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18/05/2022 | FRANCE | N°20-23321

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2022, 20-23321


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 611 F-D

Pourvoi n° N 20-23.321

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

1°/ Le syndicat CGTdes travailleurs de R

enault [Localité 12], dont le siège est [Adresse 13],

2°/ Mme [U] [W], domiciliée [Adresse 9],

3°/ M. [N] [F], domicilié [Adresse 4],

4°/ M. ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 611 F-D

Pourvoi n° N 20-23.321

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

1°/ Le syndicat CGTdes travailleurs de Renault [Localité 12], dont le siège est [Adresse 13],

2°/ Mme [U] [W], domiciliée [Adresse 9],

3°/ M. [N] [F], domicilié [Adresse 4],

4°/ M. [D] Renault, domicilié [Adresse 6],

5°/ Mme [G] [K], domiciliée [Adresse 7],

6°/ M. [H] [O], domicilié [Adresse 2],

7°/ M. [S] [B], domicilié [Adresse 5],

8°/ M. [P] [C], domicilié [Adresse 10],

9°/ M. [V] [I], domicilié [Adresse 11],

10°/ Mme [L] [Z], domiciliée [Adresse 8],

11°/ M. [A] [X], domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° N 20-23.321 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige les opposant à la société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat CGTdes travailleurs de Renault [Localité 12], de Mme [W], de MM. [F], Renault, de Mme [K], de MM. [O], [B], [C], [I], de Mme [Z] et de M. [X], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Renault, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 21 octobre 2020), statuant en référé, la société Renault (la société) est dotée d'un comité social et économique central, qui comprend lui-même plusieurs commissions dont la commission centrale santé, sécurité et conditions de travail, et de onze comités sociaux et économiques d'établissement dont le comité social et économique de l'établissement de [Localité 12]. Les moyens et modalités de fonctionnement de ces différentes instances sont définis par un accord collectif du 17 juillet 2018 relatif au dialogue social et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales au sein de Renault.

2. Le 16 mars 2020, en raison de l'épidémie de Covid 19 et lors d'une réunion du comité social et économique central de la société, a été décidée la fermeture de l'ensemble des douze sites industriels, dont l'usine de [Localité 12]. Le 15 avril 2020, à la suite d'une réunion de la commission centrale de santé, sécurité et conditions de travail du 9 avril 2020, le comité social et économique central a été informé et consulté sur les mesures de prévention des risques relatifs à la Covid 19 qui ont été transmises le même jour à l'ensemble des comités sociaux et économiques d'établissement du groupe. Le 23 avril 2020, le comité social et économique d'établissement de l'usine de [Localité 12] a rendu un avis sur les modalités d'organisation concrètes propres à son site.

3. Le 27 avril 2020, le syndicat CGT des travailleurs de Renault [Localité 12] et plusieurs salariés ont saisi le président du tribunal judiciaire, dans le cadre d'une procédure de référé d'heure à heure, afin d'obtenir l'annulation de la réunion du comité social et économique d'établissement du 23 avril 2020 et de tout acte ou décision pris lors de cette réunion, la condamnation de la société à reprendre ab initio la procédure d'information-consultation de ce comité, la suspension pendant ce temps de la mise à exécution du projet portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid 19 et la condamnation de la société à prendre ou à prévoir diverses mesures dans l'élaboration d'un nouveau projet.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant à juger que le projet portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid 19 constituait un projet important modifiant les conditions de travail nécessitant la consultation des instances représentatives du personnel et non leur simple information, que la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) de l'établissement de Renault [Localité 12] n'avait pas été convoquée, que la convocation des membres du comité social et économique n'était pas régulière et que la société n'avait pas remis aux membres du comité social et économique l'ensemble des éléments portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid 19 leur permettant d'émettre un avis éclairé et à prononcer, en conséquence, l'annulation de la réunion du comité social et économique d'établissement du 23 avril 2020 et de tout acte ou décision pris lors de cette réunion, l'injonction, sous astreinte, à la société de reprendre ab initio la procédure d'information et consultation de ce comité, incluant la convocation de la CSSCT, conformément aux dispositions applicables, notamment telles qu'elles résultent de l'accord d'entreprise du 17 juillet 2018 et la suspension sous astreinte, le temps de la régularisation de la procédure d'information-consultation du comité social et économique, du projet portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid 19 ainsi que de la reprise de la production et de déclarer, en conséquence, irrecevables ses demandes visées au premier moyen, alors :

