LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 21-83.531 F-D
N° 00510
MAS2
21 AVRIL 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 AVRIL 2022
M. [P] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, en date du 20 mai 2021, qui, pour abus de faiblesse, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [P] [H], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [O] [S] pris en qualité de mandataire aux biens de Mme [E] [W], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [E] [W] a été victime, en 1995, d'un accident cérébrovasculaire grave laissant subsister des séquelles qui l'ont privée notamment de la capacité de lire ou de calculer.
3. En 2006, M. [P] [H] a procédé pour le compte de Mme [W] à l'acquisition, sur la partie néerlandaise de l'Ile de Saint-Martin, de trois ensembles immobiliers ; le 5 décembre 2006, Mme [W] a accordé à M. [H] ainsi qu'à l'épouse de ce dernier une promesse de vente avec option d'achat des parts d'une des sociétés, propriétaire d'une villa, valable jusqu'au 31 décembre 2007, au prix de 1 830 320 dollars américains.
4. M. [H] et Mme [R] [H] ont levé l'option le 20 décembre 2007 et versé la somme de 1 512 017 dollars ; le solde est demeuré impayé après avoir fait l'objet d'une reconnaissance de dette.
5. M. et Mme [H] ont revendu la villa le 12 mai 2008 au prix de 2 800 000 dollars.
6. Le 23 novembre 2010, un avocat a déposé plainte auprès du procureur de la République en dénonçant notamment la transaction décrite plus haut comme constitutive d'un abus de faiblesse.
7. A l'issue d'une information judiciaire, le juge d'instruction a pris une ordonnance de renvoi, notamment de M. [H], devant le tribunal correctionnel, du chef d'abus de faiblesse.
8. Par jugement du 27 juin 2018, le tribunal correctionnel a relaxé M. [H].
9. Le ministère public et les partie civiles ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
10. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable d'abus de faiblesse et a, en conséquence, prononcé sur les intérêts civils, alors « que si la prescription de l'action publique ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, il en va autrement lorsque les constatations de l'arrêt lui permettent de s'assurer qu'une telle prescription est acquise ; que la prescription de l'action publique du délit d'abus de faiblesse commis au moyen d'une promesse unilatérale de vente avec option d'achat consentie en 2006 court à compter du jour de la promesse, sans que son point de départ puisse être reporté à la date à laquelle l'acquéreur a entendu lever l'option ou a payé intégralement le prix ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 5 décembre 2006, Mme [W] a consenti à M. [H] une promesse de vente avec option d'achat, tandis que ce n'est que le 23 novembre 2010, à une date à laquelle l'action publique était déjà éteinte par prescription, que Mme [W] a porté plainte auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, dénonçant des faits d'abus de confiance aggravé, premier acte interruptif de prescription ; qu'en prononçant, dès lors, comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011. »
Réponse de la Cour
12. Si la prescription de l'action publique peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, c'est à la condition que celle-ci trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur.
13. A défaut de telles constatations, les griefs relatifs à la prescription, mélangés de fait, sont nouveaux et, comme tels, irrecevables.
14. S'il résulte des termes de l'arrêt que le fait considéré comme abusif a été commis le 5 décembre 2006, il ne peut se déduire de la seule référence faite, par l'arrêt et le jugement qu'il confirme, au dépôt d'une plainte par l'avocat de Mme [W], le 23 novembre 2010, que la prescription était acquise à cette date.
15. D'où il suit que le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt-deux.