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09/03/2022 | FRANCE | N°20-11990

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 mars 2022, 20-11990


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation partielle

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 164 F-D

Pourvoi n° W 20-11.990

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022

1

°/ M. [G] [P], domicilié [Adresse 3],

2°/ Mme [N] [J], domiciliée [Adresse 4], agissant en qualité de mandataire judiciaire de M. [G] [P],

3°/ ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation partielle

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 164 F-D

Pourvoi n° W 20-11.990

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022

1°/ M. [G] [P], domicilié [Adresse 3],

2°/ Mme [N] [J], domiciliée [Adresse 4], agissant en qualité de mandataire judiciaire de M. [G] [P],

3°/ la société BCM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], en la personne de M. [V] [M], agissant en qualité d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de M. [G] [P],

ont formé le pourvoi n° W 20-11.990 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fèvre, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [P], de Mme [J], ès qualités, et de la société BCM, ès qualités, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fèvre, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 29 octobre 2019) et les productions, M. [P], avocat, qui avait été institué séquestre de la somme de 114 336,76 euros par une convention de séquestre passée avec des clients, a, par courrier du 3 mars 2003, auquel étaient joints la convention de séquestre et un chèque du montant de la somme confiée, demandé à la société BNP Paribas (la banque) de placer cette somme sur un compte sûr, non saisissable et produisant des intérêts lui revenant au titre de la rémunération de sa mission.

2. Le chèque a été encaissé par la banque, le 13 mars 2003, sur un compte épargne n° [XXXXXXXXXX01] qu'elle a, à cette occasion, ouvert dans ses livres au nom de M. [P].

3. Reprochant à la banque d'avoir, en exécution d'avis à tiers détenteur, remis au Trésor public une partie des sommes figurant sur ce compte, M. [P] l'a assignée le 9 mai 2012 en responsabilité contractuelle. Par conclusions du 16 janvier 2017, M. [P] s'est aussi prévalu d'un manquement de la banque à ses obligations précontractuelles d'information, de conseil et de mise en garde lors de l'ouverture du compte litigieux.

4. Par jugement d'un tribunal de grande instance du 13 décembre 2019, M. [P] a été placé en redressement judiciaire, Mme [J] étant désignée mandataire judiciaire et la Selarl CM, prise en la personne de M. [M], administrateur judiciaire. Par jugement du 21 décembre 2020, un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté et la Selarl BCM, prise en la personne de M. [M], désignée commissaire à l'exécution du plan.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-près annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [P], Mme [J], en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [P], et la Selarl BCM, représentée par M. [M], en sa qualité d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de M. [P], font grief à l'arrêt de rejeter la demande de M. [P] de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la banque et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114 336,76 euros augmentée des intérêts conventionnels, alors « que commet une faute la banque permettant l'usage d'une somme conventionnellement indisponible à une fin autre que celle prévue lors de son versement ; que la cour d'appel a constaté que M. [P] avait adressé à la banque, "en vertu de la convention de séquestre ci-jointe", une somme de 114 336,76 euros, en lui demandant de placer celle-ci sur un compte "sûr", "non saisissable", seuls devant lui revenir les intérêts produits, ce dont résulte que la banque avait connaissance que les fonds eux-mêmes n'étaient pas la propriété de M. [P] ; qu'en retenant que la banque avait pu, sans faute de sa part, se dessaisir de ces fonds au profit de l'administration fiscale, émettrice d'un avis à tiers détenteur dirigé contre M. [P], la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en la cause :

7. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait eu aucune mauvaise foi de sa part.

