LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 avril 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 406 FS-B
Pourvoi n° V 20-22.362
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2022
La société La Médicale, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée La Médicale de France, a formé le pourvoi n° V 20-22.362 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [X], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [Y] [N], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [V] [N], décédée,
3°/ à Mme [G] [N],
4°/ à M. [I] [N],
tous deux venant aux droits de [V] [N],
tous trois domiciliés [Adresse 3],
5°/ à la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société La Médicale, anciennement dénommée La Médicale de France, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 septembre 2020), M. [X] a relevé appel, le 28 mars 2019, d'un jugement rendu par un tribunal de commerce en intimant les parties de première instance et en limitant son appel aux chefs du jugement lui faisant grief.
2. L'appelant ayant conclu le 27 mai 2019, la société La Médicale de France, devenue la société La Médicale (l'assureur), a conclu le 26 août 2019 en s'en rapportant à justice sur le mérite de l'appel principal et en se réservant de former un appel incident au cas où les intimés critiqueraient les chefs du jugement la concernant.
3. Le 27 août 2019, la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France (la banque), formant appel incident, a sollicité la réformation du jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à lui payer une certaine somme, en demandant une augmentation du montant de la condamnation.
4. Par conclusions du 25 novembre 2019, l'assureur a formé un appel incident à fin de voir réformer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter la banque de toutes ses demandes à son encontre.
5. La banque a soulevé l'irrecevabilité de l'appel incident de l'assureur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel incident formé par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 novembre 2019, alors « que l'intimé à un appel incident dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe ; qu'est recevable, l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé, en réponse à l'appel incident de ce dernier, tendant à aggraver sa situation, dans le délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite ; qu'en décidant néanmoins, pour dire que la société La Médicale n'était pas recevable en son appel incident, qu'elle avait uniquement la possibilité de répondre, comme elle l'a fait dans ses conclusions du 25 novembre « 2020 » [lire « 2019 »] régulièrement déposées dans les trois mois des conclusions d'appel incident de la Caisse d'épargne, à la demande de condamnation excédant celle prononcée par le tribunal, la cour d'appel a violé les articles 909 et 910 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 910 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
7. Il résulte du premier de ces textes, interprété à la lumière du second, qu'est recevable dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions portant appel incident l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé en réponse à l'appel incident de ce dernier qui modifie l'étendue de la dévolution résultant de l'appel principal et tend à aggraver la situation de ce dernier.
8. Pour déclarer irrecevable l'appel incident de l'assureur formé par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 novembre 2019, l'arrêt retient que l'assureur disposait, en sa qualité d'intimé à l'appel principal de M. [X], d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, tant pour remettre ses conclusions au greffe que pour relever appel incident à l'encontre de la banque également intimée, des dispositions du jugement l'ayant condamné à payer à cette dernière la somme de 229 827,15 euros, les dispositions de l'article 910 du code de procédure civile permettant uniquement à l'assureur de répondre, dans les trois mois des conclusions de la banque, comme il l'a fait dans ses conclusions du 25 novembre 2019, à la demande de condamnation de la banque excédant celle prononcée par le tribunal, la lecture des dispositions des articles 909 et 910 du code de procédure civile se faisant au regard des dispositions de l'article 910-4 du même code qui imposent aux parties de présenter dans leurs conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Condamne M. [X], M. [Y] [N] à titre personnel et en qualité d'ayant droit de [V] [N], Mme [G] [N] venant aux droits de [V] [N], M. [I] [N] venant aux droits de [V] [N] et la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France et condamne in solidum M. [X], M. [Y] [N] à titre personnel et en qualité d'ayant droit de [V] [N], Mme [G] [N] venant aux droits de [V] [N], M. [I] [N] venant aux droits de [V] [N] et la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France à payer à la société La Médicale la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société La Médicale, anciennement dénommée La Médicale de France
La Société LA MEDICALE FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son appel incident formé par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 novembre 2019 ;
1°) ALORS QUE l'intimé à un appel incident dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe ; qu'est recevable, l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé, en réponse à l'appel incident de ce dernier, tendant à aggraver sa situation, dans le délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite ; qu'en décidant néanmoins, pour dire que la Société LA MEDICALE n'était pas recevable en son appel incident, qu'elle avait uniquement la possibilité de répondre, comme elle l'a fait dans ses conclusions du 25 novembre « 2020 » [lire « 2019 »] régulièrement déposées dans les trois mois des conclusions d'appel incident de la Caisse d'Epargne, à la demande de condamnation excédant celle prononcée par le tribunal, la Cour d'appel a violé les articles 909 et 910 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, sont recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions en réponse à un appel principal, de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que constitue une telle prétention, la demande tendant à obtenir l'infirmation du chef du jugement portant condamnation contre lequel la partie condamnée n'avait pas cru à propos d'interjeter appel jusqu'à ce que son adversaire en demande l'aggravation ; qu'en décidant néanmoins que la Société LA MEDICALE ne disposait que d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour contester sa condamnation, bien qu'elle ait été recevable à former un appel incident par conclusions déposées postérieurement aux premières conclusions en réponse à l'appel principal, en l'absence d'intérêt à remettre en cause ce chef du jugement attaqué par l'appel incident de la Caisse d'Epargne avant que celle-ci n'en poursuive la réformation à son propre profit, la Cour d'appel a violé les articles 909, 910 et 910-4 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales.