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09/03/2022 | FRANCE | N°19-25795

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 mars 2022, 19-25795


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Rejet

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 163 F-B

Pourvoi n° F 19-25.795

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022

M. [H] [N], domi

cilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 19-25.795 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commercia...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Rejet

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 163 F-B

Pourvoi n° F 19-25.795

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022

M. [H] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 19-25.795 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Avicompost, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Groupe [S] La Corbière, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Hubbard, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société Hubbard holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Avicompost, Groupe [S] La Corbière, Hubbard et Hubbard holding ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [N], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des sociétés Avicompost, Groupe [S] La Corbière, Hubbard et Hubbard holding, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 27 juin 2018, pourvoi n°16-10.018), M. [N] a été révoqué en mai 2012 de ses fonctions de directeur général de la SAS Hubbard holding, de directeur général de la SAS Hubbard et de gérant de la SARL Avicompost.

2. Faisant valoir que ces révocations étaient intervenues sans juste motif et dans des conditions brutales et vexatoires, il a assigné ces sociétés en paiement de dommages-intérêts. Celles-ci, agissant reconventionnellement, et la SA Groupe [S] La Corbière, leur société mère, intervenant volontairement à l'instance, ont recherché la responsabilité de M. [N].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, et sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [N] fait grief à l'arrêt de juger que les modalités de révocation de son mandat de directeur général de la SAS Hubbard n'étaient pas fautives et n'engageaient pas sa responsabilité, et que sa révocation était donc régulière et n'était pas intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, et de le débouter, en conséquence, de l'ensemble de ses demandes contre la société Hubbard, alors « que les modalités de révocation d'un dirigeant d'une société par actions simplifiée sont en principe fixées librement par les statuts ; qu'en l'absence de mention statutaire dispensant la société de justifier d'un motif pour procéder à la révocation du dirigeant, la révocation ne peut intervenir que pour un juste motif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 18 des statuts de la SAS Hubbard stipulait que "les dirigeants sont révocables à tout moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité d'associés, par l'assemblée générale ordinaire des associés sur proposition du président" ; qu'en estimant que la révocation de M. [N] de la SAS Hubbard pouvait intervenir sans motif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 227-1, L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir exactement énoncé que les conditions dans lesquelles les dirigeants d'une société par actions simplifiée peuvent être révoqués de leurs fonctions sont, dans le silence de la loi, librement fixées par les statuts, qu'il s'agisse des causes de la révocation ou de ses modalités, l'arrêt constate que l'article 18 des statuts de la société Hubbard stipule que les autres dirigeants que le président « sont révocables à tout moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité d'associés, par l'assemblée générale ordinaire des associés sur proposition du président » et retient que, sauf à ajouter à l'article 18 précité, celui-ci ne conditionne nullement la révocation du dirigeant à l'existence de justes motifs.

6. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, c'est à bon droit que l'arrêt décide que la révocation de M. [N] en tant que directeur général de la société Hubbard pouvait intervenir sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un juste motif.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer aux sociétés Avicompost, Groupe [S] La Corbière, Hubbard holding et Hubbard la somme globale de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [N].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que les conditions et les modalités de révocation des mandats de directeur général de M. [N] dans les sociétés Hubbard Holding et Hubbard n'étaient pas fautives et n'engageaient pas leur responsabilité, d'AVOIR jugé que la révocation de M. [N] dans les sociétés Hubbard Holding et Hubbard était donc régulière et n'était pas intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, et d'AVOIR débouté en conséquence M. [N] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés Hubbard Holding et Hubbard.

