Terrasses de Biret et Aldim, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 mai 2020), pour la réalisation d'un programme de promotion immobilière, la société Aldim a confié en 2014 à la société Defina des mandats de recherche des terrains nécessaires à l'opération et, en 2016, la Société civile de construction-vente Les Terrasses de Biret (la SCCV) et la société Gescopi, deux filiales de la société Aldim, ont confié à la société Defina deux mandats, l'un exclusif, l'autre, non exclusif, de commercialisation des lots en l'état futur d'achèvement, le premier expirant le 15 mai 2016 et le second le 31 décembre 2016.

2. Le permis de construire, obtenu le 2 mars 2016, a fait l'objet d'un recours, levé par un protocole d'accord le 6 juin 2016.

3. Par lettre du 6 octobre 2016, la société Defina, invoquant l'absence de tout dialogue avec la société Aldim depuis le recours contre le permis de construire et la perte de chance de percevoir ses commissions de commercialisation, a demandé à cette société le paiement d'une somme de 699 168 euros à titre de dommages-intérêts.

4. Puis, par actes du 19 janvier 2017, elle a assigné les sociétés Aldim et Gescopi et la SCCV en paiement de cette somme.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La société Defina fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande de dommages et intérêts, que la société Defina détenait au moins une partie des documents de commercialisation depuis le mois février 2016, sans constater que ces documents étaient suffisants pour lui permettre d'exercer sa mission, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que la société Defina faisait valoir dans ses conclusions que les documents adressés par ses mandants après mise en demeure demeuraient insuffisants pour permettre la commercialisation en raison de l'absence de grille de prix et du stock en cours, les ventes ayant déjà commencé ; qu'en affirmant que le conseil des mandants, en réponse au courrier du 6 octobre 2016, avait adressé à la société Defina l'ensemble des documents de commercialisation le 19 octobre 2016 et en reprochant à la société Defina de ne pas justifier des démarches qu'elle aurait entreprises en vue de la commercialisation des lots entre le 19 octobre et le 31 décembre 2016, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 455 du code de procédure civile :

7. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise fois de sa part.

8. Selon le second, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour dire que la SCCV et la société Gescopi n'avaient commis aucun manquement et rejeter les demandes de la société Defina, l'arrêt retient que cette dernière a polarisé ses demandes sur la prorogation du mandat exclusif de vente, négligeant par là d'exercer son mandat non exclusif, que, se plaignant de n'avoir pas été destinataire de la documentation commerciale, elle n'a à aucun moment mis en demeure la SCCV et la société Gescopi de lui fournir ces pièces, qu'elle détenait au moins une partie des documents en cause depuis février 2016, que lorsque le conseil des intimés lui a adressé les documents le 19 octobre 2016, elle n'a pas pour autant mis en oeuvre une politique de commercialisation et, qu'outre qu'elle ne justifie pas d'une mise en demeure de ses co-contractants, elle ne justifie pas non plus avoir rempli ou cherché à remplir ses obligations.

10. En statuant ainsi, sans rechercher si la documentation reçue en février 2016 permettait à la société Defina d'exercer son mandat de commercialisation alors qu'elle constatait que cette documentation n'était que partielle et sans répondre à ses conclusions soutenant que, sans grille de prix ni information sur le stock en cours, il lui était impossible, même après la réception des documents complémentaires qui lui ont été adressés le 19 octobre 2016, de commercialiser les lots, la cour d'appel, qui a privé sa décision de base légale au regard du premier des textes susvisés, n'a pas satisfait aux exigences du second.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. La société Defina fait le même grief à l'arrêt, alors « que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en retenant que le mandat exclusif confié à la société Emerson's ne portait pas sur la totalité des lots mais sur 19 d'entre eux, le programme en contenant 46, pour en déduire que ce contrat n'était pas de nature à empêcher la société Defina d'exercer sa mission, après avoir pourtant constaté que les mandats confiés à la société Defina portaient sur l'ensemble des lots du programme, de sorte que sa mission s'en trouvait au moins partiellement empêchée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise fois de sa part.

