LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mai 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 422 F-D
Pourvoi n° M 20-19.985
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022
1°/ M. [T] [B],
2°/ Mme [U] [J], épouse [B],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° M 20-19.985 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [I] [W],
2°/ à Mme [V] [S], épouse [W],
domiciliés tous deux [Adresse 2] (Japon),
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [B], de la SCP Marc Lévis, avocat de M. et Mme [W], après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 2020), par acte sous seing privé du 7 décembre 2005, M. et Mme [W] ont donné à bail à M. et Mme [B] un appartement à usage d'habitation situé à Paris.
2. M. et Mme [B] ont donné congé et les lieux ont été restitués le 28 juillet 2016.
3. M. et Mme [W] ont assigné M. et Mme [B] en paiement d'un arriéré de loyers et charges et en réparation des préjudices liés à des dégradations locatives.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de les condamner à verser à M. et Mme [W] les sommes de 23 395 euros au titre des loyers et charges impayés et de 27 523 euros correspondant aux dégradations de l'appartement, alors :
« 1°/ que le locataire doit prendre à sa charge l'entretien courant du logement et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives sauf si elles sont occasionnées par vétusté ; qu'en mettant à la charge des époux [B] le montant des travaux nécessaires à la rénovation du logement tels qu'estimés par l'expert de l'assureur des bailleurs, au motif que l'état des lieux de sortie mettait en avant l'absence d'entretien du logement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'état d'usage des peintures et des sols constaté dans l'état des lieux de sortie et dans le rapport d'expertise privée ne résultait pas de l'usage normal des lieux pendant onze ans et si les époux [B] n'étaient pas fondés à invoquer la vétusté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le dépôt de garantie est restitué par le bailleur déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues par le preneur à ce dernier, qu'en condamnant les époux [B] à verser aux bailleurs une somme correspondant au montant total du préjudice prétendument subi par les époux [W] sans déduire de ce montant le dépôt de garantie de 7 200 euros, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et le principe de réparation intégrale du préjudice :
5. Il résulte de ce texte et de ce principe que le locataire doit prendre à sa charge l'entretien courant du logement et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, et que la réparation du dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice.
6. Pour condamner les locataires à verser aux bailleurs certaines sommes au titre des loyers et charges impayés et au titre des réparations locatives, la cour d'appel d'une part, retient la différence entre les loyers impayés et l'indemnité d'assurance perçue par les bailleurs de ce chef, et d'autre part, se fonde sur un rapport d'expertise de l'assureur des bailleurs estimant le montant et la durée des travaux nécessaires à la rénovation du logement.
7. En se déterminant ainsi, sans préciser de quelle façon ces créances se compensaient avec le montant du dépôt de garantie, et sans répondre aux conclusions des locataires soutenant que l'occupation pendant onze ans des lieux avait occasionné une vétusté ne pouvant être assimilée à des dégradations locatives, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. et Mme [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [B] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [B]
LES ÉPOUX [B] FONT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de les AVOIR condamnés à verser à M. et Mme [W] la somme de 23 395 euros au titre des loyers et charges impayés et la somme de 27 523 euros correspondant aux dégradations de l'appartement ;
1) ALORS QUE le locataire doit prendre à sa charge l'entretien courant du logement et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives sauf si elles sont occasionnées par vétusté ; qu'en mettant à la charge des époux [B] le montant des travaux nécessaires à la rénovation du logement tels qu'estimés par l'expert de l'assureur des bailleurs, aux motif que l'état des lieux de sortie mettait en avant l'absence d'entretien du logement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'état d'usage des peintures et des sols constaté dans l'état des lieux de sortie et dans le rapport d'expertise privée ne résultait pas de l'usage normal des lieux pendant onze ans et si les époux [B] n'étaient pas fondés à invoquer la vétusté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse, le dépôt de garantie est restitué par le bailleur déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues par le preneur à ce dernier ; qu'en condamnant les époux [B] à verser aux bailleurs une somme correspondant au montant total du préjudice prétendument subi par les époux [W] sans déduire de ce montant le dépôt de garantie de 7 200 euros, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.