La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2022 | FRANCE | N°20-18582

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mars 2022, 20-18582


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 321 F-D

Pourvoi n° M 20-18.582

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 mars 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

M. [R] [S], domici...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 321 F-D

Pourvoi n° M 20-18.582

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 mars 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

M. [R] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-18.582 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Scène, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de son gérant M. [C] [D], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Scène, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 29 janvier 2019), M. [S] a été engagé le 16 janvier 2008 par la société Scène, en qualité d'ouvrier professionnel. Une rupture conventionnelle est intervenue le 21 octobre 2014.

2. Le 2 février 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir constaté d'une part, que M. [S] produisait des relevés de pointage journaliers pour novembre 2013, décembre 2013, février à octobre 2014 mentionnant pour certains jours l'heure d'entrée et de sortie, les bulletins de paie correspondant à la même période et un tableau récapitulatif mentionnant chaque mois les heures supplémentaires majorées de 25 % et 50 % ainsi que les heures de nuit majorées à 100 %, d'autre part que l'employeur qui ne produisait aucun élément ne pouvait invoquer l'absence d'élément probant, la cour d'appel a retenu que les feuillets produits par M. [S], incomplets et imprécis en ce qu'ils ne mentionnaient que partiellement les heures d'entrée et de sortie, sans aucune référence à des temps de pause, ne permettent pas d'étayer sa demande qui sera rejetée ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'employeur soutient que le moyen est irrecevable comme incompatible avec les conclusions d'appel du salarié.

5. Le moyen qui naît de l'arrêt, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt constate que le salarié produit onze feuillets renseignés par lui récapitulant les jours travaillés au cours des mois de novembre et décembre 2013, février à octobre 2014, avec mention de l'heure d'entrée et de sortie pour certains jours seulement, sans indication d'une pause méridienne en contradiction avec les indemnités de panier par ailleurs réclamées, notamment en novembre 2013, les bulletins de paye correspondant à la même période et un tableau récapitulatif mentionnant chaque mois les heures supplémentaires majorées et les heures de nuit. L'arrêt retient que ces feuillets, incomplets et imprécis en ce qu'ils ne mentionnent que partiellement les heures d'entrée et de sortie, sans aucune référence à des temps de pause, ne permettent pas d'étayer la demande.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour non respect du contrat, alors « que la cassation qui interviendra sur le premier moyen du chef de dispositif déboutant M. [S] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, incluant des heures de nuit, entraînera par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif visé par le second moyen qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [S] au titre des heures supplémentaires incluant des heures de nuit, des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour non-respect du contrat de travail, de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 29 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Condamne la société Scène aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Scène et la condamne à payer à la SCP Didier et Pinet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [S] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir constaté d'une part, que M. [S] produisait des relevés de pointage journaliers pour novembre 2013, décembre 2013, février à octobre 2014 mentionnant pour certains jours l'heure d'entrée et de sortie, les bulletins de paie correspondant à la même période et un tableau récapitulatif mentionnant chaque mois les heures supplémentaires majorées de 25 % et 50 % ainsi que les heures de nuit majorées à 100 %, d'autre part que l'employeur qui ne produisait aucun élément ne pouvait invoquer l'absence d'élément probant, la cour d'appel a retenu que les feuillets produits par M. [S], incomplets et imprécis en ce qu'ils ne mentionnaient que partiellement les heures d'entrée et de sortie, sans aucune référence à des temps de pause, ne permettent pas d'étayer sa demande qui sera rejetée ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [S] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du contrat.

ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le premier moyen du chef de dispositif déboutant M. [S] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, incluant des heures de nuit, entraînera par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-18582
Date de la décision : 16/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 29 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mar. 2022, pourvoi n°20-18582


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18582
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award