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09/03/2022 | FRANCE | N°19-21827

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 mars 2022, 19-21827


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 212 F-D

Pourvoi n° T 19-21.827

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022

Mme [D] [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-21.

827 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre B), dans le litige l'opposant à la société Arterris, s...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 212 F-D

Pourvoi n° T 19-21.827

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022

Mme [D] [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-21.827 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre B), dans le litige l'opposant à la société Arterris, société coopérative agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [Z], de la SCP Boullez, avocat de la société Arterris, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 juillet 2019), Mme [Z] a adhéré le 3 mai 2005 à la société coopérative agricole Audecoop, aux droits de laquelle vient la société coopérative agricole Arterris (la SCA), au sein de laquelle l'adhérente détenait un compte courant d'associé.

2. Soutenant que ce compte était débiteur, la SCA a déposé une requête en injonction de payer à l'encontre de Mme [Z]. Celle-ci a formé opposition contre l'ordonnance qui a accueilli cette requête.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

3. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SCA la somme de 29 094,02 euros, avec intérêts de droit depuis le 21 octobre 2013 et capitalisation des intérêts, alors « que la preuve d'une créance de solde débiteur de compte courant ne peut résulter de la production des relevés du compte que si ceux-ci sont produits dans leur totalité ; que, pour condamner Mme [Z] au paiement du solde débiteur du compte courant, la cour d'appel s'est contentée de relever qu'étaient produits les relevés de compte des 31 octobre 2009, 30 novembre 2009, 31 décembre 2009, janvier 2010, 28 février 2010 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que l'ensemble des relevés de compte permettant de reconstituer le solde débiteur du compte courant ouvert dans les comptes de la société Arterris étaient produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

4. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

5. Pour condamner Mme [Z] à payer à la SCA Arterris une somme au titre du solde débiteur de son compte courant d'associé arrêté au 30 juin 2013, après avoir relevé que la SCA produisait l'intégralité du compte tiers du 30 juin 2006 au 30 juin 2013 et les relevés de compte courant arrêtés aux 31 octobre 2009, 30 novembre 2009, 31 décembre 2009, 31 janvier 2010 et 28 février 2010, l'arrêt retient que la créance est suffisamment démontrée dès lors que l'envoi des relevés de compte n'a pas fait l'objet de réserves ou de protestation de la part de Mme [Z].

6. En se déterminant ainsi, sans constater que la SCA Arterris avait produit aux débats, pour la période litigieuse, l'ensemble des relevés de compte courant adressés à Mme [Z], permettant de reconstituer l'historique du solde débiteur et seuls opposables à l'intéressée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;

Condamne la société coopérative agricole Arterris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société coopérative agricole Arterris et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme [Z].

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [Z].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme [Z] à payer à la société Arterris la somme de 29 094,02 euros, avec intérêts de droit depuis le 21 octobre 2013 et capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année à compter de la première demande en ce sens ;

Aux motifs que : « Attendu que Madame [Z] a assigné un bulletin d'adhésion et d'engagement en qualité d'associés coopérateurs avec la société coopérative AUDECOOP, en date du 3 mai 2005, selon la pièce numéro 1 de la société ARTERRIS ;

Attendu que le même jour, elle a signé avec AUDECOOP une convention de compte-courant, dont le fonctionnement devait être régi selon les modalités et conditions fixées par l'article 7 des statuts et l'article 2 du règlement intérieur ;

Attendu qu'en pièce 19, le règlement intérieur d'audecoop est versé au débat, dont il résulte dans son article 4 du titre 2 qui traite des relations avec l'adhérent :

« l'ouverture d'un compte courant nécessite la signature d'une convention entre la société et les adhérents intéressés. Les comptes courants enregistrent toutes les écritures de débit et de crédit résultant des opérations faites par les agriculteurs au regard de l'objet social de la coopérative : livraisons et achats effectués par les adhérents. Le fonctionnement du compte-courant obéit aux règles suivantes : existence de versement ou remise de la part de chacune des parties ; réciprocité et enchevêtrement de ces remises; généralités des remises ;

cela implique que les dettes et créances s'annulent respectivement à concurrence des remises réciproques ; que ce compte a vocation à devenir pour l'une des partis créditeur ou débiteur et réciproquement ; enfin, que toutes les sommes résultant des apports de produits et des achats d'approvisionnement et, le cas échéant, tout autres sommes liées directement à l'activité sociale de la coopérative, soient inscrites à ce compte en crédit ou en débit. Seul le solde résultant de la compensation sera exigible' le solde débiteur du compte lors de l'arrêté mensuel peut, après mise en demeure de payer, être mis en recouvrement par la coopérative ;