« 1°/ que les syndicats professionnels, qu'ils en soient ou non signataires, sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en retenant, en l'espèce, que le syndicat CGT des Travailleurs de Renault [Localité 12] n'avait pas qualité pour agir aux lieux et place du comité social et économique pour tirer argument de l'irrégularité de sa consultation et qu'en l'absence d'action engagée par le comité social et économique à laquelle le syndicat aurait pu s'associer, ses demandes étaient irrecevables même si l'irrégularité dénoncée était susceptible de méconnaître les dispositions d'un accord d'entreprise, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail ;

2°/ que les syndicats professionnels, qu'ils en soient ou non signataires, sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en l'espèce, pour considérer que les demandes du syndicat CGT des Travailleurs de Renault [Localité 12] visant à voir sanctionner l'irrégularité de la procédure d'information-consultation du comité social et économique étaient irrecevables, la cour d'appel a relevé que ce syndicat n'avait pas signé l'accord qu'il prétendait défendre ; qu'en statuant pas de tels motifs quand la circonstance que le syndicat exposant ne soit pas signataire de l'accord dont il demandait l'exécution n'était pas susceptible de constituer une cause d'irrecevabilité de ses demandes sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code dut travail, la cour d'appel a violé les dispositions de cet article. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que si les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion, d'information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement obligatoires, ils n'ont pas qualité à agir aux lieu et place de ces institutions au titre d'un défaut de consultation qu'elles n'invoquent pas.

6. Ayant constaté l'absence d'action engagée par le comité social et économique à laquelle le syndicat aurait pu s'associer, la cour d'appel a exactement retenu que les demandes du syndicat étaient irrecevables, peu important qu'il invoque les stipulations d'un accord collectif au soutien de cette action.

7. Le moyen, qui, pris en sa seconde branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le syndicat et les salariés font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la société qu'elle procède à une évaluation des risques, tant sur le fondement de la réglementation générale que sur celle spécifique aux risques biologiques, qu'elle retranscrive les résultats de cette évaluation dans le document unique et que, sur ces bases, elle mette en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs conformément à la réglementation générale et à celle spécifique sur les risques biologiques, le tout en y associant les représentants du personnel, qu'elle organise et dispense pour chacun de ses salariés avant qu'ils ne reprennent le travail, une formation pratique et appropriée à la sécurité conforme aussi bien à la réglementation générale, incluant les équipements de protection individuelle, qu'à la réglementation spécifique aux risques biologiques, qu'elle soumette préalablement les programmes de formation au comité social et économique pour consultation, conformément aux dispositions de l'article L. 4143-1 du code du travail, qu'elle consulte le comité social et économique, préalablement à la mise à disposition des équipements de protection individuelle, et après lui avoir remis les notices d'instruction prévues à l'annexe II de l'article R. 4312-6 du code du travail, sur les conditions dans lesquelles ces équipements sont mis à disposition et utilisés, conformément aux dispositions de l'article R. 4323-97 du code du travail, qu'elle fournisse aux salariés de l'établissement de [Localité 12] un local dédié à la restauration distinct des locaux affectés au travail, pour permettre aux travailleurs présents de se restaurer tout en préservant leur santé et leur sécurité, notamment au regard d'un risque de contamination lié au Covid 19, qu'elle modifie les plans de prévention et protocoles de sécurité applicables sur le site de [Localité 12] afin d'y intégrer notamment le risque lié au Covid 19 et les mesures de prévention devant être prises pour y faire face, après réalisation des inspections préalables communes avec le ou les chefs d'entreprises extérieures, et après information des membres du comité social et économique de la date de chacune de ces inspections afin qu'ils soient mis en mesure de désigner un ou plusieurs d'entre eux afin d'y participer et, en conséquence, à ce que la reprise de la production soit suspendue le temps de la mise en place effective de chacune des mesures précitées, alors « que le juge est tenu de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour considérer que les demandes des exposants tendant à voir sanctionner le non-respect par la société Renault de la réglementation en matière de prévention des risques, la cour d'appel a relevé que les demandes présentées au premier juge l'étaient de la manière suivante : ''- dire et juger : * que le projet portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de production pendant l'épidémie de covid 19 est un projet important modifiant les conditions de travail nécessitant la consultation des instances représentatives du personnel et non leur simple information, * que la commission santé, sécurité et conditions de travail de l'établissement Renault [Localité 12] n'a pas été convoquée, * que la convocation des membres du comité social et économique n'est pas régulière, * que la SAS Renault n'a pas remis aux membres du comité social et économique l'ensemble des éléments portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid 19 leur permettant d'émettre un avis éclairé, - en conséquence, * annuler la réunion du comité social et économique du 23 avril 2020 et toute décision prise lors de cette réunion de même que tout acte ou décision qui pourrait en être issu, * enjoindre à la SAS Renault de reprendre ab initio la procédure, etc..'' et en a déduit que la demande principale, dont découlaient toutes les autres, tendait donc à faire sanctionner une irrégularité alléguée de la convocation du comité social et économique ainsi que l'atteinte portée à ses prérogatives par une simple information, non une consultation, et l'entrave portée à son action par la production de documents insuffisants pour lui permettre d'émettre un avis éclairé, de sorte que la question de la recevabilité concernait, selon elle, la demande d'annulation de la réunion du comité social et économique du 23 avril 2020 et de toute décision prise lors de cette réunion ou qui pourrait en être issue mais aussi toutes les autres demandes qui ne sont présentées que comme conséquence de cette annulation ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, dans leur assignation introductive d'instance comme dans leurs conclusions d'appel, après avoir demandé la sanction des irrégularités entourant la réunion extraordinaire du comité social et économique du 23 avril 2020, les exposants sollicitaient ensuite la sanction du non-respect de la réglementation en matière de prévention de la santé des travailleurs sans établir aucun lien de conséquence entre ces deux séries de demandes, les secondes étant introduites, dans le dispositif de l'assignation, non par les termes en ''conséquence'' mais par les termes ''en outre'', la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et cette assignation en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

