LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 511 F-D
Pourvoi n° K 20-14.280
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 AVRIL 2022
La société Sigue Global services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-14.280 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
M. [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sigue Global services, de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Sigue Global services du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 octobre 2019), M. [H] a été engagé à compter du 1er décembre 2008 en qualité de conseiller commercial par la société Sigue Global services, ayant pour activité le transfert d'argent liquide de personne à personne par l'envoi de mandats.
3. Le 23 octobre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir notamment la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de la violation de ses obligations contractuelles et d'un harcèlement moral managérial.
4. Par lettre du 30 octobre 2012, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 9 novembre auquel il ne s'est pas présenté. Par lettre du 22 novembre 2012, il a contesté l'avertissement qui lui avait été notifié le 16 novembre 2012, en reprochant à l'employeur un harcèlement moral.
5. Par lettre du 28 novembre 2012, il a de nouveau été convoqué à un entretien préalable fixé au 17 décembre 2012 et s'est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire par lettre séparée. Il a été licencié pour faute grave le 3 janvier 2013.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts légaux, sous déduction des sommes perçues de Pôle emploi au titre de ce licenciement, alors « qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ; que dans cette hypothèse, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période ; que la cour d'appel, après avoir prononcé la nullité du licenciement pour atteinte au droit d'agir en justice, a ordonné que soient déduites du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et celle du prononcé de l'arrêt, les sommes perçues de Pôle emploi au titre de ce licenciement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 :
8. Il résulte de l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur.
9. Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.
10. La cour d'appel, après avoir prononcé la nullité du licenciement pour atteinte au droit d'agir en justice, a ordonné que soient déduites du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et celle de la réintégration effective, les sommes perçues à titre de revenus de remplacement sur cette période.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sigue Global services à payer à M. [H] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, une somme égale à autant de fois 1 576,77 euros qu'il y aura de mois dans la période allant du 28 novembre 2012 au jour effectif de sa réintégration dans l'entreprise sous déduction toutefois du montant total des sommes perçues de Pôle emploi au titre de ce licenciement, dont M. [H] devra justifier, l'arrêt rendu le 18 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Sigue Global services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sigue Global services et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Sigue Global services, demanderesse au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement de M. [H] prononcé par la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES par lettre du 3 janvier 2013, d'AVOIR ordonné la réintégration de M. [H] dans cette entreprise au plus tard six semaines après la signification qui sera faite à l'employeur du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard pendant quatre mois et condamné la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES à payer à M. [H] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, une somme égale à autant de fois 1 576,77 € qu'il y aura de mois dans la période allant du 28 novembre 2012 au jour effectif de sa réintégration dans l'entreprise sous déduction toutefois du montant total des sommes perçues de POLE EMPLOI au titre de ce licenciement, dont M. [H] devra justifier, d'AVOIR condamné la société SIGUE GLOBAL SERVICES aux dépens de l'appel et à la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés par elle en cause d'appel et d'AVOIR débouté la société SIGUE GLOBAL SERVICES de ses demandes plus amples ou contraires ;