13. Pour dire que le contrat de commercialisation consenti par la SCCV à la société Emerson's n'était pas de nature à empêcher la société Defina d'exercer sa mission, l'arrêt retient que le mandat exclusif confié à cette société ne portait pas sur la totalité des lots mais sur dix-neuf d'entre eux, le programme en contenant quarante-six.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le mandat exclusif confié à la société Emerson's portait sur une partie des lots dont la commercialisation avait été précédemment confiée à la société Defina, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne les sociétés Aldim et Gescopi et la société civile immobilière de construction-vente Les Terrasses de Biret aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
et signé par lui et Mme Besse, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt ;

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Defina

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Defina de ses demandes, tendant à voir dire que la société Aldim a commis de graves manquements dans ses obligations contractuelles en privant la société Defina de la possibilité de commercialiser le programme immobilier Les Terrasses de Biret, dit que ces fautes ont causé un préjudice financier direct et certain à la société Defina et, en conséquence, de condamner la société Aldim à payer à la société Defina la somme de 699 168 euros TTC, augmentés des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 7 octobre 2016, et de condamner la société Aldim à payer à la société Defina la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ;

Aux motifs que sur les demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société Aldim : les demandes de la société Defina, y compris en appel sont exclusivement fondées sur les dispositions des articles 1134 et 1147 (anciens) du code civil, c'est-à-dire sur la responsabilité contractuelle ; qu'or, s'agissant des mandats de commercialisation, exclusif et non exclusif signés au moins pour le premier le 22 février 2016, la société Aldim n'est pas partie à ces contrats ; que sa responsabilité ne peut donc pas être recherchée sur le fondement contractuel ; qu'alors même que le premier juge a relevé cette difficulté, la société Defina n'a pas recherché d'autre fondement à ses demandes contrat la société Aldim ; qu'ainsi, en ne formulant pas de demande tendant à démontrer une faute délictuelle ou quasi-délictuelle de la société Aldim et en se limitant à rechercher sa responsabilité sur le terrain contractul, la société Defina ser déboutée de ses demandes contrat cette société, relatives aux mandats de commercialisation ;

Alors que tout jugement doit être motivé ; que le juge ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts contre la société Aldim sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société Defina invoquait notamment le mandat de commercialisation sans exclusivité en date du 13 juillet 2015 qui les unissait (p. 13 § 1) et qui avait été suspendu (p. 5 § 3) ; qu'en retenant que la société Aldim n'était pas partie aux mandats de commercialisation dont le premier avait été signé le 22 février 2016, la cour d'appel, qui n'a pas examiné le mandat de commercialisation antérieur pourtant soumis à son analyse, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Defina de ses demandes, tendant à voir dire que les sociétés Aldim et Gescopi et la SCI Terrasses de Biret ont commis de graves manquements dans leurs obligations contractuelles en privant la société Defina de la possibilité de commercialiser le programme immobilier Les Terrasses de Biret, dit que ces fautes ont causé un préjudice financier direct et certain à la société Defina et, en conséquence, de condamner les sociétés Aldim et Gescopi et la SCI Terrasses de Biret à payer solidairement à la société Defina la somme de 699 168 euros TTC, augmentés des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 7 octobre 2016, et de condamner les sociétés Aldim et Gescopi et la SCI Terrasses de Biret à payer à la société Defina la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ;

