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07/04/2022 | FRANCE | N°20-22242

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 avril 2022, 20-22242


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 avril 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 373 F-D

Pourvoi n° Q 20-22.242

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022

Mme [B] [W], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n

° Q 20-22.242 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 avril 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 373 F-D

Pourvoi n° Q 20-22.242

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022

Mme [B] [W], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-22.242 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [W], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société [4], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2020), Mme [W] (la victime), salariée de la société [4] (l'employeur) a effectué le 3 novembre 2010 une déclaration de maladie professionnelle, faisant état d'une « tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite par mouvements répétés », constatée pour la première fois le 31 août 2010.

2. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ayant pris en charge cette affection au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, la victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, alors « 3°/ que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2, 8 octobre 2020, n° 18-26.677, n° 18-25.021 FS-P+B+I) ; que la cour d'appel a constaté que la salariée était victime d'une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite dont l'origine professionnelle avait été reconnue la maladie étant causée par « des gestes répétitifs tels que décrits dans le tableau n° 57A des maladies professionnelles » ; que la cour d'appel a également constaté que le poste de travail de la salariée était une « cabine du box de grattage » et « qu'une étude d'ergonomie avait été effectuée en 2010 sur le poste de travail de l'appelante, et la pièce suivante datée du 25 octobre 2014 ne fait que confirmer l'absence de compte rendu du passage de l'ergonome » ; qu'en concluant que « la preuve n'est pas rapportée qu'une défectuosité du box de prothésiste aurait été signalée à l'employeur, la preuve n'est pas non plus rapportée que ce dernier n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa salariée », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations qui font apparaître que l'employeur n'a pris aucune mesure de prévention et de sécurité sur le poste de travail de la salarié – à tel point qu'il ne disposait même pas du compte rendu du passage de l'ergonome qui avait évalué le poste de travail de la salariée – violant ainsi les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

5. Après avoir relevé que la victime ne produit aucun écrit par lequel elle aurait avisé sa hiérarchie d'un dysfonctionnement du matériel et qu'une étude d'ergonomie effectuée en 2010 sur son poste de travail n'a pas été suivie d'un compte-rendu, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que l'employeur aurait été informé, avant l'arrêt de travail de la victime, de la nécessité de modifier son poste de travail pour lui éviter des gestes tels que définis par le tableau n° 57 des maladies professionnelles. Il en déduit que la victime ne démontre pas que son employeur aurait dû avoir conscience du risque auquel elle était exposée, en lien avec la maladie professionnelle déclarée.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque encouru, à la date de la première constatation médicale, par la victime effectuant l'un des travaux mentionné par le tableau comme susceptible d'entraîner l'affection considérée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun le 26 janvier 2018, l'arrêt rendu le 25 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société [4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [W]

Madame [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable imputable à son employeur et de ses demandes indemnitaires subséquentes ;

1) ALORS QUE le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2, 8 octobre 2020, n° 18-26.677, n° 18-25.021 FS-P+B+I) ; que, par conséquent, la conscience du danger ne s'apprécie plus « in asbracto » mais « in concreto » ; que le résultat attendu de l'employeur est la mise en oeuvre de tous les moyens de prévention des risques professionnels, tant sur le plan collectif qu'individuel, de sorte que son comportement est placé au centre du débat. Et il revient à la juridiction de sécurité sociale fond d'évaluer le comportement de l'employeur, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises et leur adéquation au risque connu ou qu'il aurait dû connaître ; qu'en affirmant que « la conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité », la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

2) ALORS QUE le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2, 8 octobre 2020, n° 18-26.677, n° 18-25.021 FS-P+B+I) ; que, par conséquent, il appartient d'abord au salarié de rapporter la preuve du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie dont il a été victime. Il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve qu'il « n'a pas méconnu l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et qu'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail » (Ass. plen., 5 avril 2019, n° 18-17.442, au Bull. – Soc., 25 novembre 2015, nº 14-24.444, Bull. nº 840). Il appartient enfin à la juridiction de sécurité sociale d'évaluer le comportement de l'employeur, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises et leur adéquation au risque connu ou qu'il aurait dû connaître, pour en déduire si une faute inexcusable lui est imputable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel retient « il appartient à la victime de l'accident ou de la maladie professionnelle qui invoque cette faute de la prouver? il appartient à l'appelante de prouver qu'elle était soumise à un risque dont l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir connaissance? Mme [W] ne produit aucun écrit par lequel elle aurait avisé sa hiérarchie d'un dysfonctionnement de son box? Il n'est donc pas établi que l'employeur aurait été informé, avant l'arrêt de travail de Mme [W], de la nécessité de modifier son poste de travail pour lui éviter des gestes tels que définis par le tableau n° 57 des maladies professionnelles? Mme [W] ne démontre donc pas que son employeur aurait dû avoir conscience du risque auquel elle était exposée, en lien avec la maladie professionnelle déclarée le 30 septembre 2010 » ; qu'en faisant ainsi porter l'intégralité de la charge de la preuve de la faute inexcusable sur la victime – alors que celle-ci est répartie sur la victime et sur l'employeur, sous le contrôle du juge – la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

3) ALORS QUE Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2, 8 octobre 2020, n° 18-26.677, n° 18-25.021 FS-P+B+I) ; que la cour d'appel a constaté que la salariée était victime d'une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite dont l'origine professionnelle avait été reconnue, la maladie étant causée par « des gestes répétitifs tels que décrits dans le tableau n° 57A des maladies professionnelles » ; que la cour d'appel a également constaté que le poste de travail de la salariée était une « cabine du box de grattage » et « qu'une étude d'ergonomie avait été effectuée en 2010 sur le poste de travail de l'appelante, et la pièce suivante datée du 25 octobre 2014 ne fait que confirmer l'absence de compte rendu du passage de l'ergonome » ; qu'en concluant que « la preuve n'est pas rapportée qu'une défectuosité du box de prothésiste aurait été signalée à l'employeur, la preuve n'est pas non plus rapportée que ce dernier n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa salariée », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations qui font apparaître que l'employeur n'a pris aucune mesure de prévention et de sécurité sur le poste de travail de la salarié – à tel point qu'il ne disposait même pas du compte rendu du passage de l'ergonome qui avait évalué le poste de travail de la salariée – violant ainsi les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-22242
Date de la décision : 07/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 avr. 2022, pourvoi n°20-22242


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.22242
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