8. Pour rejeter la demande de M. [P] fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque, l'arrêt retient que la convention de séquestre qu'il a conclue avec des clients ne lie pas la banque, qui n'y était pas partie, et que M. [P] n'avait pas l'obligation de conclure un contrat de même nature avec la banque dépositaire des fonds, qu'il ne justifie pas avoir confié les fonds en litige à la banque au titre d'un séquestre et que les relevés de compte qui lui ont été remis indiquent que ceux-ci ont été déposés sur un compte d'épargne ouvert à son nom personnel, de sorte que la banque n'a pas commis de faute en remettant les fonds à l'administration fiscale.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sommes figurant au compte d'épargne n° [XXXXXXXXXX01] n'appartenaient pas exclusivement aux clients ayant institué M. [P] séquestre et si, dès lors, en remettant au Trésor public une partie de ces sommes, la banque n'avait pas commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de M. [P] de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la société BNP Paribas et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114 336,76 euros augmentée des intérêts conventionnels et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas et la condamne à payer à M. [P], Mme [J], en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [P], et la Selarl BCM, représentée par M. [M] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. [P], la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. [P], Mme [J], ès qualités, et la société BCM, ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [P] de sa demande de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la BNP et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114 336,76 euros augmentée des intérêts conventionnels ;

AUX MOTIFS QUE le 3 mars 2003 Maître [P] a adressé à l'agence BNP Paribas de Montigny-les-Metz un courrier recommandé ainsi libellé "pour faire suite à nos échanges par courrier électronique, je vous adresse sous ce pli, en vertu de la convention de séquestre ci-jointe, un chèque Banque des Antilles françaises d'un montant de 114 336,76 € qu'il convient de placer sur un compte sûr dont les caractéristiques sont les suivantes : - non saisissable, - rapporte des intérêts dont le montant me revient à titre de rémunération de la mission, - bloqué pendant une période de six mois renouvelable?" ; que la SA BNP a alors porté le chèque en cause au crédit d'un compte n° [XXXXXXXXXX01] dont elle a le 12 avril 2003 adressé le premier relevé à M. [P] ; que le compte a ensuite fonctionne sans incident, en produisant intérêts, jusqu'au 5 novembre 2009, date à laquelle la banque a avisé M. [P] de la notification par l'administration fiscale d'un avis à tiers détenteur de 46 076 € ; que certes la banque, ne contestant pas ce point, n'a lors du dépôt des fonds pas adressé à M. [P] la convention applicable au compte [XXXXXXXXXX01] ; que cependant au termes de l'article 1165 ancien du code civil applicable au litige, "les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et elle ne lui profitent que dans le cas prévu à l'article 1121" ; que la convention de séquestre signée les 12 décembre 2002 et 28 février 2003 entre, d'une part, Maître [P] et, d'autre part, M. [H] et Mme [E], n'a donc en elle-même aucunement lié la SA BNP Paribas ; que de l'article 1956 du code civil il résulte par ailleurs que "le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à le rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir" ; qu'au regard de ces dispositions il est à constater que l'existence d'une convention de séquestre entre M. [P] et ses clients n'impliquant nullement la conclusion d'un contrat de même nature avec la banque, l'appelant