Aux motifs propres que sur les dates d'effet des mandats de commercialisation conclus avec la société Gescopi et la SCI Terrasses de Biret et la transmission des documents de commercialisation : c'est par une juste motivation que le premier juge a retenu en ce qui concerne le mandat exclusif en date du 22 février 2016 que : - ce contrat conclu pour une durée de trois mois ne prévoyait pas de clause de report de son échéance en cas de recours contre le permis de construire, - le mandat mentionnait bien que la demande de permis de construire avait été déposée, - la société Defina, professionnelle, ne pouvait raisonnablement ignorer que la commercialisation ne pouvait commencer qu'à l'issue des recours contre le permis de construire, lequel avait été obtenu le 2 mars 2016 ; qu'ainsi, lors de la signature du mandat, le 22 février 2016, la société Defina savait que le permis de construire, seulement demandé à cette date, risquait une fois obtenu d'être soumis à des recours qui retarderaient la commercialisation ; qu'en l'absence de clause permettant une prorogation de l'échéance du mandat exclusif, la société Defina, professionnelle avisée, a pris le risque de voir ce contrat privé d'effet en cas de recours , que c'est en effet ce qui s'est passé, puisque les recours formés contre le permis délivré le 2 mars 2016 n'ont été retirés dans le cadre d'une transaction que le 6 juin 2016, postérieurement à l'expiration du mandat exclusif ; que par conséquent, la société Defina ne peut reprocher aucun manquement aux société Gescopi et SCI Terrasses de Biret relativement au mandat exclusif de vente ; qu'en ce qui concerne le mandat non exclusif, courant du 15 mai 2016 au 31 décembre 2016, il s'est trouvé effectif du 6 juin 2016, date de la transaction par laquelle le recours contre le permis de construire a été retiré ; que suivant les disposition de l'article 1146 (ancien) du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation ; que la société Defina soutient avoir été évincée du programme par le silence de ses mandants qui ne lui ont donné aucune consigne ni document permettant la commercialisation ; que l'appelante ne saurait soutenir sans se contredire qu'elle n'avait aucune nouvelles ni contact avec les mandants à compter du 6 avril 2016, alors même que dans ses écritures elle avant avoir eu un rôle actif dans la transaction intervenue dans le cadre de la contestation du permis de construire ; qu'une telle transaction suppose en effet à l'évidence que la société Defina ait été en contact étroit avec ses mandants pour négocier avec le tiers le retrait de son recours administratif ; que de plus, en ce qui concerne les documents de commercialisation, il résulte des échanges de courriels produits aux débats que les plans de vente de la résidence ont été adressés à la société Defina en même temps que les mandats de vente (mail du 18 février 2016, pièce 46 appelant) ; que la société Defina n'était donc pas dépourvue de toute documentation pour exercer sa mission ; qu'enfin et surtout, la société Defina ne justifie pas d'aucune demande ni mise en demeure de ses mandants relativement aux documents de commercialisation, avant le courrier officiel de son avocat en date du 6 octobre 2016, par lequel elle sollicite une indemnisation ; que le courriel que la société Defina a adressé au gérant de la société Aldim le 18 juillet 2016, outre qu'il ne s'adressait pas aux mandants, ne porte que sur la prorogation du délai du mandat exclusif et non sur la documentation commerciale ; que ce document ne saurait donc tenir lieu de mise en demeure relative à cette documentation ; qu'alors même que les SCI Terrasses de Biret et société Gescopi n'avaient pas été mises en demeure de remplir leur obligation quant aux documents réclamés, dont au moins une partie était déjà en possession de la société Defina depuis le mois de février, le conseil des mandants, en réponse au courrier du 6 octobre 2016 ci-dessus évoqué, lui a adressé l'ensemble des documents en cause, rappelant qu'à cette date, le 19 octobre 2016, le mandat exclusif était toujours en cours ; que par ailleurs, la société Defina ne justifie d'aucune des démarches qu'elle aurait entreprises en vue de la commercialisation des lots, y compris entre le 19 octobre 2016 et le 31 décembre ; qu'il résulte de cet ensemble d'éléments : - la société Defina a polarisé ses demandes sur la prorogation du mandat exclusif de vente, négligeant par-là d'exercer son mandat non exclusif, - se plaignant de n'avoir pas été destinataire de la documentation commerciale, elle n'a à aucun moment mis en demeure la SCI Terrasses de Biret et la société Gescopi de lui fournir ces pièces, - elle détenait au moins une partie des documents en cause depuis février 2016, - lorsque le conseil des intimés lui a adressé les documents le 19 octobre 2016, la société Defina n'a pas pour autant mis en oeuvre une politique de commercialisation, - outre qu'elle ne justifie pas non plus avoir rempli ou cherché à remplir ses obligations ; que par conséquent, aucun manquement ne saurait être reproché aux SCI Terrasses de Biret et société Gescopi auprès de qui la société Defina n'a pas formulé de demande ni mise en demeure pertinente en vue de l'exercice de son mandat ; que dès lors qu'elles n'ont commis aucune faute, la SCI Terrasses de Biret et la société Gescopi ne sauraient davantage se voir reprocher une rupture abusive du mandat qui avait continué à courir , qu'à cet égard, le défaut de prorogation du mandat exclusif qui n'était pas prévu au contrat conclu entre professionnels avisés ne saurait s'analyser en une rupture abusive de ce contrat, arrivé à son échéance, et encore moins du second contrat constitué par le mandat non exclusif ;