AUX MOTIFS QUE « Les deux sociétés Hubbard sont des sociétés par actions simplifiées (SAS). Pour ce type de société, les conditions dans lesquelles les dirigeants d'une SAS peuvent être révoqués de leurs fonctions sont, dans le silence de la loi, librement fixés par les statuts, aussi bien sur les causes de la révocation que sur ses modalités. L'article 16 des statuts de la SAS Hubbard Holding stipule que "le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'un juste motif soit nécessaire, par décision du président. La révocation des fonctions de directeur n'ouvre droit à aucune indemnité." L'article 18 des statuts de la SAS Hubbard stipule, s'agissant des autres dirigeants que le président, que "les dirigeants sont révocables à tout moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité d'associés, par l'assemblée générale ordinaire des associés sur proposition du président." Contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur [N] et sauf à ajouter à l'article 18 précité, cette dernière disposition ne conditionne nullement la révocation du dirigeant à l'existence de justes motifs. Ainsi, pour ces deux sociétés, la révocation de Monsieur [N] en tant que directeur général pouvait intervenir à tout moment, sans préavis et sans qu'il ait été nécessaire de justifier de justes motifs. Toutefois, même dans cette hypothèse, le dirigeant d'une société par actions simplifiées peut réclamer l'indemnisation de son préjudice lorsqu'il est révoqué dans des circonstances brutales ou vexatoires, c'est à dire lorsque la révocation a été accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions qui portent atteinte à sa réputation ou à son honneur ou encore a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation et le principe de la contradiction. En l'espèce, Monsieur [N] soutient que sa révocation en tant directeur général de ces deux sociétés est fautive en ce qu'elle aurait été prononcée sans respecter le principe du contradictoire et les droits de la défense et aurait par ailleurs été vexatoire au regard des circonstances dans lesquelles elle serait intervenue. Monsieur [N] fait ainsi valoir que la décision de le révoquer lui aurait été verbalement annoncée lors de son entretien avec Monsieur [S] le 3 mai 2012 à 8h, sans que les raisons ne lui aient été communiquées et qu'il ait pu les discuter. Il prétend que les convocations qui ont suivi pour la réunion au cabinet des avocats desdites sociétés devant avoir lieu le 10 mai 2012 n'avaient pour but que de donner une régularité apparente à la décision ainsi prise, sans toutefois lui permettre de se défendre en l'absence de précision sur les motifs de sa révocation. Monsieur [N] dénonce enfin la rapidité de cette réunion du 10 mai 2012 qui n'aurait selon lui duré que 5 minutes sans discussion possible sur sa révocation et sans réelle délibération. Il est acquis aux débats que Monsieur [N] a été informé dès le 30 avril 2012 de la venue de Monsieur [S] le 3 mai sur le site, l'intéressé lui ayant indiqué par mail souhaiter revenir sur le point 'fondamental et maintes fois évoqué du management des équipes qui me préoccupe toujours'. Il est constant que le 3 mai à 8 heures, Monsieur [N] a eu un entretien avec Monsieur [S]. Il prétend avoir eu lors de cette entrevue la notification immédiate et orale de sa révocation, sans possibilité de la discuter, retranscrivant dans ses écritures les propos qui auraient été tenus dans son bureau. Toutefois, cette retranscription personnelle et contestée par les parties adverses, n'est corroborée par aucun pièce objective, en l'absence de témoin. Au contraire, l'exemplaire des convocations qui ont été adressées à Monsieur [N] ce même jour en vue d'une réunion le 10 mai 2012 à 17h conforte la thèse développée par les sociétés Hubbard qui affirment qu'à l'occasion de l'entretien du 3 mai, Monsieur [S] s'est contenté de l'informer de son intention de révoquer ses mandats. Dans la lettre d'accompagnement des trois convocations, Monsieur [S] informe en effet l'intéressé qu'il envisage de mettre fin à leur collaboration et que préalablement à toute décision définitive, il souhaite entendre ses observations avant la tenue des réunions ou assemblées générales des sociétés dans lesquelles il détient un mandat. Cette volonté a d'ailleurs été réitérée par Monsieur [S] dans un mail du 9 mai 2012. Il n'est donc pas démontré par Monsieur [N] que sa révocation est intervenue dès le 3 mai 2012. En outre, il ne peut soutenir qu'il ignorait l'objet de la réunion du 10 mai 2012 ou encore que son ordre du jour était imprécis. Il sera noté que dans un courrier adressé par mail le 8 mai 2012 en réponse aux convocations, Monsieur [N] a pu développer une argumentation pour contester la régularité de la procédure et les motifs de la révocation. Il a également confirmé sa présence à ladite réunion. Enfin, si Monsieur [N] conteste la durée et la teneur de la réunion du 10 mai 2012, il admet cependant y avoir assisté même quelques minutes, en présence de Monsieur [S] et de ses avocats, et confirme la teneur du document par lequel il a contesté les motifs de sa révocation la considérant 'brutale et vexatoire', document qu'il reconnaît avoir donné le jour de cette entrevue pour être joint au procès-verbal de cette réunion. Il a ainsi exprimé par écrit ses critiques à l'égard de la procédure adoptée, qualifiant la réunion de mascarade, sa révocation ayant été selon lui décidée le 3 mai. Il ne peut être reproché aux sociétés prises en la personne de leur président, d'avoir fait part à Monsieur [N] de leur intention de révoquer ses mandats ou encore comme il le qualifie lui-même 'd'avoir prémédité' cette révocation, leur seule obligation étant de permettre à l'intéressé de faire valoir ses observations sur les motifs invoqués avant que la décision définitive ne soit prise. Or, il résulte de ce qui précède que Monsieur [N] a pu régulièrement faire valoir ses observations notamment par écrit sur la procédure de révocation dont il a été informé dès le 3 mai 2012, la décision définitive n'étant intervenue, en l'absence de preuve contraire, que le 10 mai 2012 après une ultime réunion avec le président des deux SAS. A travers le document écrit déposé lors de celle-ci, il a admis connaître les motifs de la révocation puisqu'il dit les contester. Il sera d'ailleurs observé que dans aucun des mails ou écrit précités, il n'oppose le fait qu'il ignore les griefs qui sont invoqués à l'appui sa révocation. Les sociétés Hubbard apportent ainsi la preuve suffisante que le principe de loyauté et de la contradiction ont été respectés. Par ailleurs, le projet de compte rendu de la séance extraordinaire du comité d'entreprise de la SAS Hubbard qui s'est tenue en urgence le 3 mai 2012, ne suffit pas à établir le caractère brutal et vexatoire de cette révocation. En effet, ce comité d'entreprise s'est tenu après que Monsieur [N] ait été le premier informé par le président des sociétés Hubbard de son intention de révoquer ses mandats. Il est relaté dans ce projet de compte rendu que Monsieur [N] a informé les membres du Comité d'entreprise qu'il 'a demandé à [H] [N], directeur général, de quitter l'entreprise ce matin'. Contrairement à ce que soutient Monsieur [N], cette phrase