10. Pour déclarer irrecevables les demandes du syndicat et des salariés, l'arrêt retient que la demande principale, dont découlaient toutes les autres, tendait à faire sanctionner une irrégularité alléguée de la convocation du comité social et économique ainsi que l'atteinte portée à ses prérogatives par une simple information, non une consultation, et l'entrave portée à son action par la production de documents insuffisants pour lui permettre d'émettre un avis éclairé, de sorte que la question de la recevabilité concernait la demande d'annulation de la réunion du comité social et économique du 23 avril 2020 et de toute décision prise lors de cette réunion ou qui aurait pu en être issue mais aussi toutes les autres demandes qui n'étaient présentées que comme conséquence de cette annulation.

11. En statuant ainsi, alors que, ni dans leur assignation introductive d'instance, ni dans leurs conclusions d'appel, le syndicat et les salariés ne présentaient leurs demandes relatives à la mise en oeuvre de mesures de prévention de la santé des travailleurs comme la conséquence de l'annulation de la réunion du 23 avril 2020, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes du syndicat et des salariés tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la société Renault de procéder à une évaluation des risques, tant sur le fondement de la réglementation générale que sur celle spécifique aux risques biologiques, qu'elle retranscrive les résultats de cette évaluation dans le document unique et que, sur ces bases, elle mette en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs conformément à la réglementation générale et à celle spécifique sur les risques biologiques, le tout en y associant les représentants du personnel, d'organiser et dispenser pour chacun de ses salariés avant qu'ils ne reprennent le travail, une formation pratique et appropriée à la sécurité conforme aussi bien à la réglementation générale, incluant les équipements de protection individuelle, qu'à la réglementation spécifique aux risques biologiques, de soumettre préalablement les programmes de formation au comité social et économique pour consultation, conformément aux dispositions de l'article L. 4143-1 du code du travail, de consulter le comité social et économique, préalablement à la mise à disposition des équipements de protection individuelle, et après lui avoir remis les notices d'instruction prévues à l'annexe II de l'article R. 4312-6 du code du travail, sur les conditions dans lesquelles ces équipements sont mis à disposition et utilisés, conformément aux dispositions de l'article R. 4323-97 du code du travail, de fournir aux salariés de l'établissement de [Localité 12] un local dédié à la restauration distinct des locaux affectés au travail, pour permettre aux travailleurs présents de se restaurer tout en préservant leur santé et leur sécurité, notamment au regard d'un risque de contamination lié au Covid 19, de modifier les plans de prévention et protocoles de sécurité applicables sur le site de [Localité 12] afin d'y intégrer notamment le risque lié au Covid 19 et les mesures de prévention devant être prises pour y faire face, après réalisation des inspections préalables communes avec le ou les chefs d'entreprises extérieures, et après information des membres du comité social et économique de la date de chacune de ces inspections afin qu'ils soient mis en mesure de désigner un ou plusieurs d'entre eux afin d'y participer, et, en conséquence, à ce que la reprise de la production soit suspendue le temps de la mise en place effective de chacune des mesures précitées, et en ce qu'il condamne le syndicat et les salariés aux dépens, l'arrêt rendu le 21 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Renault aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Renault et la condamne à payer au syndicat CGT des travailleurs de Renault [Localité 12], à Mme [W] et aux neuf autres salariés la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les demandeurs

