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25/05/2022 | FRANCE | N°20-14581

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 mai 2022, 20-14581


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 332 F-D

Pourvoi n° N 20-14.581

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 20

22

1°/ M. [M] [E],

2°/ Mme [J] [D] épouse [E],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° N 20-14.581 contre l'arrêt re...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 332 F-D

Pourvoi n° N 20-14.581

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022

1°/ M. [M] [E],

2°/ Mme [J] [D] épouse [E],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° N 20-14.581 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige les opposant à M. [O] [K], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. et Mme [E], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 janvier 2020), par acte du 9 novembre 2011, M. [K] a cédé à M. et Mme [E] les parts sociales qu'il détenait dans la société Promalliance, moyennant un prix payable au plus tard au premier semestre 2012 sans intérêt. Les cessionnaires s'étant opposés au paiement du prix de cession, il les a assignés en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, et sur le moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner M. et Mme [E] à payer à M. [K] les sommes respectives de 86 470,59 euros et de 123 429,42 euros, assorties des intérêts au taux légal, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les intérêts des sommes dues ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de dire que les intérêts des sommes dues ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts, alors « qu'à défaut d'être saisis d'une demande de capitalisation des intérêts, et faute de convention spéciale en prévoyant la possibilité, les juges ne peuvent accorder d'office à une partie le bénéfice de l'anatocisme ; qu'en jugeant cependant que "les intérêts des sommes dues [par M. et Mme [E]] ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts", tandis que M. [K] ne présentait aucune demande tendant à la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées au titre du prix de cession, la cour d'appel a violé les articles 954 du code de procédure civile et 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1343-2 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 954 du code de procédure civile :

4. Selon le premier texte, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts par une demande judiciaire, pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Selon le second, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

5. L'arrêt dit que les intérêts des sommes dues ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts.

6. En statuant ainsi, alors que le dispositif des conclusions de M. [K] ne comportait pas cette demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que les intérêts des sommes dues ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts, l'arrêt rendu le 21 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à M. et Mme [E] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [E].

