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02/03/2022 | FRANCE | N°20-11092

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2022, 20-11092


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 259 FS-D

Pourvoi n° V 20-11.092

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MARS 2022

M. [B] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-11.092 contre l'arrêt rendu

le 21 novembre 2019, rectifié le 19 décembre 2019, par la cour d'appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l'opposant à la sociét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 259 FS-D

Pourvoi n° V 20-11.092

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MARS 2022

M. [B] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-11.092 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, rectifié le 19 décembre 2019, par la cour d'appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Wipro Limited, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Wipro Limited, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 21 novembre 2019 et 19 décembre 2019 ), M. [K] a été engagé le 12 avril 2010 par la société Wipro Limited en qualité de business development manager. La convention collective applicable était la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

2. Le 22 décembre 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de demandes subséquentes.

3. Il a été licencié le 29 septembre 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche et le second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt rendu le 21 novembre 2019 de le débouter de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes, alors :

« 2°/ que la cour d'appel a constaté que les dispositions de la convention collective Syntec n'étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé de M. [K], que la société ne démontrait pas avoir appliqué l'avenant du 1er avril 2014 améliorant les dispositions conventionnelles initiales, qu'elle ne justifiait pas d'avantage avoir régulièrement vérifié l'adéquation entre la charge de travail du salarié, l'organisation de son travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, de sorte que la convention de forfait devait être déclarée nulle ; qu'en concluant néanmoins à l'absence de manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire, quant il ressortait de ses propres constatations que la société Wipro Limited n'avait, en lui imposant une convention de forfait illicite, pas protégé sa sécurité et sa santé, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant pour exclure que l'application au salarié d'une convention de forfait nulle puisse justifier que la rupture soit imputé à son employeur, que M. [K] ne démontrait pas que le calcul de son temps de travail en découlant lui avait causé un préjudice puisqu'il ne prétendait pas avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées, quand elle avait elle-même constaté qu'en lui imposant cette convention l'employeur n'avait pas assuré la protection de sa santé et de sa sécurité et qu'il avait été placé en arrêt maladie en octobre et novembre 2014, la cour d'appel a une nouvelle fois violé l'article L. 1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel devant laquelle le salarié soutenait que le contrat de travail devait être résilié au motif qu'il comportait une convention de forfait illicite sans que ce dernier n'invoque les conséquences de cette stipulation sur la poursuite de la relation de travail a pu, tout en déclarant la convention nulle, en déduire que la seule signature d'une convention de forfait en jours nulle n'était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [K]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir débouté M. [K] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes subséquentes au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE "sur l'exécution déloyale du contrat de travail : M. [K], qui exerçait au sein du pôle télécom et avait pour client les comptes SFR et Orange, reproche à son employeur de ne plus lui avoir fourni de travail dès lors que des négociations ont été entamées pour parvenir à une rupture négociée de son contrat de travail, soit à compter du 2 septembre 2014 ; qu'il expose que ce n'est que le 2 décembre 2014, malgré de nombreuses demandes de sa part durant cette période, que la société Wipro Limited lui a proposé un poste d'account manager sur le secteur de la banque pour traiter le client Société Générale avec prise de poste 4 jours plus tard, soit à compter du 8 décembre 2014 ; qu'il indique donc que la société Wipro Limited ne lui a plus fourni de travail pendant 3 mois, ce qui correspond à une mise au placard en l'absence de force majeure ou de circonstances particulières permettant à l'employeur de réduire ou d'interrompre temporairement l'activité ;
