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18/05/2022 | FRANCE | N°20-22012

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 mai 2022, 20-22012


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 398 F-D

Pourvoi n° Q 20-22.012

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 avril 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_

________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MAI 2022

Mme [T] [R], épouse [N], domiciliée [Adresse 3], a...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 398 F-D

Pourvoi n° Q 20-22.012

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 avril 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MAI 2022

Mme [T] [R], épouse [N], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 20-22.012 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la famille), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [L] [H], domiciliée [Adresse 2],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Rouen, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [R], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 19 septembre 2019, pourvoi n° 18-22.042), un jugement a prononcé l'adoption simple de Mme [H] par Mme [R].

2. Soutenant que le comportement de sa fille avait provoqué une mésentente profonde et irréversible altérant de manière grave et définitive les liens familiaux, Mme [R] a assigné celle-ci en révocation de son adoption.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris dans ses deuxième et troisième branches, et sur les trois autres moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [R] fait grief à l'arrêt d'écarter des débats et par suite de rejeter la pièce n° 25, devenue n° 30, produite par elle, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en se fondant, pour écarter des débats le courrier du 2 août 1990 (pièce n° 30), sur la circonstance que son avocat n'aurait pas été autorisé par Mme [H] à transmettre ce courrier à l'autre partie, cependant que, dans ledit courrier Mme [H] écrivait à son avocat : "Si vous le jugez nécessaire, vous pouvez transmettre copie de cette lettre", ce dont il résultait qu'elle avait donné à son avocat la permission de le transmettre, la cour d'appel, qui a dénaturé cet écrit, a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour écarter des débats la lettre adressée par Mme [H] à M. [D], avocat, (pièce n° 30), dans laquelle elle indiquait à celui-ci : « Si vous le jugez nécessaire, vous pouvez transmettre copie de cette lettre », l'arrêt retient que ce document, qui constitue une correspondance échangée entre le client et son avocat au sens de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, est couvert par le secret professionnel et qu'il n'est ni soutenu ni établi que l'avocat aurait été autorisé par sa cliente à le transmettre à l'autre partie.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait du document litigieux que Mme [H] avait donné à son avocat l'autorisation de le transmettre à l'autre partie, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Versailles ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour Mme [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [T] [R] reproche à l'arrêt confirmatif attaqué sur ces points, D'AVOIR écarté des débats et par suite rejeté les pièces n° 22, 23, 24, 26, 27 et 29, devenues devant la cour de renvoi les pièces n° 27, 28, 29, 31, 32, 33 et 34, produites par Mme [T] [R], ainsi la pièce n° 25 produite par cette dernière, devenue la pièce n° 30 devant la cour de renvoi ;

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en se fondant, pour écarter des débats le courrier du 2 août 1990 (pièce n° 30), sur la circonstance que son avocat n'aurait pas été autorisé par Mme [H] à transmettre ce courrier à l'autre partie, cependant que, dans ledit courrier Mme [H] écrivait à son avocat : « Si vous le jugez nécessaire, vous pouvez transmettre copie de cette lettre », ce dont il résultait qu'elle avait donné à son avocat la permission de le transmettre, la cour d'appel, qui a dénaturé cet écrit, a violé le principe susvisé ;

2°) ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 5), Mme [R] a fait valoir que les courriers versés aux débats étaient des échanges entre un avocat et M. [N], son époux, lequel n'intervenait pas comme son avocat, mais comme son mari, étant précisé que, dans lesdits courriers, elle était citée à chaque fois comme « mon épouse » ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge ne peut écarter des débats un élément de preuve produit par un colitigant et indispensable à l'exercice de son droit à la preuve et à l'exercice effectif des droits de sa défense ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour écarter des débats les pièces n° 22, 23, 24, 26, 27 et 29, devenues devant la cour de renvoi les pièces n° 27, 28, 29, 31, 32, 33 et 34, produites par Mme [R], sans rechercher si leur production n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve de Mme [R] et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 9 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [T] [R] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, DE L'AVOIR déboutée de sa demande tendant à la révocation de l'adoption simple par elle de Mme [L] [H] prononcée par le tribunal de grande instance de Rouen par jugement du 17 juin 1981 et D'AVOIR constaté en conséquence que le jugement en date du 17 juin 1981 par lequel le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé l'adoption simple de Mme [L] [H] par Mme [T] [R], demeure sauf et continue de produire ses pleins et entiers effets ;

