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13/04/2022 | FRANCE | N°19-24920;20-16224

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 avril 2022, 19-24920 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 491 F-D

Pourvois n°
E 19-24.920
Y 20-16.224 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

1°/

La société Holding mondial protection, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Mondial protection France, soci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 491 F-D

Pourvois n°
E 19-24.920
Y 20-16.224 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

1°/ La société Holding mondial protection, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Mondial protection France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Holding mondial protection,

ont formé respectivement les pourvois n° E 19-24.920 et Y 20-16.224 contre deux arrêts rendus les 27 mars et 25 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans les litiges les opposant à M. [D] [Z], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation identiques annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Mondial protection France et Holding mondial protection, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 2 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° E 19-24.920 et Y 20-16.224 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les attaqués (Paris, 27 mars 2019 et 25 septembre 2019), M. [Z] a été engagé le 23 juillet 2002 par la société SNGST en qualité d'agent de sécurité cynophile. Il était affecté à la surveillance de locaux.

3. Le 2 novembre 2011, à la suite de la perte du marché par la société SNGST, le contrat de travail a été transféré à la société Groupe Mondial protection, aux droits de laquelle est venue la société Holding mondial protection, aux droits de laquelle vient la société Mondial protection France, en raison d'un apport partiel d'actifs soumis au régime des scissions intervenu postérieurement à l'arrêt rendu le 25 septembre 2019.

4. Le 25 juillet 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le remboursement des sommes retenues par l'employeur sur son salaire et a réclamé le paiement d'heures supplémentaires effectuées depuis le 2 novembre 2011.

5. Par courrier du 28 novembre 2014, le salarié a informé l'employeur de sa décision de prendre sa retraite.

6. Dans un nouveau courrier daté du 3 mars 2015, adressé après son départ de l'entreprise le 31 janvier 2015, le salarié a indiqué que sa décision de partir en retraite était en lien avec plusieurs manquements de l'employeur.

7. Il a ajouté à ses prétentions des demandes tendant à ce que son départ en retraite soit requalifié en une prise d'acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que lui soient allouées différentes sommes afférentes à la rupture, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

8. Les sociétés Holding mondial protection et Mondial protection France (les sociétés) se sont pourvues en cassation.

Recevabilité des pourvois, en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019, examinée d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile

9. En application de l'article 537 du code de procédure civile, la décision par laquelle une juridiction ordonne la réouverture des débats est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours.

10. Par arrêt du 27 mars 2019, la cour d'appel de Paris s'est bornée à ordonner la réouverture des débats en invitant le salarié à régulariser la procédure à l'égard de la société intimée ainsi qu'à procéder à une révision de ses écritures et pièces puis a ordonné le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure.

11. Les pourvois, en ce qu'ils sont dirigés contre cet arrêt sont donc irrecevables.

Examen des moyens en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2019

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

12. Les sociétés font grief à l'arrêt de condamner la société Holding mondial protection à verser au salarié la somme de 443,52 euros en remboursement de la retenue sur salaire pratiquée aux mois de janvier et février 2012, alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel dont l'arrêt constate qu'elles ont été oralement soutenues, M. [Z] sollicitait, à titre de remboursement de la somme avancée au titre de la formation effectuée pour bénéficier de la carte professionnelle d'agent cynophile, la somme de 291,46 euros ; qu'en affirmant qu'il sollicitait à ce titre la somme de 443,52 euros et en lui allouant cette somme, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 5 du code de procédure civile :

13. Aux termes de ce texte, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

14. Pour condamner l'employeur à verser au salarié une somme de 443,52 euros en remboursement d'une retenue sur salaire pratiquée aux mois de janvier et février 2012, l'arrêt retient que l'employeur a procédé à deux retenues sur salaire en indiquant « remboursement VAE 1180,80 » « 1ère échéance/5 » (en janvier 2012) puis « 2ème échéance/5 » (en février 2012) avant de régler une somme supplémentaire de 152,06 euros sous l'intitulé « remboursement VAE de la DIFF : 347,47 euros - 500 euros » (en mars 2012).

15. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié réclamait une somme de 291,46 euros et qu'il soutenait que l'employeur avait pratiqué deux retenues sur salaire en janvier et février 2012, pour un total de 443,52 euros puis qu'il lui avait ensuite remboursé une somme de 152,06 euros au mois de mars 2012, la cour d'appel, qui a alloué plus qu'il n'était demandé, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

16. Les sociétés font grief à l'arrêt de condamner la société Holding mondial protection à verser au salarié une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre congés payés afférents, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, alors « que l'article L. 3122-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, n'exige pas de l'accord organisant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année qu'il fixe un programme indicatif ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que l'accord collectif modificatif conclu le 4 juillet 2011 -applicable lors du transfert de M. [Z] dans l'entreprise intervenu le 2 novembre 2011-, prévoyait un découpage de l'année en 4 trimestres civils avec des périodes de travail pouvant fluctuer entre une limite inférieure (24 h) et une limite haute (48 h par semaine) (articles 4.1 à 4.4) et précisait en son article 4.7 que les heures supplémentaires étaient les heures de travail effectif effectuées au-delà de 456,75 h par trimestre et celles dépassant les limites hautes hebdomadaires fixées par l'accord ; qu'en se bornant, pour accorder au salarié un rappel d'heures supplémentaires sur la période du 3 novembre 2011 au 31 janvier 2015 sur la base d'un décompte du temps de travail sur la semaine, que l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 30 mars 2001 prévoyant la mise en oeuvre d'une modulation du temps de travail dans le cadre de l'année civile, indiquait qu'au jour de l'accord, la période de forte activité était située l'été et en fin d'année, sans fixer de programme indicatif, qu'il fixait des règles d'élaboration d'un tel programme, et que la société Holding Mondial protection ne justifiait d'aucun programme indicatif de la répartition de la durée du travail établi et communiqué aux salariés de l'entreprise, sans statuer au regard de l'accord du 4 juillet 2011 qui ne comportait pas une telle exigence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

Recevabilité du moyen

17. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est contraire à la position adoptée par l'employeur devant les juges du fond.

18. Cependant l'employeur se prévalait également de l'accord d'établissement sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail du 4 juillet 2011 en soutenant qu'il s'appliquait à la relation de travail.

19. Le moyen, qui n'est pas contraire à la position soutenue devant les juges du fond, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3122-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'accord d'établissement sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail du 4 juillet 2011 :

20. Selon le premier de ces textes, un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année. Il prévoit les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail, les limites pour le décompte des heures supplémentaires, les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.

21. Pour condamner l'employeur à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, l'arrêt retient que l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 30 mars 2001 dont se prévaut l'employeur et qui prévoit en son article 4 la mise en oeuvre d'une modulation du temps de travail dans le cadre de l'année civile, indique qu'au jour de l'accord, la période de forte activité est située l'été et en fin d'année, sans fixer de programme indicatif. Il ajoute que cet accord fixe des règles d'élaboration d'un tel programme en prévoyant qu'il sera élaboré tous les ans avant le premier janvier après consultation des représentants du personnel et réactualisé tous les mois (ou tous les deux mois) en fonction de l'évolution de l'effectif et des marchés.

22. Ayant retenu que l'employeur ne justifiait d'aucun programme indicatif de la répartition de la durée du travail établi et communiqué aux salariés de l'entreprise, il en déduit que les conditions d'application de la modulation prévues par cet accord n'étant pas réunies, l'employeur ne pouvait appliquer au salarié une modulation du temps de travail en sorte que ce dernier réclamait à juste titre l'application des dispositions de droit commun sur la durée du travail en procédant à un décompte hebdomadaire de la durée du travail.

23. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les conditions d'application de l'accord d'établissement sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail du 4 juillet 2011, dont l'employeur se prévalait également, étaient réunies et si le salarié était soumis à l'organisation du temps de travail en découlant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

24. Les sociétés font grief à l'arrêt de dire que le départ à la retraite s'analyse en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Holding mondial protection à payer au salarié certaines sommes en conséquence ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la retenue sur salaire pratiquée au titre des frais de formation et/ou sur le deuxième moyen relatif au rappel d'heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a jugé, en raison notamment de la retenue injustifiée au titre de la formation et du caractère justifié du grief formulé au titre des heures supplémentaires, que le départ en retraite de M. [Z] s'analysait en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [Z] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

