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11/05/2022 | FRANCE | N°21-83373

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mai 2022, 21-83373


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° H 21-83.373 F-D

N° 00546

ECF
11 MAI 2022

CASSATION

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 MAI 2022

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de M

ontpellier, chambre correctionnelle, en date du 5 mai 2021, qui, dans la procédure suivie contre Mme [R] [Y], épouse [X], de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° H 21-83.373 F-D

N° 00546

ECF
11 MAI 2022

CASSATION

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 MAI 2022

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 5 mai 2021, qui, dans la procédure suivie contre Mme [R] [Y], épouse [X], des chefs de faux et usage et escroquerie, après avoir annulé le jugement, a refusé d'évoquer et renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [R] [Y], épouse [X], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Pauthe, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par acte du 10 novembre 2016, Mme [R] [Y], épouse [X], a été citée des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel qui, par jugement par défaut, l'a condamnée à un an d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction professionnelle.

3. Saisi sur l'opposition de Mme [Y], le tribunal correctionnel a déclaré celle-ci coupable des délits de faux et usage et d'escroquerie, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils par jugement du 31 octobre 2018 à l'encontre duquel la prévenue a interjeté appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté d'office la nullité du jugement entrepris, dit n'y avoir lieu à évocation, et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir, alors :

« 1°/ qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la caisse primaire d'assurance malade (CPAM), partie civile, avait sollicité un renvoi aux fins, d'une part, de faire rechercher le dossier, et notamment d'effectuer des recherches auprès de l'huissier ayant délivré la citation et de la gendarmerie ayant procédé à l'enquête, et d'autre part, de proposer de communiquer le dossier constitué à l'appui de sa plainte adressée au procureur de la République, demande de renvoi reprise à son compte par le ministère public ; que nonobstant cette demande expresse de renvoi, la cour d'appel, passant outre tout complément d'information, a décidé d'examiner immédiatement l'affaire et de décider d'office la nullité du jugement, en se contentant d'affirmer « qu'il est vain d'espérer recouvrer les pièces perdues par l'effet de nouvelles démarches » ; qu'en statuant ainsi, sans s'en expliquer, quand aucun élément de la procédure ne permettait d'établir que des démarches auraient été entreprises auprès de l'huissier ayant délivré la citation ni auprès de la gendarmerie et qu'il était établi que la CPAM était disposée à transmettre copie du dossier qu'elle avait constitué à l'appui de sa plainte transmise au procureur de la République, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des articles préliminaire, 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité ; qu'après avoir constaté l'absence du dossier transmis à la cour, de la citation signifiée à étude d'huissier à Mme [Y] le 10 novembre 2016 par un huissier de justice sur instruction du procureur de la République, et avoir relevé avoir demandé à la CPAM communication de la copie du dossier constitué à l'appui de sa plainte adressée au procureur de la République, que cette dernière se proposait de communiquer sur renvoi, la cour d'appel a néanmoins décidé de prononcer d'office la nullité du jugement sans avoir même recherché à exercer ses pouvoirs de recherche auprès de l'étude d'huissier ayant délivré la citation et de la gendarmerie ayant procédé à l'enquête, et sans avoir encore obtenu communication du dossier de la CPAM à l'origine des poursuites, laquelle se proposait de le faire sur renvoi ; qu'en statuant sans avoir ordonné les mesures d'instruction dont elle reconnaissait pourtant explicitement la nécessité, la cour d'appel a méconnu les articles 463 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que toute contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que tant les termes du jugement du 23 novembre 2016 que ceux du jugement du 31 octobre 2018 mentionnaient que Mme [Y] était poursuivie pour des faits de faux et usage et d'escroquerie commis au préjudice de la CPAM de l'Hérault commis du 19 janvier 2011 au 13 juillet 2011 à la Grande-Motte, les faits qualifiés de faux étant définis dans des termes strictement identiques dans l'un et l'autre jugement, par la description précise et détaillée des faits reprochés, dont le jugement du 31 octobre 2018 avait considéré qu'ils étaient pleinement établis par le rapport de contrôle de la CPAM ; que pour conclure à la nullité du jugement, la cour d'appel affirme pourtant que les termes de la prévention tels que rappelés dans les deux jugements ne permettraient pas à la prévenue de « connaître sans ambiguïté la nature des faits qui lui sont reprochés et d'organiser sa défense », et que la cour « n'approche que de façon incertaine l'étendue de sa saisine », « et n'a pas la possibilité d'instruire sur les faits » ; qu'en prononçant ainsi quand il résultait de ses propres constatations que les falsifications frauduleuses commises par la prévenue au préjudice de la CPAM étaient très clairement définies par les termes de la prévention reproduits aux jugements et permettaient ainsi d'établir que la prévenue était suffisamment informée, sans ambiguïté, de la prévention retenue à son encontre et des faits qui lui étaient reprochés sur lesquels elle s'était d'ailleurs expliquée longuement dans ses conclusions, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient, en violation des dispositions de l'article 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que les juges sont tenus de statuer sur les faits dont ils sont saisis par la citation ; que dès lors qu'il est établi et non contesté que Mme [Y] avait été citée à étude selon acte d'huissier en date du 10 novembre 2016 des chefs de faux et usage et d'escroquerie commis du 19 janvier 2011 au 13 juillet 2011 à la Grande-Motte, et que les termes de la prévention avaient été reproduits par le jugement litigieux, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les articles 388, 520, 591 et 593 du code de procédure pénale, prononcer d'office la nullité du jugement pour absence de saisine au seul motif que l'original de la citation ne figurait plus au dossier, quand il résultait de ses propres constatations que le tribunal avait bien été saisi de la poursuite régulièrement exercée par le procureur de la République, suivant les termes de prévention reproduits au jugement ;