qui n'est que le résumé par la secrétaire de séance des propos tenus par Monsieur [S], peut avoir un double sens, la procédure de révocation a été initiée ce matin, ou Monsieur [N] a été congédié dès ce matin. Il ne se déduit pas de cette seule phrase que Monsieur [N] a été congédié définitivement sur le champ. Les sociétés Hubbard font par ailleurs à juste titre valoir en se référant à un litige ayant opposé Monsieur [N] à son précédent employeur dans le cadre duquel Monsieur [N] a été condamné pour avoir détruit l'ensemble des données sur son poste informatique, qu'en tant que président, Monsieur [S] était au surplus en droit de prendre des mesures conservatoires et de demander à Monsieur [N] de quitter l'entreprise dans l'attente de l'issue de la procédure de révocation et d'en informer le comité d'entreprise. Le fait que Monsieur [S] ait par ailleurs pris ses dispositions pour désigner très rapidement le futur directeur général et en faire l'annonce au comité d'entreprise qui s'est tenu le 3 mai 2012 ne suffit pas à établir le caractère brutal ou vexatoire de la révocation, de telles dispositions obéissant à la nécessité pour le chef d'entreprise d'anticiper les mesures à prendre pour assurer la continuité de ses services. Comme le font observer les sociétés Hubbard, cette nomination est d'ailleurs annoncée comme à venir et non immédiate 'le nouveau directeur général... sera [O] [M]...', le fait que l'intéressé rejoigne le site le jour même pour assurer la transition obéissant à des contraintes de gestion légitimes. Ces annonces faites lors du comité d'entreprise ne peuvent dès lors suffire à caractériser une révocation brutale et vexatoire des mandats de Monsieur [N], étant observé qu'il n'est pas prétendu par Monsieur [N] que Monsieur [S] aurait tenu devant les membres du comité d'entreprise des propos injurieux et vexatoires à son endroit pour expliquer son intention de le révoquer, les motifs invoqués étant 'un désaccord existant sur son type de management'. Au vu de ce qui précède, Monsieur [N] échoue ainsi à rapporter la preuve du caractère brutal ou vexatoire de la révocation de son mandat de directeur général au sein des sociétés Hubbard. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « dans une société par actions simplifiées, forme juridique des sociétés HUBBARD SAS et HUBBARD HOLDING SAS, les conditions de révocation d'un directeur général sont librement fixées par les statuts, tant en ce qui concerne les causes, que des modalités, ATTENDU que dans les statuts d'Hubbard Sas, il est prévu à l'article 18 que « les dirigeants sont révocables à tout moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité d'associés, par l'Assemblée Générale Ordinaire des associés sur la proposition du président », ATTENDU que l'article 18 précité est la reproduction littérale de l'alinéa 3 de l'article l225-47 du Code de commerce, relatif à la révocation du président du conseil d'administration des sociétés anonymes, qui stipule de la même manière que « Le conseil d'administration peut le révoquer à tout moment. », ATTENDU que cette disposition signifie clairement que le Directeur Général d'HUBBARD SAS peut être révoqué à tout moment et sans préavis, ATTENDU que cette révocation « à tout moment » dispense que soit recherchée l'existence d'un juste motif, ATTENDU que l'article 18 des statuts de la SAS HUBBARD, sur la révocation du Directeur Général, reprend littéralement les mêmes dispositions que celles applicables au Président de Conseil d'Administration, lequel est révocable ad nutum, ATTENDU que les dirigeants de la SAS HUBBARD sont donc bien révocables ad nutum, c'est-à-dire sans motif, de la même manière qu'un Président de Conseil d'Administration, ATTENDU que l'article 16 des statuts d'HUBBARD HOLDING SAS prévoit : « Le Directeur Générai peut être révoqué à tout moment et sans qu'un juste motif soit nécessaire, par décision du Président. La révocation des fonctions de Directeur Général n'ouvre droit à aucune indemnité. », ATTENDU que Monsieur [H] [N], dans la structure d'HUBBARD HOLDING SAS, peut être révoqué de son mandat de Directeur Général ad nutum, c'est-à-dire à tout moment et sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un juste motif, ATTENDU qu'il est constant que la révocation du dirigeant, qu'elle ait ou non à être motivée, ne doit pas intervenir dans des conditions brutales, injurieuses ou vexatoires pour le dirigeant concerné et qu'une procédure doit être respectée, ATTENDU toutefois qu'au cours de la réunion du 3 mai 2012, Monsieur [S] informe Monsieur [N], son Directeur Général, de sa décision d'engager une procédure de révocation, et le convoque par courrier du même jour à une réunion fixée le 10 mai 2012, ATTENDU qu'il ne peut pas être reproché aux sociétés défenderesses l'interprétation des faits par Monsieur [N], ATTENDU que le formalisme de révocation concernant Monsieur [N] est respecté au travers les convocations et la réunion organisée le 10 mai 2012, ATTENDU que la décision de révocation de Monsieur [H] [N] est prise au terme d'une procédure ayant laissé à l'intéressé toute latitude pour faire valoir ses observations et qu'il cannait parfaitement les griefs adressés par son Président liés au mode de management des cadres dirigeants d'HUBBARD, ATTENDU que la réunion du 10 mai 2012 est spécialement organisée pour permettre à Monsieur [H] [N] de s'exprimer sur la mesure de révocation envisagée, ce que Monsieur [S] en ces termes « Préalablement à toute décision définitive, je souhaite cependant que tu puisses faire valoir toutes observations que tu jugeras utiles », ATTENDU que la révocation de Monsieur [H] [N] est le résultat d'une perte de confiance progressive dans la capacité de ce dernier à se conformer à la politique du GROUPE [S] en matière de gestion de ses collaborateurs directs, ATTENDU qu'en refusant de modifier son comportement comme il lui est demandé à de multiples reprises, Monsieur [H] [N] se place lui-même en opposition frontale avec son Président et avec la politique de management du Groupe, ATTENDU que le départ précipité de Monsieur [N] le 3 mai 2012 est le propre fait de l'intéressé, en réaction brutale à l'annonce qui lui est faite de l'engagement d'une procédure de révocation à son encontre, ATTENDU que Monsieur [H] [N] n'a jamais été empêché de reprendre ses affaires personnelles, ni à l'issue de la réunion du 3 mai 2012, ni à un quelconque autre moment par la suite, ATTENDU que le seul objet que Monsieur [E] [S] demande à Monsieur [N] de laisser sur place est l'ordinateur portable, qui n'est pas un objet « personnel » mais un bien appartenant à l'entreprise, En conséquence, le Tribunal : DIRA ET JUGERA que les conditions et les modalités de révocation des mandats de Directeur Général de Monsieur [H] [N] dans les sociétés HUBBARD HOLDING SAS et HUBBARD SAS ne sont pas fautives et n'engagent pas leur responsabilité, DIRA ET JUGERA que la révocation de Monsieur [H] [N] dans les sociétés HUBBARD HOLDING SAS et HUBBARD SAS est donc régulière, et qu'elle n'est pas intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, DEBOUTERA, en conséquence, Monsieur [H] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés HUBBARD HOLDING SAS et HUBBARD SAS » ;

