LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 367 F-D
Pourvoi n° D 19-17.927
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
La société Les Cerfs, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-17.927 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes-Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Les Cerfs, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes-Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 mai 2019) et les productions, la société Les Cerfs, propriétaire d'un bien immobilier dénommé « [Adresse 3] », a souscrit, le 1er janvier 2012, un contrat d'assurance « responsabilité civile et habitation » auprès de la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes-Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes-Auvergne (l'assureur).
2. Les conditions générales du contrat stipulaient en un article 2/9, relatif à « La protection de vos biens. Vol », des mesures de prévention et l'exclusion des « vols ou détériorations survenus alors que les mesures de prévention n'ont pas été observées sauf cas de force majeure ou si le non-respect de ces mesures n'a pu avoir d'incidence sur la réalisation des dommages ».
3. Le 11 septembre 2012, M. [P] a déposé plainte, pour le compte de la société Les Cerfs, pour un cambriolage commis dans le château et déclaré le sinistre à l'assureur.
4. L'assureur ayant refusé, le 15 février 2013, sa garantie au motif qu'elle n'était pas mobilisable en l'absence d'effraction, la société Les Cerfs l'a assigné le 6 février 2014 devant un tribunal.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société Les Cerfs fait grief à l'arrêt de déclarer que lui étaient opposables les conditions particulières de la police souscrite le 1er janvier 2012, les conditions particulières de la police d'assurance produite et les exclusions de garantie en résultant et de la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes tendant à la prise en charge des différents préjudices ayant résulté du vol, alors « que la remise des documents définissant les garanties et obligations de la police est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police ; qu'en l'espèce, en déclarant opposables les conditions particulières et les conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société Les Cerfs auprès de la société Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, à effet au 1er janvier 2012, tout en constatant qu'elles n'avaient pas été signées par la SCI Les Cerfs, la cour d'appel a violé l'article R. 112-3 du code des assurances dans sa rédaction antérieure au 1er avril 2018. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 112-2 du code des assurances :
6. Il résulte de ce texte qu'une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, à défaut, antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable.
7. Pour dire opposable à la société Les Cerfs la clause d'exclusion de garantie contenue dans les conditions générales, l'arrêt retient qu'il est acquis qu'elle a bien reçu les conditions « personnelles » qui lui ont été adressées par une lettre de l'assureur du 14 décembre 2011, qui précise qu'elles complètent les conditions générales modèle 201548, ce qui fait apparaître que celles-ci avaient été préalablement remises à l'assurée, que la société Les Cerfs s'en est prévalue dans son assignation introductive d'instance ce qui démontre que les conditions générales lui avaient bien été remises, cette analyse étant au besoin confirmée par le fait que l'assurée ne s'est manifestée auprès de l'assureur pour réclamer un exemplaire desdites conditions générales ni à réception de la lettre du 14 décembre 2011 ni ultérieurement et en particulier à l'occasion de la survenance du sinistre, qu'aucun élément ne vient donner crédit à son allégation selon laquelle ce serait l'expert privé auquel elle a eu recours après le sinistre qui lui aurait procuré lesdites conditions générales.
8. En statuant ainsi, alors que les conditions « personnelles », non signées par l'assurée, renvoyaient, en termes généraux, aux conditions générales, elles-mêmes non signées, et qu'il ne résulte pas de ces constatations que l'assureur établissait avoir porté à la connaissance de l'assurée, antérieurement à la réalisation du sinistre, la clause d'exclusion de garantie litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes-Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes-Auvergne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes-Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes-Auvergne et la condamne à payer à la société Les Cerfs la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Les Cerfs
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré opposables à la SCI Les Cerfs les conditions particulières de la police d'assurance souscrite à effet au 1er janvier 2012 auprès de la société Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, d'AVOIR déclaré opposables à la SCI Les Cerfs les conditions particulières de la police d'assurance produite et les exclusions de garantie en résultant, et d'AVOIR en conséquence débouté la SCI Les Cerfs de l'ensemble de ses demandes tendant à la prise en charge des différents préjudices ayant résulté du vol ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il est acquis que la SCI LES CERFS a bien reçu les conditions personnelles qui lui ont été adressées par un courrier de l'assureur en date du 14 décembre 2011. Ce courrier précise qu'elles complètent les conditions générales modèle 201548, ce qui fait apparaître que celles-ci avaient été préalablement remises à l'assuré. La SCI LES CERFS s'en est prévalue dans son assignation introductive d'instance ce qui démontre qu'elles lui avaient bien été remises, cette analyse étant au besoin confirmée par le fait que la SCI LES CERFS ne s'est manifestée auprès de l'assureur pour réclamer un exemplaire desdites conditions générales ni à réception du courrier du 14 décembre 2011 ni ultérieurement et en particulier à l'occasion de la survenance du sinistre. Aucun élément ne vient donner crédit à son allégation selon laquelle ce serait l'expert privé auquel elle a eu recours après le sinistre qui lui aurait procuré lesdites conditions générales. Les conditions générales produites par l'assureur sont identiques à celles produites par l'assurée de sorte que celle-ci ne saurait soutenir qu'elles ne sont pas celles afférentes aux conditions personnelles. Il résulte en outre de la quatrième page de couverture du document GROUPAMA que la référence est bien 201548. Les conditions générales sont par conséquent opposables à l'assurée peu important qu'elles n'aient pas été signées par elle » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « s'agissant tout d'abord de la question des conditions particulières, si, effectivement, elles n'ont pas été signées par l'assuré, dans la mesure où la compagnie GROUPAMA rappelle, à juste titre, que la SCI LES CERFS les a produites aux débats dès la remise de son assignation, cette preuve est suffisante pour justifier de leur envoi par l'assureur et de leur acceptation par l'assurée » ;
ALORS QUE la remise des documents définissant les garanties et obligations de la police est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police ; qu'en l'espèce, en déclarant opposables les conditions particulières et les conditions générales de la police d'assurance souscrite par la SCI Les Cerfs auprès de la société Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, à effet au 1er janvier 2012, tout en constatant qu'elles n'avaient pas été signées par la SCI Les Cerfs, la cour d'appel a violé l'article R. 112-3 code des assurances dans sa rédaction antérieure au 1er avril 2018.