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05/04/2022 | FRANCE | N°22-80434

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 avril 2022, 22-80434


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 22-80.434 F-D

N° 00558

GM
5 AVRIL 2022

REJET

M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 AVRIL 2022

[J] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 j

anvier 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vols aggravés, dégradations aggravées, arrestation, enl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 22-80.434 F-D

N° 00558

GM
5 AVRIL 2022

REJET

M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 AVRIL 2022

[J] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vols aggravés, dégradations aggravées, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires, violences aggravées, escroquerie et tentative d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat d'[J] [Z], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 25 janvier 2022, [J] [Z], mineur, a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention.

3. Il a interjeté appel de cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du mémoire personnel

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen du mémoire ampliatif et le deuxième moyen du mémoire personnel

Enoncé des moyens

5. Le deuxième moyen du mémoire personnel critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance de placement en détention provisoire, et l'a confirmée, alors que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme implique que le défaut de notification du droit au silence emporte la nullité du débat contradictoire au cours duquel cette violation des droits de la défense a été commise.

6. Le premier moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué des mêmes chefs, alors :

« 1°/ que l'interprétation jurisprudentielle constante que la Cour de cassation donne à l'article 145, alinéa 6,du code de procédure pénale à la suite de la décision n° 2021-935 QPC du 30 septembre 2021 du Conseil constitutionnel, interprétation selon laquelle le défaut de notification du droit de se taire par le juge des libertés et de la détention n'est pas sanctionné par la nullité de sa décision, n'est pas conforme à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de fondement juridique ;

2°/ que l'ordonnance de placement en détention provisoire et le mandat de dépôt doivent être annulés en cas de méconnaissance d'une formalité substantielle, ayant porté atteinte aux intérêts de la personne mise en examen ; qu'une telle atteinte est nécessairement caractérisée par le défaut de notification du droit de se taire à la personne mise en examen, qui plus est mineure et qui a fait des déclarations, de surcroît de nature incriminante ; qu'en rejetant le moyen d'annulation tiré du défaut de notification du droit de se taire, la chambre de l'instruction a violé les articles 145, alinéa 6, 171 et 802 du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

Sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en sa première branche

8. La Cour de cassation ayant jugé, par arrêt de ce jour, que la question prioritaire de constitutionnalité ne devait pas être transmise au Conseil constitutionnel, le grief est devenu sans objet.

Sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en sa seconde branche, et le deuxième moyen du mémoire personnel

9. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel le défaut de notification du droit au silence lors du débat devant le juge des libertés et de la détention doit être sanctionné par la nullité du débat, et, par voie de conséquence, celle du placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce que le défaut de notification du droit de se taire n'a pas pour conséquence la nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire, mais est sanctionné par l'impossibilité de prendre en compte les éventuelles déclarations faites au stade du renvoi devant la juridiction de jugement, ou devant celle-ci.

10. Les juges concluent que la nullité n'est pas encourue.

11. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

12. En effet, d'une part, le juge des libertés et de la détention n'a pas pour office de statuer sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale, d'autre part, si, en cas d'utilisation de propos irrégulièrement recueillis devant ce magistrat, la personne concernée excipe dans les suites de la procédure d'une atteinte à ses intérêts dans l'administration de la preuve par les juridictions prononçant un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité, les juges devront alors apprécier l'équité de la procédure dans sa globalité.

13. Dès lors, les moyens ne sont pas fondés.

Sur le deuxième moyen du mémoire ampliatif et le troisième moyen du mémoire personnel

Enoncé du moyen

14. Le troisième moyen du mémoire personnel critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance de placement en détention provisoire et l'a confirmée, alors que les termes utilisés par le juge des libertés et de la détention traduisaient à la fois une atteinte à la présomption d'innocence d'[J] [Z] et un manquement à l'impartialité objective.

15. Le deuxième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué des mêmes chefs, alors « que le juge des libertés et de la détention statuant en matière de détention provisoire doit présenter une apparence d'impartialité ; que les motifs de l'ordonnance de placement en détention énonce que « [J] [Z], plutôt que de passer un pacte moral avec la justice le jour de Noël, préfère respecter les règles de l'omerta et de la solidarité entre eux avec ses amis du quartier » ; que cette motivation contrevient aux principes de la présomption d'innocence et d'impartialité du juge ; qu'en jugeant cependant régulière l'ordonnance de placement en détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des articles préliminaire du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

16. Les moyens sont réunis.

17. Le demandeur ne saurait se faire un grief des motifs par lesquels la chambre de l'instruction a refusé d'annuler l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, en raison de motifs de celle-ci qui révéleraient un défaut d'impartialité de ce magistrat, dès lors qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, sa décision, contre laquelle aucune critique de cette nature n'est formulée, s'est substituée à la décision du premier juge pour statuer sur le placement en détention provisoire.

18. Ainsi, les moyens ne sont pas fondés.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors « que la détention provisoire d'un mineur ne peut être ordonnée que s'il est démontré qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs mentionnés à l'article 144 du code de procédure pénale et que ces objectifs ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou en cas d'assignation à résidence avec surveillance électronique « au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure et des éléments de personnalité préalablement recueillis » ; que cette exigence de motivation spéciale est cumulative ; que le mémoire déposé pour la défense de [J] [Z] invitait la chambre de l'instruction à prononcer un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence chez sa tante au regard notamment de l'absence de casier judiciaire, de la fiabilité de l'environnement familial et de la proposition éducative de l'UEAT favorable, au vu des éléments notamment de personnalité recueillis, à une alternative à la détention ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction ne contient aucun motif exposant en quoi, au regard des « éléments de personnalité préalablement recueillis», un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique seraient insuffisants à satisfaire aux objectifs qu'il énonce; qu'il ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 334-2 du code de la justice pénale des mineurs. »

Réponse de la Cour

20. Pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que l'intégralité des objets dérobés n'a pas été retrouvée, et que les auteurs n'ont pas hésité à intimider les victimes et à faire disparaître les traces de leur présence.

21. Les juges ajoutent que des investigations complémentaires doivent avoir lieu pour interpeller les coauteurs des faits, et qu'un éloignement serait insuffisant pour éviter la concertation entre [J] [Z] et les personnes dont il refuse de donner les identités.

22. Ils indiquent que sept agressions ont eu lieu en sept jours, que les faits ont été commis par [J] [Z] dans un but lucratif, alors qu'il venait d'obtenir la garantie jeunes, et que les garanties présentées par sa famille ne l'ont pas empêché de passer à l'acte au moins à une reprise.

23. Les juges relèvent que les faits, à savoir une série d'agressions violentes commises au domicile de particuliers sur fond d'homophobie, ont causé un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public.

24. Ils en déduisent que les obligations du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique sont insuffisantes pour atteindre les objectifs prévus à l'article 144 du code de procédure pénale.

25. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

26. En premier lieu, elle a suffisamment caractérisé que les objectifs qu'elle a retenus ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique.

27. En second lieu, les éléments de personnalité sur le mineur, tels qu'ils figurent notamment dans les renseignements socio-éducatifs recueillis préalablement à la décision du juge des libertés et de la détention, conformément aux dispositions de l'article L. 322-5 du code de la justice pénale des mineurs, ont été pris en compte.

28. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

29. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq avril deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-80434
Date de la décision : 05/04/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Déclaration de conformité à la Constitution - Changement de circonstances de droit - Interprétation jurisprudentielle constante - Conditions - Interprétation jurisprudentielle intervenue postérieurement à la déclaration de conformité


Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 13 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 avr. 2022, pourvoi n°22-80434, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:22.80434
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