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02/03/2022 | FRANCE | N°21-25385

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 mars 2022, 21-25385


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 306 FS+B

Pourvoi n° B 21-25.385

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

Le président de la Commission nationale de protection et de réinsertion

(CNPR), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-25.385 contre l'ordonnance rendue le 14 octobre 2021 par le premier président...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 306 FS+B

Pourvoi n° B 21-25.385

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

Le président de la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-25.385 contre l'ordonnance rendue le 14 octobre 2021 par le premier président la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [U] [Y],

2°/ à Mme [W] [I], épouse [Y],

domiciliés tous deux chez Mme [J] [N], [Adresse 1], pris tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [Z], [K] et [R] [Y],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du président de la Commission nationale de protection et de réinsertion, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme [Y],en leur nom personnel et és qualitès et l'avis écrit de M. Sassoust, avocat général, et l'avis oral de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1.Selon l'ordonnance attaquée (Paris, 14 octobre 2021), rendue par le premier président de la cour d'appel de Paris, M. et Mme [Y] et leurs trois enfants (les consorts [Y]) ont bénéficié de mesures de protection et de réinsertion décidées par la Commission nationale de protection et de réinsertion (la CNPR) en application de l'article 706-63-1 du code de procédure pénale et du décret n° 2014-346 du 17 mars 2014, relatif à la protection des personnes mentionnées aux articles 706-62-2 et 706-63-1 du code de procédure pénale. Par ordonnance du 1er mars 2018, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé les consorts [Y] à faire usage d'une identité d'emprunt.

2. Le 15 avril 2021, invoquant des manquements graves et réitérés de nature à compromettre le bon déroulement des mesures de protection et de réinsertion dont ils bénéficiaient, la CNPR a décidé d'exclure les consorts [Y] du programme de protection.

3. Par requête du 29 avril 2021, le président de la CNPR a demandé au président du tribunal judiciaire de Paris de mettre fin à l'autorisation d'usage de l'identité d'emprunt accordée aux consorts [Y].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le président de la CNPR fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête, alors :

« 1°/ que la CNPR est seule compétente pour définir les mesures de protection accordées aux personnes définies à l'article 132-78 du code pénal, assurer leur suivi, les modifier ou y mettre fin ; que l'usage d'une identité d'emprunt ne peut être autorisé par l'autorité judiciaire, sur requête du président de la CNPR, que dans le cadre d'un régime de protection accordé par la CNPR ; que dès lors, si l'autorité judiciaire, saisie par une demande du président de la CNPR de retrait de l'autorisation de l'usage d'une double identité, constate qu'il a été mis fin au programme de protection, elle est tenue de retirer l'identité d'emprunt accordée ; qu'en jugeant le contraire et en se livrant à l'examen de la pertinence du retrait des mesures de protection et du bien-fondé du retrait de l'identité d'emprunt, le Premier président de la cour d'appel de Paris a violé les articles 706-63-1 du code de procédure pénale et 23 alinéa 1 du décret n° 2014-346 du 17 mars 2014 ;

2°/ que le droit à la vie n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution ; qu'en jugeant pourtant que ces dispositions lui donnaient compétence pour effectuer un contrôle de proportionnalité entre les manquements invoqués et le retrait de l'identité d'emprunt, au motif que ce retrait exposerait les intéressés à un danger de mort, le Premier président de la cour d'appel de Paris a violé l'article 66 de la Constitution ;

3°/ que par voie de conséquence, après avoir constaté que la CNPR avait exclu M. [Y] et sa famille du programme de protection, c'est au prix d'un excès de pouvoir que le Premier président de la cour d'appel de Paris a opéré un contrôle de proportionnalité et a rejeté la demande de retrait de l'identité d'emprunt en substituant sa propre appréciation à celle de la CNPR. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 706-63-1 du code de procédure pénale et le décret n° 2014-346 du 17 mars 2014, une protection peut être accordée aux collaborateurs de justice ayant bénéficié d'une exemption de peine ou d'une réduction de peine encourue en application des dispositions de l'article 132-78 du code pénal comportant, d'une part, des mesures de protection et de réinsertion qui sont définies par la CNPR, d'autre part, l'usage d'une identité d'emprunt qui doit être autorisé par une ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris.

6. En application de l'article 23 du décret précité, le président de la CNPR peut saisir le président de ce tribunal d'une demande de retrait de l'autorisation de l'usage d'une identité d'emprunt soit lorsque cette mesure n'apparaît plus nécessaire, notamment lorsque la commission met fin aux mesures de protection et de réinsertion précédemment accordées, soit lorsque la personne qui bénéficie de l'autorisation adopte un comportement incompatible avec la mise en oeuvre ou le bon déroulement de cette mesure.

