La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2022 | FRANCE | N°20-17700

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 mai 2022, 20-17700


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 647 F-D

Pourvoi n° C 20-17.700

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022

Mme [C] [Y], domiciliée [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° C 20-17.700 contre l'arrêt rendu le 7 février 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 647 F-D

Pourvoi n° C 20-17.700

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022

Mme [C] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-17.700 contre l'arrêt rendu le 7 février 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à la société Bowlingstar Porte de Lyon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [Y], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Bowlingstar Porte de Lyon, après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 février 2020), Mme [Y] a été engagée le 5 juillet 2012 par la société Bowlingstar Porte de Lyon (la société) en qualité d'agent polyvalent, puis, à compter du 1er juillet 2014, sur un emploi qualifié d'assistante responsable.

2. Elle a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon, le 16 avril 2015, d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de diverses demandes à caractère indemnitaire et de rappel de rémunération.

3. Elle a été licenciée le 15 décembre 2015.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que la cour d'appel relève que la salariée produisait deux décomptes mentionnant, d'une part, ses horaires journaliers d'arrivée et de départ et, d'autre part, ses heures travaillées ; elle considère ensuite que ces décomptes ne sont pas clairs et précis dès lors que le premier faisait état des seules amplitudes horaires et qu'il n'est pas établi que le second aurait, comme elle le soutenait, été établi par l'employeur ; qu'en statuant ainsi, quand les deux décomptes permettaient un calcul précis des heures de travail effectuées, la cour d'appel, qui devait s'interroger sur l'absence de production par l'employeur d'élément permettant d'évaluer les heures travaillées, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter la salariée, l'arrêt retient que les plannings tenus par la salariée ne font en réalité état que de l'amplitude horaire et ne caractérisent pas du temps de travail, alors que l'origine des tableaux horaires qu'elle produit et qui émaneraient du directeur de la société et auraient été annotés par deux autres salariées n'est pas certaine. Il en conclut que ces éléments insuffisamment clairs ou précis n'étaient pas de nature à laisser présumer l'accomplissement des heures supplémentaires alléguées.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors « que la cassation à intervenir sur la première branche du présent moyen emportera la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt qui a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation prononcée sur le premier moyen emporte, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande au titre du travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de rappels d'heures supplémentaires et de congés payés afférents de Mme [Y] et la déboute de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 7 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Bowlingstar Porte de Lyon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bowlingstar Porte de Lyon et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour Mme [Y], demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, alors :

1°) qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que la cour d'appel relève que la salariée produisait deux décomptes mentionnant, d'une part, ses horaires journaliers d'arrivée et de départ et, d'autre part, ses heures travaillées ; elle considère ensuite que ces décomptes ne sont pas clairs et précis dès lors que le premier faisait état des seules amplitudes horaires et qu'il n'est pas établi que le second aurait, comme elle le soutenait, été établi par l'employeur ; qu'en statuant ainsi, quand les deux décomptes permettaient un calcul précis des heures de travail effectuées, la cour d'appel, qui devait s'interroger sur l'absence de production par l'employeur d'élément permettant d'évaluer les heures travaillées, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°) que, subsidiairement, dans ses conclusions, Mme [Y] faisait valoir qu'il appartenait à l'employeur, tenu d'établir un décompte du temps de travail accompli par chaque salarié, d'apporter la preuve des heures de travail accomplies et qu'à défaut, le décompte qu'elle produisait suffisait à établir les heures de travail effectuées (p. 17) ; elle ajoutait qu'en l'occurrence, la société Bowlingstar porte de Lyon était tenue, en application de l'article 5 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, de tenir « un registre ou tout document mentionnant l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié ainsi que les périodes de travail qu'il a réellement effectuées pour chacun des jours où il n'est pas fait une stricte application de celui-ci » et que ce document devait être « émargé par le salarié au moins une fois par semaine » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors :

que la cassation à intervenir sur la première branche du présent moyen emportera la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt qui a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société Bowlingstar Porte de Lyon, demanderesse au pourvoi incident

La société Bowlingstar Porte de Lyon FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts à effet du 15 décembre 2015, dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'avoir condamnée à payer à [C] [Y] la somme de 9 387 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 938,70 € de congés payés afférents, 649,98 € à titre d'indemnité légale de licenciement à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l'avoir condamnée à remettre à [C] [Y] une bulletin de salaire récapitulatif ainsi qu'un certificat de travail et une attestation pôle emploi conforme au dispositif de l'arrêt ;

ALORS QUE l'absence de respect par l'employeur de ses obligations relatives à la médecine du travail et de la réglementation relative à la durée maximale du travail et du repos hebdomadaire ne peut justifier la résiliation du contrat de travail qu'à la condition de présenter un caractère de gravité suffisant et empêchant la poursuite de la relation de travail ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour prononcer la résiliation du contrat aux torts de l'employeur, que le non-respect de ses obligations relatives à la médecine du travail et de la réglementation relative à la durée maximale du travail et du repos hebdomadaire, qui touchait à la santé de la salariée, aurait eu des conséquences délétères ayant conduit à son placement en arrêt maladie le 5 mars 2015 pour un syndrome d'épuisement professionnel, tout en déboutant la salariée de sa demande de rappel pour heures supplémentaires au motif qu'elle se bornait à produit un tableau établi par ses soins, qui n'était ni clair ni précis et qui n'était pas de nature à laisser présumer que les horaires allégués par la salariée avaient été réalisés (arrêt, p. 8 et 9), et tandis qu'il n'était pas contesté que Mme [Y] n'avait pas été placée en arrêt de travail pour une maladie professionnelle, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence de manquements suffisamment graves empêchant la poursuite du contrat de travail et privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 1231-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-17700
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 07 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 mai. 2022, pourvoi n°20-17700


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17700
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award