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23/02/2022 | FRANCE | N°21-85050

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 février 2022, 21-85050


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 21-85.050 FS-B

N° 00171

ECF
23 FÉVRIER 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 FÉVRIER 2022

M. [L] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 15 juin 2021, qui, dans l'information

suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment et complicité d'infraction à la législation sur les arm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 21-85.050 FS-B

N° 00171

ECF
23 FÉVRIER 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 FÉVRIER 2022

M. [L] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 15 juin 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment et complicité d'infraction à la législation sur les armes en récidive, a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 4 octobre 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L] [G], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, Mme Planchon, M. d'Huy, M. Turcey, M. de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, conseiller référendaire, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une mission de contrôle, des douaniers ont découvert sur une aire d'autoroute un véhicule vide de tout occupant dans lequel étaient visibles des billets de banque enveloppés dans du papier cellophane, ainsi qu'une housse noire de forme allongée, fermée. Leurs chiens stupéfiants ayant de plus marqué ce véhicule, ils ont procédé à sa fouille, après le bris de l'une de ses vitres et découvert 3 000 euros en espèces, trois grammes de résine de cannabis et un sac contenant de nombreuses armes.

3. Les investigations ont conduit à la mise en examen de M. [L] [G], propriétaire du véhicule fouillé, des chefs de blanchiment, association de malfaiteurs et complicité d'infraction à la législation sur les armes. Il a été placé en détention provisoire.

4. Par requête reçue au greffe le 19 mars 2021, son avocat a sollicité l'annulation de la fouille du véhicule et de l'ensemble des actes subséquents, outre la remise en liberté du mis en examen.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. [G] tendant à voir prononcer la nullité de la fouille du véhicule Renault Clio n° [Immatriculation 1] en date du 3 juillet 2020, à dire et juger que ladite fouille constitue le support de l'intégralité de la procédure, à prononcer subséquemment l'annulation de l'intégralité de la procédure et à ordonner sa remise en liberté, alors :

« 1°/ que l'article 60 du code des douanes n'autorise la réalisation d'aucune mesure coercitive ; que dès lors, sauf en cas d'urgence, les agents des douanes ne peuvent, sur le fondement de ce texte, ouvrir par effraction un véhicule en stationnement pour procéder à sa fouille en l'absence de son propriétaire ou de son conducteur, et en l'absence d'autorisation de l'autorité judiciaire ; qu'en retenant le contraire, pour refuser d'annuler la fouille du véhicule de M. [G], la chambre de l'instruction a violé l'article 60 du code des douanes ensemble le principe du droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que toute opération de fouille de véhicule doit être exécutée en présence de son propriétaire, de son conducteur ou d'un témoin, afin de préserver le formalisme d'authentification des objets qui y seraient découverts ; qu'en refusant d'annuler la fouille d'un véhicule vide de tout occupant et fermé à clé, réalisée par les agents des douanes par effraction du véhicule, en l'absence de tout témoin, au motif que les objets découverts font l'objet d'un inventaire immédiat, ne font l'objet d'aucune investigation et sont transmis sans délai à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il les saisisse et les place sous scellés, cependant que l'absence de témoin assistant aux opérations de fouille empêche toute contestation relative à la régularité, l'authenticité et la loyauté des opérations menées dans son véhicule, et lui cause de ce fait nécessairement grief, la chambre de l'instruction a violé l'article 60 du code des douanes ensemble le principe du respect des droits de la défense garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 60 du code des douanes :

6. Aux termes du second de ces textes, pour l'application des dispositions du code des douanes et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes.

7. Cependant, en l'absence de toute garantie posée par la loi visant à s'assurer de l'authentification des recherches et découvertes effectuées, ces dispositions ne sauraient être interprétées comme autorisant les agents des douanes à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant.