1°) ALORS QUE, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que, pour refuser de révoquer l'adoption de Mme [H] par Mme [R], la cour d'appel a énoncé qu'une simple mésentente, même grave et irréversible, tenant notamment à un différend d'ordre patrimonial ou successoral, ne peut, en elle-même et à elle seule, constituer un motif grave, un tel différent, susceptible de survenir autant dans une famille biologique que dans une famille adoptive, ne revêtant dès lors aucune particularité, mais que si une telle mésentente résulte d'une faute ou d'un élément intentionnel, à plus forte raison de l'intention de nuire émanant de la partie contre laquelle la révocation de l'adoption est demandée, cette circonstance est dès lors de nature à conférer à la mésentente sus-évoquée le caractère de gravité requis par l'article 370 du code civil et autorisant cette révocation et qu'il en est notamment ainsi, lorsque l'adopté témoigne à l'égard de l'adoptant d'une attitude délibérément blessante, vexatoire, méprisante, offensante, injurieuse et outrageante, voire attentatoire à l'honneur de l'adoptant ; qu'en posant ainsi de telles conditions restrictives à la justification des motifs graves pouvant entrainer la révocation de l'adoption à la demande de l'adoptant, que cette justification en devient de facto impossible à rapporter, la cour d'appel, qui a vidé de sa substance l'article 370 du code civil, l'a nécessairement violé par fausse interprétation ;

2°) ALORS QUE, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que la cour d'appel a elle-même constaté que, dans ses avis du 6 juillet 2020, le ministère public a conclu à la révocation de l'adoption, ce, dans les termes suivants : « il ressort des pièces de la procédure que les relations entre adoptant et adoptée sont conflictuelles et tendues depuis plus de 30 ans ; le liens ne se caractérisent pas par un attachement mais par de l'indifférence, de la mésentente, des réclamations financières récurrentes ; la nature de ces liens est constante, [L] [H] s'étant associée à des accusations portées à l'encontre de Mme [R] sur un plan pénal. Les procédures judiciaires civiles intentées également par Mme [H] à l'encontre de Mme [R] attestent de la mésentente constante, durable, récurrente, de l'absence de maintien de liens affectifs de sa part » ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cet avis, qui mettait en évidence l'existence de motifs graves devant provoquer la révocation de l'adoption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [T] [R] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, DE L'AVOIR déboutée de sa demande tendant à la révocation de l'adoption simple par elle de Mme [L] [H] prononcée par le tribunal de grande instance de Rouen par jugement du 17 juin 1981 et D'AVOIR constaté en conséquence que le jugement en date du 17 juin 1981 par lequel le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé l'adoption simple de Mme [L] [H] par Mme [T] [R], demeure sauf et continue de produire ses pleins et entiers effets ;

1°) ALORS QUE, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 7 s.), Mme [R] a exposé qu'à la suite du décès de son époux, [E] [H], qui était le père de Mme [H], la soeur de l'adoptée ([T] [H]), et son ex-époux, M. [P], avaient agi à son encontre, devant les juridictions civiles et pénales, procédures au cours desquelles sa fille adoptive avait « multiplié les attestations » à son encontre, preuves à l'appui (not. pièce n° 22 : attestation du 25 octobre 1985, procès-verbal de déposition de témoin du 30 avril 1987 et lettre de [L] [H] du 15 novembre 1985 écrit au juge d'instruction), ayant, en particulier (concl., p. 10) « témoigné contre sa mère, devant le juge d'instruction [V] [J], au cours d'une confrontation entre Mme [R], Mme [H] et M. [P] [?] », pour en conclure que de tels « dénonciations, attestations et témoignages [?] réalisés, en toute connaissance de cause, dans une procédure pénale, constituent en soi des actes injurieux [?], d'autant plus caractérisés que toutes les procédures pénales se sont terminées par des non-lieux », étant ajouté (concl., p. 14) qu'en janvier 2003, sa fille adoptive avait porté plainte contre elle « pour détournement d'héritage » (pièce n° 48) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si un tel comportement de la part de l'adoptée ne constituait pas un motif grave devant entrainer la révocation de l'adoption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370 du code civil ;