principal ne justifie aucunement avoir confié les fonds en litige à la SA BNP Paribas au titre d'un séquestre ; qu'il est au contraire à observer que la rémunération des sommes déposées sur le compte en litige s'est opérée au profit non de la banque mais de M. [P], situation a priori incompatible avec une mission de séquestre confiée à la SA BNP Paribas ; que la banque a le 12 avril 2003 émis un premier relevé du compte n° [XXXXXXXXXX01] faisant état de la remise du chèque de 114 336,76 € le 13 mars 2003 et portant la mention très apparente "à compter du 1er mars 2003, le taux de rémunération applicable au Compte Epargne BNP Paribas est fixé à 2,05 % brut" ; que de 2003 à 2008, M. [P] a réceptionné les relevés du compte en litige sans élever de contestation quant à l'existence d'un compte épargne productif d'intérêts ; que certes le 27 novembre 2009 M. [X] [K], salarié de la BNP Paribas, a adressé à M. [P] un courriel ainsi rédigé "Mme [Z] est intervenue auprès de nos services afin qu'un courrier rectificatif soit adressé à la trésorerie de [Localité 6] gérant votre ATD, ceci afin que les sommes déposées sur le compte séquestre logé en compte épargne ne sont pas saisissables" ; que ce message, immédiatement consécutif aux réclamations émises par M. [P] relativement à l'avis à tiers détenteur de 46 076 € ne saurait cependant avoir définitivement engagé la banque au demeurant très rapidement revenue sur l'analyse susvisée ; que de même le courrier du 26 janvier 2010 évoqué par M. [P] dans ses écritures ne constitue pas une reconnaissance par la banque d'une convention de séquestre entre elle-même et la partie adverse, la SA BNP ayant dans missive en cause exclusivement évoqué les conséquences de la convention de séquestre signée par l'appelant principal avec les consorts [H]/[E] ; qu'il apparaît dès lors qu'aucune convention de séquestre n'est intervenue entre la banque et M. [P] ayant placé les fonds en litige sur un compte épargne productif d'intérêts ouvert en son nom personnel ; que l'absence de contestation des avis à tiers détenteurs et le caractère définitif de ceux-ci étant constants, la BNP Paribas, tiers saisi, n'a dès lors commis aucune faute en adressant les fonds à l'administration fiscale ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon les dispositions de l'article 1134 du code civil, dans leur version applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ; que M. [P] reproche à la SA BNP Paribas d'avoir versé au Trésor Public, en qualité de tiers saisi, diverses sommes correspondant aux causes des avis à tiers détenteur et ce au mépris d'une convention de séquestre ; qu'il convient de distinguer, d'une part, les relations existant entre M. [P], d'une part, et M. [H] et Mme [E], d'autre part, de celles qui existent entre M. [P] et la SA BNP Paribas ; que si M. [P] produit la convention de séquestre signée le 12 décembre 2002 et le 28 février 2003 avec M. [H] et Mme [E], force est de constater que la SA BNP Paribas n'est pas partie à cette convention, de telle sorte qu'en vertu de l'effet relatif des contrats, ses dispositions ne la concernent pas puisque ladite convention lui est inopposable ; que, s'agissant des rapports entre M. [P] et la SA BNP Paribas, M. [P] reconnaît dans ses écritures que la banque ne lui a jamais remis de documents attestant soit de l'ouverture de compte soit de pièces correspondant à une demande de compte séquestre ; que M. [P] invoque être lié à la SA BNP Paribas par une convention de séquestre présentant les caractéristiques suivantes : - compte non saisissable / - compte bloqué sur une période de 6 mois renouvelables / - compte rapportant des intérêts dont le montant reviendrait à M. [P] à titre de rémunération ; que répond