25. La cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif se rapportant au départ à la retraite du salarié, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLES les pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 27 mars 2019 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Holding mondial protection à verser à M. [Z] les sommes de 443,52 euros en remboursement de la retenue sur salaire pratiquée en janvier et février 2012 au titre de la formation effectuée pour bénéficier de la carte professionnelle d'agent cynophile, 5 698,26 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires en brut outre congés payés afférents en brut, dit que le départ en retraite s'analyse en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la société Holding mondial protection à verser à M. [Z] les sommes de 14 858,94 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 017,66 euros d'indemnité de licenciement en net, condamne la société Holding mondial protection aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à remettre des documents de fin de contrat et verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens identiques produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour les sociétés Holding mondial protection et Mondial protection France, demanderesses aux pourvois n° E 19-24.920 et Y 20-16.224

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [Z] la somme de 443,52 € en remboursement de la retenue sur salaire pratiquée en janvier et février 2012 au titre de la formation effectuée pour bénéficier de la carte professionnelle d'agent cynophile,

AUX MOTIFS QUE « Sur le remboursement des frais de formation : M. [Z] réclame le remboursement d'une somme de 291,46 € suite aux deux retenues sur salaires pratiquées par la société Mondial Protection sur les salaires de janvier et février 2012, pour un total de 443,52 € et du remboursement d'une somme de 152,06 € effectuée en mars 2012. La société Holding Mondial Protection demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de Paris qui s'est fondé, pour le débouter, sur un courrier rédigé en ses termes « Je soussigné...atteste sur l'honneur l'engagement de prendre à sa charge le paiement de la VAE. En effet ma carte professionnelle ayant expiré en juin 2010 je suis obligé d'effectuer ma VAE. Mondial Protection engagera des frais de validation des acquis et j'autorise Mondial Protection à prélever en plusieurs fois sur ma fiche de paie... », et sur le constat que « son argument selon lequel l'employeur aurait imité sa signature n'éta(i)t que peu convaincant ». M. [Z] conteste quant à lui être l'auteur du courrier produit par l'employeur et il affirme que la plainte pénale qu'il avait déposée pour dénoncer un abus de confiance avait été classée sans suite pour défaut d'identification de l'auteur de l'infraction. Il réitère que le document produit par l'employeur n'est pas de sa main. Force est de constater que l'employeur a procédé à deux retenues sur salaire en indiquant « remboursement VAE 1180,80 » '1ère échéance/5" (en janvier 2012) puis '2ème échéance/5" (en février 2012) avant de régler une somme supplémentaire de 152,06 € sous l'intitulé 'remboursement VAE de la DIFF : 347,47 € - 500 €' (en mars 2012). Entre-temps, le salarié lui avait adressé un courrier recommandé avec demande d'accusé de réception le 13 mars 2012 pour évoquer un courrier dans lequel il avait accepté de participer à sa formation à hauteur de 250 € et contester que l'employeur puisse mettre à sa charge une partie des frais de formation. M. [Z] a toujours contesté être l'auteur du courrier produit pas la société Holding Mondial Protection. Il justifie du remboursement partiel auquel l'employeur a procédé, d'un courrier de la CFTC en date du 12 juillet 2012 appuyant sa contestation et de la plainte pénale déposée le 30 octobre 2012. La cour constate qu'indépendamment de la question de savoir si le salarié est l'auteur du courrier dans lequel il se serait engagé à financer lui-même sa formation, la société Holding Mondial Protection ne justifie d'aucun fondement juridique à cette situation : il incombe en effet à l'employeur d'assurer la formation professionnelle de son personnel conformément à l'article L. 6321-1 du code du travail, sans pouvoir en faire peser la charge financière sur les salariés concernés. Le jugement sera infirmé et la société Holding Mondial Protection condamnée à payer à M. [Z] le solde des retenues sur salaire opérées au début de l'année 2012 et non remboursées»,

ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 17 à 21 et dispositif p. 24) dont l'arrêt constate qu'elles ont été oralement soutenues (arrêt, p. 2, dernier §), M. [Z] sollicitait, à titre de remboursement de la somme avancée au titre de la formation effectuée pour bénéficier de la carte professionnelle d'agent cynophile, la somme de 291,46 € ; qu'en affirmant qu'il sollicitait à ce titre la somme de 443,52 € et en lui allouant cette somme, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [Z] les sommes de 5 698,26 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 569,83 € au titre des congés payés afférents, 3 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,

