LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 avril 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 376 F-D
Pourvoi n° Q 20-17.872
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Q 20-17.872 contre le jugement rendu le 12 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Lille (pôle social), dans le litige l'opposant à M. [E] [S], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du [Localité 3], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lille, 12 mai 2020), rendu en dernier ressort, l'URSSAF du [Localité 3] (l'URSSAF) a adressé à M. [S] (le cotisant), le 15 décembre 2017, un appel de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016, au titre de la protection universelle maladie.
2. Le cotisant a saisi un tribunal de grande instance d'une demande en annulation de cet appel de cotisations.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief au jugement de dire qu'elle ne pouvait plus réclamer la cotisation subsidiaire maladie au cotisant après le 30 novembre 2017 et d'annuler en conséquence les cotisations réclamées au cotisant au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016 alors « que si l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose clairement que la cotisation solidaire maladie est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due, il n'assortit ce délai d'aucune sanction ; qu'il s'ensuit que le dépassement du délai d'appel de cotisations par l'URSSAF ne saurait entraîner une quelconque forclusion ; qu'en jugeant que faute d'avoir appelé la cotisation subsidiaire maladie de 2016 avant le 30 novembre 2017, l'URSSAF ne pouvait plus la réclamer ni la recouvrer de sorte que les cotisations appelées devaient être annulées, le tribunal judiciaire a ajouté à la loi et violé l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse :
4. Selon ce texte, la cotisation assise sur les revenus non professionnels mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
5. Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible.
6. Pour annuler l'appel à cotisation, le jugement retient que l'appel de la cotisation subsidiaire maladie due au titre de l'année 2016 devait intervenir impérativement avant le jeudi 30 novembre 2017 et que, passé cette date, l'URSSAF n'était plus habilitée à appeler cette cotisation, que le pouvoir réglementaire a choisi de limiter dans le temps la période pendant laquelle la cotisation subsidiaire maladie pouvait être appelée et que faute d'avoir appelé la cotisation avant l'échéance du terme dont elle disposait pour ce faire, l'URSSAF n'était pas fondée à appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie due par la cotisante au titre de l'année 2016.
7. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 mai 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Lille ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lille, autrement composé ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du [Localité 3]
L'Urssaf [Localité 3] fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit que l'Urssaf [Localité 3] ne pouvait plus réclamer la cotisation subsidiaire maladie à M. [E] [S] après le 30 novembre 2017 et d'AVOIR annulé en conséquence les cotisations réclamées à M. [E] [S] au titre de la cotisation subsidiaire maladie de 2017
1) - ALORS QUE si l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose clairement que la cotisation solidaire maladie est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due, il n'assortit ce délai d'aucune sanction ; qu'il s'ensuit que le dépassement du délai d'appel de cotisations par l'Urssaf ne saurait entraîner une quelconque forclusion ; qu'en jugeant que faute d'avoir appelé la cotisation subsidiaire maladie de 2016 avant le 30 novembre 2017, l'Urssaf [Localité 3] ne pouvait plus la réclamer ni la recouvrer de sorte que les cotisations appelées devaient être annulées, le tribunal judiciaire a ajouté à la loi et violé l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale.
2) - ALORS en outre QUE la date limite d'appel de cotisation fixée par voie réglementaire ne constitue pas le terme d'un délai de prescription après lequel aucun appel de cotisation ne peut plus être fait ; qu'en jugeant que n'ayant pas respecté le délai d'appel de cotisation imparti par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, l'Urssaf [Localité 3] n'était pas recevable à appeler la cotisation subsidiaire maladie auprès de M. [S], le tribunal judiciaire a violé l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale.
3) - ALORS QUE selon l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues ; que ce texte ne prévoit pas que le délai de trois ans de recouvrement des cotisations ne court qu'à compter d'un appel de cotisation recevable comme formé dans les délais légaux ; qu'en affirmant le contraire, le tribunal a violé l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale.
4) - ALORS en tout état de cause QUE même s'il ne constitue pas un acte de procédure, l'irrégularité affectant l'appel tardif de cotisation ne peut entraîner sa nullité que pour autant qu'il ait causé un grief au cotisant ; qu'en l'espèce, l'Urssaf [Localité 3] faisait valoir qu'à l'instar de la nullité des actes de procédure pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, l'appel tardif de cotisation subsidiaire maladie n'avait causé aucun grief au cotisant puisque l'exigibilité de la cotisation avait de fait été décalée, qu'il avait donc bénéficié d'un délai suffisant pour régler le montant de la cotisation et qu'aucune majoration de retard n'avait été calculée ; qu'en écartant ce moyen au prétexte que les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile n'avaient vocation à s'appliquer qu'aux actes de procédure judiciaire, ce que ne constituait pas l'appel de cotisation, lorsqu'il lui appartenait néanmoins de rechercher si l'irrégularité affectant cet appel tardif de cotisation avait causé un grief au cotisant, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 380-4 du code de procédure civile.