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. et Mme [E] à payer à M. [K] les sommes respectives de 86.470,59 € et de 123.429,42 €, assorties des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2015, et d'avoir dit que les intérêts des sommes dues ayant plus d'un an d'ancienneté seraient eux-mêmes productifs d'intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, que réciproquement, celui qui se prétend libérer, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ; que dans le cas présent, il appartient à M. et Mme [E], tenus au paiement du prix de cession des 51 parts sociales, que détenait M. [K] dans la société Promalliance, sous la condition que la marge dégagée à l'issue de l'opération « jardins du Pic [Localité 3] » ne soit pas inférieure à celle prévue dans le bilan prévisionnel (142.979 €), de rapporter la preuve, pour être déchargés de leur obligation de paiement de la somme de 210 000 € convenue ou pour obtenir une réduction du prix en fonction de la diminution de la marge, de rapporter la preuve que le bilan définitif de l'opération soit a été déficitaire, soit n'a permis de dégager qu'une marge inférieure à celle initialement prévue ; que le bilan de l'opération, tel qu'il a été communiqué à M. [K] par lettre recommandée du 30 octobre 2014, fait état d'un déficit de 392.907 € correspondant à la différence entre le prix de revient de l'opération (3.662.181 €) augmenté de divers frais bancaires (34.366 €) et le produit des ventes (3.303.640 €) ; que M. [K] est bien fondé, en premier lieu, à soutenir que la somme de 200.390 € comptabilisée en charge au titre du remboursement d'un « compte courant associé [E]-[K] » ne constitue pas un élément de détermination de la marge, une telle charge n'étant d'ailleurs pas prise en compte dans le budget prévisionnel établi le 13 octobre 2011 sur la base duquel les parties ont signé le protocole d'accord du 14 octobre 2011, dont les termes ont été repris dans l'acte notarié du 9 novembre 2011 portant sur la cession des parts sociales ; que l'appelant conteste, par ailleurs, le montant des honoraires de commercialisation, chiffrés à 211.816 € dans le bilan prévisionnel, et finalement arrêtés à la somme de 345.583 €, soit une différence de 133.767 € par rapport à ce qui était initialement prévu et correspondant à une augmentation d'un tel poste de charge de près de 30 % ; que même dans leurs conclusions de première instance, que l'appelant communique en pièce n° 7, M. et Mme [E] ne se sont pas expliqués sur les raisons d'être d'une telle augmentation ; qu'en ce qui concerne le coût des travaux, il avait été initialement chiffré à 1.462.534 € et figure dans le bilan final de l'opération pour 1.752.824 €, soit un accroissement de 298 290 €; dans leurs conclusions de première instance, M. et Mme [E] avaient fait état de la liquidation judiciaire en cours de chantier de la société Bemotech, chargé du lot « solaire thermique », de la liquidation judiciaire également intervenue en cours de chantier de la société GR Habitat à laquelle avait été sous-traité le lot « gros oeuvre-charpente » et d'un litige l'ayant opposé à la société Calcite Construction, entrepreneur principal, en raison de retard dans l'exécution des travaux, ayant abouti à la signature d'un protocole d'accord aux termes duquel avaient été notamment prévus des travaux supplémentaires liés à la réalisation de fondations spéciales ; qu'ils avaient invoqué l'existence de plus-values sur l'ensemble des postes de travaux à l'exception des lots « charpente » et « cloisons » ; que certes, certains surcoûts ont pu être générés par la défaillance de certaines entreprises en cours de chantier conduisant à leur remplacement ou par l'exécution de travaux supplémentaires, qui ont été rendus nécessaires au fur et à mesure de l'exécution du chantier, comme la réalisation de fondations spéciales évoquée par M. et Mme [E], en dépit du marché tous corps d'état conclu avec la société Calcite Construction à prix global et forfaitaire ; que pour autant, M. et Mme [E], dont les conclusions d'appel ont été déclarées irrecevables avec les pièces déposées à leur appui, sont défaillants à démontrer que les plus-values enregistrées sur la quasi-totalité des postes de travaux ont été strictement nécessaires pour mener à bien l'opération « jardins du Pic [Localité 3] » et donc, que le bilan définitif de l'opération se traduit effectivement par une marge inférieure à celle de 142.979 € ou même par un déficit à hauteur de la somme, annoncée, de 392.907 € ; que l'article 1330 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, dispose que les livres des marchands font preuve contre eux ; que si un commerçant peut donc se prévaloir des mentions de ses livres comptables dès lors qu'ils sont réguliers, il appartient au juge d'en apprécier la force probante ; qu'en l'occurrence, les comptes de résultat de la société Promalliance, pour réguliers qu'ils soient, ne dispensaient pas le tribunal de commerce de vérifier le bilan définitif de l'opération en fonction des dépenses strictement nécessaires, ayant été engagées sur le chantier en cause ; qu'astreints à l'obligation d'exécuter de bonne foi l'obligation, qu'ils avaient contractée, de régler le prix de cession des parts sociales sous la condition que la marge de l'opération ne soit pas inférieure à celle de 142.979 € prévue initialement, M. et Mme [E] avaient la charge de prouver le fait ayant conduit à l'extinction de leur obligation, ce qu'ils ne font pas ; qu'il convient dès lors de considérer que la preuve du déficit annoncé ne se trouve pas établie si l'on considère, après déduction du compte courant d'associé comptabilisé à tort (200.390 €) et du surcoût généré par les honoraires de commercialisation et les travaux de construction (133.767 € + 298.290 €), que le prix de revient, justifié, n'est que de 3 064 100 € pour un produit résultant des ventes réalisées de 3 303 640 €, soit une marge de 273 906 € au lieu d'un déficit ; qu'il convient, dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu d'instaurer la mesure d'expertise sollicitée à titre subsidiaire, de condamner M. et Mme [E] à payer à Monsieur [K], les sommes respectives de 86.470,59 € et 123.529,42 € en paiement du prix des 21 et 30 parts de la société Promalliance, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2015, date de l'assignation valant mise en demeure ; qu'il convient également de dire que les intérêts des sommes dues ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 1154 (ancien) du code civil, devenu l'article 1343-2 ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut ajouter à un contrat une condition qu'il ne contient pas ; qu'en l'espèce, l'acte notarié de cession de parts sociales du 9 novembre 2011 stipulait (p. 4 § 9) que le prix de vente était « fixé à 210.000 € » et « libérable au 1er septembre 2012 à la terminaison de l'opération « Jardins du Pic [Localité 3] » et à condition que le bilan de l'opération ci-annexé soit respecté au niveau de sa marge. Si la marge devait être réduite pour une raison quelconque, la différence constatée entre le prévisionnel et le réalisé serait divisée en 2, et la part ainsi obtenue déduite du prix de vente sus indiqué » ; qu'il en résultait que la perte de marge « pour une raison quelconque » de cette opération immobilière était susceptible de réduire, le cas échéant à néant, le prix de 210.000 € ; que pour juger cependant que la circonstance que la marge réelle de l'opération ait été inférieure à sa marge prévisionnelle était insusceptible d'avoir une influence sur le prix de cession, la cour d'appel a affirmé qu'il n'était pas établi que l'augmentation du coût de l'opération ait été due à « des dépenses strictement nécessaires, ayant été engagées sur le chantier en cause » (arrêt, p. 5 § 6 et p. 6 § 1) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé l'acte de cession du 9 novembre 2011 en y ajoutant une condition qu'il ne contient pas, violant le principe qui interdit au juge de dénaturer les actes de la cause ;

2°) ALORS QU' à défaut d'être saisis d'une demande de capitalisation des intérêts, et faute de convention spéciale en prévoyant la possibilité, les juges ne peuvent accorder d'office à une partie le bénéfice de l'anatocisme ; qu'en jugeant cependant que « les intérêts des sommes dues [par M. et Mme [E]] ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts » (arrêt, p. 6 § 12), tandis que M. [K] ne présentait aucune demande tendant à la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées au titre du prix de cession, la cour d'appel a violé les articles 954 du code de procédure civile et 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1343-2 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-14581
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 21 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 mai. 2022, pourvoi n°20-14581


Composition du Tribunal
Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14581
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