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le syndicat CGT de Travailleurs de RENAULT [Localité 12] et les salariés exposants fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la société RENAULT qu'elle procède à une évaluation des risques, tant sur le fondement de la réglementation générale que sur celle spécifique aux risques biologiques, qu'elle retranscrive les résultats de cette évaluation dans le document unique et que, sur ces bases, elle mette en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs conformément à la réglementation générale et à celle spécifique sur les risques biologiques, le tout en y associant les représentants du personnel, qu'elle organise et dispense pour chacun de ses salariés avant qu'ils ne reprennent le travail, une formation pratique et appropriée à la sécurité conforme aussi bien à la réglementation générale, incluant les équipements de protection individuelle, qu'à la réglementation spécifique aux risques biologiques, qu'elle soumette préalablement les programmes de formation au CSE pour consultation, conformément aux dispositions de l'article L. 4143-1 du Code du travail, qu'elle consulte le CSE, préalablement à la mise à disposition des équipements de protection individuelle, et après lui avoir remis les notices d'instruction prévues à l'annexe II à l'article R. 4312-6 du Code du travail, sur les conditions dans lesquelles ces équipements sont mis à disposition et utilisés, conformément aux dispositions de l'article R. 4323-97 du Code du travail, qu'elle fournisse aux salariés de l'établissement de [Localité 12] un local dédié à la restauration distinct des locaux affectés au travail, pour permettre aux travailleurs présents de se restaurer tout en préservant leur santé et leur sécurité, notamment au regard d'un risque de contamination lié au Covid-19, qu'elle modifie les plans de prévention et protocoles de sécurité applicables sur le site de [Localité 12] afin d'y intégrer notamment le risque lié au Covid-19 et les mesures de prévention devant être prises pour y faire face, après réalisation des inspections préalables communes avec le ou les chefs d'entreprises extérieures, et après information des membres du CSE de la date de chacune de ces inspections afin qu'ils soient mis en mesures de désigner un ou plusieurs d'entre eux afin d'y participer et, en conséquence, à ce que la reprise de la production soit suspendue le temps de la mise en place effective de chacune des mesures précitées ;

