La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2022 | FRANCE | N°20-16652

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mars 2022, 20-16652


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 298 F-D

Pourvoi n° P 20-16.652

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 6 janvier 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

__________

_______________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

M. [...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 298 F-D

Pourvoi n° P 20-16.652

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 6 janvier 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

M. [G] [F], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 20-16.652 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [C] [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Mme [Z] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. [F], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 19 décembre 2019), Mme [Z] a été engagée par M. [F], en septembre 2002, par deux contrats de travail distincts, en qualité de femme de ménage à temps partiel dans son cabinet médical et en qualité d'employée de maison à son domicile.

2. M. [F] a, par deux lettres de licenciement distinctes du 24 avril 2009, mis fin aux deux contrats de travail.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de deux requêtes contestant le bien fondé des licenciements.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée concernant l'emploi de femme de ménage au cabinet médical est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors « que le juge a l'obligation de motiver sa décision et de se déterminer d'après les circonstances particulières du procès ; qu'en l'espèce, comme le constate la cour pour refuser la jonction entre les deux instances engagées par la salariée, Mme [Z] « a été employée? pour exercer des tâches différentes relevant d'un cadre juridique différent : employée de maison à temps partiel au domicile et femme de ménage à temps partiel au cabinet médical dans deux lieux différents même si mitoyens? avec du matériel également différent, à raison de tâches très différentes. Elle a reçu des feuilles de paie » différentes ? « soit elle était payée comme employées de maison, soit elle était payée comme femme de ménage. Son salaire n'était pas calculé de la même manière? elle a été licenciée par deux lettres de licenciement? » Mme [Z] « avait donc bien deux contrats de travail différents qui répondaient à des règles différentes, deux ruptures différentes, deux procédures différentes »?, qu'en se bornant néanmoins dans l'arrêt concernant le licenciement de l'emploi comme femme de ménage au cabinet médical à reproduire mot à mot les motifs de l'arrêt concernant le licenciement de l'emploi d'employée de maison au domicile, analysant en particulier les seuls termes de la lettre de licenciement envoyée à Mme [Z] au titre du contrat exécuté au domicile de M. [F] et prononçant des condamnations fixées au regard du salaire, de l'ancienneté et de la convention collective applicables au titre du contrat exécuté au domicile de M. [F], la cour a privé sa décision de tout motif violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle fait valoir qu'il est incompatible avec la thèse que l'employeur avait soutenue devant la cour d'appel.

7. Cependant, l'employeur ayant invoqué l'existence de deux contrats de travail et de deux lettres de licenciement distinctes, le moyen qui n'est pas incompatible avec l'argumentation développée devant le juge du fond, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

9. Pour dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel, après avoir énoncé qu'il n'y avait pas lieu de joindre la procédure portant sur la rupture du contrat de travail par lequel la salariée était engagée en qualité d'employée de maison à celle portant sur la rupture du contrat de travail par lequel la salariée était engagée en qualité de femme de ménage dans le cabinet médical, s'est prononcée au regard du contrat de travail par lequel la salariée était engagée en qualité d'employée de maison et de la lettre de licenciement qui lui avait été envoyée à ce titre.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle devait se déterminer d'après les circonstances particulières de l'espèce, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [Z] de sa demande de rappels de salaires, congés payés afférents, rappel de congés payés, et indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt n° RG 16/01733 rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d' Orléans ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour M. [F], demandeur au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant partiellement le jugement dont appel, dit que le licenciement de Mme [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné M. [F] à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 882,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 88,26 euros au titre des congés payés afférents, 1 452,31 euros à titre d'indemnité de licenciement, ordonné le remboursement par Monsieur [F] à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à Mme [Z] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, condamné M. [F] à payer à Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, débouté M. [F] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles en première instance et en appel, et condamné M. [F] aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE sur le licenciement pour faute grave :
Aux termes de la lettre de licenciement du 24 avril 2009, qui fixe les limites du litige, M. [G] [F] reproche à Mme [C] [Z] les manquements suivants : « (?) Depuis environ une année, vous vous affranchissez de toute règle au sein de la maison et avez adopté un comportement très critiquable à l'égard de mes enfants, qui s'en trouvent déstabilisés. Vous avez pris peu à peu un pouvoir démesuré dans la maison, ne supportant plus aucune observation et agissant parfaitement à votre guise. Cette situation n'a fait qu'empirer lorsque vous avez su que ma compagne allait venir s'installer pour vivre à mon domicile. Vous avez fait preuve d'une totale désinvolture dans vos horaires. A cet égard, vous agissiez totalement à votre guise, restant des soirs sans aucune raison jusqu'à plus de 22h00, voir plus de 23h et sollicitant le paiement de vos heures supplémentaires absolument injustifiées. Dans le même temps, il a été constaté que vous passiez des heures à regarder la télévision en mon absence. Lorsque je vous faisais des réflexions sur ces horaires, vous m'opposiez un profond mutisme et continuiez à agir à votre guise. De la même manière, vous opposiez une hostilité évidente aux instructions qui vous étaient données quant aux tâches ménagères à réaliser. Vous refusiez de vous conformer à mes demandes. Il en était de même quant aux courses alimentaires, puisque vous refusiez d'acheter les produits que nous avions choisis. Dans le même temps, vous avez tout mis en oeuvre pour établir un climat délétère au sein de la famille. Vous ne cessiez de dire à mes enfants que tout serait plus difficile pour eux lorsque ma compagne nous rejoindrait et faisiez preuve d'hostilité à mon égard en leur présence. C'est dans ce contexte que le dernier incident du 30 mars dernier s'est déroulé. Je suis rentré à mon domicile ce soir-là vers 22h et eu la surprise de vous trouver devant la télévision. Je m'en suis évidemment étonné auprès de vous et vous m'avez rétorqué que vous étiez en train de faire la vaisselle, ce qui était manifestement faux, puisque la cuisine était entièrement rangée. Vous avez alors pris un ton très agressif et avez crié. Je vous ai demandé de reprendre votre calme. Pour répondre, vous m'avez jeté un verre qui a explosé à terre. Je vous ai alors demandé à nouveau de reprendre votre calme en insistant sur la violence de votre acte et le fait qu'il ait pu me blesser. Vous m'avez alors hurlé que vous me donniez votre démission et ne reviendrez pas le lendemain. Vous êtes partie en claquant la porte? Toute cette scène s'est produite en présence de mes deux enfants, qui en ont été très naturellement choqués. Le lendemain, vous ne vous êtes effectivement pas présentée au travail. Vous êtes revenue le mercredi 1er avril, tenant des propos et adoptant une attitude parfaitement incohérente. Vous avez eu une attitude extrêmement agressive à mon égard, prétendant que je vous avais mise brutalement à la porte, tout en faisant état d'un arrêt de travail pour maladie. Dans le même temps, ce que j'apprendrai plus tard, vous tentiez de manipuler mes enfants et de me discréditer à leurs yeux, en leur disant que j'étais malhonnête et un menteur? Cette même attitude a persisté dans les jours qui ont suivi. J'ai tenté de discuter avec vous pour rechercher une solution amiable, vous m'avez opposé encore une agressivité constante. Compte tenu de cette situation, des répercussions de votre attitude sur mes enfants et votre refus de discuter d'une solution pour l'avenir, je n'ai pas eu d'autre solution que de vous convoquer à un entretien préalable en vous plaçant en mise à pied à titre conservatoire. Je vous ai remis cette convocation le 8 avril au matin et vous avez refusé de quitter le domicile. J'ai dû recourir aux services d'un huissier pour que vous quittiez mon domicile? Vous avez à cet égard déclaré à ce même huissier que vous ne m'aviez pas remis votre arrêt de travail. En effet, vous déposerez un arrêt de travail en (mon) absence à mon cabinet le 17 avril. Cet arrêt est prescrit pour la période du 31 mars au 2 avril. Cela démontre encore que vous vous affranchissez de toutes règles, ne remettant pas un arrêt de travail ou encore venant travailler pendant un arrêt de travail? Lors de notre entretien, vous étiez accompagnée de Madame [J], conseiller du salarié. À titre anecdotique, vous avez rapporté une brouette qui m'appartient, alors que je ne savais pas qu'elle était en votre possession. Cet évènement est troublant, puisqu'un certain nombre d'objets ont disparu de mon domicile depuis quelques mois. En outre, vous vous êtes rendue à mon cabinet durant votre mise à pied, pour remettre un objet que vous aviez dissimulé dans un sac, en demandant à ma secrétaire de ne pas me parler de votre passage. De la même manière vous êtes intervenue auprès de mon cuisiniste qui installait ma nouvelle cuisine en vue de la récupérer en vous affranchissant de mon autorisation préalable, me plaçant devant le fait accompli. Ces attitudes démontrent encore que vous vous départissez parfaitement de toutes règles ».

Aux termes de L. 1232-1 du code du travail (sic), tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables. L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l'employeur.
Pour faire la preuve de la faute grave que Madame [C] [Z] aurait commise, Monsieur [G] [F] verse au débat les attestations :
- du docteur [O] [A], sur papier à en-tête, signé et tamponné de son cachet de médecin, du 6 mai 2009, qui indique avoir, à la demande de leur père, entendu [X] et [E] [F], nés le [Date naissance 2] 1995. Elle relate les propos que ceux-ci lui ont confié, à savoir qu'ils étaient rentrés avec leur père vers 22h après leur fête d'anniversaire avec leur mère, lui décrivant la scène entre celui-ci et Madame [C] [Z] et soutenant que celle-ci « occupait les lieux à sa guise plus d'un an » (sic), dénigrait leur père et sa nouvelle compagne. A supposer que Madame [L] [A] ait effectivement procédé à l'audition des enfants, elle ne fait que rapporter des propos qu'ils lui auraient tenus relativement à des faits auxquels elle n'a pas assisté.
- de son fils [E] qui atteste le 28 août 2014, de la scène ayant eu lieu le 30 mars 2009, soit 5 années auparavant qui, s'il relate exactement les faits tels que son père les décrits dans la lettre de licenciement, précise qu'il a entendu la scène de sa chambre, ce que son père confirme dans ses écritures, indiquant qu'il était dans sa chambre et donnant de nombreuses explications sur la position de cette chambre par rapport à la cuisine. Or, selon la lettre de licenciement, la scène a eu lieu en présence des enfants. Cette attestation relatant des faits très anciens, faites par un jeune fils à son père, n'est pas conforme à ce qu'il aurait relaté au docteur [A] qui certifie, de façon purement référendaire, que les enfants ont été témoins de la scène, ni à la lettre de licenciement.
Compte tenu du caractère purement référendaire du témoignage de Madame [A], du long délai qui existe entre la date des faits et le témoignage du jeune [E] [F], des contradictions qui existent entre ces deux témoignages relativement aux circonstances des faits, ils ne présentent pas de caractère suffisamment probant, un doute existant quant à la réalité des faits décrits qui profite à Madame [C] [Z].
- de sa mère, de son frère, de son ex-épouse et de sa compagne selon lesquels Madame [C] [Z] regardait la télévision, s'imposait tard le soir, avait des conversations téléphoniques personnelles, n'en faisait qu'à sa tête ; ces attestations de la famille de M. [G] [F], outre qu'elles sont stéréotypées et très imprécises, sont contredites par celle d'un autre employeur de Madame [C] [Z] et de son mari selon laquelle elle était une parfaite employée de maison.
Mme [C] [Z] soutient que M. [G] [F] a été très contrarié de ce que, se trouvant chez lui pour finir la vaisselle, elle ait répondu à sa compagne qui avait téléphoné au domicile et demandé à lui parler et qu'elle ait indiqué qu'ils étaient sortis fêter l'anniversaire des enfants au restaurant alors que celle-ci croyait que les enfants ne le fêtaient qu'avec leur mère. Ce faisant, Mme [C] [Z] n'a commis aucune faute, étant observé qu'il n'est pas discuté que son récit correspondait à la vérité et qu'il ne lui avait été laissé aucune consigne en cas d'appel téléphonique. Selon elle, c'est cet appel téléphonique et la réponse qu'elle a faite à la compagne de son employeur qui ont provoqué l'incident du 30 mars 2009, M. [G] [F] ne voulant pas que sa compagne sache qu'il allait au restaurant avec la mère des (?) enfants. Selon M. [G] [F], l'incident litigieux est né du fait qu'à son retour, il a trouvé Mme [C] [Z] à son domicile en train de regarder la télévision et qu'elle lui a jeté un verre au visage. Aucune pièce ne démontre que Madame [C] [Z] aurait un caractère violent. Mme [N] [B], avocate, autre employeur de Mme [C] [Z] atteste : « le 7 avril 2009, aux environs de 20 heures, j'ai reçu à mon domicile de l'époque à [Localité 4] un appel téléphonique de [C] [Z] qui était alors employée de maison chez moi. Elle était totalement paniquée, la voix tremblante, au point de rencontrer des difficultés à m'expliquer ce qui lui arrivait. Lorsque je la questionnais, inquiète de son état, du lieu où elle se trouvait, elle réussit à me dire qu'elle était chez son employeur principal, le docteur [F], qui était menaçant physiquement pour l'obliger à quitter les lieux. En obtempérant, elle craignait qu'il ne lui reproche par la suite un abandon de poste, puisque depuis plusieurs jours, il la menaçait de licenciement. Elle m'indiquait ne pas avoir terminé son travail et souhaitait avoir mon avis. C'est alors