Le compte-courant fait l'objet d'un arrêté de compte mensuel établi fin de mois. Un relevé de compte courant est adressé à l'associé coopérateur dans un délai de 10 jours de la date d'arrêté mensuel pour lui permettre de contrôler les opérations portées aux comptes » ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que depuis décembre 2008, une fusion-absorption a eu lieu au bénéfice d'une société coopérative GCO, groupe coopératif occitan, qui a la même personnalité qu'ARTERRIS , nouvelle dénomination ;

Attendu Qu'ARTERRIS vient aux obligations mais aussi aux droits d'AUDECCOP, et a recueilli le bulletin d'adhésion et la convention de compte-courant de Madame [Z] , à qui elle peut opposer en toute hypothèse le règlement intérieur d'AUDECOOP, mais aussi son propre règlement intérieur et les décisions de son conseil d'administration, puisqu'elle est adhérente depuis la fusion-absorption ;

Attendu qu'en réalité, toute la discussion sur l'opposabilité du règlement intérieur d'ARTERRIS est sans emport référence faite au débat soumis à la cour, puisque le règlement intérieur d'Arterris concernant le fonctionnement du compte-courant (pièce 17, assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2015) pose les mêmes principes, et favorise même l'adhérent, puisque l'inscription d'une somme au compte vaut juridiquement paiement ;

Attendu que la cour relève à cet égard que les nombreux crédits, parfois importants, bénéficiant à l'adhérente dans l'extrait de compte tiers versé au débat en pièce numéro 9, ne sont nullement contestés, l'adhérente acceptant le principe du fonctionnement d'un compte courant lorsqu'il la crédite, mais exigeant les factures et bons de commande ou de livraison lorsqu'elle est débitée ;

Attendu qu'en réalité, et dans ce canevas juridique où la coopérative réclame le solde débiteur d'un compte-courant, dont le principe et le fonctionnement ont été acceptés, la seule question juridique qui demeure est celle de l'absence de protestation au vu des relevés de compte dont la coopérative affirme qu'ils ont été adressés à l'intéressée ;

Attendu qu'en effet, le fonctionnement convenu du compte-courant, et l'exigibilité du solde débiteur de l'adhérent n'exige pas la production des factures et des bons de commande, dès lors que sont versés au débat l'intégralité du compte tiers du 30 juin 2006 au 30 juin 2013, ainsi que le relevé de compte arrêté au 31 octobre 2009, celui arrêté au 30 novembre 2009, au 31 décembre 2009, au 31 janvier 2010 et au 28 février 2010 (pièce 23);

Attendu qu'il suffit de se référer au compte tiers à la date du 28 février 2010 pour constater que le solde du correspond très exactement à celui porté sur le relevé de compte de la même date (pièce 23), toutes les opérations postérieures consistant en des factures qui ont été réglées, en débit, ou à des intérêts qui ne sont pas discutés, toujours en débit ;

Attendu que cela veut dire qu'à tout le moins depuis février 2010, l'adhérente était parfaitement informée des factures puisqu'elle les payait, ce qui réduit le débat à sa contestation sur la réception des relevés de compte courant produits aux débats ;

Attendu que le retard invoqué de la coopérative à produire ses relevés n'a pas d'emport juridique, dans la mesure où c'est la discussion sur la jurisprudence de la cour d'appel de Toulouse et de la Cour de cassation qui a porté le débat, de proche en proche, sur la réception de ces documents sans protestation ;

Attendu que force est de constater que l'argumentation de l'adhérente revient à affirmer que depuis le 30 juin 2006, ou une date non autrement précisée, elle n'a reçu aucun document de la coopérative, alors même que se conformant au fonctionnement du comptecourant, elle a réduit le débit résultant de cet extrait par des chèques au montant non négligeable, à savoir 1000 € le 31 octobre 2006, 19 1771,19 euros le 16 janvier 2008, 1500 € le 15 décembre 2008, 1034,78 euros le 16 février 2010 ;