AUX MOTIFS QUE « - Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires et pour durée inférieure au temps plein : M. [Z] conteste l'opposabilité de l'accord de modulation du 30 mars 2001, renégocié avec les organisations syndicales le 4 Juillet 2011 avec un effet rétroactif au 1er juillet 2011, auquel l'avenant signé avec la société Mondial Protection faisait référence mais dont il n'a jamais eu connaissance malgré plusieurs demandes adressées son employeur pendant l'exécution de son contrat de travail. Il soutient notamment que l'accord collectif de Mondial Protection modifié en 2011 prévoit un seuil de déclenchement annuel à compter duquel les heures sont considérées comme des heures supplémentaires fixé à 4 x 456,75 = 1.827 heures, ce qui est contraire à l'article L. 3122-9 du code du travail qui limite la durée annuelle de travail à 1.607 heures. Il fait également valoir que cet accord ne comporte aucune contrepartie et que l'employeur ne l'a pas exécuté faute de lui avoir donné la moindre information sur le nombre d'heures accomplies en plus ou en moins par rapport à l'horaire moyen de référence. L'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 30 mars 2001 dont se prévaut la société Holding Mondial Protection et qui prévoit en son article 4 la mise en oeuvre d'une modulation du temps de travail dans le cadre de l'année civile, indique qu'au jour de l'accord, la période de forte activité est située l'été et en fin d'année, sans fixer de programme indicatif. Il fixe des règles d'élaboration d'un tel programme en prévoyant qu'il sera élaboré tous les ans avant le premier janvier après consultation des représentants du personnel et réactualisé tous les mois (ou tous les deux mois) en fonction de l'évolution de l'effectif et des marchés. Il précise que le programme indicatif de la répartition des horaires des salariés à temps partiel sera transmis par écrit au salarié sept jours avant sa mise en oeuvre et qu'en cas de modification des horaires, le salarié devra en être informé sept jours avant sa mise en oeuvre, ou moins en cas de circonstance exceptionnelle telle que absence imprévue d'un collègue de travail dans l'attente de son remplacement, demande urgente et non programmée d'un client ou incident survenu sur un site, et avec l'accord du salarié. Force est cependant de constater que -comme l'objecte à juste titre M. [Z] la société Holding Mondial Protection ne justifie d'aucun programme indicatif de la répartition de la durée du travail établi et communiqué aux salariés de l'entreprise. Par suite, les conditions d'application de la modulation prévues par cet accord n'étant pas réunies, la société Holding Mondial Protection ne pouvait appliquer à M. [Z] une modulation du temps de travail et ce dernier réclame à juste titre à l'application des dispositions de droit commun sur la durée du travail. La cour constate à cet égard que le salarié produit des éléments suffisamment précis permettant d'étayer sa demande, à savoir un décompte pour la période du 3 novembre 2011 au 31 janvier 2015 dans lequel il a indiqué les horaires de début et de fin de chaque vacation, les heures de travail réalisées par jour et par semaine, les heures supplémentaires au-delà de 35 heures et les majorations applicables. Or l'employeur s'abstient d'y répondre en fournissant des éléments susceptible de remettre en cause ce décompte. En revanche, même si l'accord prévoyant une annualisation du temps de travail ne lui est pas opposable, M. [Z] ne peut légitimement réclamer un complément de rémunération pour les semaines où il a travaillé moins de trente-cinq heures, alors qu'il percevait une rémunération mensuelle pour un travail à temps complet. Le jugement - qui a rejeté la demande d'heures supplémentaires après constaté que l'accord du 30 mars 2001 modifié et complété par l'accord du 4 juillet 2011 avait été validé par de nombreuses cours d'appel - sera infirmé et la demande de M. [Z] accueillie de ce chef »,

