La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2022 | FRANCE | N°20-23489

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 02 mars 2022, 20-23489


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 225 F-D

Pourvoi n° V 20-23.489

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

1°/ M. [G] [K], domicilié [Adresse 1],

2°/ Mme [

E] [K], domiciliée [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° V 20-23.489 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (chambr...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 225 F-D

Pourvoi n° V 20-23.489

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

1°/ M. [G] [K], domicilié [Adresse 1],

2°/ Mme [E] [K], domiciliée [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° V 20-23.489 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (chambre de l'expropriation), dans le litige les opposant :

1°/ à la Société d'aménagement de Montpellier méditerranée métropôle (SA3M), société publique locale, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au commissaire du gouvernement du département de l'Hérault, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [K], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société d'aménagement de Montpellier méditerranée métropôle, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [K] du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. L'arrêt attaqué (Montpellier, 23 octobre 2020) fixe les indemnités revenant à M. et à Mme [K] par suite de l'expropriation, au profit de la Société d'aménagement de Montpellier méditerranée métropole (la SA3M), de parcelles leur appartenant.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première à quatrième branches et en sa septième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [K] fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait l'indemnité de dépossession, alors :

« 1°/ que constitue un terrain à bâtir le terrain qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, est, quelle que soit son utilisation, à la fois situé dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, et effectivement desservi par les réseaux ; qu'en décidant que les terrains litigieux ne seraient pas situés dans un secteur désigné comme constructible par le plan local d'urbanisme, après avoir constaté qu'à la date de référence, ces terrains étaient situés dans une zone à urbaniser permettant une constructibilité très limitée, ce dont il résulte qu'ils répondaient à cette première condition, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°/ que constitue un terrain à bâtir le terrain qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, est, quelle que soit son utilisation, à la fois situé dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, et effectivement desservi par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement ; que lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone ; qu'en considérant que la dimension des réseaux devait être appréciée au regard de l'ensemble de la zone, après avoir constaté qu'à la date de référence, les parcelles litigieuses n'étaient pas encore situées dans la zone d'aménagement concerté qui n'a été approuvée que par délibération du 22 décembre 2008, mais dans une zone à urbaniser dans laquelle elles faisaient l'objet d'un projet d'urbanisation d'ensemble, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

3°/ que le juge ne peut écarter la qualification de terrain à bâtir sans constater à la date de référence, l'absence des conditions posées par loi ; qu'en se fondant pour écarter la qualification de terrain à bâtir des parcelles litigieuses, sur l'absence de démonstration de la desserte de ces parcelles par tous les réseaux de dimensions suffisantes eu égard à l'ensemble de la zone, sans constater l'absence de cette condition, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'expropriation. »

Réponse de la Cour

5. Ayant relevé que les parcelles étaient situées dans un secteur qui se caractérisait par l'inconstructibilité de la zone en l'état, excepté pour les équipements publics et les extensions mesurées de bâtiments existants, la cour d'appel a pu déduire de ce seul motif que les conditions permettant de qualifier les parcelles de terrains à bâtir, au sens de l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, n'étaient pas réunies.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

7. M. [K] fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité globale de dépossession à la somme de 104 197 euros et de rejeter les autres demandes, alors :

« 5°/ qu'en se fondant, pour refuser d'indemniser les constructions qui se trouvaient sur les parcelles expropriées à la date de référence, sur la circonstance qu'il ne serait pas justifié que ces constructions ont été édifiées de façon légale, quand c'est à l'expropriant qu'il incombait de démontrer ses allégations concernant la prétendue illégalité des constructions, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 du code de l'expropriation et 1353 du code civil ;

6°/ qu'en énonçant, pour refuser d'indemniser les constructions qui se trouvaient sur les parcelles expropriées à la date de référence, qu'il « semble qu'il s'agisse de constructions précaires qui ne constituent pas une plus-value mais au contraire une moins-value pour les terrains », la cour d'appel a statué par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, 1353 du code civil et 455 du code de procédure civile :

8. Aux termes du premier de ces textes, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

9. Selon le deuxième, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

10. Il résulte du troisième que tout jugement doit être motivé.

11. Pour refuser d'indemniser la perte des constructions édifiées sur les parcelles expropriées, l'arrêt retient qu'il n'est pas justifié de ce que ces bâtiments, constitués d'une petite remise bâtie et de nombreuses constructions précaires, ont été édifiés de façon légale et qu'il semble qu'il s'agisse de constructions précaires qui ne constituent pas une plus-value mais au contraire une moins-value pour les terrains.