1) ALORS QUE les modalités de révocation d'un dirigeant d'une société par actions simplifiée sont en principe fixées librement par les statuts ; qu'en l'absence de mention statutaire dispensant la société de justifier d'un motif pour procéder à la révocation du dirigeant, la révocation ne peut intervenir que pour un juste motif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 18 des statuts de la SAS Hubbard stipulait que « les dirigeants sont révocables à tout moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité d'associés, par l'assemblée générale ordinaire des associés sur proposition du président » ; qu'en estimant que la révocation de M. [N] de la SAS Hubbard pouvait intervenir sans motif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L.227-1, L.227-5 et L.227-6 du code de commerce.

2) ALORS QU'est abusive la révocation d'un mandataire social décidée sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation, laquelle impose de faire état du véritable motif de la rupture ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si, comme cela était soutenu par l'exposant (cf. ses conclusions pages 55 et suivantes), le véritable motif de la révocation de M. [N] n'était pas son refus de cautionner la création et les modalités de fonctionnement de la société Novogen, et si les sociétés Hubbard holding et Hubbard n'avaient pas manqué à leur obligation de loyauté en invoquant un autre motif de rupture pour masquer ce motif réel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

3) ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le compte-rendu de la séance extraordinaire du comité d'entreprise de la société Hubbard du 3 mai 2012 (cf. production n°6), produit aux débats d'appel, mentionnait que « [E] [S] a demandé à [H] [N], directeur général, de quitter l'entreprise ce matin », indiquait à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'une « décision », et désignait son remplaçant au futur de l'indicatif en précisant que celui-ci allait arriver le jour même pour pouvoir ensuite se présenter dans les prochains jours sur les différents sites de l'entreprise ; qu'en affirmant néanmoins que cette phrase pouvait avoir un double sens, dont signifier simplement que la procédure de révocation avait été initiée, et ne signifiait pas que M. [N] avait été congédié définitivement, la cour d'appel a dénaturé ce document, en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