ALORS QUE l'article L. 3122-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, n'exige pas de l'accord organisant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année qu'il fixe un programme indicatif ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que l'accord collectif modificatif conclu le 4 juillet 2011 -applicable lors du transfert de M. [Z] dans l'entreprise intervenu le 2 novembre 2011-, prévoyait un découpage de l'année en 4 trimestres civils avec des périodes de travail pouvant fluctuer entre une limite inférieure (24 h) et une limite haute (48 h par semaine) (articles 4.1 à 4.4) et précisait en son article 4.7 que les heures supplémentaires étaient les heures de travail effectif effectuées au-delà de 456,75 h par trimestre et celles dépassant les limites hautes hebdomadaires fixées par l'accord (conclusions d'appel, p. 9-10) ; qu'en se bornant, pour accorder au salarié un rappel d'heures supplémentaires sur la période du 3 novembre 2011 au 31 janvier 2015 sur la base d'un décompte du temps de travail sur la semaine, que l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 30 mars 2001 prévoyant la mise en oeuvre d'une modulation du temps de travail dans le cadre de l'année civile, indiquait qu'au jour de l'accord, la période de forte activité était située l'été et en fin d'année, sans fixer de programme indicatif, qu'il fixait des règles d'élaboration d'un tel programme, et que la société Holding Mondial Protection ne justifiait d'aucun programme indicatif de la répartition de la durée du travail établi et communiqué aux salariés de l'entreprise, sans statuer au regard de l'accord du 4 juillet 2011 qui ne comportait pas une telle exigence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le départ en retraite de M. [Z] s'analysait en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [Z] les sommes de 14 858,94 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 017,66 € à titre d'indemnité de licenciement, et 3 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,

AUX MOTIFS QUE « Le départ en retraite est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de son départ, le salarié remet en cause celui-ci en raison de faits ou de manquements imputables à l'employeur, le juge dans, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu'à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ou dans le cas contraire d'un départ volontaire à la retraite. En l'espèce, le conseil de prud'hommes de Paris ne pouvait donc pas rejeter la demande de M. [Z] en constatant simplement :
- que les manquements qu'il invoquait étaient connus de lui le jour de l'envoi de sa demande de mise à la retraite et qu'il était surprenant qu'il attende l'année 2015 pour s'en prévaloir,
- qu'il ne démontrait nullement le soit disant caractère équivoque de son courrier du 28 novembre 2014.
En effet, la cour relève au contraire que M. [Z] justifie avoir formulé un certain nombre de griefs à l'encontre de la société Mondial Protection avant de l'informer de sa décision de prendre sa retraite, par le biais de courriers antérieurs et quasi concomitants, avoir également saisi le conseil des prud'hommes de demandes à ce sujet et avoir -deux mois après sa mise en retraite effective- adressé un courrier pour indiquer que sa décision étaient liée à plusieurs manquements de l'employeur. Ces éléments sont de nature à rendre la décision du salarié équivoque. Par ailleurs, la cour a constaté que les manquements invoqués par le salarié et les griefs formulés à plusieurs reprises étaient justifié, s'agissant du remboursement de la retenue injustifiée au titre de la formation, des majorations de salaire pour heures supplémentaires ainsi que des retenues pour des absences injustifiées des journées qui n'avaient pas été planifiées. Il s'en déduit que le départ en retraite de M. [Z] s'analyse en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions du salarié à ce titre et la société Holding Mondial Protection condamnée à lui verser une indemnité de 14.858,94 € correspondant à six mois de salaire à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre l'indemnité de licenciement ainsi qu'il est précisé au dispositif »,

1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la retenue sur salaire pratiquée au titre des frais de formation et/ou sur le deuxième moyen relatif au rappel d'heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a jugé, en raison notamment de la retenue injustifiée au titre de la formation et du caractère justifié du grief formulé au titre des heures supplémentaires, que le départ en retraite de M. [Z] s'analysait en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [Z] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

2. ALORS en tout état de cause QUE la prise d'acte de la rupture n'est justifiée qu'en cas de manquement suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que le départ en retraite de M. [Z] s'analysait en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les manquements invoqués par le salarié et les griefs formulés à plusieurs reprises étaient justifiés s'agissant du remboursement de la retenue injustifiée au titre de la formation, des majorations de salaire pour heures supplémentaires ainsi que des retenues pour des absences injustifiées au titre de journées qui n'avaient pas été planifiées, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que ces manquements, pour la plupart anciens, auraient été suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1237-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-24920;20-16224
Date de la décision : 13/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 avr. 2022, pourvoi n°19-24920;20-16224


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.24920
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