AUX MOTIFS QUE « 1.- Sur la demande de nullité du licenciement formée par M. [H] : Est nul comme portante atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié. Au soutien de sa demande principale de nullité du licenciement, M. [H] fait notamment valoir que son licenciement est lié à l'action en justice intentée contre son employeur et plus particulièrement à la réception par ce dernier de la convocation en bureau de conciliation, laquelle est en date du 26 octobre 2012. La SAS SIGUE GLOBAL SERVICES ne formule pour sa part aucun moyen sur ce point. Or, M. [H] démontre et justifie de ce que : 'la convocation à entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire du 28 novembre 2012 est postérieure d'un mois seulement à la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation cette convocation à entretien préalable, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire, a été envoyée le même jour que le courrier de l'employeur du 28 novembre 2012 dans lequel ce dernier mentionne à deux reprises l'existence de la saisine du conseil des prud'hommes par le salarié. Ces éléments établissent que le licenciement est lié à l'action en justice du salarié et ce d'autant que, comme le fait justement valoir ce dernier, l'employeur ne démontre pas la matérialité des fautes qu'il lui reproche depuis la saisine du conseil des prud'hommes et qui fondent son licenciement, à savoir le préalable constitué par l'avertissement du 16 novembre 2012 et la dissimulation d'une erreur de caisse de 1000 € le 24 novembre 2012. S'agissant de l'avertissement du 16 novembre 2012, le courrier de notification de cette sanction disciplinaire est libellé ainsi : « (...) Les faits suivants ont été portés à notre connaissance par M. [T], assistant opérationnel réseaux et agent. Pour le mois d'octobre 2012, vos retards non justifiés ont été les suivants : le 22 octobre : 10 minutes le 23 octobre : 15 minutes le 26 octobre : 50 minutes et pour le mois de novembre 2012, vos retards non justifiés ont été les suivants : le 5 novembre : 15 minutes le 7 novembre : 15 minutes le 15 novembre : 15 minutes. (...) Il s'avère en outre que, lors du contrôle effectué sur votre caisse par madame [D], responsable de secteur, le 4 octobre 2012, cette dernière a découvert une différence de 412,60 €, en date du 8 septembre 2012, que vous n'avez déclarée ni à votre responsable direct ni à votre responsable de secteur. Vous avez donc dissimulé une différence de caisse, alors que pour toute différente de caisse au-delà de 30 €, vous est tenu d'effectuer un rapport d'incident et de l'envoyer dans les trois jours qui suivent au Responsable de secteur, au Responsable du contrôle interne ainsi qu'au service Comptabilité. Vous comprendrez que nous ne pouvons plus tolérer ni vos retards répétitifs, ni votre comportement irresponsable au regard des procédures internes dont vous avez parfaitement connaissance. Nous vous notifions donc par la présente un nouvel avertissement disciplinaire qui sera versé à votre dossier. Vous voudrez bien tenir le plus grand compte de ce courrier sachant que si de tels faits devaient se reproduire à l'avenir, nous serions obligés de prendre à votre égard une sanction disciplinaire plus grave et d'envisager la rupture de votre contrat de travail'. S'agissant des retards reprochés au salarié au cours des mois d'octobre et novembre 2012 que M. [H] conteste, il résulte du contrat de travail que ce dernier travaillait 7h18 par jour dans le cadre d'une amplitude horaire définie par les heures d'ouverture de l'agence pouvant aller de 8 heures à 21 heures. Il est également constant que les heures de travail du salarié lui étaient communiquées au moyen d'un planning. Or, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES ne produit pas les plannings de M. [H] des mois d'octobre et novembre 2012 mais uniquement celui de la semaine du '30 avril au 6 mai', sans précision de l'année. De même, aucune pièce ne permet d'établir l'heure d'arrivée exacte du salarié durant ces six journées ou des retards lui sont reprochés. Dans ces conditions, la preuve des retards ici reprochés au salarié n'est pas rapportée. S'agissant du second grief tenant à la dissimulation volontaire d'une erreur de caisse de 412,60 € commise le 8 septembre 2012, M. [H] reconnaît dans son courrier du 22 novembre 2012 avoir oublié d'établir le rapport d'incident selon la procédure en vigueur dans l'entreprise mais explique que ce type d'erreur arrivait également à l'ensemble de ses collègues sans pour autant donner lieu à des avertissements. De son côté, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES ne démontre ni ne rapporte la preuve de ce que M. [H] s'est volontairement abstenu de dresser un rapport d'incident et il apparaît peu vraisemblable, au vu 'des procédures strictes de maniement des fonds' mises en place dans l'entreprise dont la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES fait état dans ses conclusions, qu'une erreur de caisse commise le 8 septembre 2012 n'a pu être découverte que le 4 octobre 2012 seulement. En revanche, la cour observe que cette date du 4 octobre 2012 correspond également à une demande d'entretien de M. [H] à sa responsable madame [D] 'concernant [son] évolution', demande ayant donné lieu à la saisine du conseil des prud'hommes quelques jours plus tard au travers d'une demande de reclassification. Compte tenu de tous ces éléments, la preuve des fautes reprochées au salarié dans l'avertissement du 16 novembre 