Et aux motifs adoptés que la société Defina ne peut reprocher à la SCI Terrasses de Biret, la société Gescopi et la société Aldim de ne pas avoir permis l'exécution du mandat exclusif de commercialisation donné le 23 février 2016 avec une échéance au 23 mai 2016, sans clause prévoyant un report de cette date, alors que ce mandat indiquait bien que la demande de permis de construire avait été simplement déposée, de sorte que la commercialisation ne pouvant raisonnablement être commencée avant l'expiration des recours contre un permis de construire, lequel avait été en l'espèce délivré le 2 mars 2016, il ne pouvait qu'être dépourvu d'effet, ce que savait un professionnel comme la société Defina ; qu'en outre, le mandat de commercialisation non exclusif donné par la SCI Terrasses de Biret et la société Gescopi à la société Defina pour la période du 16 mai au 31 décembre 2016 n'apparaît pas avoir fait l'objet de la part de la SCI Terrasses de Biret, la société Gescopi et la société Aldim d'une exécution défaillante ou déloyale susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts destinés à compenser un préjudice lié à une perte de chance ; que ce mandat, dans lequel il est précisé que les demandes de permis de construire ont été déposées, de sorte que le mandataire ne saurait prétendre avoir été leurré sur les possibilités de commercialité immédiate, ne prévoyait pas l'éventualité du report de son exécution et de la prorogation de son expiration ; qu'en fait, si le permis de construire avait bien été accordé le 2 mars 2016, celui-ci a fait l'objet d'un recours gracieux ayant abouti à un protocole d'accord du 6 juin 2016, date avant laquelle aucune commercialisation ne pouvait être utilement entreprise (étant de surcroît indiqué qu'un permis de construire modificatif a été délivré le 26 septembre 2016) ; qu'ensuite, M. [V], gérant de la société Aldim, n'a donné aucune réponse favorable au mail qui lui a été adressé le 18 juillet 2016 dans lequel la société Defina sollicitait le report des deux mandats qui lui avaient été donnés ; que si dans leurs conclusions, la SCI Terrasses de Biret, la société Gescopi et la société Aldim font état que de ce que les deux mandats devaient trouver à s'appliquer à partir de la signature le 6 juin 2016 du protocole d'accord avec les auteurs du recours gracieux, de sorte que le mandat exclusif s'appliquait pour trois mois à compter du 6 juin 2016 et le mandat non exclusif pour six mois à compter du 6 septembre 2016, cette position, qui ne s'accorde pas avec l'absence de réponse en temps utile par M. [V] au mail du 18 juillet 2016, ni avec le courrier du 19 octobre 2016 dans lequel le conseil de la société Aldim indiquait au conseil de la société Defina qu'en raison des recours intentés le premier mandat ne pouvait plus être mis en oeuvre, n'est confirmée par aucun document en ce sens ; qu'en tout état de cause, la société Defina, qui ne justifie pas avoir mis la SCI Terrasses de Biret, la société Gescopi et la société Aldim en demeure de lui communiquer l'ensemble des documents nécessaires à l'exécution de ses mandats, énumérés à l'article 3 de chacun d'eux, en a au plus tard été destinataire dans la lettre d'avocat du 19 octobre 2016, date à laquelle le mandat non exclusif était encore en cours ; que pour l'ensemble de ces raisons, la société Defina n'apparaît pas fondée à se prévaloir d'une faute de la SCI Terrasses de Biret, la société Gescopi et la société Aldim dans l'exécution des mandats de commercialisation, et sera déboutée de ses demandes tendant à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une perte de chance ;