Que la société Wipro Limited soutient que M. [K] instrumentalise son dossier, puisqu'il a, dans le cadre de sa demande de départ négocié, été en arrêt maladie entre le 29/10/2014 au 7/11/2014, prolongé jusqu'au 21/11/2014 et qu'après son retour le 24/11/2014, l'employeur lui a confié, à compter du 8/12/2014, la gestion du compte Société Générale rattaché au pôle banque avec qualification et rémunération identiques et qu'il a reçu, à compter du 08/12/2014 jusqu'au 6/01/2015, un nouvel arrêt de travail du salarié qui a saisi durant ce laps de temps le conseil de prud'hommes le 22/12/2014 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que son arrêt de travail étant régulièrement prolongé, la société Wipro Limited a sollicité un contrôle médical du salarié et le 5 juin 2015, le médecin a conclu que l'arrêt de travail n'était plus médicalement justifié, sans que le salarié ne reprenne cependant son poste de travail de sorte que l'employeur a engagé une procédure de licenciement pour abandon de poste ;
Qu'il ressort des documents versés que, début septembre 2014, les parties ont discuté d'une éventuelle rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [K] sans qu'il soit nécessaire de savoir qui est à l'origine de la proposition ; que la présentation faite par M. [K] de la négociation entre les parties dans son mail du 9/10/2014 ne repose que sur ses affirmations (pièce 7 du salarié) et était contestée le 16/10/2004 par la société Wipro Limited (pièce 2 de l'employeur) ; qu'elle ne peut donc être tenue comme justificatif de preuve ;
Que dans ce mail, M. [K] affirmait cependant "j'ai transféré mes dossiers à [M] [E] afin que la cessation de mon activité ne porte pas préjudice à Wipro" ; qu'il ne ressort pas de cette affirmation que la société Wipro Limited ait demandé à M. [K] d'effectuer un tel transfert que celle-ci conteste absolument ; que d'ailleurs, le salarié ne verse aucune directive émanant de son employeur allant en ce sens ;
Que le 17 octobre 2014, M. [K] se disait disponible pour rencontrer la direction des ressources humaines "à mon retour de congés dès lundi" ; que cette rencontre était effective le 23 octobre 2014 et le 29/10/2014, M. [K] était en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 21/11/2014 ;
Qu'à compter du 24/11/2014, M. [K] était à nouveau dans l'entreprise et le 2/12/2014, la société Wipro Limited l'affectait pour le 8/12/2014 dans un nouveau pôle avec qualification et rémunération identiques ;
Qu'il ressort de cette chronologie que contrairement à ce qu'affirme M. [K], il n'est pas démontré que la société Wipro Limited ne lui a pas fourni de travail pendant 3 mois à partir du 2 septembre 2014 comme affirmé par lui, alors que leurs relations se situaient dans le cadre d'une négociation pour rupture conventionnelle et qu'à aucun moment durant cette période, M. [K] n'a reproché à son employeur une absence de fourniture de travail ; que le salarié a été en situation d'arrêts pour congés et pour maladie aux longues périodes décrites et dès qu'il a été en capacité de travailler, la société Wipro Limited l'a affecté dans le pôle banque, puisque le salarié avait "transféré ses dossiers (du pôle télécom) à M. [W]" ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, M. [K] ne justifie nullement de l'inexécution grave et fautive de l'employeur au titre de la fourniture de travail pendant une période de 3 mois ;
Que sur la violation des dispositions légales relatives au licenciement économique : M. [K] expose qu'après son départ de l'entreprise, son poste de travail n'a pas été remplacé de sorte que, dès le 2 septembre et le début de la négociation en vue de son départ amiable, il était invoqué une perspective de croissance limitée au sein du secteur des télécoms, justifiant qu'un des deux commerciaux quitte l'entreprise ; que d'ailleurs, il explique qu'il a été envisagé de l'affecter dans le pôle banque ce qui démontre que la proposition de rupture amiable qui lui a été faite était animée par un motif économique, ce qui constitue un détournement de la législation sur le licenciement économique ;
Que la société Wipro Limited conteste avoir mis en oeuvre contre ce salarié un licenciement pour motif économique et c'est d'ailleurs parce que son poste de travail n'était pas supprimé que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'elle soutient également que la modification de son compte client entre dans le pouvoir de direction de l'employeur, les comptes orange et SFR n'étant pas contractuellement rattachés à M. [K] ;