4) ALORS QUE le juge doit exposer l'origine de ses constatations, en précisant, même succinctement, sur quel élément de preuve il se fonde ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer, par motifs adoptés, que M. [N] se serait placé lui-même en opposition frontale avec son président et que son départ précipité le 3 mai 2012 serait de son propre fait, sans préciser, même succinctement, sur quel élément de preuve elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la révocation de M. [N] dans la société Avicompost n'était pas intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, par conséquent d'AVOIR limité la condamnation de la société Avicompost à payer à M. [N] la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice moral, et d'AVOIR débouté M. [N] du surplus de ses demandes à l'encontre de la société Avicompost.

AUX MOTIFS QUE « Pour les motifs déjà retenus concernant les deux sociétés Hubbard, le caractère vexatoire et brutal de la révocation du mandat de gérant de Monsieur [N] de la SARL Avicompost n'est pas établi. En effet, cette révocation a suivi la même chronologie, étant même observé que les motifs de la révocation envisagée ont été précisés sur la convocation adressée à l'intéressé en vue de la réunion du 10 mai 2012 en ces termes : "cette mesure m'apparaît la seule issue possible. Elle résulte des tensions qui se sont cristallisées du fait des difficultés de plus en plus vives en matière de management des équipes, divergeant trop profondément avec la politique du groupe dans ce domaine". Monsieur [N] en était donc parfaitement informé avant l'entrevue du 10 mai 2012 et a pu faire valoir ses observations comme cela a déjà précédemment été rappelé » ;