5°/ que constitue un déni de justice au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 4 du code civil et, par conséquent, une décision incompatible avec un procès équitable le refus de statuer sur les faits de faux et usage et d'escroquerie dont elle était saisie, tels que rappelés par le jugement dont appel du 31 octobre 2018 ; qu'en relevant d'office la nullité du jugement et en disant n'y avoir lieu à évocation en raison de l'absence prétendue au dossier de « pièces nécessaires et notamment de l'acte introductif d'instance », sans avoir même recherché à obtenir les pièces en cause par un supplément d'information, après avoir pourtant reproduit les termes exacts et précis de la prévention tels qu'ils figurent au jugement dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, sur lesquels la prévenue s'était contradictoirement expliquée, les juges d'appel ont excédé leurs pouvoirs et commis un déni de justice, privant la partie civile de son droit d'accès à un juge. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

5. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

6. Pour annuler le jugement critiqué, refuser d'évoquer et renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir, l'arrêt attaqué énonce que la cour soumet au débat le fait qu'elle se trouve dans l'incapacité, au regard des pièces qui lui ont été communiquées, de connaître l'étendue de sa saisine quant aux faits reprochés à Mme [Y].

7. Les juges relèvent que la citation à l'audience, signifiée à Mme [Y] le 10 novembre 2016 et mentionnée dans le jugement du 23 novembre 2016, ne figure pas au dossier transmis à la cour non plus que l'original de la procédure dont ne disposait pas non plus le tribunal correctionnel, que la défense a prétendu n'avoir jamais eu accès au dossier d'enquête, le tribunal correctionnel n'ayant statué que sur les pièces de la caisse primaire d'assurance maladie que celle-ci propose de communiquer et que le ministère public, à qui il incombe au premier chef de transmettre un dossier complet à la cour, n'a communiqué aucune pièce nouvelle en cours de délibéré.

8. Ils constatent que les préventions évoquées par le jugement rendu par défaut le 23 novembre 2016 et le jugement critiqué du 31 octobre 2018 se contredisent, la première décision mentionnant que la prévenue est poursuivie puis déclarée coupable d'un seul délit, le faux, puis des trois délits visés par la prévention, tandis que la seconde énonce de façon détaillée que Mme [Y] est poursuivie et déclarée coupable des chefs de faux et usage et d'escroquerie, mais affirme à tort que Mme [Y] a été déclarée coupable de trois délits par le premier jugement.

9. La cour d'appel conclut que la prévenue n'étant pas en mesure de connaître sans ambiguïté la nature des faits qui lui sont reprochés et d'organiser sa défense, il convient de relever d'office la nullité du jugement entrepris ayant statué sans disposer, notamment, de l'acte introductif d'instance, que toute évocation est interdite dès lors que le jugement annulé ayant statué en l'absence de toute saisine, l'irrégularité ne peut être réparée par une défense au fond et qu'il y a lieu de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir.

10. En prononçant ainsi, alors que, d'une part, les mentions des notes d'audience ne permettent pas de remettre en cause l'existence de l'acte de saisine du tribunal qui est confirmée par la mention du jugement du 31 octobre 2018, qui fait foi jusqu'à inscription de faux, selon laquelle le président a donné connaissance de l'acte qui a saisi le tribunal, d'autre part, la prévenue comparante n'a pas, dans ses conclusions régulièrement déposées devant elle, invoqué l'absence de la citation au dossier ni contesté avoir été informée des termes de la prévention telle qu'elle figure dans le jugement critiqué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

11. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 5 mai 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze mai deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-83373
Date de la décision : 11/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mai. 2022, pourvoi n°21-83373


Composition du Tribunal
Président : Mme de la Lance (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.83373
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