1°) Alors que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande de dommages et intérêts, que la société Defina détenait au moins une partie des documents de commercialisation depuis le mois février 2016, sans constater que ces documents étaient suffisants pour lui permettre d'exercer sa mission, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) Alors qu' aucune mise en demeure n'est exigée pour faire courir les dommages et intérêts compensatoires lorsque l'obligation ne pouvait être exécutée que dans un certain temps que le débiteur a laissé passer ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande de dommages et intérêts, que la société Defina n'avait pendant longtemps pas mis en demeure ses mandants de lui fournir la documentation commerciale prévue contractuellement, après avoir pourtant constaté que les mandats avaient une durée déterminée et que le dernier avait pris fin le 31 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article 1146 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) Alors que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que la société Defina faisait valoir dans ses conclusions (p. 19 § 3 et 4) que les documents adressés par ses mandants après mise en demeure demeuraient insuffisants pour permettre la commercialisation en raison de l'absence de grille de prix et du stock en cours, les ventes ayant déjà commencé ; qu'en affirmant que le conseil des mandants, en réponse au courrier du 6 octobre 2016, avait adressé à la société Defina l'ensemble des documents de commercialisation le 19 octobre 2016 et en reprochant à la société Defina de ne pas justifier des démarches qu'elle aurait entreprises en vue de la commercialisation des lots entre le 19 octobre et le 31 décembre 2016, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Defina de ses demandes, tendant à voir dire que les sociétés Aldim et Gescopi et la SCI Terrasses de Biret ont commis de graves manquements dans leurs obligations contractuelles en privant la société Defina de la possibilité de commercialiser le programme immobilier Les Terrasses de Biret, dit que ces fautes ont causé un préjudice financier direct et certain à la société Defina et, en conséquence, de condamner les sociétés Aldim et Gescopi et la SCI Terrasses de Biret à payer solidairement à la société Defina la somme de 699 168 euros TTC, augmentés des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 7 octobre 2016, et de condamner les sociétés Aldim et Gescopi et la SCI Terrasses de Biret à payer à la société Defina la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ;

Aux motifs que sur le mandat donné à un concurrent : que la société Defina reproche à la SCI Terrasses de Biret d'avoir consenti à la société Emerson's un mandat exclusif de commercialisation du programme immobilier ; qu'or le mandat produit au débat par les intimées est en date du 7 octobre 2017, soit à une date bien postérieure à l'échéance du 31 décembre 2016 du mandat non exclusif de la société Defina ; qu'à supposer qu'il y eût une erreur matérielle dans la date, le mandat exclusif confié à Emerson's ne porte pas sur la totalité des lots mais sur 19 d'entre eux, le programme en contenant 46 ; que ce contrat n'était donc pas de nature à empêcher la société Defina d'exercer sa mission ;

1°) Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes du mandat donné par la SCI Terrasses de Biret à la société Emerson's, il est indiqué « le présent mandat est donné à titre irrévocable, en exclusivité, à compter de sa signature le 7 octobre 2016 pour une durée de six (6) mois qui prendra fin le 7 avril 2017 (?) sauf dénonciation un (1) mois à l'avance par l'une ou l'autre partie, le présent mandat se renouvellera par tacite reconduction aux mêmes clauses et conditions pour une nouvelle période de six (6) mois à l'issue de laquelle il prendra fin le 7 octobre 2017 » ; qu'en retenant, pour écarter la faute imputée par la société Defina à la SCI Terrasses de Biret pour avoir consenti à la société Emerson's un mandat exclusif de commercialisation du programme immobilier, que le mandat produit était en date du 7 octobre 2017, soit à une date bien postérieure à l'échéance du 31 décembre 2016 du mandat non exclusif de la société Defina, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susvisé ;

2°) Alors en tout état de cause que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en retenant que le mandat exclusif confié à la société Emerson's ne portait pas sur la totalité des lots mais sur 19 d'entre eux, le programme en contenant 46, pour en déduire que ce contrat n'était pas de nature à empêcher la société Defina d'exercer sa mission, après avoir pourtant constaté que les mandats confiés à la société Defina portaient sur l'ensemble des lots du programme, de sorte que sa mission s'en trouvait au moins partiellement empêchée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-18108
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 20 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 mai. 2022, pourvoi n°20-18108


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18108
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