12. En statuant ainsi, par des motifs hypothétiques quant au caractère précaire des bâtiments et à la moins-value qu'ils constituent, et alors que la preuve de l'illégalité des constructions édifiées sur les parcelles incombe à l'expropriant qui l'invoque, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite l'indemnisation à la somme de 127 131 euros et rejette l'indemnisation de la valeur des constructions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la Société d'aménagement de Montpellier méditerranée métropole aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'aménagement de Montpellier méditerranée métropole et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [K]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. et Mme [K] font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé l'indemnité globale de dépossession leur revenant pour l'expropriation de leurs parcelles situées à [Adresse 5] cadastrées sections [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] à la somme de 104.197 euros et d'avoir rejeté leurs demandes ;

1°- ALORS QUE constitue un terrain à bâtir le terrain qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1 ou, dans le cas prévu à l'article L122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, est, quelle que soit son utilisation, à la fois situé dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, et effectivement desservi par les réseaux ; qu'en décidant que les terrains litigieux ne seraient pas situés dans un secteur désigné comme constructible par le plan local d'urbanisme, après avoir constaté qu'à la date de référence, ces terrains étaient situés dans une zone à urbaniser permettant une constructibilité très limitée, ce dont il résulte qu'ils répondaient à cette première condition, la Cour d'appel a violé l'article L 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°- ALORS QUE constitue un terrain à bâtir le terrain qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1 ou, dans le cas prévu à l'article L122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, est, quelle que soit son utilisation, à la fois situé dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, et effectivement desservi par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement ; que lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone ; qu'en considérant que la dimension des réseaux devait être appréciée au regard de l'ensemble de la zone, après avoir constaté qu'à la date de référence, les parcelles litigieuses n'étaient pas encore situées dans la zone d'aménagement concerté qui n'a été approuvée que par délibération du 22 décembre 2008, mais dans une zone à urbaniser dans laquelle elles faisaient l'objet d'un projet d'urbanisation d'ensemble, la Cour d'appel a violé l'article L 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

3°- ALORS QUE le juge ne peut écarter la qualification de terrain à bâtir sans constater à la date de référence, l'absence des conditions posées par loi ; qu'en se fondant pour écarter la qualification de terrain à bâtir des parcelles litigieuses, sur l'absence de démonstration de la desserte de ces parcelles par tous les réseaux de dimensions suffisantes eu égard à l'ensemble de la zone, sans constater l'absence de cette condition, la Cour d'appel a violé l'article L 322-3 du code de l'expropriation.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. et Mme [K] font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé l'indemnité globale de dépossession leur revenant pour l'expropriation de leurs parcelles situées à [Adresse 5] cadastrées sections [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] à la somme de 104.197 euros et d'avoir rejeté leurs demandes ;

1°- ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait sans préciser l'usage effectif des parcelles litigieuses à la date de référence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 322-2 du code de l'expropriation ;

2°- ALORS QUE les biens sont estimés à la date de la décision de première instance ; qu'en retenant, pour évaluer l'indemnité d'expropriation, à titre d'éléments de comparaison, des jugements rendus en 2011, 2013 et 2014 et des ventes réalisées en 2012, quand la décision de première instance était intervenue le 28 novembre 2018, la Cour d'appel a violé l'article L 322-2 du code de l'expropriation ;

3°- ALORS QU'en se fondant pour retenir les éléments de comparaison invoqués par l'expropriant et le commissaire du gouvernement sur leur localisation en zone AU0, sans égard pour la nature et l'usage des parcelles concernées, qu'elle n'a pas vérifiés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 322-2 du code de l'expropriation ;

4°- ALORS QU'il ne peut être tenu compte que des servitudes et restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date de référence prévue par l'alinéa 2 de l'article L 322-2 du code de l'expropriation ; qu'en se fondant pour évaluer les parcelles litigieuses sur l'existence d'une servitude résultant du classement de ces parcelles dans une zone concernée par les risques d'inondation, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si le plan de prévention des risques d'inondation invoqué par l'expropriant, n'était pas postérieur à la date de référence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 322-2 du code de l'expropriation ;

5°- ALORS QU'en se fondant, pour refuser d'indemniser les constructions qui se trouvaient sur les parcelles expropriées à la date de référence, sur la circonstance qu'il ne serait pas justifié que ces constructions ont été édifiées de façon légale, quand c'est à l'expropriant qu'il incombait de démontrer ses allégations concernant la prétendue illégalité des constructions, la Cour d'appel a violé les articles L 321-1 du code de l'expropriation et 1353 du code civil ;

6°- ALORS QU'en énonçant, pour refuser d'indemniser les constructions qui se trouvaient sur les parcelles expropriées à la date de référence, qu'il « semble qu'il s'agisse de constructions précaires qui ne constituent pas une plus-value mais au contraire une moins-value pour les terrains », la Cour d'appel a statué par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

7°- ALORS QUE le juge ne peut se livrer à un abattement pour occupation des parcelles expropriées, sans constater cette occupation à la date de référence ; qu'en se fondant pour retenir un abattement de 20%, sur l'absence de justification par les expropriés qu'à la date du jugement de première instance à laquelle doit être examinée la consistance des biens, les parcelles étaient libres de toute occupation, la Cour d'appel a violé les articles L 322-1 et 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-23489
Date de la décision : 02/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 23 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 02 mar. 2022, pourvoi n°20-23489


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23489
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award