Qu'en effet, la cour ne peut qualifier le changement de compte client du salarié engagé par la société Wipro Limited comme une reconnaissance d'un motif économique à la rupture amiable poursuivie par les parties à compter du 2 septembre 2014, et alors que l'emploi de M. [K] a été maintenu jusqu'à son licenciement pour faute le 29 septembre 2015, la société Wipro Limited n'a commis aucun détournement de la législation sur le licenciement économique et n'a pas supprimé son poste de travail en fin d'année 2014 comme prétendu par lui ; qu'il convient de rejeter la contestation de M. [K] de ce chef ;
Que sur le non-respect de l'obligation de résultat en matière de santé et de sécurité : M. [K] indique que "très affaibli par le comportement cavalier de ses supérieurs hiérarchiques qui l'ont placé dans une expectative insupportable quant à son avenir au sein de l'entreprise", il a ressenti une "angoisse importante" et a fait l'objet d'un arrêt de travail le 8/12/2014 renouvelé sans cesse depuis ; que c'est la "perfidie de la défenderesse" qui a eu raison de son état de santé ; qu'il reproche à la société Wipro Limited d'avoir failli à son obligation de résultat de santé et de sécurité, constituant un manquement grave entraînant le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Que la société Wipro Limited expose qu'aucun salarié ne peut lui imposer une transaction alors qu'il a été confié à M. [K], à son retour d'arrêt maladie, un compte client et qu'elle doute de la réalité de l'état de santé de ce salarié qui a fait l'objet d'une contre expertise médicale au cours de laquelle le médecin n'a pu constater les doléances du patient ;
Qu'alors que l'absence de signature de rupture conventionnelle ne peut être reprochée à aucune des parties, celles-ci étant libres de leur consentement à rupture conventionnelle, il n'apparaît pas que M. [K] justifie que son placement en arrêt maladie à compter d'octobre 2014, puis de façon continue à compter de décembre 2014, résulte de manquement de son employeur, malgré les expressions péremptoires par lui retenues dans ses écritures, et même si, à compter du 8 décembre 2014, son médecin traitant a mentionné comme cause de ses arrêts de travail : "conflit employeur/employé", puis le 6 janvier 2015 "stress, conflit au travail en attente changement de travail", puisque ces mentions résultent des seules déclarations du patient et, qu'en dehors du "stress", elles ne relèvent pas de constatations d'ordre médical que le médecin a faites, celui-ci s'étant borné à mentionner les doléances de M. [K] ; que d'ailleurs, le 5 juin 2015, le contrôle médical diligenté par l'employeur a démontré que le médecin du travail n'avait pas validé médicalement la prolongation dudit arrêt alors que le médecin traitant a poursuivi la délivrance d'arrêts de travail ; qu'ainsi, M. [K] ne justifie pas des manquements reprochés à son employeur ayant eu un impact sur sa santé personnelle ;
Que sur la nullité de la convention de forfait en jours, M. [K] expose que la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis est nulle au motif que son contrat de travail mentionne qu'il relevait du statut des cadres dont le temps de travail est défini en jours, soit 218 jours en incluant la journée de solidarité et de la prise de la totalité des jours de congés légaux et qu'il s'engageait à expressément respecter un repos minimum quotidien de 11 heures par jour et un repos hebdomadaire de 35 heures ; qu'il était mentionné que l'organisation de son travail ferait l'objet d'un suivi régulier avec la hiérarchie afin que la durée minimale de repos quotidien soit respectée et que le nombre de jours travaillés ne soit pas dépassé ; qu'en cas de surcharge de travail, le salarié devrait informer dès que possible sa hiérarchie ; que les bulletins de salaire de M. [K] mentionnaient que la relation de travail était soumise à la convention collective Syntec ; qu'il affirme que cette convention de forfait ne respecte pas plus la réglementation européenne, la convention collective Syntec est trop imprécise sur le contrôle de la durée de travail, il ne pouvait être soumis à une telle convention du fait de son absence d'autonomie dans son temps de travail, l'employeur n'ayant pas organisé un entretien annuel d'évaluation de ce temps de travail et enfin, il avait été omis de mentionner les dispositions de l'article L. 3121-48 du code du travail ;
Que la société Wipro Limited retient que pendant plus de 4 ans, M. [K] a travaillé sous ce régime sans faire valoir de critiques et qu'il n'a pas contesté qu'il bénéficiait d'une grande autonomie dans la réalisation de sa prestation de travail, le montant de son salaire en justifiant ; qu'elle affirme que chaque année, le salarié a été reçu par sa hiérarchie pour faire le point sur l'année écoulée et les perspectives sur l'année suivante, entretien durant lequel avait été évoquée son organisation de travail ; qu'enfin, elle indique que le dispositif du forfait jour n'a pas été imposé au salarié qui avait accepté le contrat de travail et les mentions y figurant permettaient l'imputation hebdomadaire du temps passé au travail de sorte que l'article L. 3121-48 du code du travail est inapplicable en l'espèce ;
Que l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 applicable au litige dispose que : "la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions" ;
Que l'article L. 3121-40 du même code précise que : "la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit" ;
Qu'enfin, il ressort de l'article L. 3121-46 qu'"un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié" ;
Qu'il apparaît des mentions portées à la relation de travail que le contrat de travail était soumis à la convention collective Syntec ; qu'au nom du droit à la santé et au repos du salarié, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximes de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; qu'or, les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ce dernier ;
Que le 1er avril 2014, un avenant modifiant les conditions d'attributions du forfait en jours était signé par les partenaires sociaux pour modifier cette convention collective Syntec et mentionne la nécessité de rencontrer le salarié au minimum deux fois par an afin de veiller à sa santé et à sa sécurité ;
Que néanmoins, il n'est pas justifié que la société Wipro Limited ait appliqué ces nouvelles dispositions à son salarié en lui faisant signer un avenant l'en informant ;
Que de plus, il n'est pas plus justifié que l'employeur ait vérifié régulièrement, et même une fois par an, l'adéquation entre la charge de travail de ce salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale lors d'entretiens annuels dont aucun n'est produit par les parties de sorte que, dans ces conditions, la convention de forfait en jours appliquée à M. [K] doit être déclarée nulle ;
Que néanmoins si la cour prononce la nullité de la convention de forfait en jours, il apparaît que M. [K] ne démontre pas que le calcul de son temps de travail en découlant lui a causé un préjudice puisqu'il ne prétend pas avoir fait des heures de travail qui ne lui auraient pas été rémunérées de sorte que la seule signature d'une convention de forfait jour nulle ne constitue pas un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail ;
qu'en conséquence, le salarié ne justifie d'aucun manquement suffisamment grave ayant empêché la poursuite du contrat de travail de sorte que la cour le déboute de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'il convient d'infirmer de ce chef le jugement entrepris ; qu'il convient de débouter M. [K] de toutes ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ; que le jugement sera également infirmé de ces chefs ".