à cette définition, en vertu de l'article 1956 du code civil qui est invoqué, le dépôt fait par une ou plusieurs personnes d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ; que cependant la jurisprudence admet que l'existence d'un contentieux ou d'une contestation n'est pas nécessaire pour établir un séquestre conventionnel ; que, pour caractériser un séquestre conventionnel, qui est un contrat, celui qui s'en prévaut doit justifier d'un écrit entre le séquestre (la banque) et la ou les personnes constituantes du dépôt ; que lorsque le séquestre est constitué par une seule personne alors que plusieurs sont concernées par cette mesure, comme en l'espèce, il faut l'accord des volontés de tous les intéressés pour effectuer le dépôt et investir le séquestre de sa mission ; que le séquestre est responsable dans la mesure que commandent la nature du bien et l'étendue de sa mission ; qu'il sera relevé que, nonobstant le fait assez curieux pour un professionnel du droit, car M. [P] est avocat, de ne pas avoir exigé du banquier la remise d'une convention de séquestre ou de tout autre document relatif au fonctionnement du compte, le demandeur devait recevoir communication, ce qui ne fait pas litige, du premier duplicata du relevé de compte ouvert à la BNP Paribas pour la période du 13 mars au 12 avril 2003 ; qu'à partir de son examen il pouvait vérifier que le solde créditeur au 12 avril 2003 correspondant exclusivement au dépôt du chèque de 114 336,76 euros effectué le 13 mars et porté au crédit du compte ; qu'il pouvait également constater, à la lecture du relevé, la mention suivante qui figurait en gras et de manière très apparente sur ce document de façon à attirer l'attention du client : "A compter du 1er mai 2003, le taux de rémunération annuel applicable au compte épargne BNP Paribas est fixé à 2,50% brut" ; qu'ainsi il ressort des termes de ce premier relevé que la SA BNP Paribas a ouvert à M. [P] un compte épargne lui permettant de placer de l'argent certes inutilisable par les moyens de paiement habituels et générant des intérêts mais ne créant aucune obligation particulière à l'égard de la banque en qualité de séquestre à défaut de constituer un compte de cette nature ; qu'il sera relevé encore que, comme la banque l'a fait valoir, avant la notification des avis à tiers détenteurs, le demandeur a réceptionné les relevés de compte pendant plusieurs années sans élever la moindre contestation au sujet de la nature du compte épargne productif d'intérêts ; qu'en effet la preuve n'est nullement rapportée que M. [H], Mme [E] ou M. [P] en raison de la convention de séquestre les liant aient notifié à la banque dépositaire des sommes qu'un retrait total ou partiel ne pourrait être effectué au compte séquestre sans leur accord commun et exprès ; que force est de constater que M. [P] ne démontre pas l'existence d'une telle convention de séquestre passée avec la banque que celle-ci, qui le conteste, a qualifié d' "imaginaire" ; que si la banque, dans des courriers produits, a pu exprimer des interrogations à l'occasion de la notification des avis à tiers détenteurs au sujet du caractère ou non saisissable des sommes déposées, pour autant, à défaut d'une convention écrite dont il ressortirait que la somme de 114 336,76 euros ait été déposée sur un compte séquestre, aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de la banque, dépositaire d'un compte épargne, qui débite ce dernier de plusieurs avis à tiers détenteur notifiés à l'encontre du titulaire du compte ; qu'en conséquence M. [P] sera débouté de sa demande de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la BNP et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114 336,76 euros augmentée des intérêts conventionnels ;

ALORS QUE commet une faute la banque permettant l'usage d'une somme conventionnellement indisponible à une fin autre que celle prévue lors de son versement ; que la cour d'appel a constaté M. [P] avait adressé à la banque, « en vertu de la convention de séquestre ci-jointe » une somme de 114 336,76 euros, en lui demandant de placer celle-ci sur un compte « sûr », « non saisissable », seuls devant lui revenir les intérêts produits, ce dont résulte que la banque avait connaissance que les fonds eux-mêmes n'étaient pas la propriété de M. [P] ; qu'en retenant que la banque avait pu, sans faute de sa part, se dessaisir de ces fonds au profit de l'administration fiscale, émettrice d'un avis à tiers détenteur dirigé contre M. [P], la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en responsabilité pré-contractuelle engagée par M. [P] des chefs de manquement de la banque à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que, selon conclusions du 16 janvier 2017, M. [P] a pour la première fois fait grief à la banque d'un manquement à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde pour avoir omis de l'aviser du dépôt des fonds sur un compte épargne classique et non sur un compte séquestre insaisissable ; qu'aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable lors du dépôt des fonds, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivaient par dix ans ; qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, applicable au 19 juin 2008, "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer" ; que l'article 2222 du même code dispose quant à lui que "la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. " ; que le délai prévu par l'article L. 110-4 susvisé n'ayant pas été écoulé au 19 juin 2008, la prescription de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil se trouve dès lors applicable au litige, ce que les deux parties admettent ; qu'en application de l'article 2224 susvisé, le délai de prescription court "du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" ; qu'au regard de ces dispositions il est à constater qu'ainsi que précédemment exposé la banque a le 12 avril 2003 émis un premier relevé du compte revêtu de la mention "à compter du 1er mars 2003, le taux de rémunération applicable au compte épargne BNP Paribas est fixé à 2,05 % brut" ; que M. [P] était donc dès cette date informé de la nature du compte ouvert dans les livres de la banque SA BNP Paribas et à même de contester celle-ci ; qu'ainsi qu'exactement relevé par la banque, M. [P] a par ailleurs, les 12 décembre 2007 et 10 janvier 2008, fait l'objet de deux avis à tiers détenteur pour des montants de 4 203,90 € et 966,79 € dont le débit a été mentionné dans les extraits du compte en litige des années 2007 et 2008, l'intéressé ayant donc début janvier 2008 au plus tard eu connaissance des faits lui ayant permis l'exercice d'une action en responsabilité précontractuelle à l'encontre de la banque ; que la prescription s'étant donc en toute hypothèse trouvée acquise le 19 juin 2013, il y aura à nouveau lieu de confirmer sur ce point la décision déférée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'article L. 110-4 du code de commerce, qui est la disposition applicable, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ; que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde, serait-elle due, consiste en une perte de chance de ne pas contracter et se manifeste dès la conclusion de la convention ; que M. [P] a pu vérifier à réception du premier relevé de compte du 12 avril 2003 que celui-ci mentionnait un « Compte Epargne BNP Paribas » et qu'il ne correspondait pas, comme il l'explique dans ses écritures, aux termes des négociations entreprises avec la banque ; que, si la banque était susceptible d'avoir manqué aux obligations invoquées, un tel manquement s'est révélé à la réception du relevé fournissant au client toutes les informations sur la nature du compte de telle sorte que M. [P] pouvait savoir qu'il ne correspondait pas à l'évidence à un compte séquestre et qu'en l'état il était saisissable ; que c'est donc à compter du 12 avril 2003 que le demandeur pouvait vérifier si la banque avait ou non respecté les termes et conditions de la convention ; que le délai de 10 ans n'était pas écoulé le 19 juin 2008, date résultant de la réforme de la prescription résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; que si la loi a réduit la durée de la prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle (soit le 19 juin 2008), sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que, par l'effet de la même loi, le délai de prescription de l'article L. 110-4 a été réduit à 5 ans de telle sorte que le délai pour agir était écoulé à compter du 13 mai 2013 alors que la demande a été présentée le 16 janvier 2017 ; que l'action en responsabilité pré-contractuelle engagée par M. [P] de ce chef étant prescrite, il y a lieu de la déclarer irrecevable par application de l'article 122 du code de procédure civile ;

ALORS QUE l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre lorsque celles-ci, bien qu'ayant une cause distincte, tendent au seul et même but ; qu'en déclarant prescrite la demande indemnitaire portant sur la réparation des conséquences de l'exécution des avis à tiers détenteurs sur le compte de M. [P] en tant qu'elle était fondée sur la méconnaissance de l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde de la banque compte tenu de la date à laquelle elle a été invoquée pour la première fois dans l'instance ayant le même objet, la cour a violé l'article 2241 du code civil ;

2°- ALORS QUE le dommage résultant du manquement d'une banque à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde quant aux caractéristiques du contrat souscrit consiste en la perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, ce risque étant que le contrat n'offre pas les garanties attendues par le client ; que le délai de prescription de l'action en réparation de ce dommage ne commence à courir qu'à compter de la réalisation de ce risque ; qu'en jugeant que la prescription avait commencé à courir dès la notification du premier relevé de compte indiquant la nature du compte ouvert auprès de la BNP PARIBAS et non de la saisie des sommes que M. [P] avait entendu séquestrer sur ce compte, la cour a violé les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-11990
Date de la décision : 09/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 29 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 mar. 2022, pourvoi n°20-11990


Composition du Tribunal
Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.11990
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