ALORS en premier lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour considérer que les demandes des exposants tendant à voir sanctionner le non-respect par la société RENAULT de la réglementation en matière de prévention des risques, la Cour d'appel a relevé que les demandes présentées au premier juge l'étaient de la manière suivante :« - dire et juger :* que le projet portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de production pendant l'épidémie de Covid 19 est un projet important modifiant les conditions de travail nécessitant la consultation des instances représentatives du personnel et non leur simple information,* que la Commission santé, sécurité et conditions de travail de l'établissement Renault [Localité 12] n'a pas été convoquée,* que la convocation des membres du CSE n'est pas régulière,* que la S.A.S Renault n'a pas remis aux membres du CSE l'ensemble des éléments portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid 19 leur permettant d'émettre un avis éclairé,- en conséquence,* annuler la réunion du CSE du 23 avril 2020 et toute décision prise lors de cette réunion de même que tout acte ou décision qui pourrait en être issu,* enjoindre à la S.A.S Renault de reprendre ab initio la procédure, etc... » et en a déduit que la demande principale, dont découlaient toutes les autres, tendait donc à faire sanctionner une irrégularité alléguée de la convocation du CSE ainsi que l'atteinte portée à ses prérogatives par une simple information, non une consultation, et l'entrave portée à son action par la production de documents insuffisants pour lui permettre d'émettre un avis éclairé, de sorte que la question de la recevabilité concernait, selon elle, la demande d'annulation de la réunion du CSE du 23 avril 2020 et de toute décision prise lors de cette réunion ou qui pourrait en être issue mais aussi toutes les autres demandes qui ne sont présentées que comme conséquence de cette annulation ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, dans leur assignation introductive d'instance comme dans leurs conclusions d'appel, après avoir demandé la sanction des irrégularités entourant la réunion extraordinaire du CSE du 23 avril 2020, les exposants sollicitaient ensuite la sanction du non-respect de la réglementation en matière de prévention de la santé des travailleurs sans établir aucun lien de conséquence entre ces deux séries de demandes, les secondes étant introduites, dans le dispositif de l'assignation, non par les termes « en conséquence » mais par les termes « en outre », la Cour d'appel a dénaturé ces conclusions et cette assignation en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS en second lieu QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que, dans ses conclusions d'appel, la société RENAULT concluait à l'irrecevabilité de l'action des exposants pour défaut de qualité à agir uniquement en ce qui concernait les demandes relatives aux irrégularités dans la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel ; qu'il s'en déduit que le moyen tiré du défaut qualité à agir des exposants s'agissant de demandes relatives au non-respect de la réglementation en matière de prévention des risques n'était pas dans le débat ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de la recevabilité de ces dernières demandes aux motifs qu'elles n'auraient été présentées que comme conséquence de l'annulation de la réunion du CSE du 23 avril 2020 et en retenant leur irrecevabilité sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé les dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le syndicat CGT de Travailleurs de RENAULT [Localité 12] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable ses demandes tendant à voir dire et juger que le projet portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid-19 constituait un projet important modifiant les conditions de travail nécessitant la consultation des instances représentatives du personnel et non leur simple information, que la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) de l'établissement de RENAULT [Localité 12] n'avait pas été convoquée, que la convocation des membres du CSE n'était pas régulière et que la société RENAULT n'avait pas remis aux membres du CSE l'ensemble des éléments portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid-19 leur permettant d'émettre un avis éclairé et à voir prononcer, en conséquence, l'annulation de la réunion du CSE d'établissement du 23 avril 2020 et de tout acte ou décision pris lors de cette réunion, l'injonction, sous astreinte, à la société de reprendre ab initio la procédure d'information et consultation de ce comité, incluant la convocation du CSSCT, conformément aux dispositions applicables, notamment telles qu'elles résultent de l'accord d'entreprise du 17 juillet 2018 et la suspension sous astreinte, le temps de la régularisation de la procédure d'information-consultation du CSE, du projet portant sur les modalités organisationnelles de l'activité en vue de la reprise de la production pendant l'épidémie de Covid-19 ainsi que de la reprise de la production et d'avoir, en conséquence, déclaré irrecevables ses demandes visées au premier moyen ;

ALORS en premier lieu QUE les syndicats professionnels, qu'ils en soient ou non signataires, sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 2132-3 du Code du travail l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en retenant, en l'espèce, que le syndicat CGT des Travailleurs de RENAULT [Localité 12] n'avait pas qualité pour agir aux lieux et place du CSE pour tirer argument de l'irrégularité de sa consultation et qu'en l'absence d'action engagée par le CSE à laquelle le syndicat aurait pu s'associer, ses demandes étaient irrecevables même si l'irrégularité dénoncée était susceptible de méconnaître les dispositions d'un accord d'entreprise, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 2132-3 du Code du travail ;

ALORS en second lieu QUE les syndicats professionnels, qu'ils en soient ou non signataires, sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 2132-3 du Code du travail l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en l'espèce, pour considérer que les demandes du syndicat CGT des Travailleurs de RENAULT [Localité 12] visant à voir sanctionner l'irrégularité de la procédure d'information-consultation du CSE étaient irrecevables, la Cour d'appel a relevé que ce syndicat n'avait pas signé l'accord qu'il prétendait défendre, ; qu'en statuant pas de tels motifs quand la circonstance que le syndicat exposant ne soit pas signataire de l'accord dont il demandait l'exécution n'était pas susceptible de constituer une cause d'irrecevabilité de ses demandes sur le fondement de l'article L. 2132-3 du Code dut travail, la Cour d'appel a violé les dispositions de cet article.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-23321
Date de la décision : 18/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 21 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2022, pourvoi n°20-23321


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23321
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