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09/03/2022 | FRANCE | N°20-19078

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 mars 2022, 20-19078


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 207 F-D

Pourvoi n° A 20-19.078

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022

1°/ M. [Y] [I] [R],

2°/ Mme [J] [P] [E], épouse [R],
>domiciliés tous deux [Adresse 2] (Irlande),

ont formé le pourvoi n° A 20-19.078 contre l'arrêt rendu le 20 février 2020 par la cour d'appel de Versailles (...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 207 F-D

Pourvoi n° A 20-19.078

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022

1°/ M. [Y] [I] [R],

2°/ Mme [J] [P] [E], épouse [R],

domiciliés tous deux [Adresse 2] (Irlande),

ont formé le pourvoi n° A 20-19.078 contre l'arrêt rendu le 20 février 2020 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige les opposant à la société Althea Gestion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. et Mme [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Althea Gestion, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2020), par acte du 19 avril 2018, la société Althea gestion, venant aux droits du Crédit immobilier de France financière Rhône Ain, a assigné M. et Mme [R] devant le tribunal de grande instance de Nanterre en paiement du solde du prêt immobilier qu'ils avaient souscrit auprès de celui-ci.

2. M. et Mme [R], domiciliés en République d'Irlande, ont soulevé l'incompétence des juridictions françaises sur le fondement des articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [R] font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre compétent, alors :

« 1°/ que le consommateur qui, pour un usage étranger à son activité professionnelle, a conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel il a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités, ne peut être attrait que devant les juridictions dudit Etat ; qu'une telle règle s'applique à tous types de contrats, à l'exception du contrat de transport autre que celui qui, pour un prix forfaitaire, combine voyage et hébergement ; qu'en refusant d'appliquer la règle de compétence édictée par les dispositions de la section 4 du chapitre II du règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, qui désigne la juridiction du domicile des consommateurs, au motif que le prêt immobilier serait exclu de son champ d'application, la cour d'appel a violé les articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ;

3°/ que le consommateur qui, pour un usage étranger à son activité professionnelle, a conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel il a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités, ne peut être attrait que devant les juridictions dudit Etat ; qu'en se bornant, pour refuser de faire application de la règle de compétence énoncée à l'article 18 du règlement, à affirmer qu'« il n'était pas allégué » que l'article 17, § 1er, c) dudit règlement soit applicable, quand, saisie d'une exception d'incompétence fondée sur les articles 17 et 18 susvisés, il lui appartenait de rechercher d'office si les conditions d'application en étaient réunies, la cour d'appel, qui a a méconnu son office, a violé les articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

4°/ que le consommateur qui, pour un usage étranger à son activité professionnelle, a conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel il a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités, ne peut être attrait que devant les juridictions dudit Etat ; qu'en se bornant à exclure que la banque ait dirigé son activité vers l'Etat membre sur le territoire duquel les époux [R] possèdent leur domicile, sans rechercher si celle-ci exerçait directement des activités commerciales ou professionnelles dans cet État membre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 :

4. Selon le premier de ces textes, les règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs s'appliquent à tous types de contrat conclu par un consommateur à des fins non professionnelles avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre sur le territoire duquel ce consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ses activités vers cet Etat membre ou vers plusieurs Etats, à l'exclusion des contrats de transports autres que ceux qui combinent voyage et hébergement.

5. En application du second, un tel consommateur ne peut être assigné par la partie avec laquelle il a contracté que devant les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel il est domicilié.

6. Pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par M. et Mme [R], l'arrêt retient que l'article 17 du règlement ne s'applique pas aux prêts immobiliers, qu'il n'est pas allégué que la conclusion du contrat ait été précédée, dans l'État du domicile de M. et Mme [R], d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, que les emprunteurs aient accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion du contrat ou que la banque ait dirigé son activité vers cet Etat.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher d'office, comme il le lui incombait, s'il ne résultait pas des pièces du dossier que la banque avait exercé des activités professionnelles dans l'Etat membre où M. et Mme [R] avaient leur domicile ou si celle-ci avait, par tout moyen, dirigé ses activités vers cet État, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Althea gestion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Althea gestion et la condamne à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [R].

Les époux [R] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître de l'action en paiement diligentée à leur encontre par la société Althea gestion ;

ALORS, 1°), QUE le consommateur qui, pour un usage étranger à son activité professionnelle, a conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel il a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités, ne peut être attrait que devant les juridictions dudit Etat ; qu'une telle règle s'applique à tous types de contrats, à l'exception du contrat de transport autre que celui qui, pour un prix forfaitaire, combine voyage et hébergement ; qu'en refusant d'appliquer la règle de compétence édictée par les dispositions de la section 4 du chapitre II du règlement UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, qui désigne la juridiction du domicile des consommateurs, au motif que le prêt immobilier serait exclu de son champ d'application, la cour d'appel a violé les articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ;

ALORS, 2°), QUE le consommateur qui, pour un usage étranger à son activité professionnelle, a conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel il a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités, ne peut être attrait que devant les juridictions dudit Etat ; qu'en refusant d'appliquer la règle de compétence édictée par les dispositions de la section 4 du chapitre II du règlement UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, qui désigne la juridiction du domicile des consommateurs, au motif que la qualité de consommateur des époux [R], dont elle a constaté l'existence, était sans incidence sur la compétence de la juridiction devant laquelle ceux-ci devaient être attraits, la cour d'appel a violé les articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ;

ALORS, 3°), QUE le consommateur qui, pour un usage étranger à son activité professionnelle, a conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel il a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités, ne peut être attrait que devant les juridictions dudit Etat ; qu'en se bornant, pour refuser de faire application de la règle de compétence énoncée à l'article 18 du règlement, à affirmer qu'« il n'était pas allégué » que l'article 17, § 1er, c) dudit règlement soit applicable, quand, saisie d'une exception d'incompétence fondée sur les articles 17 et 18 susvisés, il lui appartenait de rechercher d'office si les conditions d'application en étaient réunies, la cour d'appel, qui a a méconnu son office, a violé les articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

ALORS, 4°) et subsidiairement, QUE le consommateur qui, pour un usage étranger à son activité professionnelle, a conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel il a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités, ne peut être attrait que devant les juridictions dudit Etat ; qu'en se bornant à exclure que la banque ait dirigé son activité vers l'Etat membre sur le territoire duquel les époux [R] possèdent leur domicile, sans rechercher si celle-ci exerçait directement des activités commerciales ou professionnelles dans cet État membre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-19078
Date de la décision : 09/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 mar. 2022, pourvoi n°20-19078


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Haas, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.19078
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