ET QUE « Il est acquis aux débats que Monsieur [N] a été informé dès le 30 avril 2012 de la venue de Monsieur [S] le 3 mai sur le site, l'intéressé lui ayant indiqué par mail souhaiter revenir sur le point 'fondamental et maintes fois évoqué du management des équipes qui me préoccupe toujours'. Il est constant que le 3 mai à 8 heures, Monsieur [N] a eu un entretien avec Monsieur [S]. Il prétend avoir eu lors de cette entrevue la notification immédiate et orale de sa révocation, sans possibilité de la discuter, retranscrivant dans ses écritures les propos qui auraient été tenus dans son bureau. Toutefois, cette retranscription personnelle et contestée par les parties adverses, n'est corroborée par aucun pièce objective, en l'absence de témoin. Au contraire, l'exemplaire des convocations qui ont été adressées à Monsieur [N] ce même jour en vue d'une réunion le 10 mai 2012 à 17h conforte la thèse développée par les sociétés Hubbard qui affirment qu'à l'occasion de l'entretien du 3 mai, Monsieur [S] s'est contenté de l'informer de son intention de révoquer ses mandats. Dans la lettre d'accompagnement des trois convocations, Monsieur [S] informe en effet l'intéressé qu'il envisage de mettre fin à leur collaboration et que préalablement à toute décision définitive, il souhaite entendre ses observations avant la tenue des réunions ou assemblées générales des sociétés dans lesquelles il détient un mandat. Cette volonté a d'ailleurs été réitérée par Monsieur [S] dans un mail du 9 mai 2012. Il n'est donc pas démontré par Monsieur [N] que sa révocation est intervenue dès le 3 mai 2012. En outre, il ne peut soutenir qu'il ignorait l'objet de la réunion du 10 mai 2012 ou encore que son ordre du jour était imprécis. Il sera noté que dans un courrier adressé par mail le 8 mai 2012 en réponse aux convocations, Monsieur [N] a pu développer une argumentation pour contester la régularité de la procédure et les motifs de la révocation. Il a également confirmé sa présence à ladite réunion. Enfin, si Monsieur [N] conteste la durée et la teneur de la réunion du 10 mai 2012, il admet cependant y avoir assisté même quelques minutes, en présence de Monsieur [S] et de ses avocats, et confirme la teneur du document par lequel il a contesté les motifs de sa révocation la considérant 'brutale et vexatoire', document qu'il reconnaît avoir donné le jour de cette entrevue pour être joint au procès-verbal de cette réunion. Il a ainsi exprimé par écrit ses critiques à l'égard de la procédure adoptée, qualifiant la réunion de mascarade, sa révocation ayant été selon lui décidée le 3 mai. Il ne peut être reproché aux sociétés prises en la personne de leur président, d'avoir fait part à Monsieur [N] de leur intention de révoquer ses mandats ou encore comme il le qualifie lui-même 'd'avoir prémédité' cette révocation, leur seule obligation étant de permettre à l'intéressé de faire valoir ses observations sur les motifs invoqués avant que la décision définitive ne soit prise. Or, il résulte de ce qui précède que Monsieur [N] a pu régulièrement faire valoir ses observations notamment par écrit sur la procédure de révocation dont il a été informé dès le 3 mai 2012, la décision définitive n'étant intervenue, en l'absence de preuve contraire, que le 10 mai 2012 après une ultime réunion avec le président des deux SAS. A travers le document écrit déposé lors de celle-ci, il a admis connaître les motifs de la révocation puisqu'il dit les contester. Il sera d'ailleurs observé que dans aucun des mails ou écrit précités, il n'oppose le fait qu'il ignore les griefs qui sont invoqués à l'appui sa révocation. Les sociétés Hubbard apportent ainsi la preuve suffisante que le principe de loyauté et de la contradiction ont été respectés. Par ailleurs, le projet de compte rendu de la séance extraordinaire du comité d'entreprise de la SAS Hubbard qui s'est tenue en urgence le 3 mai 2012, ne suffit pas à établir le caractère brutal et vexatoire de cette révocation. En effet, ce comité d'entreprise s'est tenu après que Monsieur [N] ait été le premier informé par le président des sociétés Hubbard de son intention de révoquer ses mandats. Il est relaté dans ce projet de compte rendu que Monsieur [N] a informé les membres du Comité d'entreprise qu'il 'a demandé à [H] [N], directeur général, de quitter l'entreprise ce matin'. Contrairement à ce que soutient Monsieur [N], cette phrase qui n'est que le résumé par la secrétaire de séance des propos tenus par Monsieur [S], peut avoir un double sens, la procédure de révocation a été initiée ce matin, ou Monsieur [N] a été congédié dès ce matin. Il ne se déduit pas de cette seule phrase que Monsieur [N] a été congédié définitivement sur le champ. Les sociétés Hubbard font par ailleurs à juste titre valoir en se référant à un litige ayant opposé Monsieur [N] à son précédent employeur dans le cadre duquel Monsieur [N] a été condamné pour avoir détruit l'ensemble des données sur son poste informatique, qu'en tant que président, Monsieur [S] était au surplus en droit de prendre des mesures conservatoires et de demander à Monsieur [N] de quitter l'entreprise dans l'attente de l'issue de la procédure de révocation et d'en informer le comité d'entreprise. Le fait que Monsieur [S] ait par ailleurs pris ses dispositions pour désigner très rapidement le futur directeur général et en faire l'annonce au comité d'entreprise qui s'est tenu le 3 mai 2012 ne suffit pas à établir le caractère brutal ou vexatoire de la révocation, de telles dispositions obéissant à la nécessité pour le chef d'entreprise d'anticiper les mesures à prendre pour assurer la continuité de ses services. Comme le font observer les sociétés Hubbard, cette nomination est d'ailleurs annoncée comme à venir et non immédiate 'le nouveau directeur général... sera [O] [M]...', le fait que l'intéressé rejoigne le site le jour même pour assurer la transition obéissant à des contraintes de gestion légitimes. Ces annonces faites lors du comité d'entreprise ne peuvent dès lors suffire à caractériser une révocation brutale et vexatoire des mandats de Monsieur [N], étant observé qu'il n'est pas prétendu par Monsieur [N] que Monsieur [S] aurait tenu devant les membres du comité d'entreprise des propos injurieux et vexatoires à son endroit pour expliquer son intention de le révoquer, les motifs invoqués étant 'un désaccord existant sur son type de management' » ;

1) ALORS QU'est abusive la révocation d'un mandataire social décidée sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation, laquelle impose de faire état du véritable motif de la rupture ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si, comme cela était soutenu par l'exposant (cf. ses conclusions pages 55 et suivantes), le véritable motif de la révocation de M. [N] n'était pas son refus de cautionner la création et les modalités de fonctionnement de la société Novogen, et si la société Avicompost n'avait pas manqué à son obligation de loyauté en invoquant un autre motif de rupture pour masquer ce motif réel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

2) ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le compte-rendu de la séance extraordinaire du comité d'entreprise de la société Hubbard du 3 mai 2012 (cf. production n°6), produit aux débats d'appel, mentionnait que « [E] [S] a demandé à [H] [N], directeur général, de quitter l'entreprise ce matin », indiquait à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'une « décision », et désignait son remplaçant au futur de l'indicatif en précisant que celui-ci allait arriver le jour même pour pouvoir ensuite se présenter dans les prochains jours sur les différents sites de l'entreprise ; qu'en affirmant néanmoins que cette phrase pouvait avoir un double sens, dont signifier simplement que la procédure de révocation avait été initiée, et ne signifiait pas que M. [N] avait été congédié définitivement, la cour d'appel a dénaturé ce document, en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

3) ALORS QUE le juge doit exposer l'origine de ses constatations, en précisant, même succinctement, sur quel élément de preuve il se fonde ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer, par motifs adoptés, que M. [N] se serait placé lui-même en opposition frontale avec son président et que son départ précipité le 3 mai 2012 serait de son propre fait, sans préciser, même succinctement, sur quel élément de preuve elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la société Avicompost à payer à M. [N] la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice moral, et d'AVOIR débouté M. [N] du surplus de ses demandes à l'encontre de la société Avicompost.