1/ ALORS QUE l'employeur est tenu de fournir au salarié une prestation de travail à accomplir ; que la société Wipro Limited n'avait produit devant les juges aucun élément attestant de ce que, à réception du courriel de M. [K] du 9 octobre 2014 rappelant que dès le 2 septembre il avait progressivement dû transférer ses dossiers à [M] [W], elle aurait contesté la réalité du transfert de ces dossiers et l'absence de prestation accomplie en conséquence par le salarié ; qu'en écartant néanmoins le premier manquement invoqué par le salarié, tenant à une absence de prestation de travail que l'employeur lui-même ne contestait pas formellement, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

2/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que les dispositions de la convention collective Syntec n'étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé de M. [K], que la société ne démontrait pas avoir appliqué l'avenant du 1er avril 2014 améliorant les dispositions conventionnelles initiales, qu'elle ne justifiait pas davantage avoir régulièrement vérifié l'adéquation entre la charge de travail du salarié, l'organisation de son travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, de sorte que la convention de forfait devait être déclarée nulle ; qu'en concluant néanmoins à l'absence de manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire, quand il ressortait de ses propres constatations que la société Wipro Limited n'avait, en lui imposant une convention de forfait illicite, pas protégé sa sécurité et sa santé, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

3/ ALORS QU'en retenant, pour exclure que l'application au salarié d'une convention de forfait nulle puisse justifier que la rupture soit imputée à son employeur, que M. [K] ne démontrait pas que le calcul de son temps de travail en découlant lui aurait causé un préjudice puisqu'il ne prétendait pas avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées, quand elle avait elle-même constaté qu'en lui imposant cette convention l'employeur n'avait pas assuré la protection de sa santé et de sa sécurité et qu'il avait été placé en arrêt maladie en octobre et novembre 2014, la cour d'appel a une nouvelle fois violé l'article L. 1231 1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché aux arrêts attaqués d'avoir débouté M. [K] de sa demande d'indemnité pour exécution déloyale de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE " sur l'indemnité pour travail dissimulé et nullité du forfait jours : M. [K] réclame la condamnation de la société Wipro Limited à lui verser une indemnité pour travail dissimulé ;
Que l'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ; qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;
Que l'article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;
Que néanmoins, à défaut pour M. [K] de même prétendre avoir fait des heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées par l'employeur, il ne peut avoir droit à percevoir l'indemnité pour travail dissimulé prévue par les articles ci-dessus mentionnés, le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé ne pouvant résulter de la seule application d'une convention de forfait illicite à la relation de travail ;
Que M. [K] expose qu'au cas où la cour ne prononcerait pas la nullité de la convention de forfait, il sollicite subsidiairement la condamnation de son ancien employeur au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ; que la cour retenant le caractère illicite de la convention de forfait, il ne peut être fait droit à cette demande subsidiaire ; que le jugement sera confirmé de ce chef " ;

ALORS QU'une convention de forfait nulle en ce qu'elle ne garantit pas la protection de la santé et de la sécurité du salarié est privée d'effet ; que si M. [K] avait certes sollicité des dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail dans l'hypothèse où la cour d'appel n'aurait pas prononcé la nullité de la convention de forfait, il n'en demeurait pas moins qu'il avait justifié cette demande subsidiaire en invoquant le fait que l'application d'une convention privée d'effet lui avait causé un préjudice ; qu'en retenant, pour le débouter de cette demande, qu'elle aurait retenu le caractère illicite de la convention, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article L. 1222 1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-11092
Date de la décision : 02/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 21 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2022, pourvoi n°20-11092


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.11092
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