8. En l'espèce, pour écarter le moyen tiré de la nullité de la fouille du véhicule effectuée hors la présence de tout occupant, l'arrêt attaqué rappelle qu'il résulte de la jurisprudence que, d'une part, les agents des douanes, agissant dans le cadre d'un contrôle effectué en vertu de l'article 60 du code des douanes, peuvent visiter, notamment sur la voie publique, les marchandises, les personnes et les moyens de transport sans relever l'existence préalable d'un indice laissant présumer la commission d'une infraction et donc indépendamment du comportement des individus, d'autre part, qu'en application de ce texte, ils peuvent appréhender matériellement les indices recueillis à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité.

9. Il retient qu'il résulte du procès-verbal du 3 juillet 2020 que les douaniers ont constaté la présence le même jour à 1 heure 40, sur une aire d'autoroute, d'un véhicule stationné devant la station service, sans occupant à l'intérieur et verrouillé, qu'ils ont observé à travers la vitre avant droite du véhicule la présence de « billets de banque de diverses valeurs faciales en euros enveloppés dans du papier cellophane transparent placés vers le levier de vitesse » ainsi que d'« une housse noire, de forme allongée, fermée par une fermeture éclair, posée sur le plancher avant droit du véhicule », que deux chiens spécialement formés à la détection de produits stupéfiants ont effectué un marquage significatif au niveau avant gauche du véhicule, qu'autorisés par leur hiérarchie, ils ont brisé une vitre du véhicule pour accéder à l'intérieur et ont alors découvert des billets de banque, de nombreuses armes et munitions et de la résine de cannabis.

10. Les juges énoncent que les agents des douanes, agissant dans le cadre des prérogatives qu'ils tiennent de l'article 60 du code des douanes, notamment « en vue de la recherche de la fraude » et après autorisation de leur hiérarchie, afin de rechercher et de constater des infractions de blanchiment douanier prévues par les articles 415 et 415-1 du code des douanes et de circulation irrégulière de marchandises soumises à justificatif d'origine réputées avoir été importées en contrebande (armes et stupéfiants) prévue par les articles 215, 419, 414 du code des douanes et l'arrêté du 11 décembre 2001, pouvaient procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique en l'absence de tout occupant.

11. Ils ajoutent que, compte tenu des prérogatives spécifiques qu'ils tiennent de l'article 60 du code des douanes, les actes accomplis par les douaniers pour rechercher et constater des infractions douanières n'étaient pas soumis au respect des conditions définies par les articles 78-2-2 et 78-2-3 du code de procédure pénale qui s'appliquent à des enquêtes judiciaires et non à des opérations administratives, les pouvoirs des agents des douanes n'étant pas assujettis à d'autres conditions légales que celles explicitées précédemment, étant particulièrement étendus et ne pouvant être assimilés à ceux que les officiers de police judiciaire tiennent du code de procédure pénale.

12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.

13. La cassation est par conséquent encourue

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 15 juin 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois février deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-85050
Date de la décision : 23/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DOUANES - Agent des douanes - Pouvoirs - Droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes - Article 60 du code des douanes - Mesures autorisées - Limites - Article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Applications diverses

Il se déduit des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 60 du code des douanes, qu' en l'absence de toute garantie posée par la loi visant à s'assurer de l'authentification des recherches et découvertes effectuées, les dispositions du second de ces textes ne sauraient être interprétées comme autorisant les agents des douanes à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant. Encourt la cassation, l'arrêt qui, après avoir constaté que les agents des douanes ont pénétré en brisant une vitre à l'intérieur d'un véhicule stationné sur une aire d'autoroute sans occupant, rejette l'exception de nullité de la visite douanière, aux motifs que ces agents ont agi dans le cadre des prérogatives qu'ils tiennent de l'article 60 du code des douanes et après autorisation de leur hiérarchie, afin de rechercher et de constater des infractions de blanchiment douanier et de circulation irrégulière de marchandises soumises à justificatif d'origine réputées avoir été importées en contrebande prévues par le code des douanes


Références :

Article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 60 du code des douanes.

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, 15 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 fév. 2022, pourvoi n°21-85050, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.85050
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