Attendu que la même argumentation revient à affirmer que sans recevoir aucune facture, aucune commande, aucun relevé de compte elle a néanmoins payé toutes les factures depuis le 21 février 2010 ;

Attendu qu'en réalité il est affirmé que sans aucune information sur le compte-courant, dont on ne conteste pas qu'il lui soit parfaitement opposable dans son principe, on a procédé à des paiements partiels mais importants, et l'on a réglé sans autre demande d'explication toutes les factures depuis février 2010 ;

Attendu que la cour estime que la démonstration est suffisante en réalité du respect de l'information prévue contractuellement, par l'envoi des relevés de compte qui n'ont pas fait l'objet de réserves ou de protestation, au vu des éléments ci-dessus retenus ;

Attendu que le fonctionnement de ce compte-courant, et l'exigibilité du solde qui s'en déduit, ne dépend pas du respect des modalités d'enlèvement des marchandises et de leurs facturations, résultant du règlement intérieur d'AUDECOOP, et dont l'adhérente se plaint à ce jour qu'elles n'ont pas été communiqués ;

Attendu qu'en effet, et dès lors que la démonstration est suffisante de l'envoi des relevés de compte, sans protestation ni réserve, la réclamation des bons de commande et des facturations, lorsque le solde résultant du compte-courant est exigé, revient à éluder totalement la rencontre des volontés des parties lorsqu'ils ont convenu de cette convention de compte-courant ;

Attendu que la créance résultant du solde débiteur du compte-courant est donc suffisamment démontrée, qui résulte notamment en réalité aussi des intérêts qui se sont accumulés, et qui sont parfaitement opposables à l'intéressée, en sa qualité d'adhérente d'ARTERRIS depuis la fusion-absorption ;

Attendu que c'est donc une infirmation du premier jugement qui s'impose » ;

1° Alors qu'aux termes de l'article 13 du règlement intérieur de la société Audecoop, les marchandises acquises par les sociétaires auprès de la coopérative ne pouvaient être remises qu'après l'établissement d'un bon de sortie signé par le sociétaire ou d'une facture ; qu'il en résulte que la preuve de dettes d'un sociétaire au titre de marchandises livrées par la coopérative ne pouvait être apportée que par la production de bons de sortie ou de factures ; qu'en jugeant au contraire que la production de bons de sortie ou de factures n'était pas requise et en se fondant exclusivement sur des relevés de compte courant et un extrait de compte tiers produits par la société Arterris, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2° Alors, en tout état de cause que, la preuve d'une créance de solde débiteur de compte courant ne peut résulter de la production des relevés du compte que si ceux-ci sont produits dans leur totalité ; que, pour condamner Mme [Z] au paiement du solde débiteur du compte courant, la cour d'appel s'est contentée de relever qu'étaient produits les relevés de compte des 31 octobre 2009, 30 novembre 2009, 31 décembre 2009, 31 janvier 2010, 28 février 2010 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que l'ensemble des relevés de compte permettant de reconstituer le solde débiteur du compte courant ouvert dans les comptes de la société Arterris étaient produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

3° Alors que la preuve d'un solde débiteur de compte courant ne peut résulter de la production des relevés du compte que s'il est établi que ces relevés ont été envoyés et réceptionnés par le titulaire du compte ; que, pour condamner Mme [Z] au paiement du solde débiteur du compte courant, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'elle avait réduit le débit du compte courant par des chèques déposés en 2006, 2008 et 2010, et qu'elle avait payé toutes ses factures depuis le 21 février 2010 ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à établir que Mme [Z] avait reçu les relevés de compte sur la période 2006-2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353 du code civil

4° Alors que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; que pour dire que Mme [Z] avait reçu les relevés de compte, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que Mme [Z] avait procédé à quatre paiements partiels en 2006, 2008 et 2010 et qu'elle avait payé toutes les factures depuis février 2010, la cour a statué par des motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-21827
Date de la décision : 09/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 03 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 mar. 2022, pourvoi n°19-21827


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.21827
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