2°) ALORS QUE s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que Mme [R] a invoqué (concl., p. 16) les conclusions d'appel déposées par Mme [H] devant le tribunal de grande instance de Rouen (pièce n° 56), dans lesquelles l'adoptée soutenait qu' « en mars 1981 Mme [H] est mise dehors par Mme [R] de la maison de son père », qu' « il est manifeste que Mme [T] [R] a été spoliée par Mme [T] [R], tout comme sa soeur et M. [O] [P], et que Mme [R] a acquis pour un prix totalement dérisoire et voir vil des droits successifs importants » et que « Mme [R] a profité de sa qualité de mère, de la situation financière précaire et fragile de Mme [L] [H] pour lui faire signer un protocole d'accord aux termes duquel cette dernière renonce à toute action au sujet de sa renonciation à la succession de son père », passages révélant des « accusations graves et répétées » ; qu'en se bornant à relever, pour refuser de révoquer l'adoption, que seul M. [P] avait pris « l'initiative, le 30 juin 2010, d'introduire une instance civile à l'encontre de son « ex-belle-mère », que lui seul était animé d'un « réel esprit accusateur à l'égard de son ex-belle-mère », sans qu'un « tel esprit » ait « animé son ex-épouse » (Mme [H]), laquelle n'était « pas davantage à l'origine de la seconde procédure judiciaire », et, enfin que « l'offense » commise par lui ne pouvait être imputée à l'adoptée, omettant ainsi de se prononcer sur les éléments contraires rapportés par Mme [R], établissant, contrairement à l'affirmation de l'arrêt, « un comportement injurieux et offensant » de la part de l'adoptée, constitutif d'un motif grave devant entrainer la révocation de l'adoption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370 du code civil ;

3°) ALORS QUE s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 17), Mme [R] a fait valoir que Mme [H] avait à sa seule initiative saisi la Cour de cassation d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 30 septembre 2015, déposant une demande d'aide juridictionnelle, laquelle a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 mai 2016, contre laquelle elle avait formé, le 21 juin 2016, un recours devant le Premier Président de la Cour de cassation, recours rejeté (pièce n° 60: lettre du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation) ; qu'en se bornant à relever, pour refuser de révoquer l'adoption, que seul M. [P] avait pris « l'initiative, le 30 juin 2010, d'introduire une instance civile à l'encontre de son « ex-belle-mère », que lui seul était animé d'un « réel esprit accusateur à l'égard de son ex-belle-mère », sans qu'un « tel esprit » ait « animé son ex-épouse » (Mme [H]), laquelle n'était « pas davantage à l'origine de la seconde procédure judiciaire », sans se prononcer sur la saisine de la Cour de cassation par l'adoptée d'un pourvoi dirigé contre l'adoptante, circonstance établissant, contrairement à l'affirmation de l'arrêt, « un comportement injurieux et offensant » de la part de l'adoptée, constitutif d'un motif grave devant entrainer la révocation de l'adoption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [T] [R] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, DE L'AVOIR déboutée de sa demande tendant à la révocation de l'adoption simple par elle de Mme [L] [H] prononcée par le tribunal de grande instance de Rouen par jugement du 17 juin 1981 et D'AVOIR constaté en conséquence que le jugement en date du 17 juin 1981 par lequel le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé l'adoption simple de Mme [L] [H] par Mme [T] [R], demeure sauf et continue de produire ses pleins et entiers effets ;

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 10), Mme [R] a exposé qu'après avoir en 1990 aidé sa fille adoptive, alors en procédure de divorce, en lui versant une somme de 200 000 francs, cette dernière, malgré le règlement de la succession de son père, lui avait réclamé une seconde « aide financière » de 200 000 francs qu'elle lui avait, finalement (concl., p. 11) versée à la suite d'un protocole d'accord du 30 mai 1991 ; que, pour justifier d'un grave motif de révocation de l'adoption, elle a invoqué un courrier du 6 octobre 1999, dans lequel l'adoptée faisait l'aveu du chantage exercé sur sa mère dans les termes suivants : « j'ai tenté de justifier cette demande par une contestation de la vente de mes droits successoraux. Bien que tu n'y étais absolument pas tenue, tu as bien voulu me verser la somme de 200 000 francs » (pièce n° 36) ; que, pour refuser d'admettre que, dans ce courrier, Mme [H] faisait l'aveu du chantage exercé sur sa mère, la cour d'appel, tout en relevant qu'il comportait l'évocation par l'adoptée de sa « conduite et propos malveillants », a énoncé qu'il ne renfermait pas de « propos injurieux », constituait une « unique proposition transactionnelle »
et que l' « aveu » qu'il formulait ne constituait qu'une « simple figure de style de pure circonstance » ; qu'en statuant ainsi, cependant que, comme le soutenait Mme [R], il résultait de ce courrier que sa fille adoptive « savait donc, d'une part que Mme [R] ne lui devait rien au titre de la succession de son père, d'autre part, qu'elle pratiquait un chantage », chantage constitutif d'un délit, injurieux per se envers la mère adoptive, la cour d'appel, qui a dénaturé cet écrit, a violé le principe susvisé ;