que j'ai entendu le docteur [F] vociférer de façon très violente, lui demandant où elle était, ce qu'elle faisait, il lui hurlait qu'elle n'avait pas le droit de téléphoner ». Madame [N] a alors demandé à son mari, M. [B], d'aller chercher Madame [C] [Z]. Celui-ci atteste : « ma femme, affolée, me demande d'aller chercher ou attendre [C] à la sortie du domicile de Monsieur [F]. Elle me décrit, dans la panique, la conversation qu'elle vient d'avoir avec [C] au téléphone et l'inquiétude, voir la peur d'avoir entendu M. [F] crier et menacer [C]. Je me rends donc à l'adresse de M. [F] et attends que [C] sorte. J'essaie de joindre [C] par téléphone. Elle ne répond pas. Elle me rappelle quelques minutes plus tard, m'explique qu'ils sont (sic) encore fâchés et qu'il veut qu'elle sorte sur le champ. Elle refuse. Elle veut terminer son travail. Alors qu'elle m'explique la situation, j'entends M. [F] lui hurler dessus à mon tour. Quelque chose comme : « qu'est-ce que vous faites au téléphone, à qui téléphonez-vous. » (?) J'entends le docteur [F] crier : « je ne veux plus vous voir, laisser ça ». Elle : je sors les poubelles ça fait partie de mon travail. Lui crie, elle a la voix qui tremble, je sens sa peur. Il l'accompagne jusqu'au portillon donnant sur la route et la pousse littéralement sur le trottoir. » Ces deux attestations établissent que, des deux protagonistes, seul M. [G] [F] a un caractère très agressif. Ces deux attestations confirment l'existence d'un doute au profit de Mme [C] [Z], sur ce qui s'est réellement passé le 30 mars 2009 et, ce doute profitant à Madame [C] [Z], le grief ne peut être retenu.
- son relevé téléphonique ; or cette pièce ne permet pas de savoir qui téléphonait ; Madame [C] [Z] n'était pas seule dans la maison où vivaient deux adolescents et où séjournait la famille de M. [G] [F] ; ces relevés n'ont aucune force probante d'une faute commise par Madame [C] [Z]. En ce qui concerne le grief selon lequel Mme [C] [Z] aurait emporté des objets, elle soutient ne l'avoir fait qu'avec l'accord de son employeur ce qu'elle a pu établir dans le cadre des poursuites dont elle a fait l'objet sur dépôt de plainte de M. [G] [F], ayant été relaxée. En l'espèce, M. [G] [F] ne donne aucun élément qui justifierait que Madame [C] [Z] lui a dérobé quoi que ce soit et encore moins des meubles de cuisine qu'il remplaçait et qui auraient été destinés finalement au rebut. Mme [C] [Z] n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction durant les longues années au cours desquelles elle a été employée par M. [G] [F]. Bien mieux, elle a été réembauchée après son incarcération. Elle a même accompagné les enfants en vacances à [Localité 5] chez leur grand-mère, vacances pour Madame [C] [Z] selon M. [G] [F], chose que l'on ne propose qu'à une employée qui donne grande satisfaction. La cour en déduit que M. [G] [F] ne rapporte pas la preuve en ce que Madame [C] [Z] aurait commis une faute justifiant un licenciement et encore moins une faute grave. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé et rejeté les demandes pécuniaires en découlant. Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse : Mme [C] [Z] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise mais celle-ci occupant habituellement moins de onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse le salarié a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi. En considération de la situation particulière de Mme [C] [Z], notamment du salaire donc elle bénéficiait (88h x 10.03 € = 882,64 €), de son âge (56 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (plus de 6 ans), de sa capacité à retrouver un emploi, celle-ci ne fournissant aucun élément sur sa situation à compter de 2009, il convient de lui allouer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement de laquelle sera condamné M. [G] [F]. Mme [C] [Z] est fondée à obtenir, en application de la convention collective des employés de maison ; une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents calculés à partir de la moyenne annuelle des salaires effectivement payés, soit les sommes de 882.64 euros et 88.26 euros ; une indemnité de licenciement, calculée à partir d'une ancienneté de 6 ans et 7 mois, et de sa rémunération brute soit Œ de mois de salaire brut par année d'ancienneté, soit la somme de 1 452,31 euros. Sur l'article L. 1235-4 du code du travail : en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par M. [G] [F] à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [C] [Z] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités chômage (arrêt pages 9 à 13 ; page 14, § 1) ;

ALORS QUE le juge a l'obligation de motiver sa décision et de se déterminer d'après les circonstances particulières du procès ; qu'en l'espèce, comme le constate la cour pour refuser la jonction entre les deux instances engagées par la salariée, Mme [Z] « a été employée? pour exercer des tâches différentes relevant d'un cadre juridique différent : employée de maison à temps partiel au domicile et femme de ménage à temps partiel au cabinet médical dans deux lieux différents même si mitoyens? avec du matériel également différent, à raison de tâches très différentes. Elle a reçu des feuilles de paie » différentes ? « soit elle était payée comme employées de maison, soit elle était payée comme femme de ménage. Son salaire n'était pas calculé de la même manière? elle a été licenciée par deux lettres de licenciement? » Mme [Z] « avait donc bien deux contrats de travail différents qui répondaient à des règles différentes, deux ruptures différentes, deux procédures différentes »?, qu'en se bornant néanmoins dans l'arrêt concernant le licenciement de l'emploi comme femme de ménage au cabinet médical à reproduire mot à mot les motifs de l'arrêt concernant le licenciement de l'emploi d'employée de maison au domicile, analysant en particulier les seuls termes de la lettre de licenciement envoyée à Mme [Z] au titre du contrat exécuté au domicile de M. [F] et prononçant des condamnations fixées au regard du salaire, de l'ancienneté et de la convention collective applicables au titre du contrat exécuté au domicile de M. [F], la cour a privé sa décision de tout motif violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat au Conseils, pour Mme [Z], demanderesse au pourvoi incident

Mme [Z] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de congés payés y afférents, et d'indemnité pour travail dissimulé.

1° ALORS QUE en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'ayant constaté que la salariée avait produit des agendas et attestations témoignant des nombreuses heures travaillées non payés, tout en refusant de constater qu'elle avait présenté, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail non rémunérées afin de permettre à l'employeur, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail.

2° ALORS QUE toute heure de travail commandée par l'employeur doit être rémunérée ; qu'en dispensant M. [F] du paiement des heures de travail accomplies par Mme [Z] au domicile de la mère de son employeur, sans avoir établi qu'elles n'avaient pas été commandées par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-16652
Date de la décision : 16/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 19 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mar. 2022, pourvoi n°20-16652


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16652
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award