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13/04/2022 | FRANCE | N°21-82931

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 avril 2022, 21-82931


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 21-82.931 F-D

N° 00468

GM
13 AVRIL 2022

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 AVRIL 2022

L'[1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-15, en date du 12 avril 2021, qui, pour abus de confiance, f

aux et usage, a condamné M. [S] [P] à trente mois d'emprisonnement avec sursis, une amende de 75 000 euros et a prononcé su...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 21-82.931 F-D

N° 00468

GM
13 AVRIL 2022

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 AVRIL 2022

L'[1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-15, en date du 12 avril 2021, qui, pour abus de confiance, faux et usage, a condamné M. [S] [P] à trente mois d'emprisonnement avec sursis, une amende de 75 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de [2] ([3]), et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [P], directeur administratif et financier de [3], a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de confiance, faux et usage au préjudice de ladite agence, notamment pour avoir détourné la somme de 553 403, 25 euros sous couvert de fausses factures entre le 16 juin 2002 et le 15 juin 2014, pour avoir établi lesdites fausses factures et en avoir fait usage sur la même période de temps.

3. Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal correctionnel a constaté la prescription de l'action publique pour les faits antérieurs au 15 juin 2011, relaxé M. [P] du chef d'usage de faux en écriture, l'a condamné pour le surplus et a prononcé sur les intérêts civils.

4. Le ministère public, [3] et l'agent judiciaire de l'Etat ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement ayant retenu la prescription pour tous les détournements effectués antérieurement au 15 juin 2011 ainsi que pour les fausses factures présentées à la comptabilité antérieurement à cette date, alors :

« 1°/ que doit être différé le point de départ de la prescription lorsque l'infraction, bien qu'instantanée, s'exécute sous forme de remises successives de fonds ou d'actes réitérés ; qu'en relevant, pour juger que les faux et tous les détournements effectués antérieurement au 15 juin 2011 sont prescrits, que l'infraction aurait pu être connue de l'agence dans le cadre du simple contrôle annuel de la comptabilité de celle-ci, les opérations comptables litigieuses étant de nature à alerter le contrôle des comptes, tout en constatant que les détournements successifs, reconnus par le prévenu, étaient destinés à assurer son train de vie pendant plusieurs années, ce dont il résulte qu'ils formaient entre eux un tout indivisible et une opération délictueuse unique provoquant des remises successives, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu le sens et la portée des articles 7, 9, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'il appartient aux juges du fond de rechercher la date à laquelle le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en se bornant à juger que l'infraction aurait pu être connue de l'agence dans le cadre du simple contrôle annuel de la comptabilité de celle-ci, pour en déduire que tous les faux et détournements effectués antérieurement au 15 juin 2011 sont prescrits, sans rechercher la date d'apparition de l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'enfin, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en jugeant que l'infraction aurait pu être connue de l'agence dans le cadre du simple contrôle annuel de la comptabilité de celle-ci, tout en constatant que seul un audit en cours depuis le 4 février 2014 portant sur la période 2008 à 2013 avait permis de déceler les détournements et que les procédures de contrôle interne ne permettaient pas de détecter les fraudes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a de plus fort méconnu les articles 7, 9, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, et l'article 314-1 du code pénal :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en matière d'abus de confiance, l'action publique se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le détournement est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique.

7. Pour constater l'extinction de l'action publique pour cause de prescription des faits d'abus de confiance, de faux et d'usage de faux commis avant le 15 juin 2011, l'arrêt attaqué relève que lesdites infractions sont instantanées, ce caractère n'empêchant pas l'infraction concernée de présenter un caractère occulte.

8. Il retient que les détournements frauduleux étaient effectués sur le compte personnel de M. [P] et apparaissaient comme tels dans la comptabilité jusqu'à ce que celui-ci produise de fausses factures, et que dès lors les infractions auraient pu être connues de l'agence dans le cadre du simple contrôle annuel de la comptabilité de celle-ci.

9. Il en conclut que c'est à bon droit que le tribunal a retenu la prescription pour tous les détournements effectués antérieurement au 15 juin 2011 ainsi que pour les fausses factures présentées à la comptabilité antérieurement à cette date.

10. En statuant ainsi, sans rechercher la date à laquelle les détournements, dont elle a par ailleurs relevé qu'ils étaient dissimulés par la production de fausses factures, sont apparus et ont été constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

11. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 12 avril 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize avril deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-82931
Date de la décision : 13/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 avr. 2022, pourvoi n°21-82931


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.82931
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