2012 n'est pas rapportée. S'agissant de la tentative de dissimulation de l'erreur de caisse de 1000 € découverte le 26 novembre 2012 : il résulte des termes de la lettre de licenciement reproduit ci-dessus que l'employeur reproche à M. [H] : - de ne pas avoir tenu compte de l'avertissement du 16 novembre 2012 relatif à une précédente erreur de caisse commise le 8 septembre 2012 - d'avoir une nouvelle fois tentée de dissimuler une erreur de caisse de 1000 € commise le 24 novembre 2012 au mépris des procédures internes - d'avoir refusé, malgré les demandes de ses responsables, de rédiger le rapport d'incident au motif qu'il ne s'agissait pas réellement une différence de caisse - de ne pas avoir présenté le reçu de transfert de cette opération. Il est jugé plus haut que l'avertissement du 16 novembre 2016 était infondé. Par ailleurs, pour établir la faute du salarié, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES verse aux débats: - le rapport d'incident en date du 26 novembre 2012 (pièce 22) - le courriel de madame [D] du 27 novembre 2012 (pièce 18) - le courriel adressé à sa hiérarchie par madame [D] le 26 novembre 2012 à 7h37 transférant le courriel d'explication de M. [H] reçu à 7h35 le jour même (pièce 29) - un 'rapport d'enquête sur la différence de caisse d'M. [H] en date du 26 novembre 2012 à l'agence de [Localité 4] [Localité 5]' daté du 24 décembre 2012 (pièce 23) - la plainte 'contre X pouvant être Monsieur [K]' déposée par [O] [T] pour le compte de l'employeur le 7 janvier 2013 relative à la disparition de 1000 € dans la caisse de M. [H] le samedi 24 novembre 2012 (pièce 26). Or, ainsi que le fait justement valoir le salarié toutes ses pièces ne reposent que sur les propres déclarations de ses responsables hiérarchiques - ce que reflète d'ailleurs le rapport d'enquête du 24 décembre 2012 dont l'auteur n'a jamais entendu M. [H] - et il n'existe aucun constat contradictoire de l'erreur de caisse qui lui est reprochée, pas plus que de l'absence de reçu de transfert de l'opération litigieuse. Cette violation du principe du contradictoire ne pouvait en toute hypothèse être réparée au travers du seul entretien préalable auquel l'employeur reproche au salarié de ne pas s'être présenté. De plus et contrairement à ce que soutient la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES dans ses conclusions, M. [H] n'a jamais varié dans ses déclarations et il résulte de son courriel du 26 novembre 2012 adressé à madame [D] qu'il a immédiatement contesté toute erreur de caisse lorsqu'il a eu connaissance des reproches qui lui était faits. En conséquence, la preuve des fautes postérieures à la saisine du conseil des prud'hommes reprochées au salarié à l'appui du licenciement n'est pas rapportée. Au terme de cette analyse il apparaît au vu de la chronologie des événements et du caractère particulièrement infondé de toutes les sanctions disciplinaires prononcées depuis la saisine du conseil des prud'hommes par M. [H] que le licenciement est en réalité directement et exclusivement lié à l'action en justice intentée contre son employeur. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le salarié sollicite la nullité de ce licenciement par application du principe rappelé ci-dessus, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés au soutien de cette demande. Le jugement, qui a déclaré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse sera donc infirmé sur ce point » ;
1. ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre ; que rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal examine un écrit établi par un salarié exerçant les fonctions de responsable hiérarchique du salarié auteur de l'action prud'homale et qu'il appartient seulement à ce juge d'en apprécier souverainement la valeur et la portée ; qu'en l'espèce, afin d'établir le manquement reproché à M. [H] consistant en une dissimulation d'une erreur de caisse de 1.000 € découverte le 26 novembre 2012 et la violation subséquente de la procédure d'incident, la société SIGUE GLOBAL SERVICES s'est appuyée sur plusieurs pièces, à savoir un rapport d'incident du 26 novembre 2012 (pièce d'appel 22), les courriels de Madame [D] (responsable de M. [H]) des 27 novembre 2012 et 26 novembre 2012 (pièces d'appel 18 et 29), un rapport d'enquête du 26 novembre 2012 (pièce d'appel 23) et la plainte « contre X » du 7 janvier 2013 (pièce d'appel 26) ; que pour écarter ces pièces, et juger que la faute reprochée à M. [H] n'était pas établie, la cour d'appel a retenu que « toutes ses pièces ne reposent que sur les propres déclarations de ses responsables hiérarchiques » (arrêt p. 8 § 6) ; qu'en refusant ainsi de tenir compte de ces pièces produites par la société motifs pris de ce qu'elles émanent de responsables hiérarchiques du salarié, la cour d'appel a violé le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale ;
2. ALORS QUE le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats ; qu'en écartant, sans les examiner, les cinq pièces produites par la société SIGUE GLOBAL SERVICES pour établir la dissimulation d'une erreur de caisse de 1.000 € découverte le 26 novembre 2012 et la violation subséquente par M. [H] de la procédure d'incident (à savoir les pièces d'appel de la société n° 18, 22, 23, 26 et 29), la cour d'appel a retenu qu' « il n'existe aucun constat contradictoire de l'erreur de caisse qui lui est reprochée » et en a déduit une violation par l'employeur du principe du contradictoire ; qu'en statuant ainsi alors que ces pièces, qui ont été versées aux débats par l'employeur, ont été soumises à la discussion contradictoire des parties et que M. [H] a dès lors pu y répondre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3. ALORS QU'en l'absence de toute mention dans la lettre de licenciement de l'action en justice introduite par le salarié, il appartient au juge, pour déterminer si le licenciement constitue une mesure de rétorsion à une action en justice du salarié, d'apprécier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, la société SIGUE GLOBAL SERVICES reprochait notamment au salarié une erreur de caisse de 1.000 € découverte le 26 novembre 2012 et le refus qui s'en suivi par le salarié de rédiger le rapport d'incident relatif à la disparition de ces 1.000 € ; qu'en se bornant, pour écarter ce motif de licenciement, à faire état de l'absence de caractère contradictoire du rapport d'enquête établi et du fait que les pièces produites par l'employeur émanent des supérieurs hiérarchiques du salarié, sans vérifier, d'une part, la réalité de cette erreur de caisse de 1.000 € du 26 novembre 2012 et, d'autre part, si le salarié n'a pas effectivement refusé d'établir le rapport d'incident comme l'exige le règlement intérieur de la société SIGUE GLOBAL SERVICES, la cour d'appel, qui n'a pas examiné l'intégralité des motifs du licenciement, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1232-6 et L. 1134-1 dans leur version applicable au litige du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
4. ALORS QU'en l'absence de toute mention dans la lettre de licenciement de l'action en justice exercée par le salarié, le licenciement n'est nul que s'il constitue une mesure de rétorsion à cette action en justice ; que le seul fait d'engager une procédure de licenciement postérieurement à l'introduction par le salarié d'une action en justice n'établit, ni ne permet de présumer que le licenciement constitue une mesure de représailles à cette action en justice ; qu'en se bornant à faire état, pour dire que le licenciement de M. [H] était nul, de l'absence, selon elle, de fondement des sanctions disciplinaires prononcées et de la « chronologie des événements », la cour d'appel n'a pas fait ressortir que le licenciement constituait une mesure de rétorsion à l'encontre du salarié à raison de l'exercice de cette action en justice et a, en conséquence, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-4 dans sa version applicable au litige du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. [H], demandeur au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [H] fait grief à l'arrêt attaqué
d'Avoir condamné la société Sigue Global services à payer à M. [K] [P] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, une somme égale à autant de fois 1 576,77 euros qu'il y aura de mois dans le période allant du 28 novembre 2012 au jour effectif de sa réintégration dans l'entreprise sous déduction toutefois du montant total des sommes perçues de Pôle Emploi au titre de ce licenciement, dont [K] [P] devra justifier,
ALORS QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ; que dans cette hypothèse, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période ; que la cour d'appel, après avoir prononcé la nullité du licenciement pour atteinte au droit d'agir en justice, a ordonné que soient déduites du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et celle du prononcé de l'arrêt, les sommes perçues de POLE EMPLOI au titre de ce licenciement; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. [H] fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir rejeté la demande de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non concurrence nulle,
ALORS QUE le respect d'une clause contractuelle de non sollicitation nulle interdisant au salarié durant une certaine durée, de proposer un emploi, d'embaucher ou de faire embaucher par un tiers un salarié de la société ou de toute société de son groupe, qui a porté atteinte à la liberté d'entreprendre du salarié, lui cause ainsi nécessairement un préjudice ; qu'en relevant que la clause de non sollicitation stipulée entre l'employeur et le salarié était nulle mais en exigeant que le salarié démontre son préjudice, qui était pourtant nécessairement causé par le respect de la clause de non sollicitation, la cour d'appel a méconnu le principe de liberté d'entreprendre.