AUX MOTIFS QUE « Au vu de ce qui précède, aucun manquement ou irrégularité n'ayant été retenu concernant la révocation des fonctions de Monsieur [N] en tant que directeur général des sociétés Hubbard, seule sa révocation en tant que gérant de la SARL Avicompost peut fonder sa demande indemnitaire, à la condition toutefois qu'il établisse la réalité de son préjudice. A ce titre, Monsieur [N] invoque à la fois un préjudice moral et un préjudice financier au titre desquels il sollicite une somme globale de 1 500 000 euros de dommages et intérêts. Il se déduit du fait qu'il indique ne pas réclamer réparation d'un préjudice financier pour sa révocation des sociétés Hubbard que ce préjudice résulterait de la révocation de son mandat de gérant de la SARL. Monsieur [N] invoque à ce titre une perte de rémunération. Il sera cependant relevé que Monsieur [N] ne produit aucune pièce pour démontrer l'existence de ce préjudice, ne justifiant ni de l'évolution de sa situation professionnelle depuis la révocation litigieuse, ni de la durée pendant laquelle il n'aurait plus perçu de rémunération, étant observé par ailleurs que la SARL Avicompost affirme pour sa part, sans être contestée sur ce point par l'intéressé qu'il ne percevait aucune rémunération au titre de son mandat de gérant, étant payé au niveau de la SAS Hubbard Holding pour ses fonctions de directeur général de l'ensemble du groupe ainsi que cela résulte d'ailleurs de la convention d'animation d'Avicompost versée aux débats par la SARL Avicompost. La demande indemnitaire de Monsieur [N] en réparation de son préjudice financier ne pourra dès lors qu'être rejetée. S'agissant de son préjudice moral, Monsieur [N] prétend que la SARL Avicompost avait une importance stratégique pour les autres sociétés du groupe puisqu'elle assurait les plans d'épandage. Il soutient qu'en raison de cette activité, il endossait une responsabilité, notamment pénale, importante et qu'au regard de ses compétences, de ses responsabilités et de sa contribution considérable au développement du groupe [S], il est bien fondé à solliciter réparation de son préjudice moral, faisant également valoir que sa nomination au sein du groupe a imposé à sa famille de déménager de [Localité 6] à [Localité 7] et que les circonstances dans lesquelles est intervenue sa révocation ont inévitablement entaché sa réputation vis à vis des investisseurs financiers et des milieux d'affaires qu'il côtoyait. Si l'absence de juste motif à sa révocation en tant que gérant de la SARL Avicompost, au regard des raisons alléguées par celle-ci, a nécessairement généré pour Monsieur [N] un préjudice moral, fût-il de principe, les arguments développés par ce dernier ne peuvent en revanche être retenus pour asseoir son indemnisation. En effet, quoique l'activité de la SARL Avicompost soit stratégique pour l'ensemble du groupe, Monsieur [N] ne peut soutenir qu'il a accepté ces responsabilités et obligé sa famille à le rejoindre sur [Localité 7] pour ce seul mandat de gérant de la SARL dont il aurait injustement été écarté. Compte tenu de ses responsabilités au sein du groupe [S], sa décision était à l'évidence principalement et légitimement guidée par l'opportunité qui lui a été proposée d'exercer d'importantes responsabilités au sein des sociétés Hubbard en tant que directeur général. Son départ de la SARL n'a eu qu'un retentissement personnel limité, la majorité des arguments développés concernant principalement sa révocation des sociétés Hubbard. En outre, en l'absence d'information concernant l'évolution de sa situation personnelle, familiale et professionnelle, Monsieur [N] ne démontre pas que la révocation de son mandat de gérant de la SARL Avicompost ait eu des répercutions sur sa réputation dans le milieu d'affaires qu'il fréquente ou sur sa vie familiale, étant observé au contraire qu'il produit de nombreux écrits de partenaires ou anciens collaborateurs lui ayant alors apporté leur soutien. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient dès lors de réparer son préjudice moral, acquis en son principe en raison de la faute commise par la SARL Avicompost, en condamnant la SARL Avicompost à payer à Monsieur [N] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts » ;