7. Il en résulte qu'il appartient alors au président du tribunal d'apprécier le bien-fondé de la requête, au regard des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis et notamment des conséquences du retrait de l'autorisation sur la sécurité des intéressés, que cette requête soit motivée par la fin des mesures de protection et de réinsertion précédemment accordées par la CNPR ou par le comportement de la personne.

8. Dès lors, c'est sans excéder ses pouvoirs et à bon droit que le premier président de la cour d'appel de Paris a jugé qu'il lui appartenait d'apprécier le bien-fondé de la requête du président de la CNPR et c'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de fait qui lui étaient soumis qu'il a estimé qu'il n'y avait pas lieu de mettre fin à l'autorisation d'usage de l'identité d'emprunt accordée aux consorts [Y] en raison du grave danger auquel ils seraient alors exposés.

9. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui s'attaque à des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le président de la Commission nationale de protection et de réinsertion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [Y], tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [Z], [K] et [R] [Y] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le président de la Commission nationale de protection et de réinsertion.

Le président de la Commission Nationale de Protection et deRéinsertion fait grief à l'ordonnance attaquée de rejeter sa requête visant au retrait de l'autorisation de l'identité d'emprunt accordée au bénéfice de M. [U] [Y], Mme [W] [I] épouse [Y] et de leurs trois enfants mineurs [Z], [K] et [R] [Y],

1°) ALORS QUE la commission Nationale de Protection et de Réinsertion est seule compétente pour définir les mesures de protection accordées aux personnes définies à l'article 132-78 du code pénal, assurer leur suivi, les modifier ou y mettre fin ; que l'usage d'une identité d'emprunt ne peut être autorisé par l'autorité judiciaire, sur requête du président de la CNPR , que dans le cadre d'un régime de protection accordé par la Commission Nationale de Protection et de Réinsertion ; que dès lors, si l'autorité judiciaire, saisie par une demande du président de la CNPR de retrait de l'autorisation de l'usage d'une double identité, constate qu'il a été mis fin au programme de protection, elle est tenue de retirer l'identité d'emprunt accordée ; qu'en jugeant le contraire et en se livrant à l'examen de la pertinence du retrait des mesures de protection et du bien-fondé du retrait de l'identité d'emprunt, le Premier président de la cour d'appel de Paris a violé les articles 706-63-1 du code de procédure pénale et 23 alinéa 1 du décret n° 2014-346 du 17 mars 2014 ;

2°) ALORS QUE le droit à la vie n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution ; qu'en jugeant pourtant que ces dispositions lui donnaient compétence pour effectuer un contrôle de proportionnalité entre les manquements invoqués et le retrait de l'identité d'emprunt, au motif que ce retrait exposerait les intéressés à un danger de mort, le Premier président de la cour d'appel de Paris a violé l'article 66 de la Constitution ;

3°) ALORS QUE par voie de conséquence, après avoir constaté que la Commission nationale de protection et de réinsertion avait exclu M. [Y] et sa famille du programme de protection, c'est au prix d'un excès de pouvoir que le Premier président de la cour d'appel de Paris a opéré un contrôle de proportionnalité et a rejeté la demande de retrait de l'identité d'emprunt en substituant sa propre appréciation à celle de la CNPR.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-25385
Date de la décision : 02/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Protection accordée aux collaborateurs de justice - Usage d'une identité d'emprunt - Demande de retrait - Office du juge - Appréciation du bien-fondé de la demande - Fondement de la demande - Indifférence

Selon l'article 706-63-1 du code de procédure pénale et le décret n° 2014-346 du 17 mars 2014, une protection peut être accordée aux collaborateurs de justice ayant bénéficié d'une exemption de peine ou d'une réduction de peine encourue en application des dispositions de l'article 132-78 du code pénal comportant, d'une part, des mesures de protection et de réinsertion qui sont définies par la commission nationale de protection et de réinsertion, d'autre part, l'usage d'une identité d'emprunt qui doit être autorisé par une ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris. En application de l'article 23 du décret précité, le président de ladite commission peut saisir le président de ce tribunal d'une demande de retrait de l'autorisation de l'usage d'une identité d'emprunt soit lorsque cette mesure n'apparaît plus nécessaire, notamment lorsque la commission met fin aux mesures de protection et de réinsertion précédemment accordées, soit lorsque la personne qui bénéficie de l'autorisation adopte un comportement incompatible avec la mise en oeuvre ou le bon déroulement de cette mesure. Il en résulte qu'il appartient alors au président du tribunal d'apprécier le bien-fondé de la requête, au regard des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis et notamment des conséquences du retrait de l'autorisation sur la sécurité des intéressés, que cette requête soit motivée par la fin des mesures de protection et de réinsertion précédemment accordées par la commission ou par le comportement de la personne


Références :

Article 706-63-1 du code de procédure pénale

article 23 du décret n° 2014-346 du 17 mars 2014.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 mar. 2022, pourvoi n°21-25385, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.25385
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