2°) ALORS, et en toute hypothèse, QUE s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 10), Mme [R] a exposé avoir, en 1990 aidé sa fille adoptée, alors en procédure de divorce, en lui versant une somme de 200 000 francs, pour payer les travaux de son appartement, mais que cette dernière avait alors multiplié ses exigences financières, « en contrepartie de toute renonciation à toute action à l'encontre de sa mère », malgré le règlement de la succession de son père, lui réclamant une seconde « aide financière » de 200 000 francs, la cession de sa maison d'habitation après son décès et « le financement en totalité de la réhabilitation de son immeuble », et qu'elle avait, finalement (concl., p. 11) versé à sa fille adoptive ladite « aide financière », en 1991, à la suite d'un protocole d'accord du 30 mai 1991, cette somme de 200 000 francs lui ayant été payée par l'effet du « chantage » exercé sur elle par sa fille adoptive, ce dont Mme [H] avait fait l'aveu dans un courrier du 6 octobre 1999, dans les termes suivants : « j'ai tenté de justifier cette demande par une contestation de la vente de mes droits successoraux. Bien que tu n'y étais absolument pas tenue, tu as bien voulu me verser la somme de 200 000 francs » (pièce n° 36), ce dont il résultait que sa fille adoptive « savait donc, d'une part que Mme [R] ne lui devait rien au titre de la succession de son père, d'autre part, qu'elle pratiquait un chantage » ; que, pour refuser d'admettre que, dans ce courrier, Mme [H] faisait l'aveu du chantage exercé sur sa mère, la cour d'appel, tout en relevant qu'il comportait l'évocation par l'adoptée de sa « conduite et propos malveillants », a énoncé qu'il ne contenait pas de « propos injurieux », constituait une « unique proposition transactionnelle » et que l' « aveu » qu'il formulait n'était qu'une « simple figure de style de pure circonstance » ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les éléments contextuels rapportés par Mme [R], établissant le chantage exercé par l'adoptée sur elle, caractérisant un grave motif de révocation de l'adoption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370 du code civil ;

3°) ALORS QUE, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 12-13), Mme [R] a exposé que Mme [H], dans divers courriers (pièces n° 39 à 45), avait exigé divers paiements et menacé sa mère, lesdits courriers n'étant pas la traduction de « différends familiaux » ou l'expression d'un « désarroi » ou d'une « déception », puisque l'adoptée n'écrivait « pas à sa mère mais à « [T] », puis à « Madame », en recommandés AR de surcroît », tout en réclamant 645 000 francs (lettre du 22 septembre 1997, pièce n° 40), à défaut de quoi, elle menaçait de « prendre les dispositions qui s'imposent » (lettre du 30 octobre 1997, pièce n° 41), ce qui s'est traduit par une « dénonciation en justice faite trois jours plus tard » (pièce n° 42), et l'exigence du versement d'une somme, portée à 955 000 francs (pièce n° 43), et d'une mise en demeure par courrier d'avocat (pièce n° 46), de tels courriers constituant « un harcèlement, à sens unique, dans un but non pas affectif, mais spéculatif », étant ajouté qu'elle avait, « de nouveau, donné 50 000 francs à sa fille, qui s'était alors engagée - une énième fois - à cesser toute contestation et procédure sur la succession de son père, depuis longtemps réglée » (pièce n° 47) ; qu'en se bornant, pour refuser de déduire de tels courriers un motif grave de révocation de l'adoption, à prendre en compte un courrier du 6 février 1992, antérieur de cinq années, d'où elle a déduit la « nostalgie d'une vraie relation filiale », sinon son « maintien [?] sous la forme d'une amitié désintéressée », et à affirmer que lesdits courriers de 1997 étaient des « appels à l'aide désespérés », sans comporter de « propos injurieux », refusant ainsi de se prononcer sur leur multiplication, leurs formulations et les menaces qu'ils renfermaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370 du code civil ;

4°) ALORS, en toute hypothèse, QUE s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de l'adoptant ; que, pour refuser de déduire des courriers de l'adoptée produits par Mme [R] un motif grave de révocation de l'adoption, la cour d'appel s'est contentée d'énoncer qu'ils ne comportaient pas de « propos injurieux » ; qu'en limitant ainsi sa recherche de motifs graves devant entrainer la révocation de l'adoption à la formulation d'injures contre l'adoptant, la cour d'appel a violé l'article 370 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-22012
Date de la décision : 18/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 12 novembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 mai. 2022, pourvoi n°20-22012


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.22012
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