ALORS QUE le juge qui retient qu'un gérant de SARL a été révoqué sans juste motif doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande indemnitaire de M. [N] en réparation de son préjudice financier résultant de la révocation de son mandat de gérant de la SARL Avicompost, la cour d'appel a retenu qu'il ne percevait aucune rémunération au titre de ce mandat, étant payé au niveau de la SAS Hubbard Holding pour ses fonctions de directeur général de l'ensemble du groupe; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que M. [N] était rémunéré certes au niveau de la SAS Hubbard Holding mais pour ses fonctions de dirigeant de l'ensemble du groupe, dont faisait partie la SARL Avicompost, et ce faisant a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour les sociétés Avicompost, Groupe [S] La Corbière, Hubbard et Hubbard holding.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que la révocation du mandat de monsieur [N] en tant que gérant de la SARL Avicompost était fautive à défaut de justes motifs et d'avoir condamné en conséquence la SARL Avicompost à payer à monsieur [N] la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Aux motifs que force est de constater que la SARL Avicompost ne produit aucune pièce établissant la justesse des motifs allégués ; que si le juge n'a pas à apprécier la pertinence des motifs ayant conduit à la révocation d'un dirigeant d'une SAS, en l'absence d'exigence en ce sens des statuts de la société, tel n'est pas le cas pour la révocation du gérant d'une SARL conformément aux dispositions de l'article L. 223-25, alinéa 1er du code de commerce et de l'article 16 des statuts de la société, l'absence de justes motifs pouvant justifier une indemnisation ; qu'il résulte des comptes rendus d'entretien entre monsieur [N] et monsieur [S] établis au cours des mois précédents dans le cadre du suivi des plans d'actions, qu'il a été demandé à plusieurs reprises à monsieur [N] de travailler ses axes de management des équipes ; que ce fut notamment le cas le 21 janvier 2011, le 18 février 2011, le 3 mai 2011, le 5 mars 2012 où il a régulièrement été incité à positiver les équipes, à entretenir des relations de confiance, "les inspirer" ; que s'il est ainsi établi que monsieur [N] avait des objectifs à atteindre dans le cadre de sa mission managériale au sein du groupe [S], aucun de ces documents ne fait mention de réelles critiques ou d'avertissement à l'égard de l'intéressé concernant sa gestion des ressources humaines au sein des sociétés Hubbard mais surtout dans la SARL Avicompost ; qu'en effet, les seules références à la SARL Avicompost dans ces comptes rendus concernaient jusqu'en 2012 la fusion avec Hubbard et en 2012 l'application de normes techniques ; que la SARL Avicompost échoue ainsi à établir la justesse des motifs invoqués pour la révocation du mandat de gérant de monsieur [N] dont le caractère fautif doit ainsi être retenu » (arrêt attaqué, p. 11, pénult. § à p. 12, § 2) ;

Alors que, lorsqu'un dirigeant est révoqué de différentes fonctions exercées au sein de plusieurs sociétés d'un même groupe, la révocation peut reposer sur un juste motif apprécié au niveau du groupe, et non seulement au niveau de chaque société prise isolément ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la SARL Avicompost, dont monsieur [N] était le gérant, faisait partie du même groupe que les SAS Hubbard holding et Hubbard, dont il était le directeur général, que monsieur [N] ne percevait aucune rémunération au titre de ses fonctions de gérant de la SARL Avicompost mais était rémunéré « au niveau de la SAS Hubbard holding pour ses fonctions de directeur général de l'ensemble du groupe », et qu'il avait été révoqué de ses fonctions de gérant de la SARL Avicompost en même temps que de ses fonctions de directeur général des SAS Hubbard holding et Hubbard ; que la cour d'appel, après avoir jugé non fautive la révocation de monsieur [N] de ses fonctions de directeur général des SAS Hubbard holding et Hubbard, a en revanche considéré que l'existence d'un juste motif de révocation de ses fonctions de gérant de la SARL Avicompost n'était pas établie, dans la mesure où les pièces produites pour démontrer les insuffisances de monsieur [N] dans la gestion des ressources humaines ne faisaient pas spécialement mention de la SARL Avicompost ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des sociétés Hubbard holding, Hubbard, Avicompost et Groupe [S] La Corbière (p. 32, § 9 à p. 33, § 1), s'il existait une interdépendance entre les fonctions de directeur général des SAS Hubbard holding et Hubbard et celles de gérant de la SARL Avicompost, et s'il ne fallait pas en conséquence se placer au niveau du groupe pour apprécier l'existence d'un juste motif de révocation des fonctions de gérant de la SARL Avicompost, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-25795
Date de la décision : 09/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE - Direction - Cessation des fonctions - Révocation - Conditions - Absence de dispositions statutaires - Justes motifs - Nécessité (non)

Ayant exactement énoncé que les conditions dans lesquelles les dirigeants d'une société par actions simplifiée peuvent être révoqués de leurs fonctions sont, dans le silence de la loi, librement fixées par les statuts, qu'il s'agisse des causes de la révocation ou de ses modalités, c'est à bon droit qu'une cour d'appel a retenu que le directeur général d'une société par actions simplifiée pouvait être révoqué sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un juste motif, dès lors que les statuts ne subordonnaient pas la révocation du dirigeant à une telle condition


Références :

Articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016

articles L. 227-1, L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 17 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 mar. 2022, pourvoi n°19-25795, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.25795
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